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DYNAMIQUES FAMILIALES CONTEMPORAINES

DYNAMIQUES FAMILIALES ET POLITIQUES DE L'ENFANCE

2. DYNAMIQUES FAMILIALES

2.7 DYNAMIQUES FAMILIALES CONTEMPORAINES

La connaissance des conditions de vie actuelles des familles lusoises est fondamentale pour comprendre l‟essor des accusations des enfants de sorcellerie. Le caractère systématique du recours à la sorcellerie, qui passe à travers la présence de plus en plus prégnante des églises néopentecôtistes et indépendantes, trouve son ancrage dans les changements des conditions de vie des familles et des micropolitiques de l‟enfance au niveau domestique. Dans ce sens, l‟aperçu historique des paragraphes précédents est utile

72 pour une meilleure compréhension de la situation sociale et économique des familles après le boom minier, au début des années 2000.

La condition des familles à cette époque a été analysée par plusieurs études et rapports de recherche qui serviront ici de référence (Petit 2000, 2003 ; Dibwe 2001 ; Nkuku et Rémon 200622). L‟impact des politiques de libéralisation du secteur minier, par contre, a été encore peu étudié. Je ferai donc référence principalement à l‟étude récente de B. Rubbers (2013) et à mes propres observations sur le terrain. Le concept de crise et multicrise ne me semble plus à même d‟expliquer complètement la vaste hétérogénéité des conditions de vie de la population que j‟ai eue à observer au cours de ma recherche (2010-2012). Si, pour une large portion de la population, la qualité de vie, par rapport à la situation des décennies précédentes, reste relativement médiocre, la situation pour d‟autres foyers de niveau de vie moyen s‟est sensiblement améliorée. Je ne dispose pas de chiffres pour corroborer cette affirmation, toutefois j‟ai remarqué que la situation de plusieurs ménages avec lesquels j‟avais eu des contacts en 2006-2007 s‟était nettement améliorée à mon retour en 2010.

L‟objectif de la présentation de conditions de vie d‟un point de vue économique, démographique et sociologique n‟est pas de proposer une hypothèse expliquant l‟accusation des enfants de sorcellerie par la pauvreté ou la détérioration des conditions de vie des ménages lushois. Cette hypothèse est celle des métarécits de la modernité présents dans plusieurs études utilisés pour expliquer la résurgence de discours sorcellaires et va dans le sens du discours misérabiliste véhiculé par le secteur humanitaire. Je voudrais, par contre, mettre en exergue de quelle façon le phénomène d‟accusation des enfants de sorcellerie est corrélé aux enjeux et aux difficultés au soubassement, réel et concret et non pas imaginaire, de la constitution d‟un foyer et d‟une

22 L‟étude de Pierre Petit (2000 ; 2003) est le fruit d‟une enquête collective menée par l‟Observatoire du changement urbain de l‟Université de Lubumbashi. Elle se base sur une approche qui alterne méthode quantitative et qualitative pour l‟analyse des conditions d‟existence des habitants de Lubumbashi (Petit 2000 : 23). L‟échantillon pris en considération est de 84 ménages. L‟étude de Donatien Dibwe dia Mwembu, mentionnée déjà plusieurs fois dans l‟introduction, se base sur l‟analyse des sources et documents de différents types (archives, bulletins, interviews, etc.) et vise à tracer la direction du changement des structures de l‟autorité de la famille ouvrière katangaise. Enfin, l‟étude de César Nkuku et Marcel Rémon rend compte des résultats d‟une enquête socio-économique faite sur la population de Lubumbashi en août 2002. L‟échantillon de l‟étude s‟élève à 14 000 ménages urbains.

famille. Une constitution qui, tout au long de cette thèse, comme déjà esquissé en introduction, est perçue à travers le concept de relatedness.

Le constat qu‟on tire du portrait des configurations familiales contemporaines est que les pratiques de relatedness, c‟est-à-dire les pratiques en mesure de façonner le lien familial, sont aujourd‟hui extrêmement importantes. Le budget alimentaire, les frais scolaires, le partage d‟un toit familial, les soins de santé, la commensalité sont des aspects autour desquels une famille se constitue, les rapports entre parents et enfants se définissent, le respect entre aînés et cadets prend forme. Ces pratiques de relatedness sont aujourd‟hui en train d‟être redéfinies et se heurtent à des difficultés imputables aux deux phénomènes suivants.

D‟une part, et nous revenons à l‟hypothèse générale exposée en introduction, l‟évolution des dynamiques familiales semble s‟orienter vers une fermeture de la famille nucléaire autour d‟un seul mariage et autour des parents les plus proches avec lesquels le noyau familial entretient une relation et un partage favorisés par la proximité (relatedness). Ce phénomène, loin d‟être nouveau Ŕ déjà l‟État colonial avait poussé dans cette direction Ŕ, semble s‟accentuer aujourd‟hui avec les conditions précaires d‟existence d‟une large partie de la population. Au début des années 2000, la taille moyenne des foyers lushois était de 6,4 personnes par ménage (Nkuku et Rémon 2006 : 32). Un chiffre en diminution par rapport à une enquête menée quelques années plus tôt qui avait recensé une moyenne de 7,4 personnes par ménage (Petit 2003). Par ailleurs, le nombre de personnes par ménage diminue avec le niveau de vie. L‟étude de Petit montre que les ménages de niveau de vie supérieur abritent en moyenne 8,9 personnes, ceux de niveau de vie moyen 7,5 et ceux de niveau de vie inférieur 5,4 (Petit 2000 : 59). L‟explication principale de l‟auteur est liée à la logique redistributive à l‟œuvre dans la société urbaine congolaise. La famille plus nantie se trouve dans « l‟obligation morale de subvenir aux besoins de ses parents, jeunes ou vieux, dont elle doit éventuellement assurer l‟hébergement sous son toit » (ibid.). Alors que les familles les plus pauvres ne sont pas tenues d‟assurer cette obligation est peut-être à ce niveau que l‟écart entre ménages nantis et ménages pauvres se révèle avec plus de clarté. La possibilité de créer une famille nombreuse et de subvenir aux obligations sociales et morales de la parenté est un indice de prospérité et un symbole de prestige social. Les difficultés de nombres de

74 familles à faire face à ces deux impératifs semble donc porter à une fermeture sur elles-mêmes des familles les plus dépourvues.

D‟autre part, les sujets qui rendent les besoins d‟une famille extrêmement lourds sont principalement les vieillards et les jeunes. En ce qui concerne la catégorie des vieilles personnes, elles sont dans les ménages lushois une présence minoritaire. Il semble d‟ailleurs s‟agir d‟une question d‟héritage des structures de parenté du Katanga industriel et rural : on évite de vivre avec les beaux-parents avec qui on entretient une relation de respect. Les conjoints, après le mariage, constituent d‟habitude un nouveau foyer (Petit 2000 ; 2003). En ce qui concerne la catégorie des enfants et des jeunes, la situation est beaucoup plus complexe. Il convient, d‟abord, de dégager les chiffres qui nous donnent une idée de la dimension de cette population par rapport à une population active beaucoup moins nombreuse.

Il n‟est pas surprenant que les enfants et les jeunes soient aujourd‟hui au centre de la vie publique et domestique des familles congolaises et lushoises plus particulièrement. La première caractéristique qu‟on dégage de la situation de Lubumbashi est que la population est très jeune. Les enfants (0-14 ans) représentent 42,73 % de la population. Les jeunes de 0 à 19 ans représentent 55,16 % de la population totale. L‟âge moyen de la population est de 20 ans (Nkuku et Rémon 2006 : 35). La répartition de la population par âge et par sexe est un aspect plutôt important. Elle permet d‟apprécier la proportion d‟adultes en âge de travailler et, par conséquent, en mesure de prendre en charge les autres catégories de la population (enfants et vieillards). Finalement, la population adulte « dite active » (20-64 ans) représente 43,07 % (ibid.). De ces chiffres se dégage, en premier lieu, un déséquilibre plutôt significatif : la catégorie sociale qui supporte la charge de famille est moins nombreuse que les catégories « dépendantes ». Le taux de dépendance est ainsi très élevé : 1,3 % (Nkuku et Rémon 2006 : 121). Le taux de dépendance est défini par ces auteurs comme le rapport entre la population dépendante (tranches d‟âge 0-19 et plus de 65) et la population active (20-64 ans) (ibid. : 55).

Le taux de dépendance est un élément important, surtout si on le ramène à une dimension familiale. On constate qu‟avoir des enfants et des jeunes célibataires qui ne travaillent pas à la maison est extrêmement coûteux. Pourtant la dépendance des enfants

et, dans une large mesure des femmes, nous l‟avons vu plus haut, est l‟héritage de l‟époque coloniale. Durant cette époque, la dépendance de ces catégories sociales était un élément constitutif de la stabilisation des familles ouvrières. Le paternalisme des entreprises privées fournissait les moyens de subvenir aux besoins de ces catégories de personnes (Dibwe 2001 ; Rubbers 2013). Même si le système paternaliste ne s‟appliquait pas à l‟ensemble de la population, il a influencé la notion, l‟idée de famille.

Les enfants et les jeunes en âge de scolarisation, s‟ils ne participent pas au budget ménager, sont « dépendants » du chef de famille ou des membres productifs du foyer et constituent non seulement un poids mais aussi un obstacle à la survie même du foyer. Et ce d‟autant plus que les principaux postes de dépenses domestiques, pris en charge par l‟employeur ou l‟État durant les décennies précédentes, sont à présent à la charge des ménages. Si l‟on ajoute au taux de dépendance élevé la difficulté à trouver un bon emploi, la qualité de la vie de la majorité de la population reste relativement basse.

La circulation des enfants et la prise en charge par d‟autres foyers de parents que celui des géniteurs était au Congo, comme en Afrique, un phénomène très courant. Il s‟agissait d‟une « quasi-institution » avec ses propres règles plus ou moins explicites et participant à la définition des règles matrimoniales (Lallemand 1980). Dans ces sociétés, acquérir un enfant était considéré comme un luxe, un don, souvent une forme de récompense pour avoir donné une fille en mariage. Cela essentiellement parce que, dans les sociétés rurales africaines et congolaises, les enfants travaillaient. Ils n‟étaient pas perçus comme une charge mais comme une substantielle force d‟appoint. Ce qui ne semble plus être le cas aujourd‟hui. Le poste de dépenses des familles lushoises consacré à l‟éducation et à la scolarisation des enfants semble confirmer que la figure de l‟enfant producteur n‟est presque plus contemplée, elle est même renversée par l‟institution de la scolarisation. Notons que l‟instruction a toujours était un élément fondamental dans l‟histoire du Katanga. Nous avons vu pourquoi dans le système paternaliste de l‟UMHK/Gécamines, largement entre les mains de la congrégation des pères bénédictins. Nous le verrons d‟ailleurs dans le chapitre consacré aux Salésiens qui se sont occupés plutôt de l‟instruction en milieu rural et des écoles d‟élite de la ville. Une question, donc, d‟héritage colonial qui s‟est certainement prolongée après l‟accession à l‟indépendance du pays. Encore aujourd‟hui, l‟école, la scolarisation et l‟obtention du diplôme

76 universitaire revêtent une grande importance sur un double front : d‟un point de vue des chances de trouver une meilleure embauche, d‟un point de vue du prestige social (Rubbers 2009). Payer le minerval23 prend donc la connotation d‟une obligation morale pour les parents qui se veulent responsables. Je ne peux pas oublier la phrase de l‟oncle d‟un enfant qui me disait à ce propos : « Laisser les enfants à la maison sans étudier c‟est vraiment diabolique. » La scolarisation des enfants est aujourd‟hui, comme déjà dit, un pilier du contrat générationnel qui structure la réciprocité entre parents et enfants (Reynolds White et al. 2008 : 7). Une expression utilisée à Lubumbashi qui rend bien la charge morale de ce rapport contractuel entre enfants et parents est « faire grandir à l‟école ». Elle prend toute la force et l‟efficacité d‟une expression émique. Loin d‟être une simple façon de parler, elle exprime une importante source d‟autorité des parents, et plus généralement des aînés, dans la capacité à pourvoir à la scolarité des enfants de la famille.

Il n‟est pas rare de s‟apercevoir sur le terrain de la valeur que gagne un membre aux yeux de sa famille par rapport au nombre d‟enfants qu‟il est capable de scolariser. Du côté des enfants, eux aussi ont des attentes vis-à-vis de leurs parents pour étudier et aller à l‟école. Fréquenter l‟école, réussir l‟année, avancer de classe en classe et arriver éventuellement jusqu‟aux études universitaires est désormais vécu comme un droit et un moyen pour se conformer aux frères et sœurs ou à tout autre enfant du quartier qui a eu l‟opportunité d‟aller à l‟école. D‟ailleurs, fréquenter l‟école représente pour l‟enfant un signe de progrès dans sa vie. En ville, il est aussi un signe de citoyenneté dans le sens où l‟enfant est reconnu par la société et développe un sentiment d‟appartenance à un groupe du même âge.

Comme le soulignent Reynolds White et al. (2008), le paiement des frais scolaires représente l‟une des « clauses » du pacte d‟investissement tacitement contracté entre enfants et parents : ces derniers prennent soin des premiers jusqu‟au moment où les enfants prendront à leur tour soin de leurs parents devenus incapables de subvenir à leurs besoins. Ces auteurs nous rappellent en outre que, contrairement à l‟Europe où le système

de pension est étendu à la majorité de la population, en Afrique très peu d‟États sont en mesure de garantir des pensions. Cela dit, les personnes âgées dépendent de leurs enfants dans la mesure où elles ne sont plus autonomes (ibid. : 7). L‟école représente ainsi un élément fondamental du système de reproduction des « obligations affectives du sentiment familial » (Bourdieu 1993), ce qui, en d‟autres termes, fait la famille. Le système d‟obligations affectives qui tient les membres unis est composé de deux éléments qui s‟enchevêtrent. Il s‟agit d‟une sorte de double bind économico-affectif qui lie les enfants à la famille à travers l‟engagement des parents vis-à-vis du paiement des

minervals. L‟aspect matériel est enveloppé dans un élément affectif de « devoir d‟amour » (Lallemand 1998) : payer les frais scolaires est une démonstration d‟amour des parents aux enfants. En même temps, cela implique l‟affection de ces derniers vers les parents et se concrétise par un endettement moral conséquent face à l‟engagement des parents qui littéralement « font grandir à l‟école » leurs propres enfants et, éventuellement, ceux de la famille. Il vient se créer ainsi ce qu‟Alain Marie appelle « l‟anthropo-logique de la dette24 » (Marie 1997 ; 2002) : « la relation communautaire entre un “créancier” qui oblige et un “débiteur” tenu à la “reconnaissance” » (Marie 2002 : 209).

En raison des multiples facteurs qui ont contribué à éroder le niveau de vie de beaucoup de familles lushoises, « faire grandir à l‟école » est devenue une tâche de plus en plus compliquée à réaliser. En dépit des difficultés économiques pour scolariser les enfants, l‟école continue de représenter, pour la majorité de la population, une possibilité de trouver un bon poste de travail et, pour ceux qui accèdent à l‟université, une opportunité d‟ascension sociale (Rubbers 2004).

Le poids des frais de scolarisation est de ce fait très important dans le budget familial. Le paiement des frais scolaires, malgré les difficultés rencontrées par la famille, est parmi les dépenses les plus onéreuses dans l‟économie domestique des foyers lushois. La rubrique de frais pour l‟école est comparable aux frais pour la nourriture et pour les médicaments. Il faut rappeler que seule une petite portion de la population lushoise vit aujourd‟hui avec un salaire sûr et satisfaisant. Selon Petit (2000 : 144), 11 % de

78 l‟échantillon de l‟enquête qu‟il propose déclare percevoir un salaire moyen de 3 330 FC (40 $ à l‟époque de l‟enquête). La plupart des ménages affirment ne survivre qu‟avec plusieurs sources de revenus extra-salariaux. Les ménages les plus pauvres sont ceux qui recourent aux revenus les plus diversifiés en raison de la nécessité et de la difficulté à réunir un montant suffisant pour acheter ne serait-ce que la nourriture (ibid. : 132). Petit situe les dépenses des frais scolaires à la troisième place dans la liste des dépenses, après l‟alimentation et le logement. 96,1 % des habitants de Lubumbashi affectent leur revenu principalement à la ration alimentaire. Il est pourtant important de se faire une idée du montant, selon l‟étude de Petit en 2000, des dépenses moyennes par mois et par ménage consacrées à l‟alimentation : 5 254 FC (à l‟époque 50 $)25

.Le secteur de soins médicaux vient en deuxième position. Une bonne partie du revenu ménager est affectée au paiement des frais scolaires. Ce dernier point est à mettre en relation avec le nombre d‟enfants en âge scolaire et avec le fait aussi que l‟école n‟est plus gratuite depuis les années 1990 Ŕ les parents assument, à travers les frais scolaires, le salaire des enseignants. Depuis 1994, le système de fonctionnement des écoles primaires et secondaires se base sur ce qu‟on appelle le système FIP : frais d‟interventions ponctuelles (souvent nommés également « motivation des enseignants »). Initialement provisoire afin de répondre à la nécessité d‟assurer le financement du système éducatif, jusqu‟à ce que l‟État soit en mesure de remplir ses prérogatives, ce système s‟est maintenu jusqu‟à aujourd‟hui. En bref, les parents paient l‟inscription de leurs enfants à l‟institut scolaire, qui devient automatiquement le salaire des enseignants. Il n‟est pas difficile d‟imaginer les conséquences qu‟entraîne un tel système. Les couches de la population les plus défavorisées, qui ne peuvent pas se permettre de payer les frais mensuels, n‟envoient pas leurs enfants à l‟école. Et, compte tenu de l‟irrégularité des revenus des familles lushoises (Nkuku & Rémon, 2006 : 60-61), il existe un haut taux de déperdition scolaire en cours d‟année dû aux difficultés rencontrées par les parents dans le paiement régulier des

minervals. Les élèves sont d‟ailleurs renvoyés de l‟école lorsque les frais du mois courant

25 La farine de maïs, pour la préparation du bukari, compte à elle seule pour 22 % des dépenses alimentaires ; les autres céréales 10 % ; les poissons 21 % ; les feuilles de manioc et autres légumes 15 % (Petit 2000 : 133).

n‟ont pas été payés. C‟est une pratique très humiliante pour les élèves qui entraîne un climat de tension entre l‟enfant et les parents au sein de la famille.

Le coût de l‟éducation des enfants est ainsi un des motifs de mobilité des enfants vers un membre de la famille plus nanti. La prise en charge par un membre qui possède des moyens économiques vise à garantir la scolarisation de l‟enfant ou la conclusion d‟un cycle d‟étude d‟un jeune. Cette obligation sociale de scolarisation est désormais une semi-institution, au point que les enfants et les jeunes peuvent, de leur propre initiative, décider de déménager chez un autre membre de la famille si les conditions pour continuer à étudier chez leurs parents ne sont plus remplies. Nous verrons dans le chapitre consacré aux enfants de la rue que cela arrive souvent. Il s‟agit d‟un type d‟initiative qui, d‟ailleurs, peut créer des conflits d‟attribution d‟autorité sur les enfants entre familles ; j‟ai enregistré plusieurs cas d‟enfants contraints de vivre dans la rue pour avoir abandonné le toit familial et avoir essuyé un refus d‟accueil de la part d‟un autre membre de la famille censé pouvoir subvenir aux frais scolaires.

À la lumière de ces considérations, la structure de cohabitation des familles lushoises s‟avère très parlante. Elle nous permet de dégager un certain nombre de considérations sur la tendance à la fermeture de la famille nucléaire et à la circulation des enfants dans les foyers qui restent, malgré tout, liés par la parenté. Nous avons vu plus haut que les ménages de Lubumbashi sont composés de plusieurs membres selon des réalités sociales complexes. La famille reste, parmi ces réalités sociales, le point d‟ancrage de la vie domestique. Cependant, en dépit du nombre élevé de personnes qui vivent dans un seul ménage, on ne peut pas parler proprement, selon Petit (2000 : 62), de