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Quatrième partie :

IV.7 Épaisseur des tissus

La détermination du module d’élasticité « local » de la peau, c’est en dire mesuré en différents points d’un visage, passe par la connaissance préalable de l’épaisseur en ces points. La recherche bibliographique menée pour accéder à la répartition des épaisseurs de peau sur un visage n’a pas donné plus d’informations exploitables que la recherche du module d’élasticité. Pour la plupart des essais mécaniques réalisés [14], [17], [21], [24], [33], [34], [44], [94], on trouve des valeurs d’épaisseur mais ce sont les épaisseurs des échantillons de peau et non les épaisseurs de la peau selon le sens défini au début de cette partie. D’autre part, ces publications ne font pas spécifiquement référence au visage et rien ne dit a priori que le module d’élasticité est le même en tout point du corps humain.

Tous les visages sont géométriquement différents, ce qui pose une première difficulté pour l’évaluation de la donnée « épaisseur » car un point de coordonnées imposées dans un repère fixe ne correspond pas nécessairement au même point physiologique. L’épaisseur de la peau est très variable sur un visage ce qui constitue une seconde difficulté quant à la détermination des données. Quand on dispose des moyens expérimentaux permettant la mesure de l’épaisseur des tissus en un ensemble significatif de points d’un visage, le travail à mener est relativement long et fastidieux, la génération des données éléments finis à partir de ces valeurs locales individuelles l’est au moins autant. Ces deux difficultés sont des obstacles majeurs pour le développement de l’outil d’expertise, car il ne faut pas perdre de vue que le nombre de visages qui sera utilisé suite à ce travail est important (>100). Les individus peuvent être classés dans cinq catégories morphologiques, quel que soit leur sexe, à partir de la valeur de l’indice de Kaup (autre nom du Body Build Index de Davenport). Cet indice est fonction de la masse M exprimée en grammes, de la taille T exprimée en centimètres [41], et il est défini par la relation :

2

T M Kaup =

Pour des individus appartenant au même « groupe » morphologique et ayant un indice de Kaup comparable, l’épaisseur des tissus en un point de référence physiologique dont la position dépend des caractéristiques morphologiques de l’individu, peut être considérée comme sensiblement identique : ce n’est pas sur des points de coordonnées fixes dans un repère de référence qu’il faut mesurer la donnée épaisseur mais sur des points de référence physiologique. Le plan sagittal par exemple, plan vertical parallèle à

deux yeux, comporte ainsi plusieurs points physiologiques (Figure IV.17). Pour un individu donné, l’épaisseur des tissus est certes variable d’un point à l’autre du visage mais elle semble être uniforme sur des zones bien identifiées comme le front, les tempes, les joues… Ces hypothèses sont fortes et elles présentent un intérêt majeur pour le développement de l’outil d’expertise. Si ces hypothèses sont confirmées par des mesures appropriées sur une population ciblée, la diversité des géométries de visage et les changements d’épaisseur en fonction du point considéré ne sont plus des obstacles rédhibitoires pour la mise en place d’un modèle « individualisé » de visage souple. Pour alimenter le modèle numérique, il suffit alors de déterminer les zones pour lesquelles l’épaisseur peut être considérée comme constante et la valeur de cette épaisseur. Les données de type épaisseur proviennent essentiellement du groupe auquel appartient l’individu et n’ont pas besoin d’être individualisées.

Figure IV.17 : Exemple de points physiologiques dans le plan sagittal

Il existe un ouvrage en grande partie consacrée à l’épaisseur des tissus du visage. Le but de cet ouvrage est de décrire les étapes de reconstitution permettant de donner des traits à des restes humains, dans le but d’aider à l’identification de la personne [41]. Dans le cadre de ce travail, il m’a été possible de rencontrer l’auteur et de visiter son laboratoire à l’Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale (IRCGN). Plusieurs techniques de reconstruction sont employées selon la nature et l’état des restes, mais elles ont en commun les mêmes données initiales : les ossements. Ce sont eux qui permettent de déterminer le sexe, l’âge, la taille, et de nombreuses particularités de l’individu. Des formules statistiques donnent la valeur de l’épaisseur en un certain nombre de points significatifs du visage, à partir desquelles sont construites les surfaces représentant son enveloppe. En un point caractéristique, les formules de la référence [41] conduisent à une dispersion sur l’épaisseur qui peut être relativement importante. A titre d’exemple, pour la glabelle, point de référence sur le front dans le plan sagittal, l’épaisseur est comprise entre 2,8 et 4,8 mm pour un même indice de Kaup et un même âge, par application de la formule :

Glabelle = (2,25Kaup – 0,75) +/-0,99 pour les hommes Glabelle = (1,24Kaup +2,52) +/-1,16 pour les femmes

Cette dispersion est cependant très intéressante car elle va servir à borner les épaisseurs lors de l’étude de sensibilité menée ultérieurement et éviter de considérer des épaisseurs non physiologiques. Les formules mises en place sont cependant locales en ce sens

quelle est l’étendue de la zone entourant le point sur laquelle l’épaisseur est uniforme ou considérée comme telle. Il est donc important de réaliser un ensemble de mesures pour déterminer ces zones et comparer ces épaisseurs à celles déduites des formules de la référence citée [41].

Les techniques ultrasonores, bien que largement utilisées dans le monde médical et connues sous l’appellation d’« échographie », n’ont pas été retenues pour plusieurs raisons bien que la précision des mesures soit de l’ordre de 0,1 mm ce qui est a priori largement suffisant pour la définition du modèle volumique [34], [94]. Le premier inconvénient de cette technique est qu’il faut faire autant de mesures différentes que le nombre de points où l’on souhaite mesurer l’épaisseur : l’acquisition est locale. Le second est que l’ensemble des mesures ne donne pas un accès direct à une représentation 3D des épaisseurs sur tout le visage, et que les épaisseurs sont inconnues entre les points de mesure. C’est la raison pour laquelle les techniques d’imagerie médicale qui permettent aujourd’hui d’accéder de manière aisée à l’épaisseur des tissus ont été utilisées.