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Chapitre I. La mise sur agenda des problématiques transfrontalières en Europe

Section 1. Logiques sociales de la coopération transfrontalière

B. Des clivages à la source de mobilisations et d’anticipations spécifiques à chaque espace

1. Des intérêts particuliers en amont de mobilisations transfrontalières

La tentative de mise sur agenda de la problématique transfrontalière dans les années 1970, en particulier par le Conseil de l’Europe, n’a pas été suivie des mobilisations attendues. L’investissement dans le transfrontalier n’est pas déterminé, comme voudrait le laisser supposer le discours de la Commission Européenne, par la périphéricité de certains territoires qui verraient, dans le cadre de la coopération transfrontalière, un moyen de se désenclaver : cet investissement n’est pas homogène dans les territoires que nous observons. Certaines régions européennes considérées comme périphériques ne se manifestent pas dans des relations ou des projets transfrontaliers, en partie en raison de leur géographie inhospitalière. C’est par exemple le cas pour la partie centrale des Pyrénées, où le massif montagneux abrupt tempère sévèrement des initiatives transfrontalières. Néanmoins, même si les obstacles physiques sont une variable essentielle dont il faut tenir compte dans les mobilisations transfrontalières – et nous observons cela dans le développement de la

coopération transfrontalière aux extrémités Est et Ouest des Pyrénées –, des exceptions nous rappellent les limites de ces considérations377.

Jusqu’à la fin des années 1980, le jeune Rhin supérieur pantouflait : la plupart des timides initiatives politiques lancées dans les années 1970 retombaient comme un soufflé : Birte Wassenberg fournit ainsi dans sa thèse une liste assez exhaustive de dossiers traités par la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse et par les deux comités régionaux bipartite et tripartite, qui ont créé différents groupes de travail378. La timidité de ces initiatives qui ont néanmoins contribué à structurer en partie les institutions actuelles est marquée par l’approche stato-centrée de l’Etat français et le sceau d’intérêts bâlois déséquilibrants. Le Groupe de travail « environnement », créé en 1975, est rattaché directement à la Commission tripartite, car il s’agit d’un sujet sensible : une note française explique qu’il est impensable d’aborder des sujets portant sur la création de normes environnementales dans le Rhin supérieur, ce qui briderait l’implantation de centrales nucléaires et d’industries379 ; l’ambassadeur allemand regrette pour sa part que le côté français ne souhaite pas inscrire la question du nucléaire à l’ordre du jour380. Ce Groupe de travail, qui se réunit à quatre reprises entre 1975 et 1983, obtient comme maigres résultats de permettre l’échange d’informations entre administrations et d’initier une concertation sur la protection environnementale. Un second Groupe de travail, chargé de « politique économique », est rattaché aux deux comités régionaux et tient 5 réunions entre 1975 et 1982. Ses travaux portent essentiellement sur les frontaliers et la politique économique régionale dans la région du Rhin supérieur. Toutefois, la France reste frileuse sur une analyse plus approfondie du développement économique régional et du système d’aide à ce développement381. Deux autres Groupe de travail, chargés respectivement des transports ferroviaires et de l’assistance mutuelle en cas de catastrophe,

377 Dans le territoire de Xareta comprenant quatre communes limitrophes, les communes françaises de Sarre et Aïnhoa et les communes navarraises de Zugarramurdi et Urdax coopèrent depuis le début des années quatre-vingt-dix et ont signé une convention de coopération en 2002 pour réaliser des actions d'intérêt commun. Par ailleurs, depuis 1995, le Syndicat Mixte d'Etudes et d'Aménagement de la Garonne (SMEAG) et le Conseil Général du Val d'Aran (Conselh Generau d'Aran) se sont

engagés dans un projet de coopération transfrontalière autour de la Garonne. Leur but est de parvenir à une gestion globale et équilibrée de ce fleuve transfrontalier.

378 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière franco-germano-suisse dans l'espace du Rhin supérieur de 1975 à 2000 : vers une "eurorégion" ?, Thèse de doctorat (histoire), Strasbourg III, 2003. — Birte Wassenberg analyse ces différents éléments d’un point de vue institutionnel voire positiviste, en considérant que chaque groupe de travail réalise un travail indispensable dans la naissance annoncée d’une « eurorégion ». Néanmoins, elle a le mérite de ne pas éluder les frictions qui peuvent apparaître et qui ont autant de sens que les études et rapports tombés dans l’oubli.

379 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 174. 380 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 175.

sont communs aux deux comités régionaux. Un projet de deuxième pont sur le Rhin, entre Altenheim et Eschau, est proposé.382 La Regio Basiliensis, qui s’investit dans la nouvelle structure créée par l’Accord de Bonn, en préparant les réunions du comité régional tripartite et de la commission intergouvernementale, déchante rapidement : en 1978, son rapport annuel établit que « les mêmes obstacles politiques persistent toujours dans la coopération transfrontalière. »383 ; elle constate également que le côté français perçoit toujours la coopération transfrontalière comme une menace pour sa souveraineté nationale384. Malgré quelques résultats positifs obtenus par le Comité régional tripartite, comme l’achèvement d’une étude économique sur la Regio, la décennie 1980 est consacrée à dresser un bilan de la coopération transfrontalière institutionnelle et à structurer des propositions de réforme.

Des projets politiques construits par une ou plusieurs collectivités territoriales, des parcours individuels relativement ouverts à l’international, à l’Europe, voire au transfrontalier, constituent des hypothèses explicatives de l’investissement inégal observé dans le transfrontalier. Des projets politiques régionaux ou locaux originaux, soumis par un partenaire spécifique, constituent des points de départ déterminants pour lancer des initiatives transfrontalières. En effet, dans certains cas, le champ économique et l’aménagement du territoire conditionnent des réflexions qui valorisent l’intérêt de mener des actions transfrontalières. Ainsi, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’élite économique et politique de la région de Bâle incite les voisins allemands et français à s’associer à des réseaux et forums transfrontaliers variés.

La construction de multiples structures de coopération transfrontalière dans la partie Sud du Rhin supérieur, qui se consolident petit à petit, s’explique par la nécessité de faire partager aux partenaires allemands et français la vision politique suisse, de négocier cette offre politique, et d’y apporter par conséquent d’éventuels aménagements. Les raisons de la création de ces réseaux transfrontaliers autour de la frontière franco-germano-suisse est triple, selon Birte Wassenberg385 : en premier lieu, la Suisse du Nord-Ouest craint un

381 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 176-177. 382 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 180.

383 Regio Basiliensis, Jahresbericht 1978 der RB, p. 21, cite par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 206.

384 Regio Basiliensis, Jahresbericht 1978 der RB, p. 22, cite par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 206-207.

385 WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 125 et suiv.

isolement dû à son caractère périphérique par rapport à la confédération helvétique, d’où l’intérêt de coopérer avec les Alsaciens et les Badois386 ; par ailleurs, une eurorégion économique est projetée dans le cadre du développement d’une coopération harmonieuse avec les régions voisines387 ; enfin, le passé commun du Rhin supérieur implique l’obligation morale de « guérir les cicatrices ».

La Regio Basiliensis, créée en 1963, représente les cantons de la Suisse du Nord-Ouest et associe des représentants d’entreprises et d’universités. La création de la Commission tripartite, en 1975, oblige la Regio Basiliensis à se restructurer : le 6 février 1976, le groupe de travail et le groupe d’appui fusionnent en une même association. Conformément aux accords de 1975, des comités doivent être créés ; or la mise en place de ces deux comités pose des difficultés qui traduisent la mise en concurrence de l’influence de la Regio Basiliensis, acquise jusque là. En effet, pour le comité tripartite, le débat est axé autour de deux hypothèses principales : la première option, dite « géographique », soutenue par la Regio Basiliensis, suggère une reconversion de l’ancienne Conférence tripartite permanente de coopération

régionale, au sein de l’espace de la Regio (le reste du territoire du Rhin supérieur étant alors

dévolu au comité bipartite) ; cela permettrait de conserver l’influence de Bâle. L’autre option, dite « fonctionnelle », soutenue par la France et le Bade Wurtemberg qui sont opposés à ce morcellement territorial qui les couperait en deux, consiste à proposer une solution fondée sur un découpage thématique. C’est cette seconde option qui est obtenue par le Bade Wurtemberg, suivi par l’Etat français, soucieux d’assurer au préfet de région un suivi unique des dossiers transfrontaliers388 : le comité tripartite est chargé des problèmes franco-germano- suisse, et le comité bipartite chargé des problèmes franco-allemands. La Conférence tripartite est intégrée au sein du comité tripartite.

En 1965 est créée à Mulhouse, au sein de la Société Industrielle de Mulhouse (SIM), un

groupe de travail et un groupe d’appui qui deviendront par la suite l’association Regio du

386 On retrouve cette préoccupation dans l’article 1er des statuts de la Regio Basiliensis : « Unter dem Namen Regio Basiliensis besteht ein Verein im Sinne von Art. 60ff. ZGB auf unbestimmte Dauer mit Sitz in Basel Zweck der Regio Basiliensis ist es, von schweizerischer Seite Impulse für die Entwicklung des oberrheinischen Raumes zu einer zusammengehörigen europäischen Grenzregion zu geben und bei deren Realisierung mitzuwirken. Dabei sollen die spezifischen Funktionen und Belange der Teilgebiete partnerschaftliche Berücksichtigung finden. »

V. le site : http://www.regbas.ch/f_infos_statuts.cfm

387 La main d’œuvre française vers la Suisse et les problèmes écologiques engendrés par l’industrie bâloise constituent des facteurs déterminants de l’implication de l’agglomération de Bâle.

388 Au lieu d’en donner une partie à chaque préfet de département.

Haut Rhin en 1976. Avant la création de cette association Regio du Haut Rhin, il n’existe pas

de statuts pour le groupe d’appui et le groupe de travail, étant donné que cette double structure est d’abord subordonnée à la SIM. Son but est de « favoriser les contacts personnels et professionnels et de rechercher les domaines dans lesquels une coopération pourrait s’établir entre les trois régions frontalières »389. Conçue à l’origine pour être le pendant de la Regio Basiliensis du côté français, on aurait pu craindre qu’une concurrence mine les relations entre Suisses et Français. Or dès le départ, la Regio du Haut-Rhin est prête à se placer au second rang, derrière la Regio Basiliensis. L’allégeance faite par la Regio du Haut-Rhin à la Regio Basiliensis est consignée dans un rapport annuel : « (…) depuis que la Regio du Haut-Rhin

existe, le climat psychologique entre l’Alsace et Bâle s’est amélioré. »390

En 1964, est créée la Communauté d’Intérêts Moyenne Alsace-Breisgau (CIMAB) qui

examine, en particulier, les questions liées aux liaisons routières, au développement économique et à l’environnement. Elle regroupe les maires, les sous-préfets et les Landräte391 de la région de Moyenne-Alsace-Brisgau, avec comme but de « formuler des intérêts

économiques, touristiques, sociaux et culturels en commun pour pouvoir les présenter aux autorités nationales ». C’est un lieu d’échange d’informations entre élus alsaciens et

allemands. De nombreux échanges sectoriels se développent parallèlement entre les administrations, comme la commission franco-allemande pour les franchissements du Rhin, contacts entre SNCF et Deutsche Bundesbahn, etc. Des contacts informels sont initiés entre

élus. Néanmoins, les liens ne s’avèrent pas durables avec les gouvernements allemand et français.

Entre 1971 et 1975, le président du gouvernement de Freiburg, le Landrat de Lörrach, le préfet et le président du conseil général du Haut-Rhin et un membre de chacun des gouvernements des cantons de Bâle-ville et Bâle-campagne rencontrent deux fois par an des experts au sein de la Conférence Tripartite ; le forum (ou « ronde ») des Entretiens périodiques

de coordination internationale (PIK en allemand) prépare les réunions bi-annuelles de la

Conférence Tripartite, sous la codirection de la Regio Basiliensis (en fait l’IKRB), de la Regio

du Haut-Rhin et de la préfecture de Freiburg.

389 Statuts de la Regio du Haut-Rhin cités par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 128. 390 Regio Basiliensis, Regio Report, 1973, p. 32, cité par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 128.

Le Bureau intercantonal de coordination de la Regio Basiliensis (IKRB) est issu d'un contrat

national entre les cantons de Bâle-ville et de Bâle-campagne et est rattaché à la Regio Basiliensis. Il exerce depuis 1970, à la demande des deux cantons de Bâle, des fonctions étatiques dans le sens d'une « petite politique extérieure ».

Les rencontres périodiques de coordination (Periodische Koordinationsgespräche - PIK) sont

créées en 1969 pour coopérer en matière d’aménagement du territoire. Les autorités régionales cherchent à se rencontrer après les premiers contacts privés noués grâce aux deux groupes de travail Regio, à Bâle et à Mulhouse. Les membres de ces PIK sont la Regio du Haut-

Rhin pour la France, le Regierungpräsidium de Fribourg pour l’Allemagne et la

Regionalplannungsstelle beider Basler pour la Suisse. Cette entité suisse mérite quelques

précisions : la Regionalplannungsstelle beider Basler (Département de planification des deux Bâle) est créée en 1969 par les cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne, avec comme objectif d’être un interlocuteur unique, après une coordination préalable de la planification territoriale des deux cantons. Pour compléter ce dispositif de coordination politique, les deux cantons bâlois créent la Internationale Koordinationsstelle der Regio Basiliensis (IKRB) - déjà

mentionnée supra - qui sera par la suite intégrée à la Regio Basiliensis. Face à ces deux instances suisses, les Alsaciens répondent aux Suisses en créant dès 1970, avec la Regio du Haut-Rhin et l’ADIRA, un Bureau de coordination de l’aménagement territorial, dont les moyens financiers sont sans comparaison avec ceux dont dispose l’IKRB 392.

La Conférence des aménageurs rhénans (Konferenz Oberrheinischer Raumplannung - KOR)

est créée en 1970 comme un nouvel organisme informel qui s’ajoute aux PIK. Son but est de « développer des objectifs communs de planification régionale pour l’espace rhénan en rassemblant régulièrement toutes les instances parapubliques allemandes, françaises et suisses, qui existent au niveau local entre Francfort et Bâle et qui sont chargées d’aménagement du territoire ». Il s’agit en l’espèce du premier réseau qui rassemble des acteurs de l’ensemble du

Rhin supérieur. Mais, comme le note Edmund Wyss, il manque à la KOR un cadre politique essentiel393.

391 Un Landrat est un représentant politique allemand de l’arrondissement.

392 Selon les recherches menées par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 130.

La frontière franco-espagnole commence à s’activer durant la même période, au cours de laquelle l’Espagne entre dans le giron européen. Plusieurs réalisations institutionnelles peuvent être rappelées : la Communauté de Travail des Pyrénées, créée en 1983 avec huit membres sous un statut d’association de 1901 de droit français394, a pour quadruple objectif « d’être un laboratoire de l’intégration européenne », de transformer les Pyrénées « jadis barrière physique » en un « véritable trait d’union entre des peuples qui cherchent à mieux se connaître et à travailler ensemble », à devenir « l’interlocuteur unique dans la mise en œuvre de certains programmes communautaires », de rechercher un équilibre entre les territoires qui composent le massif pyrénéen395 ; la Comissió interpirinenca de poders locals (

CIPL), créée

en 1984 en tant qu’association de fait, et regroupant plusieurs « comuns » d’Andorre, Barcelone, La Seu d’Urgell, Toulouse, Foix et Ax-Les Thermes, se propose « d’assurer les relations culturelles sportives et touristiques entre les municipalités membres » et d’ « analyser et améliorer les communications transfrontalières »396 ; l’Eurorégion créée en 1991, sous un statut d’association de 1901 de droit français dont le siège est à Perpignan par les Présidents des trois régions, avec comme double objectif de « développer des politiques de coopération afin de faciliter les échanges entre les acteurs économiques, sociaux et culturels des trois Régions » et de « renforcer le rôle moteur de l’Eurorégion au sein du Grand Marché Unique, favorisant ainsi l’intégration européenne et le rééquilibrage au profit des Régions du Sud »397. Outre quelques associations de communes398, ces organismes nés au cours des années 1980 et début des années 1990 ont une triple fonction : celle de forum, celle de lobbying et celle de réseau, qui seront mis à profit par un noyau d’acteurs399.

Au cours des années 1980, la Generalitat de Catalunya s’engage, parmi ses activités de politique extérieure, dans la coopération transfrontalière. Cela est rappelé dans un rapport d’activité plus récent du gouvernement catalan, qui mentionne, parallèlement aux voyages

393 Regio Basiliensis, Regio Report, 1973, p. 42, cité par WASSENBERG, Birte, La coopération transfrontalière…, op. cit., p. 131.

394 Les régions françaises Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, les communautés autonomes espagnoles : Aragon, Catalogne, Navarre, Pays-Basques et les « comuns » de la principauté d’Andorre.

395 Objectifs synthétisés par TAMBOU, Olivia, op. cit., p. 39. 396 TAMBOU, Olivia, op. cit., p. 45.

397 TAMBOU, Olivia, op. cit., p. 42.

398 Citons la coopération qui existe entre Llivia (Comarca de Cerdagne) et Estavar (département des Pyrénées Orientales) depuis 1991, Albera Viva qui regroupe depuis 1984 une quarantaine de communes dans le Massif des Albères, ou encore l’Association Saint Vincent Cap de Creus qui regroupe sur la côte méditerranéenne 9 communes depuis au moins 1986. 399 TAMBOU, Olivia, op. cit., p. 53 et suiv.

officiels du Président et des visites de personnalités reçues par la Generalitat, les activités de coopération transfrontalières, mentionnées avec les relations entretenues avec d’autres régions européennes, la coopération entretenue dans le cadre d’associations des régions européennes, du Conseil de l’Europe, de l’UE, et de la coopération au développement400. Le

slogan politique de la Generalitat de Catalunya, « el nostre món és el món » (« notre monde est le monde »), employé comme un leitmotiv par le président de la Generalitat, Jordi Pujol, dans ses discours401, place la coopération transfrontalière comme un mince volet des relations extérieures que la Catalogne entend tisser.402

Cette stratégie est affichée dans le caractère polycentrique de la coopération transfrontalière à l’échelle de l’Eurorégion méditerranéenne. Des acteurs catalans, du fait de leur appartenance à certains organismes de coopération, contribuent à la naissance de relations territoriales dont le but est de modeler une organisation polycentrique du territoire européen. Pour la Catalogne, l’intérêt consiste à mettre en place de nouvelles solidarités qui offrent un contrepoids à sa situation périphérique, et de résister de cette manière à l’attraction de flux vers le centre du territoire européen403.

En outre, l’opposition historique entre la ville de Barcelone et la Generalitat se traduit par la juxtaposition de relations de coopération différenciées. D’une part, des organismes s’appuyant exclusivement sur des entités régionales – dont la Generalitat - dessinent un nœud de relations à l’échelle de la zone franco-espagnole404, de l’Eurorégion et de la Communauté de Travail des Pyrénées405. Le projet de Pasqual Maragall, lancé au premier semestre 2004, sur une Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, « s'étendant le long de l'axe méditerranéen occidental, s'unissant avec le noyau européen et s'irradiant jusqu'au Maghreb »406, suit cette

400 Generalitat de Catalunya, Acció del Govern 1997, Barcelona, GenCat, p. 99 et suiv.

401 V. « Comissió de Seguiment de la Unió Europea : Actuacions Exteriors », in Diari de sessions del Parlament de Catalunya, C-132, Sessión N° 3, 12 févr. 1997, p. 4 et suiv. - V. également : Generalitat de Catalunya, Presència catalana en el món, 1997, Barcelona, Col.lecció Guies, N° 3, 1997.

402 Cela est encore plus vrai depuis l’élargissement de l’Eurorégion méditerranéenne en « Eurorégion Pyrénées- Méditerranée », à la fin de 2004 : l’aspect transfrontalier franco-espagnol devient marginal, au profit de l’aspect transnational dont le pivot est la Catalogne.

403 BALME, Richard, « Pourquoi le gouvernement change-t-il d’échelle ? », in BALME, Richard (Dir.), Les politiques du néo- régionalisme : action collective régionale et globalisation, Paris, l’Harmattan, 1996, p. 27.

404 V. MORATA, Francesc, « Barcelone et la Catalogne dans l’arène européenne », in BALME, Richard (Dir.), Les politiques…, op. cit., p. 107 et suiv.

405 Dans le XVIe Conseil Plénier de la Communauté de Travail des Pyrénées, des 11 et 12 juin 1998, le maire de la Seu d’Urgell déplore l’absence de réelle représentation des acteurs locaux de Pyrénées au sein de la Communauté (p. 183 et suiv.). Cité par TAMBOU, Olivia, op. cit., p. 59.

406 Cité dans un article en ligne de Menara (Maroc), « Maroc-Catalogne : un exemple, une inspiration ».

logique régionale. D’autre part, Barcelone a été l’instigatrice du réseau C-6, réseau de

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