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La fonction de médiation de l’Etat avec Bruxelles et les acteurs régionaux et locaux : entre

Chapitre I. La mise sur agenda des problématiques transfrontalières en Europe

Section 2. L’émergence et l’inscription de la thématique transfrontalière en Europe

B. Les Etats, acteurs privilégiés de la mise en œuvre des fonds INTERREG

1. La fonction de médiation de l’Etat avec Bruxelles et les acteurs régionaux et locaux : entre

L’investissement des agents de l’Etat dans la mise en application des fonds structurels s’explique de deux manières au moins271 : i) les agents de l’Etat central disposent de ressources informatives déterminantes avec l’UE ; ii) ils sont dans une position de « médiation »272 entre

les différents acteurs locaux, qui aboutit en définitive à l’exercice d’une forme de contrôle. Dans l’Eurorégion méditerranéenne, la place des Etats est centrale. A côté de la première Conférence des régions pyrénéennes, en 1982, qui marque l’émergence de la conscience d’une identité pyrénéenne commune, le pas le plus significatif date de 1985: le 31 janvier, les autorités françaises et espagnoles représentées respectivement par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) et le Ministère des Travaux

Publics et de l’Urbanisme (MOPU), concluent un accord réglant une coopération en matière

270 BALME, Richard, « Les politiques de la subsidiarité… », op. cit., p. 256 et suiv. — cité par MARCHAND-TONEL, Xavier et SIMOULIN, Vincent, « Les fonds européens régionaux en Midi-Pyrénées : une gouvernance… », op. cit., p. 4.

271 SMITH, Andy, « L’échelon infrarégional : lieu privilégié des fonds structurels ? », in LE GALES, Patrick et LEQUESNE, Christian (dir.), Les paradoxes des régions en Europe, Paris, La Découverte, 1997, p. 57-71.

272 MULLER, Pierre, Les politiques publiques, Paris, PUF, 1998, cité par MARCHAND-TONEL, Xavier et SIMOULIN, Vincent, « Les fonds européens régionaux en Midi-Pyrénées : une gouvernance… », op. cit., p. 4.

d’aménagement du territoire. Le comité de coordination de l’accord se fixe pour objectifs de contribuer à l’amélioration de la fluidité et des articulations entre les systèmes de transport des deux Etats et de contribuer au développement des Pyrénées. Deux groupes de travail mêlant représentants des régions françaises et des communautés autonomes espagnoles sont créés pour mettre en œuvre cette politique. Cette initiative s’est traduite par la conduite de plusieurs études portant, notamment, sur le franchissement routier des Pyrénées et sur les évolutions du massif, mais aussi sur l’organisation d’un colloque ayant pour titre « Pyrénées, Montagne d’Europe », à Jaca, en Aragon273. Or cela laisse les collectivités territoriales françaises et espagnoles en marge de cette coopération transfrontalière limitée à la DATAR et au MOPU. Par conséquent, des cercles regroupant les collectivités territoriales franco-

espagnoles de niveau régional, comme la CTP ou l’Eurorégion, ont été créés dans les années 1980 ; néanmoins, l’essor des collectivités dans l’arène transfrontalière pyrénéenne reste laborieux. La place prépondérante des Etats dans la politique transfrontalière pyrénéenne, dans la décennie 1980, est accentuée dans l’initiative pilote et les programmes INTERREG I A / II A France-Espagne, à la fin des années 1980.

Ainsi, la France et l’Espagne ont présenté une démarche commune pour répondre à l’invitation de la Commission d’élaborer un programme d’actions pilotes transfrontalières. Une démarche similaire a été engagée dans l’espace Pamina, avec la Belgique ou encore le Luxembourg. Ces projets pilotes ont été financés par l’article 10 du règlement du FEDER, qui favorise des actions novatrices et des opérations pilotes de diffusion de savoir faire, d’évaluation, d’expérimentation qui ont permis de tester de nouveaux types d’aides communautaires. Les objectifs de ce programme pilote franco-espagnol peuvent être considérés comme une préparation à INTERREG et une poursuite de la place de leadership des

Etats à travers la DATAR et le MOPU. Dans cette perspective, ces actions274 peuvent être

appréhendées comme un premier pas pour créer un réseau de relations dans l’Europe communautaire, devant déterminer les lignes d’action qui pourraient s’intégrer dans un futur

273 SARASA, Agnès, Interreg sur la frontière pyrénéenne, de la coopération transfrontalière et de ses difficultés, Université de Provence, Mémoire pour l’obtention de la Maîtrise des Sciences et techniques, 1999, p. 8

274 Les projets retenus ont concerné un éventail très large, comprenant notamment l’information et la communication, la cartographie, le patrimoine culturel, les potentialités de la culture d’élevage et forestières, la formation et les prospectives en matière de coopération. Les projets impliquaient donc globalement soit des actions d’investissement soit un contenu analytique sur la thématique de la coopération transfrontalière. Financé à hauteur de plus de deux millions d’écus par la

programme transfrontalier et améliorer les connaissances dérivées de la coopération établie dans le cadre de l’accord DATAR-MOPU275.

Par la suite, le PIC INTERREG276 est présenté comme une nouvelle aide visant à la

consolidation d’une coopération déjà existante, mais également comme un projet devant aller au-devant des difficultés résultant de l’ouverture des frontières prévue pour 1992. La préparation et la mise en oeuvre du programme INTERREG I A France-Espagne révèlent le rôle

central des Etats, et par conséquent la place secondaire des collectivités territoriales. Le Programme Opérationnel est préparé par la DATAR et le MOPU277, avec des réunions de

concertation impliquant les acteurs régionaux278 et locaux279. La gestion et le suivi des dossiers dépendent des domaines d’action280. Les crédits communautaires transitent par les ministères respectifs puis par les administrations déconcentrées de l’Etat281. Le processus de programmation montre encore la centralité des administrations d’Etat282. Le Comité de Suivi

Communauté Européenne, le programme a permis d’entreprendre un total de 21 actions qui constituent l’antécédent de l’initiative Interreg.

275 SARASA, Agnès, op. cit., p. 9.

276 On retrouve la double problématique communautaire / locale dans la démarche de la Commission Européenne lorsqu’elle crée, le 2 mai 1990, douze Programmes d’Initiatives Communautaire (PIC), se basant sur l’article 11 du règlement CEE n° 4253/88 qui donne à la Commission le pouvoir de disposer d’une part du budget des fonds structurels pour mener des actions non couvertes par les plans et qui présenteraient un intérêt particulier au niveau communautaire. Il s’agit de pallier aux difficultés propres aux zones frontalières (isolement par rapport aux principaux centres économiques, situation marginale dans les zones périphériques de l’Etat membre, faiblesse des ressources naturelles, niveau de revenu par habitant et de chômage moins favorables que ceux de l’Etat dont elles font partie et de les préparer à l’avènement du Marché Unique. (Sarasa, Agnès, op. cit., p. 10)

277 « Les préfets de région ont été chargés de la rédaction du projet et de la sélection des dossiers, celui de Midi-Pyrénées assurant la coordination et la cohérence du projet global dans le cas franco-espagnol. […] Les projets recueillis ont été communiqués fin 1990 au Commissariat à l’Aménagement des Pyrénées, chargé de la centralisation des dossiers. […] Enfin, les différents partenaires ont été réunis par le Préfet coordonnateur pour un Comité de Sélection afin de préparer le document opérationnel devant être présenté aux autorités nationales espagnoles en vue de la négociation interétatique, le dossier final devant être élaboré par la DATAR et le MOPU. Le programme opérationnel a été présenté conjointement par la France et l’Espagne à la Commission des Communautés Européennes à la fin du mois de février 1991. » – SARASA, Agnès, op. cit., p. 10-11.

278 « […] les conseils régionaux d’Aquitaine, de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées ont été consultés pour examiner leurs propositions dans le cadre du programme. » – SARASA, Agnès, op. cit., p. 11.

279 « Les préfets de département concernés ont […] organisé des réunions de concertation avec les élus locaux, les chambres consulaires et les autorités locales espagnoles. » – SARASA, Agnès, op. cit., p. 10.

280 La gestion et le suivi des dossiers ont été assurés par les préfectures de département pour les fonds FEDER et par la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF) pour les fonds FEOGA. Les crédits FSE sont particuliers : ils sont suivis au niveau régional par la Délégation Régionale au Travail et à la Formation Professionnelle (DRTEFP). 281 Chaque fonds a un cheminement qui lui est particulier mais du budget communautaire à l’ordonnateur secondaire au niveau départemental, ils transitent tous par le budget de l’Etat. Le Ministère de l’Intérieur délègue le FEDER au Secrétariat Général aux Affaires Régionales (SGAR), le Préfet de région, ordonnateur secondaire, étant le dernier relai vers le Préfet de Département. Le Ministère de l’Agriculture initie le même mouvement pour le FEOGA vers la Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt (DRAF), qui transmet ensuite soit au préfet de département, soit à la DDAF (ceci varie en fonction du département). Enfin, c’est le Ministère du Travail et de l’Emploi qui fait transiter le FSE jusqu’à la DRTEFP qui gère elle même ces fonds.

282 Les services de l’Etat ayant instruit les dossiers, le dispositif de sélection des projets et d’attribution des subventions repose tout d’abord sur un comité de pré-sélection au niveau départemental. Présidé par le Préfet de département, il regroupe les

se limite ici à une fonction de contrôle, et est composé de représentants de chaque Etat, sans qu’aucune collectivité territoriale française n’y siège283.

A l’inverse, dans le Rhin supérieur, l’Etat est moins ostensiblement présent bien que, historiquement, la Conférence du Rhin supérieur soit un centre de gravité institutionnel déterminant. Alors que les collectivités territoriales françaises voient dans INTERREG un

moyen de s’émanciper284 – au moins symboliquement - de la tutelle de l’Etat, ce dernier s’efforce de ralentir ce processus. Ainsi, au cours des Entretiens d'Oberkirch, qui ont lieu le 27 août 1991 sur l'initiative du Dr. Heinz Eyrich, alors Ministre des Affaires Fédérales et Européennes du Bade-Wurtemberg, l’Etat français construit une stratégie en vue d’encadrer les collectivités. Ces entrevues font un état des lieux de la coopération dans le Rhin supérieur et concluent à la nécessité de simplifier les structures existantes et de les adapter à de nouveaux défis, comme peut l’être le programme INTERREG. Cette réflexion est confiée à un

groupe ad-hoc, « perspectives nouvelles de la coopération transfrontalière ». Ce groupe, qui s'est réuni à plusieurs reprises, présente ses propositions lors de la réunion de la Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur du 25 novembre 1991, à Liestal. L'une de ces propositions consiste à créer un Forum du Rhin supérieur, dont le principe consiste en une manifestation annuelle ouverte à tous ceux qui sont impliqués ou simplement concernés par la coopération transfrontalière. Du côté français, l'Etat se montre comme étant un ardent défenseur de cette idée : cela permet d'associer les collectivités alsaciennes et notamment les villes à la coopération institutionnelle, en les gardant sous contrôle et en évitant ainsi qu'elles ne créent leur propre structure. La Région Alsace et les Départements du Bas-Rhin et du différents partenaires concernés (éventuellement les partenaires espagnols) et a pour tâche d’arrêter la liste des opérations susceptibles d’être retenues à la programmation, sur avis des services instructeurs. Le comité de programmation est le second échelon de la procédure. Il se tient au niveau interrégional, sans les partenaires espagnols, et est présidé par le Préfet de région Midi-Pyrénées, coordonnateur du programme. Il est chargé d’arrêter la liste des opérations devant bénéficier de l’enveloppe interrégionale. Il s’agit en général de projets trop importants pour être financés grâce aux fonds d’un seul département ou de projets qu’il est impossible de circonscrire aux limites de celui-ci. Les listes interrégionales françaises et espagnoles sont ensuite examinées par un comité technique franco-espagnol.

283 Le Comité de Suivi se compose de représentants de l’Etat membre, c’est à dire pour la France les Préfets de région Midi- Pyrénées, Aquitaine et Languedoc-Roussillon, les cinq Préfets de départements concernés, la DATAR, le Ministère du Travail et de l’Emploi, le Ministère de l’Agriculture et le Commissariat à l’Aménagement des Pyrénées et pour l’Espagne les délégués des Ministères de l’Economie et des Finances, de Travaux Publics et de l’Urbanisme, de l’Emploi et de la Sécurité Social, de l’Agriculture de la Pêche et de l’Alimentation ainsi que les représentants des quatre Communautés Autonomes frontalières. Les autres membres émanent de la Commission et de la BEI. Le comité est chargé de veiller à la bonne réalisation des projets. Il se réunit en règle générale deux fois l’an, soit à l’initiative de l’Etat membre, soit à celle de la Commission.

Haut-Rhin se montrent en revanche frileux quant à ce projet, y voyant surtout la création d'une structure supplémentaire dans laquelle elles auraient un rôle secondaire. La partie allemande est favorable au projet, le Land de Bade-Wurtemberg rencontrant les mêmes problèmes que l'Etat français, concernant la participation des villes à la coopération institutionnelle. La partie suisse subordonne sa participation à ce projet à la création d'un secrétariat commun, qui prendrait en charge toutes les tâches administratives liées à la coopération institutionnelle. Bien que ce projet soit d’abord entériné, il ne connaîtra pas de succès, en raison du manque de convergence d’intérêts des acteurs. Néanmoins, l’Etat reste déterminant dans le versant relatif au cofinancement de projets.

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