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Prédiction de l’étanchéité d’un équipement de protection

V.10 Etude de sensibilité et test d’un autre design

Un certain nombre d’hypothèses ont été formulées et mises en œuvre dans les modèles numériques présentés. Les résultats des simulations numériques sont en accord avec les observations menées lors de ce travail, avec le retour d’expérience dont dispose la DGA et avec les mesures de pression réalisées sur un volontaire en utilisant les capteurs de pression pelliculaire. Cependant, plusieurs données introduites dans les modèles sont relativement imprécises car les moyens mis en œuvre pour les caractériser n’avaient pas une grande précision, ce qui aurait pu constituer un obstacle. Mais en fait, la grande variabilité des propriétés biomécaniques de la peau, des tensions de réglage de l’araignée, du positionnement relatif du masque et du visage ont conduit à privilégier des valeurs réalistes puis à quantifier leur influence sur le résultat. Le but de ce travail n’est pas d’étudier un équipement de protection sur un visage, mais une proposition de design sur un ensemble de têtes, d’où l’inévitable variabilité des données.

Au vu de la méthodologie développée, il est aisé de réaliser une étude de sensibilité pour plusieurs paramètres dont :

- le module de la peau,

- la direction des efforts exercés par les brins de l’araignée,

- l’intensité des efforts exercés par l’araignée selon le réglage des brins et la tête, - le coefficient de frottement entre le masque et la peau,

- le module d’élasticité des matériaux du masque, - l’épaisseur de différentes parties du masque, - les épaisseurs des zones répertoriées,

Pour la plupart de ces grandeurs, il n’y a qu’une valeur numérique à changer dans le fichier de données associé soit à la tête soit au masque. Pour changer les épaisseurs, il faut reconstruire le maillage volumique par extrusion nodale à partir des nouvelles épaisseurs, ce qui se fait en changeant la valeur scalaire donnant l’épaisseur de chaque domaine. Les formules de la référence [41] permettent de déterminer les intervalles possibles par zone, intervalle qui peut être réduit par le traitement des images scanner et IRM ayant les caractéristiques requises d’âge et d’indice de Kaup. Les résultats tirés de cette étude de sensibilité ne sont pas présentés ici.

Une illustration de l’emploi de cette méthodologie a ensuite été donnée pour la prédiction de l’étanchéité d’une proposition de nouveau design d’équipement de protection (Figure V.37). Plusieurs adaptations locales sont effectuées sur la CAO fournie pour que le maillage soit de bonne qualité. Certaines surfaces issues de la CAO sont décomposées, d’autres regroupées ou légèrement modifiées en vue du maillage. La bande de contact est choisie comme surface esclave pour l’algorithme de contact, elle est maillée avec l’outil de maillage réglé. Comme pour l’ANP/VP, des corps rigides assurent la non-déformabilité des zones renforcées dans lesquelles sont assemblés les accessoires (membrane phonique, cartouche filtrante…). Un certain nombre de précautions sont prises lors des opérations de maillage de manière à garantir la cohérence de l’orientation des éléments, la continuité du maillage le long des lignes séparant les domaines…

L’ANP/VP existe depuis quelques années, des mesures de tension dans les brins ont pu être réalisées et la corrélation calcul-mesures a pu être menée. D’autre part, il y a un retour d’expérience important et les éventuels problèmes observés dans les modèles

porteur, mauvais réglage de la tension des brins… Le problème est maintenant différent car le nouveau masque n’est encore qu’un design : il n’est pas possible d’effectuer des essais, il n’y a pas de retour d’expérience… Le système de maintien sur le visage de ce nouveau design est très différent du système actuel (ANP/VP). Les designers ont choisi pour système d’attache non pas une araignée à six brins crantés, mais un filet « continu » qui part du front, couvre le crâne et vient se fixer « ponctuellement » vers la mâchoire. Les efforts induits par ce système de maintien ne sont pas connus et ne peuvent être mesurés. Plusieurs hypothèses ont donc été faites pour la modélisation du chargement.

Figure V.37 : Proposition de nouveau design de masque

Pour le visage, les déplacements calculés sont en accord avec l’hypothèse de linéarité : ils sont de faible amplitude et sont dus à une compression de la peau plutôt qu’à son cisaillement. La distance normale entre le visage et le masque, limitée à 0,5 mm, montre bien que le contact n’est pas continu sur la bande de contact : le masque n’est pas étanche (Figure V.38). Les contraintes équivalentes de Von Mises dans le visage sont de faible intensité puisque la valeur maximale (en rouge) n’est que de 10 kPa, ce qui est inférieur au seuil de la douleur. On constate que la contrainte équivalente est nulle dans les joues, résultant du fait que le masque n’appuie pas sur le visage dans cette zone : il n’y a pas étanchéité. Les contraintes se répartissent régulièrement sur tout le front, la tempe et le menton. La tache rouge située dans la partie inférieure du visage correspond d’une part à la charge localement appliquée dans cette région, d’autre part au passage de l’os maxillaire qui, du fait des courbures prononcées du visage, amène à un écrasement des tissus sur cette « arête » géométrique.

Ces résultats ont permis aux designers de modifier la géométrie de la bande de contact. Les simulations numériques ont montré que l’étanchéité est pratiquement obtenue, ainsi que le montre la distance normale entre le visage et le masque, limitée à 0,5 mm (Figure V.39). Le second design est meilleur que le premier, la répartition des contraintes équivalente dans le visage est différente. La contrainte est plus faible sur l’os malaire,

le front, mais elle est maximale sur une zone plus importante. Le front est l’une des principales zones de douleur car les tissus mous y sont de faible épaisseur et ils sont pincés entre l’os frontal et l’équipement de protection.

Figure V.38 : Distance normale entre le visage et le masque, contraintes équivalentes dans le visage pour le design initial

Figure V.39 : Distance normale entre le visage et le masque, contraintes équivalentes dans le visage pour le design modifié

L’intégration d’un nouveau design de masque dans la chaîne logicielle mise en place a été menée à bien. La méthodologie développée a conduit à mettre en place des blocs fonctionnels élémentaires indépendants et précis en terme de données. Une modification, quelle que soit son ampleur comme par exemple remplacer un masque par un autre, ne se fait que dans un bloc et ne remet rien en cause dans la procédure générale, ni dans les outils numériques utilisés, ni dans les algorithmes de contact.

Radiologique, Biologique et Chimique) du combattant. Cette protection est assurée par un certain nombre de dispositifs dont un équipement de protection des voies respiratoires qui doit être efficace, peu encombrant et simple à utiliser. La Délégation Générale pour l’Armement (DGA) est chargée de spécifier, d’évaluer et de fournir le matériel adéquat à l’armée française, et à ce titre, elle mène les expertises nécessaires au choix du type de masque de protection. Les masques doivent non seulement présenter une protection maximale contre les produits toxiques, mais également assurer un maximum de confort pour diminuer le moins possible les capacités opérationnelles du combattant. La conception et la mise au point d’un équipement de protection nécessitent de nombreux essais avant sa mise en service. Ceux-ci impliquent la réalisation de prototypes et la participation de nombreux sujets volontaires représentatifs de la population ciblée. Ces essais sont complexes, parfois coûteux et souvent contraignants sur le plan légal.

L’objectif de ce travail est le développement d’une méthodologie et des outils nécessaires pour évaluer par la simulation numérique les performances des futurs équipements en termes d’étanchéité et de confort. Cette méthodologie de type "virtual testing" doit permettre de limiter la réalisation de prototypes physiques et les essais sur l’homme, et d’étudier un nombre plus important de concepts envisageables. Il s’agit en pratique d’être plus innovant tout en diminuant le temps et les coûts de conception en déterminant, au sens industriel, le meilleur ratio simplicité du modèle/prédiction des performances du design proposé. Les informations qui nous ont été transmises sont d’une part un ensemble de trois publications ([19], [20], [40]), d’autre part un retour d’expérience sur l’ANP/VP (Appareil Normal de Protection à Visière Panoramique) puisque ce masque est opérationnel dans les armées françaises.

L’originalité de ce travail provient ce que l’on veuille étudier l’étanchéité potentielle de masques virtuels dont il n’existe que le modèle numérique sur un ensemble de têtes réelles, celles des personnels susceptibles de porter ces équipements. L’objectif n’est pas de garantir par la simulation les performances d’un design d’équipement de protection mais d’éliminer, suite à la simulation, certains designs moins performants que d’autres afin de limiter le nombre de prototypes. La complexité du problème se situe à plusieurs niveaux bien distincts.

Chaque tête a une géométrie externe différente et complexe. Il faut générer les maillages volumiques des tissus mous, en tenant compte de leur épaisseur. Pour que cette opération ne devienne pas un obstacle rédhibitoire, on a développé lors de ce travail une nouvelle technique de maillage originale, nommée « extrusion nodale ». Elle repose sur un maillage surfacique de l’enveloppe et sur la connaissance de l’épaisseur locale. La génération du maillage surfacique a elle-même été optimisée, le maillage est composé des facettes triangulaires au format STL directement issues de l’acquisition géométrique par le scanner DSP. L’épaisseur est une épaisseur par zone, mesurée sur des images scanner CT et des IRM pour des individus ayant les mêmes caractéristiques morphologiques que ceux à qui les masques sont destinés. On entend par caractéristiques l’âge et l’indice de Kaup.

Pour ce travail, la peau est un matériau homogène, isotrope, quasi-incompressible, ayant un comportement parfaitement élastique et linéaire. La pression de contact entre le masque et le visage doit être suffisante pour qu’il y ait étanchéité, mais minimale pour

ce qui démarque ce travail de la majorité des travaux menés en biomécanique. Pour mesurer le module d’élasticité de la peau, le test d’indentation est utilisé. Le diamètre de l’indenteur et la force exercée ont été déterminés en utilisant la simulation numérique par éléments finis, de manière à satisfaire les conditions requises pour l’emploi de la formule de Hertz pour le contact. Un abaque a été construit pour prendre en compte l’épaisseur des tissus, la formule de Hertz supposant le milieu indenté semi-infini, ce qui n’est pas le cas de la peau. Il ressort de cette partie que le module d’élasticité a sensiblement la même valeur en tout point d’un visage, et il est identique pour tous les individus ayant le même âge et le même indice de Kaup. Le module n’est pas une propriété locale et individuelle, mais une propriété globale pour tout un groupe.

Pour appréhender les performances de l’équipement en termes d’étanchéité, il est nécessaire de déterminer le champ de pression à l’interface tête-masque. Les techniques de contact sont implantées depuis longtemps dans les codes industriels de simulation mécanique par éléments finis mais les surfaces « mécaniques » sur lesquelles se développe le contact sont généralement simples : ce sont des plans, des cylindres, des sphères… et souvent, l’un des deux solides en contact est supposé indéformable par rapport à l’autre. Les surfaces sont, indépendamment de l’aspect mathématique, « régulières » au sens de l’ingénieur. Lorsqu’un problème d’oscillations apparaît, il est souvent supprimé en modifiant le maillage car il est dû à la discrétisation des surfaces par le maillage. Or pour notre problème, la technique de construction des maillages est telle qu’il n’est pas possible d’y apporter facilement de modification. Et les géométries en présence, toutes différentes car chaque individu a une morphologie propre, ne sont pas régulières. Les difficultés rencontrées ici sont de trois natures différentes, leur conjonction rendant originale la problématique : la structure comporte des modes rigides, les glissements qui peuvent avoir localement de grandes amplitudes et surtout, des deux surfaces flexibles en contact ont des géométries complexes. De profondes améliorations ont été apportées aux algorithmes de contact du logiciel SAMCEF pour que le problème puisse être numériquement résolu. En particulier, le contact est détecté sur la surface lissée construite à partir de la surface maîtresse, les itérations sont découplées, il y a du reprofilage avec actualisation des relations nœuds esclaves- surfaces maîtresses à la première itération de chaque incrément. Le contact est géré par multiplicateurs de Lagrange, dont la position change dans la matrice selon les contacts et les glissements. Le couplage de l’algorithme de contact avec la technique d’inversion matricielle « sparse solver » permet de rendre efficace le reprofilage. Cet algorithme de contact est maintenant à la disposition de tous les utilisateurs du logiciel SAMCEF. Les mesures réalisées sur mannequin et sur visage ont été corrélées par les simulations numériques, démontrant ainsi le bien fondé des hypothèses sur lesquelles les modèles sont bâtis, et le caractère prédictif des résultats de simulation. Les études de sensibilité menées par simulation ont permis de dégager les paramètres les plus influents et leur influence, ce qui s’est avéré conforme au retour d’expériences dont disposait la DGA. La méthodologie, les outils développés et leur lien avec le logiciel de calcul par éléments finis SAMCEF répondent à l’attente de l’industriel.

Dans l’avenir, un certain nombre d’opérations pourront vraisemblablement être automatisées, rendant l’analyse d’un nouveau design encore plus rapide. Les techniques de contact surface sur surface (chaque partie jouant à la fois le rôle d’esclave et de maître) permettront de lever la contrainte sur les densités relatives de maillage, et de

nombre de scanners ou d’IRM d’individus de mêmes caractéristiques permettra de confirmer les hypothèses réalisées, d’affiner les zones d’épaisseur et la valeur des épaisseurs encore qu’une étude de sensibilité par simulation numérique paraît plus adaptée que la caractérisation fine des propriétés du fait de la variabilité des données biomécaniques.

ANNEXE 1