• Aucun résultat trouvé

Conditions d’enregistrement

B. Contrôle des variétés : enregistrement au catalogue (homologation)

1) Conditions d’enregistrement

a. Distinction, homogénéité, stabilité (DHS)

Les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité (critères DHS) et de valeur culturale et d’utilisation (critères VAT) ont été formulés en 1944 par un agronome français, Jean BUSTARRET,dans son célèbre article « variétés et variations ».

Ce dernier définit pour la première fois la notion de « variété », qui n’était pas jusqu’alors une catégorie reconnue en agronomie, et il énonce les critères DHS et VAT788. Ils ont été repris tels quels dans la loi française, et progressivement intégrés aux catalogues étrangers, dont le catalogue suisse789.

BONNEUIL & THOMAS soulignent que « l’évaluation de ces critères vise à sélectionner les variétés correspondant à l’idéal industriel »790. En effet, au sortir de la deuxième guerre mondiale, il s’agissait de nourrir les populations et de relancer l’économie, dans une logique de mécanisation et de division du travail791. Pour ce faire, une certaine uniformité était nécessaire en matière de cultures et de produits agricoles.

La variété était ainsi considérée comme un « produit standard »792.

Les critères développés par BUSTARRET constituent aujourd’hui le socle du système d’enregistrement des variétés. Ainsi, pour être enregistrée au catalogue des variétés, une variété doit tout d’abord être distincte, stable, et suffisamment homogène (DHS) (art. 5 al. 1 let. a OMM).

Une variété distincte est une variété « qui se distingue nettement par un ou plusieurs caractères importants, de toute autre variété connue, quelle que soit l’origine, artificielle ou naturelle, de la variation initiale qui lui a donné naissance » (art. 3 let. c

787 FF 1983 IV 50, p. 79.

788 BONNEUIL,DEMEULENAERE,THOMAS,JOLY,ALLAIRE,GOLDRINGER (2006), p. 31. Pour l’examen VAT, voir Chapitre 2, p. 121 ss.

789 BONNEUIL &THOMAS (2009), p. 82.

790 BONNEUIL &THOMAS (2009), p. 93.

791 BONNEUIL,DEMEULENAERE,THOMAS,JOLY,ALLAIRE,GOLDRINGER (2006), p. 29.

792 STAUBER (2016) p. 459.

ch. 1 OMM). Il est nécessaire de pouvoir décrire et reconnaître avec précision tous les caractères de cette variété (art. 3 let. c ch. 2 OMM). Cette exigence vise à éviter que deux variétés trop similaires ne soient enregistrées au catalogue.

Deuxièmement, une variété est suffisamment homogène si les plantes qui la composent sont semblables ou génétiquement identiques pour tous leurs caractères pertinents. De rares aberrations (à savoir des plantes exceptionnellement différentes de la norme) sont admises : elles ne font pas obstacle à la reconnaissance de l’homogénéité de la variété, pour autant qu’elles restent en dessous d’un certain seuil, fixé de manière différenciée selon les particularités du système de reproduction de l’espèce concernée (art. 3 let. d OMM). L’homogénéité requise doit être comprise comme une similarité phénotypique ou génétique pour les traits déterminants793.

Elle exclut ainsi les variétés traditionnelles, qui présentent un haut taux d’hétérogénéité, et limite par conséquent l’inscription au catalogue aux lignées pures, aux espèces à multiplication végétative – dont chaque individu est un clone de son parent794 – et aux variétés hybrides. Ces dernièressont issues du croisement de deux lignées pures aussi génétiquement différentes que possible, ce qui permet de minimiser les variations individuelles, puisqu’aucun gène récessif ne risque de s’exprimer chez leur progéniture lors de la reproduction795. Cette garantie d’homogénéité offerte par les variétés hybrides F1 a pour conséquence que ces dernières représentent 90% des variétés inscrites au catalogue796. Si le rendement de ces variétés est élevé, le phénomène d’hybridation entraine de nombreux inconvénients, qui seront décrit au Chapitre 3797.

Troisièmement, une variété est stable lorsqu’elle reste conforme à la description de ses caractères essentiels de génération en génération (art. 3 let. e OMM). Les variétés traditionnelles sont également incompatibles avec ce critère de stabilité, car elles évoluent continuellement pour d’adapter à leur milieu798.

L’examen des critères DHS est effectué sous la direction de l’OFAG (art. 18 OSP), mais il est matériellement effectué dans l’Union européenne, car il n’existe pas de centre de test DHS en Suisse799. Bien que cet élément fasse l’objet d’une analyse plus approfondie au Chapitre 3, il est intéressant de souligner à ce stade que cette délégation est possible en raison du fait que l’examen DHS dans le cadre de l’enregistrement au catalogue est effectué selon les modalités standardisées instituées par l’UPOV, dans le cadre de la protection des variétés800. Les examens DHS constituent en effet également la base du système d’octroi des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales en vertu de l’art. 6 de la Convention

793 STAUBER (2016), p. 202.

794 MAGARINOS-REY (2015), p. 80; STAUBER (2016), p. 202.

795 MOSER (2003), p. 108.

796 OFAG, Variétés, semences et plants (2009), p. 110.

797 Voir Chapitre 3, pp. 179 ss.

798 MAGARINOS-REY (2015), p. 81. Voir à ce sujet Chapitre 3, pp. 179 ss.

799 OFAG, Instructions relatives à la procédure d’enregistrement dans le catalogue des variétés (2016), p. 8.

800 UPOV, Introduction générale à l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité et à l’harmonisation des descriptions des obtentions végétales (2002) ; UPOV, Protocole d’essai et techniques utilisés dans l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité (2016).

internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention UPOV 91).

Aucune base légale ne renvoie toutefois aux standards UPOV pour la conduite des examens DHS dans le cadre de l’enregistrement au catalogue suisse : il semble qu’il s’agisse ainsi plutôt d’une pratique, justifiée par des questions organisationnelles801.

b. Amélioration de la valeur culturale et d’utilisation (VAT)

En vue de l’enregistrement au catalogue, la valeur culturale et d’utilisation (VAT802) de la variété doit présenter une amélioration par rapport aux autres variétés (art. 5 al.1 let. b OMM). « Dans l’idée d’un progrès continu, les épreuves VAT visent dès lors à assurer que les nouvelles variétés inscrites surclassent systématiquement les variétés précédentes »803.

Les critères VAT visent essentiellement à évaluer la résistance aux maladies et au froid, le rendement, la précocité des cultures, et la qualité du produit en vue de sa transformation804. Les exigences relatives à chaque type de culture divergent, et sont énoncées de manière spécifique à chaque espèce dans l’Annexe II de l’ordonnance sur les semences et plants (par renvoi de l’art. 14 OSP). La valeur culturale et d’utilisation est évaluée par l’OFAG en fonction de deux éléments : une valeur éliminatoire pour chaque caractéristique observée doit obligatoirement être atteinte par la variété candidate, qui doit également atteindre une valeur globale minimale (art 17 OPS et Ch. 1.1 Annexe II OSP).

En ce qui concerne l’examen du blé en France, BONNEUIL décrit la procédure comme suit :

« La cotation des variétés est une note sur 100, construite avec un barème qui accorde 35% de la note au rendement, 20% à la

« qualité » (principalement la « force boulangère »), et 45% pour des critères de régularité tels que la résistance au froid, la précocité, la résistance à la verse, et la résistance à diverses maladies fongiques. Chaque caractère, noté de 1 à 10, est affecté d’un coefficient plus ou moins important, aboutissant à cette note globale qui doit dépasser une valeur seuil pour prétendre à l’inscription au catalogue »805.

Une série d’exceptions à ces critères stricts est prévue, exemptant certaines catégories de variétés de l’examen VAT. Ces différents groupes doivent tout de même figurer au catalogue, mais les conditions pour leur enregistrement sont plus souples.

Il s’agit premièrement des légumes, dont les variétés ne sont pas soumises aux critères VAT pour leur enregistrement (art. 15 al. 2 let. c OSP et art. 5 al. 1 let. c OMM).

Les critères VAT sont contestés pour les espèces fruitières ou potagères, car « [l]a grandeur industrielle n’est pas aussi hégémonique et les marchés sont plus fragmentés : le goût des consommateurs, les noms et la réputation des variétés y

801 Voir à ce sujet Chapitre 5, p. 275 ss.

802 L’abréviation VAT fait référence à la terminologie française : « Valeur agronomique et technique ».

803 STAUBER (2016), p. 203.

804 BONNEUIL &HOCHEREAU (2008), p. 1317.

805 BONNEUIL &HOCHEREAU (2008), p. 1317.

rendent improbable la définition ex ante de la "valeur" et du succès commercial d’une variété »806. BONNEUIL & THOMAS expliquent que certaines espèces ne peuvent pas être soumises aussi strictement à ce régime d’évaluation centralisée de la valeur des variétés807. Ainsi, les plantes potagères et les espèces fruitières échappent aux critères VAT.

« Cette différence de traitement reflète des configurations de marché et filières différenciées. Pour les espèces de grande culture, la production est relativement standardisée (avec des critères marchands de qualité seuil plutôt qu’une forte différenciation des qualités), sur des marchés vastes où la qualité est aisément codifiable. Pour les plantes potagères, au contraire, les marchés sont, dans les années 1960, plus éclatés et les qualités reconnues par les consommateurs entrent en ligne de compte pour déterminer l’avenir d’une variété »808.

Ensuite, les variétés de graminées qui ne sont pas destinées à être utilisées en tant que plantes fourragères ne doivent pas non plus répondre aux exigences VAT (art. 15 al. 2 let. a OSP et art. 5 al. 1 let. e OMM). Elles sont ainsi admises au catalogue au titre de « variétés de graminées et de plantes fourragères destinées uniquement à un usage non-agricole ». Les semences de gazon ou de graminées destinées à la production de biomasse sont principalement concernées.

Sont également exemptées de l’examen VAT les variétés dont la semence est uniquement destinée à être utilisée comme composante dans la production de variétés hybrides, qui elles, doivent satisfaire aux exigences de l’art. 5 al. 1 let. a et b OMM (art. 15 al. 2 let. b et art. 32 al. 1 let. a OSP). Seule la variété hybride ainsi obtenue est donc visée par l’examen VAT, et non ses ascendants génétiques.

Les variétés d’alpiste, de sorgho, de sorgho du Soudan, d’hybrides résultant du croisement de ces deux espèces, de maïs sucré, de maïs à pop-corn et à polenta ne sont soumises à aucune exigence quant à la valeur culturale et d’utilisation, en raison de leur place anecdotique au sein des cultures suisses (art. 32 al. 1 let. c OSP).

Finalement, les variétés destinées uniquement à la mise en circulation à l’étranger, sous réserve d’accord internationaux, ne sont pas soumis aux critères VAT : lorsque la valeur culturale et d’utilisation a été jugée suffisante par au moins l’un des pays de l’Union européenne pour l’espèce concernée, elle est également admise par la Suisse, même lorsque les valeurs sont différentes (art. 15 al. 1 OPS, Annexe 1 liste B OSP, et art. 5 al. 1 let. a OMM).

Les protocoles VAT sont contestés, car ils ont été développés en tenant compte uniquement de conditions de culture intensive. Ainsi, le rendement et la résistance aux maladies ou au froid ne sont évalués que dans ce contexte, et ne sont pas nécessairement transposables à une agriculture moins intensive809. Seules les variétés

806 BONNEUIL,DEMEULENAERE,THOMAS,JOLY,ALLAIRE,GOLDRINGER (2006), p. 33.

807 BONNEUIL &THOMAS (2009), p. 100.

808 BONNEUIL &HOCHEREAU (2008), p. 1338.

809 BONNEUIL,DEMEULENAERE,THOMAS,JOLY,ALLAIRE,GOLDRINGER (2006), p. 39.

correspondant à ces critères sont inscrites au catalogue – et donc mises en circulation – ce qui rend le recours à ce type d’agriculture inévitable.

c. Sélection conservatrice assurée

Une fois les examens DHS et VAT passés, une variété peut être enregistrée au catalogue des variétés, à condition que la sélection conservatrice en soit assurée.

La variété a tendance à se dégrader progressivement, au fur et à mesure que le matériel est multiplié. Il s’agit donc de s’assurer que la variété est conservée, de manière à ne pas perdre son patrimoine génétique d’une génération à l’autre. Ainsi, la sélection conservatrice consiste à conserver et à multiplier, chaque année, un nombre de semences ou de plants suffisant pour assurer la reprise en lignées de la variété. Le but est d’en maintenir une homogénéité génétique parfaite810. « A chaque génération, le sélectionneur contrôle la pureté des reproducteurs et élimine systématiquement les familles ou les lots qui présentent une différence avec le type original de la variété »811.

La responsabilité de cette conservation incombe à l’obtenteur ou à son représentant, qui doit pouvoir en apporter la preuve à l’OFAG en tout temps812. La méthode de sélection conservatrice doit être reconnue par l’office, après que l’obtenteur de la variété ou son représentant lui ait transmis la description des méthodes de sélection conservatrice (art. 5 al. 1 let. c OMM). L’office reconnaît la méthode si elle permet de maintenir la conformité de la variété à la description déposée lors de son enregistrement (art. 6 al. 1 OMM). La sélection conservatrice peut être effectuée à l’étranger si le contrôle pratique est reconnu équivalent (art. 6 al. 2 OMM). En Suisse, Delley Semences et Plants (DSP) se charge de la sélection conservatrice sur mandat des sélectionneurs, et distribue aux multiplicateurs le matériel qui en est issu.

d. Dénomination conforme à la LPOV

Finalement, une variété peut uniquement être inscrite au catalogue si sa dénomination est conforme à la législation de droit privé relative à la protection des obtentions végétales (LPOV813), de manière à pouvoir identifier la variété814.

L’art. 5 al. 1 let. d OMM renvoie aux exigences de l'art. 6 de la LPOV, intitulé

« Effets de la protection des variétés – exceptions ». Or il s’agit d’une erreur d’inattention du Conseil fédéral, qui n’a pas adapté le renvoi lors de la modification de la LPOV815 : en effet, depuis le 1er septembre 2008, la dénomination des obtentions végétales est réglée à l’art. 12 de la LPOV, et non plus à son art. 6.

Il s’agit donc de se référer aux exigences de l’art. 12 LPOV. Cette disposition prévoit qu’une variété doit forcément être désignée par une dénomination, qui doit, en principe, être la même dans tous les Etats membres de l’UPOV. Des différences de

810 MACIEJEWSKI (2013), p. 56 ; ANVAR (2008), p. 39.

811 MACIEJEWSKI (2013), p. 58.

812 MOSER (2003), p. 10.

813 Loi fédérale du 20 mars 1975 sur la protection des obtentions végétales (LPOV), RS 232.16.

814 FF 2004 3929.

815 Pour l’ancienne teneur de l’article 6 LPOV, voir FF 1975 I 1144.

dénomination sont toutefois possibles si une dénomination est inappropriée dans certains Etats, par exemple pour des motifs linguistiques.

Plusieurs exigences se rapportent par ailleurs à la clarté de la dénomination.

D’abord, la dénomination ne doit pas être susceptible d’induire en erreur ou de prêter à confusion quant aux caractères, à la valeur ou à l’identité de la variété ou à l’identité de l’obtenteur ou d’autres ayants-droits816. Ensuite, elle ne doit pas introduire d’ambiguïté relative à la dénomination d’une autre variété de la même espèce ou d’une espèce similaire enregistrée dans un Etat partie de l’UPOV, et ne peut – sauf exception – être composée de chiffres ou de symboles difficiles à reconnaitre. Enfin, la dénomination variétale ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ni enfreindre le droit fédéral ou un traité international, ou violer le droit antérieur d’un tiers817.

2) Procédure d’homologation