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Approche sectorielle dans l’agriculture suisse

C. Climat

2) Approche sectorielle dans l’agriculture suisse

i. Améliorations foncières

Les écosystèmes agricoles occupent une place importante dans la préservation – ou au contraire dans la dégradation – de la biodiversité. Or, comme déjà évoqué, ils sont largement menacés en Suisse, où l’augmentation de la population provoque un recul constant des zones naturelles susceptibles d’abriter des espèces sauvages. On observe ainsi une perte importante d’habitats naturels, tant en termes de quantité que de qualité. L’urbanisation progressive du pays et l’exploitation intensive des terres agricoles en représentent les deux causes principales.

La diversité des milieux naturels dans l’agriculture a en effet reculé de manière importante depuis la révolution verte. Pour les besoins d’une agriculture mécanisée à grande échelle, les terres agricoles ont fait l’objet de remaniements parcellaires dans le cadre des améliorations foncières, pour être réparties entre propriétaires, de manière à optimiser le travail281. Ainsi, les parcelles ont été regroupées pour en former de plus grandes, et les petits éléments, tels que les bosquets, les haies ou les arbustes, qui se trouvaient à la lisière des parcelles, ont été éliminés car ils gênaient le passage des

278 OFEV, Stratégie Biodiversité Suisse (2017), p. 35.

279 OFEV, Stratégie Biodiversité Suisse (2017), p. 48.

280 Voir également à ce sujet : OFEV, Monitoring et suivi des effets dans le domaine de la biodiversité (2020).

281 FLURY (1993), p. 666 ; DONZALLAZ (2004), p. 519. Pour la liste des mesures possibles dans le cadre des améliorations foncières, voir art. 14 Ordonnance du 7 décembre 1998 sur les améliorations structurelles (OAS), RS 913.1.

machines282. Or ces éléments offrent des habitats à une multitude d’espèces animales et végétales et à des organismes vivant dans le sol283. En 2016, l’OFEV notait que sur le plateau, où l’agriculture est plus intensive que dans le reste du pays, beaucoup d’espèces ne trouvent plus de milieux adaptés, car les petites structures d’habitats ont été supprimées par les améliorations foncières284.

La disparition des petites structures a également pour conséquence de favoriser l’érosion des sols. En effet, l’eau de pluie ruisselle sur le sol et emporte avec elle des quantités de terre – ainsi que les produits phytosanitaires et les engrais qui s’y trouvent – sans que le ruissellement ne soit arrêté par de quelconques obstacles. Il en résulte une perte de terre et une pollution des cours d’eau.

Deux positions s’opposent concernant le besoin de produire plus de nourriture sans empiéter sur les espaces naturels, de manière à répondre à la perte d’habitats naturels dans le milieu agricole285: un courant propose de recourir à des méthodes d’agriculture intensive et de réserver des bandes de préservation de la biodiversité le long des champs (land grabbing approach)286, alors que d’autres prônent d’intégrer la biodiversité à l’agriculture, en abandonnant le système de monoculture et en encourageant les interactions entre les différentes espèces et variétés (land sharing approach)287. Cette dernière, aussi appelée approche agroécologique, replace l’agriculture dans son contexte et considère que la biodiversité est indispensable, mais dépendante, d’un système agricole durable. BRUSSARD,CARON et al. rattachent cette deuxième conception (land sharing) à la multifonctionnalité de l’agriculture288 .

A notre avis, l’agriculture multifonctionnelle selon la conception suisse ne va toutefois pas aussi loin. En effet, le système suisse des paiements directs conditionne le versement de subsides étatiques à la mise en place, dans les exploitations agricoles, de surfaces de promotion de la biodiversité à hauteur de 3,5% de la surface agricole affectée aux cultures spéciales, ou 7% de la surface agricole utile exploitée sous d’autres formes (art. 14 al. 1 OPD)289. Sont par exemples considérés comme des surfaces de promotion de la biodiversité les arbres (art. 14 al. 4 OPD), les prairies peu intensives ou extensives, les haies, bosquets champêtres et berges boisées et les jachères florales (art. 55 al. 1 let. a-n via art. 14 al. 2 OPD)290. Sur ces surfaces, les engrais et les produits phytosanitaires ne peuvent être utilisés que de manière très restrictive (art. 58 al. 2 et al. 4 OPD). Ce système se rapproche plutôt du système de land grabing que de land sharing.

282 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 25 ; FF 1992 II 140, p. 267.

283 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 25.

284 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), pp. 8s.

285 BRUSSARD, CARON, CAMPBELL, LIPPER, MAINKA, RABBINGE, BABIN, PULLEMAN (2010), p. 35;

BIRDSONG (2013), pp. 417 ss.

286 Notamment PHALAN,BALMFORD, GREEN,SCHARLEMANN (2011); BIRDSONG (2013); TILMAN,BALZER, HILL (2011); AVERY &AVERY (2008).

287 Notamment TSCHARNTKE,CLOUGH,GREEN,SCHARLEMANN (2012).

288 BRUSSARD, CARON,CAMPBELL,LIPPER,MAINKA,RABBINGE,BABIN,PULLEMAN (2010), p. 35.

289 L’ordonnance sur les paiements directs a remplacé, depuis le 23 octobre 2013, l’ordonnance sur la qualité écologique.

290 Un arbre équivaut à un are de surface de promotion de la biodiversité.

Des contributions sont toutefois également versées pour les modes d’agriculture intégrées (art. 2 let. e OPD), tels que l’agriculture biologique (art. 65 al. 1, 66, 67 ordonnance sur l’agriculture biologique291) et l’agriculture extensive, qui proscrit le recours à certaines catégories de produits, sans pour autant encourager une diversification des cultures ou des variétés (art. 69 OPD).

Finalement, le versement des paiements directs est conditionné à la mise en place de mesures de protection du sol, notamment par une couverture optimale du sol, par des mesures destinées à éviter l’érosion et par l’usage d’engrais et de produits phytosanitaires qui ménagent le sol (art. 70 al. 2 let. e LAgr et art. 9 OPD). Ce système des paiements directs permet également de poser certaines exigences en matière d’urbanisme et de mitage du territoire.

ii. Urbanisation

Le développement du milieu bâti et des infrastructures de transports implique une perte quantitative de terres agricoles292. Il est en effet estimé qu’entre 1985 et 2008, 54'516 hectares de terres agricoles ont été transformées en zones d’habitation en Suisse293. Or, les terres agricoles offrent des espaces nécessaires pour le développement et le maintien de nombreuses espèces. La fragmentation de ces espaces accueillant la biodiversité représente un problème supplémentaire, puisqu’il a pour conséquence que les milieux naturels sont séparés les uns des autres, ce qui isole les populations animales et végétales et empêche les écosystèmes d’interagir294. Sur le plateau, le morcellement du paysage a doublé ces 30 dernières années295. Des mesures ont ainsi été mises en place pour lutter contre la fragmentation et le recul des terres agricoles dans deux domaines principaux : l’aménagement du territoire et les paiements directs.

La protection quantitative des sols agricoles fait tout d’abord l’objet de règles en matière d’aménagement du territoire296. Les zones agricoles sont en effet protégées par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT297), dont le but est une utilisation mesurée du sol et la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1 al. 1 LAT). Les zones agricoles sont spécialement protégées par l’art. 16 LAT, dont le premier alinéa rappelle que « [l]es zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole ». Ainsi, la LAT proscrit en principe la construction sur les terres agricoles (art. 22 al. 2 let. a et 24 LAT). MAHAIM souligne toutefois que depuis l’entrée en vigueur de la LAT, les réformes ont systématiquement visé à assouplir le

291 Ordonnance du 22 septembre 1997 sur l'agriculture biologique et la désignation des produits et des denrées alimentaires biologiques (ordonnance sur l’agriculture biologique), RS 910.18.

292 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 19.

293 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 21.

294 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 19.

295 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 20.

296 Par opposition à la protection qualitative des sols, qui recouvre la biodiversité et la fertilité des sols (PREISIG, 2018, p. 287).

297 Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire (LAT), RS 700.

régime d’exceptions relatif aux constructions en zone agricole, en contradiction avec le principe de durabilité en matière d’aménagement du territoire298.

Une révision de la LAT (LAT 2) est actuellement en cours dans ce sens. Le Conseil fédéral indique vouloir assurer une meilleure planification de l’aménagement du territoire afin de protéger au mieux les espaces naturels et agricoles, tout en répondant à la densification du territoire : « [d]ans un pays aussi varié et en partie très densément peuplé que la Suisse, les conflits d’utilisation en lien avec l’aménagement du territoire, contraignants pour la pesée des intérêts liés à ce domaine, sont voués à augmenter et à devenir de plus en plus complexes »299. Un assouplissement des conditions de constructions hors des zones à bâtir est ainsi prévu (art. 23a ss projet nLAT)300.

Chaque canton a de plus l’obligation de maintenir une surface minimale d’assolement, soit un contingent de terres cultivables de bonne qualité (art. 3 al. 2 let.

a et 15 al. 3 LAT, art. 30 OAT301). Les contingents cantonaux ont été fixés par le Conseil fédéral en 1992 et ont pour objectif d’empêcher la diminution des surfaces agricoles302. Par exemple, le canton de Genève doit garantir 8'400 hectares de terres cultivables, sur les 438'560 hectares de surfaces d’assolement à l’échelle nationale303. Il est intéressant de noter que l’objectif principal de ce système n’est toutefois pas la protection de la biodiversité, mais plutôt d’assurer que la Suisse continue à produire suffisamment de denrées alimentaires.

Le droit foncier rural prévoit également des mesures dans ce sens304 : il encourage notamment l’accession à la propriété pour les agriculteurs et limite l’acquisition de nouvelles parcelles agricoles aux seuls exploitants, de manière à assurer l’exploitation à titre personnel et à garantir que les terres agricoles soient bien exploitées de manière conforme à leur but305. La loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR306) prévoit également que les parcelles ne peuvent en principe pas être séparées (art. 58 LDFR).

Parallèlement à la réglementation en matière d’aménagement du territoire, le système des paiements directs contient également des mesures incitatives visant à lutter contre la fragmentation des habitats naturels pour la faune et la flore. Des contributions spéciales sont ainsi allouées pour la mise en réseau des surfaces de protection de la biodiversité (bosquets, haies, prairies peu intensives ou extensives, bandes culturales extensives, etc.) (art. 61ss OPD). L’amélioration de la qualité et de la mise en réseau des surfaces de compensation écologiques représente d’ailleurs l’une des mesures spécifiques à l’agriculture pour atteindre l’Objectif Biodiversité Suisse

298 MAHAIM (2014), p. 1.

299 FF 2018 7423, p. 7429.

300 FF 2018 7423, pp. 7454 ss.

301 Ordonnance du 28 juin 2000 sur l’aménagement du territoire, RS 700.1.

302 FF 1992 II 1616 ; DFJP, Plan sectoriel des surfaces d'assolement (1992).

303 Entre 2000 et 2011, les surfaces d’assolement au niveau cantonal avaient reculé de 160 hectares, et en septembre 2012, elles s’élevaient tout juste au-dessus du contingent cantonal (8'432 hectares).

Monitoring du plan directeur cantonal, Fiche N1 Surfaces d’assolement, septembre 2012.

304 RICHLI (2016), p. 159.

305 Selon l’art. 1 al. 1 let. a LDFR, le but de cette loi est « d'encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une population paysanne forte et d'une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d'améliorer les structure » ; Voir aussi FF 1992 II 140, pp. 237 ss et p. 499.

306 Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR), RS 211.412.11.

n°1307. Le manque de connaissances scientifiques est toutefois déploré par certains, qui soulèvent par exemple que l’efficacité de la création de corridors écologiques n’a pas encore pu être prouvée 308.

En matière de préservation des espaces naturels spécifiques et non liés directement à l’agriculture, on notera également que de nombreuses lois protègent certains écosystèmes de manière ciblée309.

b. Moyens de production i. Mécanisation

Les méthodes d’agriculture utilisées depuis la révolution verte impliquent le recours à certains moyens de production pouvant porter atteinte à la biodiversité s’ils sont utilisés de manière intensive. La mécanisation de l’agriculture, l’usage d’engrais et de produits phytosanitaires, ainsi que la culture d’un nombre restreint de variétés, souvent à partir de semences hybrides, représentent les principaux facteurs agricoles dommageables pour l’environnement.

Les techniques mécanisées d’agriculture entrainent une dégradation de la qualité des sols (compaction, érosion et appauvrissement)310. L’utilisation de machines de plus en plus lourdes et performantes, liée à l’agrandissement des exploitations agricoles, entraîne un compactage des sols311. Celui-ci endommage la structure du sol, diminuant notamment sa porosité, ce qui nuit à la qualité de l’habitat des organismes du sol, ralentit l’infiltration de l’eau et favorise ainsi l’érosion312. Or, la majorité des processus ayant lieu dans les écosystèmes terrestres et permettant la vie sur terre sont liés aux sols, et la surexploitation de ces derniers représente un facteur central dans la perte de diversité biologique313. A son tour, une terre peu fertile, sèche et compacte a besoin de davantage d’apports externes pour pouvoir répondre aux exigences de la production agricole314.

L’ordonnance sur les atteintes portées aux sols (OSol315) prévoit un certain nombre de mesures visant à lutter contre ces phénomènes. Il est en particulier prévu que le choix de véhicules et de machines adaptées à la qualité du sol doit être

307 OFEV, Stratégie Biodiversité Suisse (2017), p. 7.

308 DE SADELEER &BORN (2004), p. 22.

309 Notamment : Ordonnance du 16 janvier 1991 sur la protection de la nature et du paysage (OPN), RS 451.1 ; Ordonnance du 29 mars 2917 concernant l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (OIFP), RS 451.11 ; Ordonnance du 21 janvier 1991 sur la protection des hauts-marais et des hauts-marais de transition d'importance nationale (ordonnance sur les hauts-hauts-marais), RS 451.32 ; Ordonnance du 7 septembre 1994 sur la protection des bas-marais d’importance nationale (ordonnance sur les bas-marais), RS 451.33 ; Ordonnance du 1er mai 1996 sur la protection des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale (ordonnance sur les sites marécageux), RS 451.35 ; Ordonnance du 7 novembre 2017 sur les parcs d’importance nationale (ordonnance sur les parcs ), RS451.36 ; Ordonnance du 13 janvier 2010 sur la protection des prairies et pâturages secs d'importance nationale (ordonnance sur les prairies sèches), RS 451.37.

310 Pour des explications détaillées, voir COLEMAN &CROSSLEY (1996).

311 FF 1992 II 140, p. 266.

312 FF 1992 II 140, p. 266.

313 OFEV, Stratégie Biodiversité Suisse (2017), p 24.

314 LAST,BUCHMANN,GILGEN,GRANT,SHRECK (2015), p. 27.

315 Ordonnance du 1er juillet 1998 sur les atteintes portées aux sols (OSol), RS 814.12.

privilégié, de manière à éviter les compactions et « modifications de la structure des sols qui pourraient menacer la fertilité du sol à long terme » (art. 6 al. 1 OSol). Les risques d’érosion du sol doivent également être pris en compte en matière d’aménagement du territoire et de rotation des cultures (art. 6 al. 2 OSol). Ces exigences sont de plus reprises par l’OPD dans le cadre des prestations écologiques requises donnant lieu à l’octroi de paiements directs (art. 17 al. 1 OPD).

Par ailleurs, les autorités recommandent certaines mesures individuelles de la part des agriculteurs, comme l’utilisation de pneus plus larges sur les tracteurs et la limitation du nombre de personnes sur les machines afin d’en limiter le poids316. Le fait de ne pas labourer les champs est également identifié comme une solution efficace, mais elle implique à son tour l’utilisation d’autres méthodes de désherbage, comme l’application d’herbicides totaux, tels que le glyphosate. Cette problématique démontre que la majorité des paramètres sont interconnectés dans le domaine agricole, où il n’est pas possible de modifier une pratique sans en influencer une autre. Un juste équilibre est ainsi difficile à trouver pour limiter les dégâts potentiels de l’agriculture sur l’environnement, tout en continuant à assurer une production alimentaire suffisante.

ii. Produits phytosanitaires et engrais

L’utilisation de grandes quantités de produits phytosanitaires engendre une série de problèmes en matière de biodiversité, qui interviennent à différents niveaux.

L’utilisation d’herbicides et d’insecticides a pour conséquence une diminution des espèces d’invertébrés, d’oiseaux et d’amphibiens, en faisant disparaître les graines et insectes qui constituent une partie de leur d’alimentation317. Le déclin du nombre d’oiseaux recensés en Suisse est ainsi alarmant : le dernier rapport sur la biodiversité et le Swiss Bird Index indiquent que 41 des 173 espèces d’oiseaux nichant régulièrement en Suisse se trouvent sur la liste rouge des espèces menacées318.

Les produits phytosanitaires infectent par ailleurs toute la chaine alimentaire en aval. Le célèbre exemple du DDT dans les années 1950-60 est révélateur des conséquences potentielles de ce phénomène d’intoxication319 : le DDT avait contaminé la chaine alimentaire, car il était répandu sur les cultures, ingéré par les insectes, qui étaient mangés par des petits rongeurs, à leur tour dévorés par les rapaces. L’ingestion de cette substance par les faucons pèlerins avait eu pour conséquence de ralentir l’absorption du calcium par les individus, fragilisant les coquilles de leurs œufs, qui ne supportaient plus le poids de leurs parents et s’écrasaient lorsque ces derniers les couvaient. La reproduction de l’espèce était ainsi mise en danger et le nombre

316 Voir par exemple l’Objectif P4 (protection et travail du sol) de la Stratégie Climat pour l’agriculture de l’OFAG (2011), p. 28. Notons que la deuxième mesure paraît quelque peu dérisoire, puisque le poids d’une personne supplémentaire est minime comparée au poids d’une machine de plusieurs tonnes.

317 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), pp. 8s.

318 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 43 ; Swiss Bird Index ; https://www.vogelwarte.ch > Projet

> Evolution > Swiss Bird Index SBI ; Les conclusions sont similaires au niveau européen : FISCHER, ROUNSEVELL,TORRE-MARIN,MADER (2018).

319 A ce sujet, voir l’ouvrage de CARSON (1963), p. 287.

d’individus avait dramatiquement diminué (jusqu’à presque disparaître) avant que le DDT ne soit par la suite interdit320.

Les insecticides (notamment les néocorticoïdes) utilisés dans l’agriculture pour lutter contre les organismes nuisibles ont également des conséquences importantes sur la biodiversité, qui vont au-delà de la disparition des insectes « nuisibles » visés : les insecticides concernés passent par le pollen et le nectar des plantes cultivées et contaminent les insectes butineurs dits « utiles »321. Ces derniers disparaissent progressivement et ne sont donc plus en mesure d’assurer leur rôle de pollinisateurs, pourtant si nécessaire à la reproduction des espèces végétales (cultivées ou sauvages)322. Il est estimé que les insectes pollinisateurs sont capitaux pour 35% de l’approvisionnement alimentaire humain et qu’ils jouent un rôle dans la production de 70% des variétés les plus cultivées dans le monde323. A l’échelle mondiale, la valeur de la pollinisation est estimée à 153 milliards d’euros et à 68 millions de francs à l’échelle Suisse324.

De plus, l’usage d’engrais minéraux ou organiques menace les équilibres des écosystèmes et leur stabilité325 : l’augmentation des nutriments provenant des engrais (tels que l’azote, le phosphore et le potassium) dans l’eau et dans les sols a tendance à favoriser les espèces déjà fréquentes et potentiellement envahissantes326. Ces dernières étouffent les autres espèces plus fragiles, ce qui résulte en une réduction de la biodiversité des espèces327. Les engrais de ferme (purin et fumier) contiennent également des teneurs en ammoniac importantes, qui contribuent à l’acidification et à l’augmentation de la teneur en nutriments dans les sols328.

De manière similaire, l’application d’herbicides appauvrit le stock d’organismes vivants dans le sol, alors qu’il est estimé que quelques milliers, voire de millions de microorganismes se trouvent dans une poignée de sol, et que ces derniers occupent un

320 Annexe 3.1 Ordonnance sur les substances dangereuses pour l’environnement du 9 juin 1986, RS 814.013 [abrogé, RO 2005 2695] et remplacée par l’Annexe 1.1 de l’ordonnance sur la réduction des risques liés à l’utilisation de substances, de préparation et d’objets particulièrement dangereux (ORRChim) du 18 mai 2005, RS 814.81. Depuis 2004, le DDT a également été proscrit au niveau international par la Convention de Stockholm du 22 mai 2001 sur les polluants organiques persistants (Convention POP), entrée en vigueur pour la Suisse le 17 mai 2004, RS 814.03.

321 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), pp. 8s.

322 KLEIN,VAISSIÈRE, CANE, STEFFAN-DEWENTER, CUNNINGHAM, KREMEN, TSCHARNTKE (2007).

323 TSCHARNTKE,CLOUGH,WANGER,JACKSON,MOTZKE,PERFECTO,VANDERMEER,WHITBREAD (2012), p. 57; Conseil fédéral, Rapport sur la mise en œuvre du plan d’action national pour la santé des abeilles (2016), p. 13.

324 Conseil fédéral, Rapport sur la mise en œuvre du plan d’action national pour la santé des abeilles (2016), p. 13 ; OFS, Production totale de l’agriculture 1993-2013.

325 LAST,BUCHMANN,GILGEN,GRANT,SHRECK(2015), p. 24. Les engrais organiques, d’origine végétale ou animale, doivent être distingués des engrais minéraux, produits par le biais de la chimie à partir de substances minérales (art. 5 al. 2 let. c et de l’ordonnance du 10 janvier 2001 sur la mise en circulation des engrais (Ordonnance sur les engrais - OEng), RS 916.171. Le fumier et le purin – aussi appelé « engrais de ferme » (art. 5 al. 2 let. a OEng) – représentent les principaux engrais organiques.

326 Les problèmes liés à l’azote sont d’ailleurs soulignés par le dernier rapport du Conseil fédéral, Environnement suisse (2018), pp. 45 ss.

327 OFEV, Biodiversité en Suisse (2016), p. 22.

328 OFEV, Stratégie Biodiversité Suisse (2017), p. 83.

rôle central dans la majorité des services écosystémiques329. Par ailleurs, les résidus d’engrais et de produits phytosanitaires dans le sol sont entrainés vers les cours d’eau (érosion et ruissellement des eaux), ce qui porte atteinte aux espèces aquatiques330. En effet, les nutriments provenant des engrais entrainent une eutrophisation des cours d’eau (croissance de plantes due à une forte concentration de nutriments), alors que les résidus de produits phytosanitaires provoquent la disparition des organismes

rôle central dans la majorité des services écosystémiques329. Par ailleurs, les résidus d’engrais et de produits phytosanitaires dans le sol sont entrainés vers les cours d’eau (érosion et ruissellement des eaux), ce qui porte atteinte aux espèces aquatiques330. En effet, les nutriments provenant des engrais entrainent une eutrophisation des cours d’eau (croissance de plantes due à une forte concentration de nutriments), alors que les résidus de produits phytosanitaires provoquent la disparition des organismes