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Des identités nationales frontalières soudées par des référents transfrontaliers

Chapitre I. La mise sur agenda des problématiques transfrontalières en Europe

Section 1. Logiques sociales de la coopération transfrontalière

B. Des clivages à la source de mobilisations et d’anticipations spécifiques à chaque espace

2. Des identités nationales frontalières soudées par des référents transfrontaliers

A côté de ces projets politiques institutionnels particuliers, existent des représentations relativement ouvertes à l’international qui passent par la maîtrise de la langue du voisin, socle symbolique essentiel de la coopération transfrontalière. En effet, tant dans le Rhin supérieur que dans l’Eurorégion méditerranéenne, le vecteur linguistique international qu’est l’anglais est abaissé au rang de tabou. Le principe écrit est rappelé occasionnellement oralement : on trouve mention de cette obligation dans les règlements internes de réseaux, comme celui du groupe de travail et du comité de suivi de Centre-Sud, où il est établi que les langues de travail sont le français et l’allemand classique : « Les langues de travail sont l'allemand et le français. Tous les documents sont rédigés en allemand et en français. »408. Autre exemple : « […] Dans ce cas également, les documents de travail doivent être présentés dans les deux langues. »409. Et enfin : « Les comptes rendus, les tableaux synthétiques des projets et les documents de séance ponctuels ne demandant pas de réactualisation régulière sont rédigés en allemand et en français. Les langues de travail sont l'allemand et le français. »410.

V. URL http://www.menara.ma/Infos/includes/detail.asp?lmodule=Economie&article_id=7631; Consulté en août 2004. 407 En ce sens, v. SMITH, Andy et LE GALES, Patrick, « Gouvernement et gouvernance des régions : faiblesses structurelles et nouvelles mobilisations », in LE GALES, Patrick (Dir.), Les paradoxes des régions en Europe, Paris, La Découverte, 1997, p. 237 et suiv.

408 Art. 1.4, al. 4 relatif au Comité de Suivi, Règlement intérieur du Comité de Suivi et de Pilotage, version du 6 mai 2004, p. 4. 409 Art. 1.4, al. 6 relatif au Comité de Suivi, Règlement intérieur du Comité…, op. cit., p. 4.

410 Art. 2.3, al. 3 relatif au Groupe de Travail, Règlement intérieur du Comité…, op. cit., p. 6.

Cette singularité a pu être observée également à l’occasion de plusieurs réunions à huis clos auxquelles nous avons pu assister. Au cours de ces réunions, de nouveaux venus, ayant encore des difficultés à s’exprimer dans la langue du voisin, étaient invités à parler leur langue maternelle. Le principe est d’avoir au moins une maîtrise passive de la langue du voisin et de s’exprimer dans sa langue maternelle. A défaut, comme c’est le cas pour des agents ou des élus néophytes qui auraient des difficultés de compréhension ou d’expression, un membre plus ancien du groupe assume un soutien ponctuel de traduction. Il est cependant attendu de ce nouveau venu qu’il comble ses lacunes rapidement, en général au bout de quelques mois.

La mention explicite, dans le Rhin supérieur, du français et de l’allemand, exclut de facto l’usage de l’anglais. Sur la frontière pyrénéenne, l’usage de l’anglais ne semble pas non plus recommandé, selon des faisceaux de données recueillis au premier trimestre 2004 auprès du secrétariat commun d’INTERREG III France-Espagne, basé à Bordeaux, et selon des éléments

interculturels traités dans un rapport de LACE-TAP411. Sur la frontière pyrénéenne, les langues officielles de travail que sont le français et l’espagnol sont complétées par le catalan et le basque, langues également officielles. Néanmoins, ces deux dernières langues seraient utilisées peu fréquemment dans les relations quotidiennes transfrontalières, notamment pour préserver les susceptibilités du côté français, parfois chatouillées à l’occasion d’une visite officielle. Ainsi, l’hebdomadaire français l’Express rapporte l’anecdote suivante, sans se distancier des stratégies politiques particulières mises en œuvre derrière la rétorique transfrontalière : « Il arrive au terme d'un étincelant parcours politique: depuis vingt- trois ans, il gouverne la puissante Catalogne, il est entouré de mille prévenances, et pourtant, à 73 ans, il demeure un militant. Le 5 septembre [2003], Jordi Pujol inaugure à Perpignan la Maison de la Catalogne. Alors que cet homme râblé, volubile et cordial manie avec dextérité notre langue et qu'il se trouve flanqué du préfet des Pyrénées-Orientales, il choisit de prononcer son allocution de bienvenue en... catalan! Ce geste illustre la détermination sans faille qui anime le chef nationaliste : affirmer fièrement, sans désemparer, cette langue et cette culture que Franco voulut étouffer. Mieux : en faire le ressort d'une renaissance ‘nationale’. »412 Par ailleurs, Jordi Pujol compterait des soutiens du côté français : « Jordi Pujol

411 LACE-TAP, Coopération transfrontalière et cultures nationales : INTERREG et méthodes d'approches interculturelles, Strasbourg, Typo edition, 1999.

412 MOLENAT, Jacques, « La stratégie de l'affirmation », L'Express du 06/11/2003, URL :

compte un allié fervent : le catalanissime Jean-Paul Alduy. Renouant le fil de l'Histoire, le sénateur maire UMP a fait de Perpignan Perpinya la Catalana, catalanisant le nom des rues,

apprenant lui-même la langue, intégrant dans son équipe municipale des militants autonomistes de l'Unitat catalana. Pour lui, la Catalogne est « un modèle de développement économique et culturel». Son objectif? ‘Intégrer Perpignan à la dynamique économique catalane.’ » 413

A l’occasion de plusieurs entretiens et de discussions informelles414, une même anecdote est rapportée sur un mode laudatif, au sujet d’un préfet de région, officiant dans les années 1990 en Alsace. Ce dernier aurait pris ou repris des cours d’allemand, afin de ne pas abuser, au cours des réunions de coopération transfrontalière, de traducteurs occasionnels et de ne pas s’afficher comme un participant marqué par sa déviance aux règles linguistiques locales415. Cela se confirme, dans les rapports de réunions, rédigés en français et en allemand, qui ont plusieurs fonctions : cela permet d’abord à chaque acteur de vérifier si ce qui a été entendu au cours de la réunion est bel et bien compris. Cela offre, dans une hypothèse négative, la possibilité de formuler des corrections ou des ajouts au compte-rendu. Cela permet enfin, en termes purement formels, de mettre à profit la solidarité du réseau des agents administratifs : ainsi, le secrétariat commun Centre-Sud recourait, jusqu’à l’embauche d’un agent allemand, en 2000, à des corrections de collègues français, suisses et allemands pour corriger des textes allemands, destinés à une diffusion interne ou externe.

La tolérance de l’anglais est d’autant plus délicate que des facteurs sociaux viennent éclairer ces comportements : pour toutes les générations, y compris les plus jeunes, travaillant dans le transfrontalier, maîtriser l’anglais semble problématique. Cela est une règle quasi- générale pour les Français, tant agents qu’élus, qui n’ont pas appris l’anglais au cours de leur cursus scolaire, ou l’ont appris très approximativement grâce à un enseignement privilégiant l’écrit sur l’oral, ou l’ont rarement voire jamais pratiqué416. Les méthodes d’apprentissage

http://www.lexpress.presse.fr/info/monde/dossier/catalogne/dossier.asp?ida=411701

413 MOLENAT, Jacques, « La stratégie… », op. cit.

414 Entretiens avec P. Goeggel, P. Meyer et P. Herrmann, 1999-2001.

415 Dans le sens entendu par H.S. Becker. - V. : BECKER, Howard Saul, Outsiders : études de sociologie de la déviance, Paris, A.-M. Métailié, 1985.

416 D’après nos observations, le recrutement d’agents sur des postes transfrontaliers n’impose pas, dans le Rhin supérieur, la maîtrise de l’anglais.

linguistiques en Allemagne et en Suisse, davantage orientées vers l’expression orale, favorisent une maîtrise bien plus précoce de l’anglais et d’autres langues étrangères.

En ce qui concerne l’apprentissage de la langue du voisin frontalier – un point qui nous paraît déterminant – cela est facilité doublement : soit par un apprentissage familial d’une langue régionale (alsacien, badois, bâlois), soit par un apprentissage scolaire de l’allemand, du français, de l’espagnol, et du catalan encouragé officiellement dans le Rhin supérieur et sur la frontière pyrénéenne. Sur ce point, un nombre conséquent d’acteurs français travaillant dans le Rhin supérieur parle alsacien avant de parler allemand : dans le secrétariat commun Rhin supérieur Centre-Sud, Stéphanie Klipfel-Marschall avait appris l’alsacien dans sa famille, puis avait maîtrisé l’allemand par un apprentissage scolaire et la pratique d’un séjour universitaire en Allemagne ; Patrice Herrmann maîtrisait l’alsacien par un apprentissage familial, l’allemand par une formation scolaire ; quant à Gert Wodtke, avocat et unique Allemand présent pendant trois ans au sein d’un secrétariat « commun » vieux de dix ans, il avait appris le français au cours de sa formation scolaire et universitaire, puis l’avait complétée par une année universitaire en France. Jean-Paul Heider, Vice-président du CRA chargé des relations internationales depuis 1992 au CRA, parlait alsacien et allemand. Du côté suisse, le secrétaire

général de la Regio Basiliensis, Erik Jakob, parlait allemand, anglais, français - l’avait notamment pratiqué en dirigeant l’Infobest Palmrain, en tant que délégué de la Regio Basiliensis, au milieu des années 1990 - et le dialecte bâlois. Quant aux Allemands présents au sein du Groupe de travail, leur niveau en français était majoritairement impeccable417, ils connaissaient également l’anglais et pour certain une des langues alémaniques du Bade.

Dans le Rhin supérieur, la priorité accordée à la langue du voisin donnerait lieu à l’émergence d’un bilinguisme transfrontalier. Curieusement, les faits sont têtus et contredisent ce projet de bilinguisme. D’abord, la maîtrise de la langue du voisin est en perte de vitesse par rapport à l’anglais. En France, la baisse constante de l’enseignement de l’allemand la conduit en troisième position, derrière l’anglais et l’espagnol, comme langue proposée dans les collèges418 ; le tableau est comparable dans le Bade et en Rhénanie-

417 M. Wilderich von Droste, responsable de la Stabsstelle grenzüberschreitende Zusammenarbeit Regierungspräsidium Freiburg, signale avoir appris le français au sein de sa famille, avant de suivre deux années dans un cadre scolaire, mais avec l’anglais comme première langue étrangère (neuf ans de formation scolaire). Questionnaire reçu le 24 févr. 2004.

418 Dans le second degré, en 1999-2000, en France, l’anglais domine avec 89,7% comme première langue vivante contre 9,4% pour l’allemand et 0,7% pour l’espagnol. La seconde langue vivante la plus étudiée est l’espagnol (62,3%), puis l’allemand

Palatinat, où l’anglais domine comme première langue étrangère419. La répartition géographique des germanistes est plus intense dans le nord-est de la France, tout comme l’est celle des hispanisants dans le sud-ouest (v. graphique n° 2, infra).

Graphique N°1420

Cartes n°3421

(19,2%) et l’anglais (12,2%). V. MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, L'évolution de l'étude des langues vivantes dans le

second degré depuis trente ans. (ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0040.pdf).

419 Dans les lycées du BW, le choix des lycées porte en 2003-2004 sur l’anglais à 88,3% et à 24,6% pour le français. V. Site Internet du Statistisches Landesamt Baden-Württemberg, URL: http://www.statistik.baden- wuerttemberg.de/Pressemitt/2004186.asp

Il existe en Allemagne 74 lycées avec sections bilingues, implantés dans onze Länder, principalement la Rhénanie du Nord - Westphalie (18 établissements), la Rhénanie - Palatinat (14) et la Bavière (13). Source : Site Internet « Français dans le monde », v. URL :

http://www.fdlm.org/fle/article/332/bilingue.php

420 Ministère de l’éducation nationale, Note d’information, n° 40, 2000, p. 3. Document consultable à l’URL : ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0040.pdf

Une spécificité de l’Alsace est d’offrir des enseignements bilingues depuis 1992, qui se limitent cependant à 5% des effectifs dans le premier degré en 2004. Le recteur Gérald Chaix affiche un objectif « de 15 à 20 % » d'ici 2010422. Cet engagement en faveur de l’allemand se ferait, selon Robert Grossmann, au détriment de l’alsacien. Dans un essai intitulé Main basse

sur ma langue – Mini Sproch heisst Frejheit423, le président actuel de la

CUS voit dans la

promotion du bilinguisme une offensive de lobbies allemands nostalgiques et d’autonomistes alsaciens. Un passage, consacré à la coopération transfrontalière, intitulé « des échanges transfrontaliers à rééquilibrer », est emblématique de cette analyse424. Le constat établi est celui d’un « coopération transfrontalière à sens unique »425, appuyée par deux exemples vécus, l’un à la Conférence du Rhin supérieur426, l’autre au Conseil Rhénan427. On peut émettre

421 Ministère de l’éducation nationale, Note d’information, n° 40, 2000, p. 6. Document consultable à l’URL : ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0040.pdf

422 « De la maternelle au lycée. Tout savoir sur le cursus bilingue », Dernières Nouvelles d'Alsace, Mercr. 23 juin 2004, cahier Strasbourg.

423 GROSSMANN, Robert, Main basse sur ma langue – Mini Sproch heisst Frejheit, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1999. 424 GROSSMANN, Robert, Main basse…, op. cit., p. 103-111.

425 Selon Robert Grossmann, « En tout état de cause, cette situation permet de constater que la coopération transfrontalière se fait, linguistiquement, à sens unique. Tout est mis en oeuvre en fonction du passé : le passé allemand de l'Alsace justifie toutes les démarches linguistiques en faveur de son rétablissement. C'est non seulement de la nostalgie, c'est aussi une conception très réductrice pour les Alsaciens. Car, en focalisant les Alsaciens sur l'allemand, on les prive de ce grand outil de communication qu'est l'anglais, d'accord sur ce point avec le maire de Freiburg, mais avec une nuance de taille: l'anglais rayonne à travers le monde entier alors que l'allemand nous enferme dans une aire géographique très restreinte. Les Allemands l'ont d'ailleurs bien compris, chez eux : ils ne se lient pas au français, ils vont vers l'outil linguistique le plus performant, l'anglais! », ibid., p. 109.

426 « A la Conférence du Rhin supérieur du 23 novembre 1998, je voulais avoir des assurances sur la réciprocité de l'apprentissage des langues e t j e demandais officiellement à nos voisins allemands si le français était autant encouragé chez eux que l'allemand chez nous. Le Regierungspràsident, le Dr Schroeder, me répondit : « Malheureusement sur cette question, je ne suis pas très satisfait [...]. Nous avons très peu de classes bilingues en Allemagne. Nous sommes déjà très heureux si le français reste première langue étrangère dans les collèges ou les lycées. » Le Dr Schroeder s'était exprimé en français, qu'il pratique avec maîtrise. Il semblait sincèrement désolé de devoir livrer ce constat et s'est engagé à poursuivre son action en faveur du français à l'Euro-Institut qu'il préside à Kehl. Cependant, j'eus droit à une autre réponse, celle de Herr Bermeitinger, membre allemand de la Conférence du Rhin supérieur, beaucoup plus intéressante et moins langue de bois : « N'oubliez pas que nous avons évidemment des points de départ très différents. Du côté allemand, jamais e n c o r e on n'a parlé le français à la maison [...]. Bon, il y a eu une certaine période, bien sûr, où l'on parlait beaucoup le français à Mayence ou à Baden-Baden, c'est la langue qui dominait alors. Mais il faut dire que dans le temps, on parlait aussi l'alémanique de part et d'autre du Rhin, c'est cela qui facilite, évidemment, l'apprentissage de l'allemand. Mais ce serait l'alémanique plutôt qui serait notre langue commune de part et d'autre du Rhin [...]. Vous avez tous entendu dire qu'à Zurich on a commencé à vouloir prendre l'anglais et non plus le français comme première langue étrangère. Mais, c'est une très bonne suggestion que vous avez faite. Je crois qu'il faut vraiment que nos suivions la chose. Néanmoins, vous n'avez pas encore en Alsace non plus toutes les classes en bilingue, je le sais très bien, même si vous avez le système 13/13, vous avez encore des classes qui ne peuvent pas le faire... » », ibid., p. 107-108.

427 « Au Conseil rhénan, je persistais et renouvelais ma question, le 26 avril 1999. Là, c'est le maire de Freiburg, Herr Bôhme, qui me répondit : « Ce problème est aussi vieux que celui d'une éventuelle région commune, peut-être plus ancien encore. Nous parlons le dialecte alémanique et il a souvent été dit que la lingua franco est aujourd'hui l'anglais, comme jadis c'était le cas du latin. Etre contre cet état de fait est un non-sens. » Puis il déclara qu'il pourrait être intéressant de développer le bilinguisme français-allemand, mais que pour cela il fallait des moyens considérables, « un soutien massif en Bade, sans cela ça ne marchera pas ». Nos amis Allemands ne se préoccupent guère de savoir, ou de ne pas savoir, parler le français puisque les Alsaciens sont censés parler tous l'alémanique, comme eux ! L'intervention de Herr Bermeitinger valait une leçon : en Alsace, on parle l'alémanique, c'est la langue commune des deux côtés du Rhin et l'anglais domine partout alors que le

l’hypothèse qu’il s’agit de réflexes français « jacobins » qui ne se limitent pas à un parti conservateur comme l’UMP, mais qui imprègnent la société française. Roland Ries évoque les

différences de points de vue avec Catherine Trautmann sur ce plan, et parle spontanément de la problématique du bilinguisme :

« Oui, le PS qui rassemble des courants, des pensées différentes, et en matière transfrontalière, la question principale qui est posée, c’est la question du rôle de l’instance d’Etat par rapport à des décisions qui sont prises au niveau local. Et donc il y a un courant à gauche qui reste très jacobin, et l’autre courant dont je fais partie, qui est plus décentralisateur, plus girondiste. Les Girondins ont, je crois, bien progressé à gauche, dans le PS, [inaud.] Et maintenant je crois à un équilibre entre ces deux courants. Il est évident que le courant girondin -ou girondiste- est plus favorable à la coopération transfrontalière. [inaud.] […] L’ex-RPR a une forte tendance jacobine, et du côté de l’UDF, il y a une tendance plus libérale, plus régionale. Je suppose que la question se posera quand on mettra du contenu concret dans l’Eurodistrict, que, éventuellement, on demandera un statut spécifique, avec un abandon de souveraineté.

Mais entre la période de Madame Trautmann, puis la vôtre, il y a une différence dans la priorité accordée au transfrontalier. Est-ce que c’est une question de priorité attachée à la personne?

Ce débat, disons, ancien, qui remonte aux origines de la gauche - le régionalisme disons -, a existé dans la fédération du Bas-Rhin du Parti Socialiste dans les années 1970. Madame Trautmann était plus jacobine que moi-même. On a eu un débat sur l’identité régionale. Elle était un petit peu en retrait par rapport à tout ce qui était spécificité régionale à défendre. Elle considérait ça comme des thèmes de droite. Moi, j’ai toujours été, dès les années 70, et bien évidemment à l’époque où j’étais maire de Strasbourg, j’ai toujours été sur l’idée que l’identité régionale n’était pas un thème étalonné à droite. C’est une certaine conception de l’identité régionale qui est à droite, voire l’extrême-droite, que l’extrême-droite revendique, Alsace d’abord, qui défend une certaine idée de l’identité régionale - ce n’est pas la mienne. Mais la défense des langues régionales, du bilinguisme [inaud.], je pense que c’est inscrit dans une conception ouverte de l’identité. Donc, ce qui était vrai dans ce domaine-là l’était aussi dans la question transfrontalière. Je crois que le fait que je sois devenu maire, en 1997, a donné un coup d’accélérateur à cette coopération transfrontalière, d’autant plus, comme je vous l’ai dit tout à l’heure que j’étais président d’une association qui venait de se créer à l’initiative de la DATAR, en 1997 ou 1998, et qui s’appelait - s’appelle toujours - la Mission Opérationnelle Transfrontalière (MOT). Donc j’avais aussi ce titre-là pour promouvoir la coopération transfrontalière au niveau local. »428

français est en perte de vitesse, voyez Zurich. De quoi vous préoccupez-vous ? Son observation inquisitoriale sur le fait qu'il ne lui avait pas échappé que toutes nos classes n'étaient pas encore bilingues, constitua le comble. Je l'ai trouvée plutôt fâcheuse et passablement arrogante, cette leçon allemande ! En réalité, l'enseignement du français n'est pas correctement appliqué en Allemagne, il l'est en tout cas infiniment moins que l'enseignement de l'allemand chez nous. Il n'y a ni désir de réciprocité ni volonté de comprendre les voisins français dans leur langue, l'anglais est là pour cela. Et, finalement, c'est à nous Alsaciens de parler « notre langue alémanique» : ainsi toute difficulté de compréhension sera levée! », ibid., p. 108-109. 428 Entretien avec Roland Ries, 28 avril 2003, annexe du rectorat, 14h40-15h30.

Cette prise au sérieux d’une supposée offensive culturelle germaniste relaie le lobbying effectué par des organismes comme l’Office pour la Langue et Culture d’Alsace (OLCA - ex

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