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SAAST Acad. MACON

II. E.1.2 Fonctionnaires et militaires

II.E.1.2.1 Une importante présence militaire à la fin du IIIe siècle ?

L’examen des collections anciennes du musée d’Autun, comme celui du matériel recueilli lors des fouilles récentes, permet de mettre en évidence une occupation militaire dans la ville dans la seconde moitié du IIIe siècle, sans solution de continuité avec la fin du Haut Empire805. Celle-ci est suggérée par la découverte de nombreux éléments de l’équipement offensif et défensif des troupes du IIIe siècle : écailles de cuirasse (loriaca squamata), éléments de casques et de spathae, armes806. Après les découvertes d’Augst, cette série est à ce jour la plus importante provenant d’un site civil gaulois, puisque ce sont douze bouterolles d’épée du IIIe siècle, mais aussi neuf pontets, deux gardes d’épée, six éléments de poignée, un bouton de balteus, cinq éléments de baudrier, deux armes d’estoc, un casque, au moins trois cuirasses à écailles et seize fibules militaires qui sont attestées à Autun. L’étude du matériel permet de supposer que cette présence militaire doit être placée entre les années 260 et 280.

Le seul élément faisant défaut à ce jour est la trace de structures liées à cette présence militaire. Il est envisageable que la troupe ait été cantonnée dans les habitats urbains, ce que tendraient à confirmer les contextes disponibles. La chorographie des découvertes montre une répartition diffuse dans l’ensemble de la ville (fig. 27, p. 157). La partie sud n’a pas livré ce type de mobilier, mais il faut souligner que cette répartition reflète en grande partie la géographie des interventions archéologiques récentes, dans des secteurs en cours de ré-urbanisation depuis la fin du XIXe siècle.

A l’inverse, les découvertes sont plus rares extra-muros. Il faut cependant noter une série d’indices concomitants dans le secteur du temple dit de Janus, dans le quartier de la Genetoye [71014-02]. Le seul objet militaire actuellement conservé et provenant de ce secteur est une fibule à charnière en forme d’arbalète (Armbrustscharnierfibel) trouvée en 1876 au « Haut du Verger », c’est-à-dire à l’emplacement du théâtre du sanctuaire de la Genetoye (pl. 280 et 282, n° 1). Cette fibule militaire isolée ne ferait pas l’objet d’un développement spécifique si J.-G. Bulliot n’avait pas signalé plusieurs traits de catapulte dans ce secteur. Il appuie cette identification sur le fait que les objets sont trop gros pour appartenir à des

802 Heijmans, Arles durant l’Antiquité tardive, p. 339-379.

803 Appendice prosopographique, vol. II, p. 429, Anonyme 2, Anonymes 3, Anonyme 5.

804 Gratiarum actio Constantino Augusto, VIII, 1.

805 Exceptée une modeste présence au début du Haut-Empire, suggérée par la découverte de militaria (armes, éléments de cuirasse segmentée...), les découvertes sont très rares au IIe et au début du IIIe siècle : Fort (B.) et Labaune (Y.) – Les militaria du début du Haut-Empire à Autun (S.-et-L.), à paraître dans la collection BIBRACTE.

155 flèches807. Le contexte exact de ces objets étant inconnu, on peut évidemment objecter que ce matériel pourrait être lié à l’arsenal impérial d’Autun, produisant des catapultes au début du Ve siècle808. Notons cependant qu’aucun indice ne permet de supposer qu’une quelconque activité artisanale se soit déroulée à une date tardive dans la zone du sanctuaire de la Genetoye.

En revanche, une vaste enceinte fossoyée, qui pourrait s’apparenter à un ouvrage militaire, englobe plusieurs hectares autour du théâtre extra-muros de la Genetoye [71014-02] (pl. 280 ; 281, n° 4-5). Seule une opération archéologique ciblée serait à même de clarifier la fonction et la datation de cet aménagement.

II.E.1.2.2 Le IVe siècle : Autun, ville de garnison et centre administratif ?

Plusieurs objets indiquent la présence de fonctionnaires et de militaires dans la ville du IVe siècle. Il s’agit de fibules, d’éléments de ceinturon et d’armes. Les fibules sont les plus représentées : on dénombre dix-huit exemplaires appartenant aux types Keller – Pröttel 1 (quatre exemplaires), 3/4A (trois exemplaires), 3/4B (sept exemplaires), 3/4D (cinq exemplaires), 5/6 (trois exemplaires)809 (pl. 295, n° 5 ; 300, n° 5-12 et 300bis). Ces objets, que l’on peut indistinctement attribuer aux fonctionnaires comme aux militaires, forment le plus gros ensemble de Lyonnaise orientale. En revanche, les éléments de ceinturon sont proportionnellement beaucoup plus rares : on recense deux boucles décorées de dauphins affrontés (pl. 302, n° 5 et 8), deux boucles à plaque triangulaire (Sommer, classe 3, type E) (pl. 302, n° 6-7), trois ferrets (pl. 302, n° 12-14) et une applique en forme d’hélice (pl. 302, n° 11)810. De même, les armes caractéristiques sont peu nombreuses : on dénombre une probable plumbata811 et une pointe de lance à barbelures (widerhakenlanze)812 (pl. 303, n° 2-3)813.

Les textes confirment la présence de fonctionnaires et de militaires à Autun durant l’Antiquité tardive. Eumène signale en 298 que les légions de Constance Chlore hivernent cette année-là en territoire Eduen814, mais ne dit pas expressément qu’elles séjournent à Autun. Toutefois, les soldats sont chargés de la réparation de l’alimentation en eau de la ville815 et on peut donc supposer qu’elles stationnaient à faible distance. Rien ne permet d’affirmer que ce cantonnement fut définitif, et il est probable que dans le contexte de réorganisation du limes opéré par Dioclétien816, ces troupes furent ensuite déplacées vers les frontières.

La présence de troupes à Autun est ensuite attestée par deux fois au milieu du IVe siècle. Lors de l’épisode de l’usurpation de Magnence à Autun en 350, Zosime relate que se rallièrent à lui des hommes détachés des cavaliers stationnés en Illyrie pour compléter les corps de troupes en Gaule817. Le texte laisse sous-entendre qu’ils se trouvaient près d’Autun ou dans la ville même, puisqu’ils se rallièrent immédiatement aux conjurés. Le cantonnement de troupes de cavalerie tardives en Lyonnaise I est documenté par d’autres sources, comme la stèle du cataphractaire de Lyon818, mais rien n’assure que les cavaliers Illyriens de Zosime aient stationné en permanence à Autun : il pourrait s’agir d’un détachement du comitatus chargé d’escorter Marcellinus, Magnence et la cour lors de leur séjour dans la ville819. Plus probant est un passage

807 Bulliot (J.-G.) – Fouilles du quartier de la Genetoye et du temple de Janus, MSE, IX, 1880, p. 419-462.

808 Notitia dignitatum Occ., IX, 33 : Augustodunensis balistaria.

809 [71014-Matériel / Instrumentum / Fibules, n° 17-18] et [71014-13].

810 [71014-Matériel / Instrumentum / Eléments de ceinturon, n° 5-14].

811 Sur cette arme, Völling (T.) - Plumbata – Mattiobarbulus – MARTZOBAPBOY ON ?, AA, 1991, 2, p. 287-298 ; Southern (P.), Dixon (K.R.) – The Late Roman army. Londres, 1996, p. 114.

812 Bishop (M.C.), Coulston (J.C.N.) - Roman Military Equipment. Londres, 1993, p. 161-162.

813 [71014-Matériel / Instrumentum / Armes, n° 1-2].

814 Eumène, Oratio pro instaurandis scholis, IV, 3.

815 Ibid.

816 Carrié (J.-M) – Esercite e strategie, dans Storia di Roma, III, 1, p. 102-103.

817 Zosime, II, XLII, 3-5 (trad. F. Paschoud). Peut-être s’agit-il des Equites octauo Dalmatae ou des Equites Dalmatae

Passerentiacenses signalées en Gaule par la Notitia Dignitatum, occ., VII, 174-175. 818 Espérandieu, Recueil général, III, 1780.

d’Ammien Marcellin, qui montre clairement qu’Autun possédait une garnison en 354, incapable d’empêcher la prise de la ville par les Alamans820.

Passé cette date, aucune source ne mentionne la présence de soldats à Autun. En revanche, l’existence de plusieurs fabricae à Autun dans les années 400 et d’un gynécée, transféré à Metz821 dans le courant du IVe ou au début du Ve siècle, laisse supposer la présence de fonctionnaires et de militaires chargés de la gestion de ces ateliers822.

II.E.2 LE VE SIECLE ET LE DEBUT DU VIE SIECLE

Les données sur la composition de la population urbaine du Ve et du début du VIe siècle sont des plus rares. L’archéologie offre peu d’indications et les sources écrites sont beaucoup plus pauvres qu’au siècle précédent.

La présence de notables dans la ville de la fin de l’Antiquité tardive ne peut être établie sur la base des sources disponibles. Les données prosopographiques sont relativement importantes, mais rien ne permet d’affirmer que l’aristocratie réside en ville de manière régulière. Une allusion de Sidoine Apollinaire, qui félicite son ami Attalus de présider (presidere) la Cité des Eduens laisse supposer le maintien du sénat local dans la seconde moitié du Ve siècle823.

Le reste de la population est très mal connu. On peut supposer la présence d’artisans, comme le suggère la découverte du moule de verrier de Couhard [741014-14]. D’une manière générale, la rareté des observations archéologiques dans les quartiers fréquentés à cette époque nous prive sans aucun doute d’informations importantes sur le mode de vie des occupants de la ville.

La place des fonctionnaires et militaires échappe progressivement à l’analyse. On peut suspecter que les premiers sont encore présents dans le premier tiers du Ve siècle pour assurer l’administration des fabricae, mais l’effondrement du pouvoir romain en Gaule à partir du milieu des années 450 a pu avoir pour conséquence la fermeture des arsenaux d’Autun. Rien ne vient suggérer la poursuite de leur activité à l’époque burgonde824. En revanche, des fonctionnaires civils sont toujours attestée dans la seconde moitié du Ve siècle : Autun est une des premières villes de Gaule où apparaît l’institution comtale825, en la personne de Grégoire826, aïeul de Grégoire de Tours, mais aussi de Sigifunsus, comte des Burgondes827. Ces deux individus et leurs assesseurs doivent résider à Autun autour de 500828. La présence de militaires est quant à elle très mal attestée au delà du Ve siècle : les quelques découvertes éparses de fibules germaniques orientales ou d’éléments de ceinturon829 ne suffisent pas à prouver l’existence d’une garnison à Autun au Ve siècle.

820 Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, II, 1-4.

821 Notitia Dignitatum, occ., XI, 59.

822 Les fabricae sont dirigées par un tribun ou un préposé de rang perfectissime, les employés sont considérés comme des soldats payés en annones (il font partie du corps militaire) : Delmaire (J.) – Les institutions du Bas-Empire romain de

Constantin à Justinien, I. Les institutions civiles palatines. Paris, 1995, p. 89.

823 Cette fonction ne semble pas être une charge comtale : appendice prosopographique, vol. II, p. 430, Attalus.

824 Notons toutefois que Cassiodore, Variae, 7, 18-19 (cité par Delmaire, op. cit., p. 90) montre que les fabricae existent encore en Italie au début du VIe siècle.

825 Claude (D.) – Untersuchungen zum frühfrankischen Comität, ZRG, GA, 81, 1964, p. 1-79. On ne peut suivre D. Claude, p. 5, qui fait d’Attalus le premier comte d’Autun (cf. Appendice prosopographique, vol. II, p. 430, Attalus).

826 Appendice prosopographique, vol. II, p. 433, Gregorius.

827 Appendice prosopographique, vol. II, p. 435, Sigifunsus.

828 Grégoire doit être comte des Romains alors que Sigifunsus doit être comte des Burgondes. Sur l’organisation nationale de la charge comtale dans le royaume burgonde, Favrod, Royaume burgonde, 172-179. La fonction des premiers comtes est discutée : D. Claude (op. cit., p. 7-78) ne pense pas qu’ils aient eu une fonction judiciaire, ce que défend J. Favrod en se basant sur la Loi Gombette, mais aussi sur les indications de Grégoire de Tours, Liber vitae

patrum, VII, 1 qui indique que le comte Grégoire d’Autun rendit la justice dans le cadre de sa charge comtale. La

disparition des provinces, dont le gouverneur exerçait d’importantes fonctions judiciaires (Jones, LRE, I, p. 375), serait une bonne explication du transfert de ce pouvoir dans les mains des comtes vers le milieu du Ve siècle.

829 71014-Matériel / Instrumentum / Fibules germaniques, n° 2-3 (pl. 301, n°3-4) ; Militaria / Eléments du

I II III IV V VI VII VIII-IX IX-X XI XII XIII XIV XV XVI XVII 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 1 2 i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i 0 200 m 014-02

Fig. 27. Répartition des découvertes de militaria de la fin du IIIe siècle à Autun (points noirs). Les îlots abandonnés à la fin du IIIe siècle sont indiqués en gris.

Seul le milieu ecclésiastique est légèrement mieux documenté. L’essor de l’église chrétienne, l’apparition probable de monastères [71014-04], la nette réduction de la surface occupée intra muros - qui correspond sans doute à une diminution de la population - laissent supposer que les clercs représentent une part croissante de la population urbaine. Il faut cependant garder à l’esprit que l’orientation des sources conduit très certainement à surestimer la place de l’Eglise dans l’agglomération des Ve et VIe

siècles.

II.F SYNTHESE

Malgré de nombreuses lacunes documentaires, l’étude d’Augustodunum durant l’Antiquité tardive met en évidence une profonde mutation de l’espace urbain entre la fin du IIIe et le VIe siècle. Le constat le plus évident est que l’on ne saurait brasser toute la documentation disponible pour dresser un portrait général de la ville tardive : l’agglomération des années 300 est fort différente de celle de la fin du IVe siècle et encore plus de celle des années 500.

Autun à la fin du IIIe siècle

La fin du IIIe siècle constitue une première rupture de l’occupation urbaine. Le phénomène le plus visible est une importante rétraction de la surface occupée : près de 50 % des îlots sont abandonnés entre les années 250 et 300. Dans certains quartiers (quart nord-ouest de la ville), cet abandon s’apparente à un mitage de la trame urbaine, alors que d’autres connaissent un abandon presque total (sud-est de la - ville).

La chronologie et la durée de cette phase de rétraction sont encore difficiles à évaluer. Il semble cependant qu’elle soit relativement tardive car les termini monétaires sont fréquemment constitués de monnaies de Claude II, Tétricus et Aurélien. L’abondance des imitations radiées incite à placer une grande partie des abandons dans les années 270 au plus tôt et peut-être même au début de l’époque tétrarchique. A ce titre, la situation observée à Autun s’écarte nettement de celle des villes du sud de la Gaule, où la rétraction est plus progressive puisqu’elle commence fréquemment à la fin du IIe siècle830, mais aussi d’autres villes de Gaule de l’ouest en déclin dès le début du III ème siècle831.

De nombreux habitats aristocratiques sont alors abandonnés, ainsi que la totalité des quartiers artisanaux du Haut Empire. On observe peut-être dès cette période une redistribution des activités artisanales dans l’ensemble de la ville antique. Les îlots monumentaux semblent bien moins touchés : la plupart sont encore fréquentés dans la première moitié du IVe siècle.

Le suburbium connaît lui aussi un certain nombre de modifications. Les dépotoirs situés le long du flanc est de la ville ne sont plus utilisés au delà du IIIe siècle, ce phénomène étant contemporain de la réapparition des dépotoirs dans le centre de la ville. On peut se demander s’il ne s’agit pas d’une conséquence de la disparition de la charge d’édile du cursus municipal éduen832. D’autres occupations périurbaines paraissent alors délaissées, comme l’important sanctuaire périurbain de la Genetoye, ou plusieurs établissements périurbains, telle la petite villa des Borbes. Il paraît toutefois prudent de ne pas généraliser cette observation à toutes les uillae des environs d’Autun.

La dernière évolution caractéristique réside dans un début de modification de la topographie funéraire. La nécropole des Champs Saint-Roch est abandonnée à la fin du Haut Empire833, et un nouveau site funéraire se développe au Champ de la Grillotière.

830 Supra, introduction du chapitre.

831 Comme Corseul (Kérébel (H.), avec la collab. de Provost (A.) – Le déclin progressif de Corseul (Côtes-d’Armor), ancien chef-lieu des Coriosolites, dans Ferdière, Capitales éphémères, p. 157-172) ; Jublains (Bocquet (A.) et Naveau (J.) – Jublains (Mayenne), capitale du cité éphémère, dans Ferdière, op. cit., p. 173-182).

832 A Rome, les édiles sont chargés du nettoyage de la ville : Robinson (O.F.) – Ancient Rome. City Planning and

Administration. Londres - New-York, 1992, p. 70. Cette magistrature n’est pas attestée chez les Eduens au Haut

Empire (Dondin-Payre (M.) – Magistratures et administration dans les trois Gaules, dans Dondin-Payre (M.) et Raepset-Charlier (M.-Th.) (éd.) – Cités , Municipes, Colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le

Haut Empire romain. Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 170). Elle est connue dans la cité voisine des Lingons

(CIL XIII, 5682).

833 La période exacte de l’abandon de cette nécropole est pour l’instant impossible à situer précisément dans le IIIe

159 Il convient enfin de signaler la présence d’une importante présence militaire dans la ville, indiquée par la découverte de nombreux militaria du IIIe siècle. L’analyse typologique des fibules militaires et des contextes datés indique que cet épisode doit être situé entre les années 260 apr. J.-C. et le début de la Tétrarchie. Ces objets se rencontrent fréquemment sur des sites d’habitat, toujours dans des couches d’abandon. Quelques-uns sont signalés à proximité du sanctuaire de la Genetoye, où une vaste enceinte fossoyée évoque un ouvrage militaire antique.

Les dernières décennies du IIIe siècle constituent en n’en pas douter une période difficile pour Augustodunum. Les sept mois du siège de Victorin ont sans doute durement touché la population urbaine. La prise de la ville s’est en outre accompagnée de la proscription d’un certain nombre d’aristocrates, le plus célèbre étant un aïeul d’Ausone834. Les textes de l’époque tétrarchique et du début du règne de Constantin indiquent une interruption de la vie universitaire.

La fin de l’époque tétrarchique et la première moitié du IVe siècle

La première moitié du IVe siècle est sans aucun doute la période de l’Antiquité tardive la mieux documentée, mais ce n’est pas celle dont la perception est la plus claire. Plusieurs panégyriques tétarchiques et constantiniens offrent des informations de première importance sur la ville du début du IVe siècle, mais leur interprétation n’est pas aisée. Ceux-ci mentionnent notamment plusieurs mesures de Constance Chlore et des Tétrarques en faveur de la ville, dont l’importance est débattue depuis le XIXe

siècle. Les premiers archéologues autunois ont pris ces textes au pied de la lettre et ont très souvent attribué le dernier état des constructions qu’ils dégageaient au début du IVe siècle. Le progrès des méthodes archéologiques a eu pour conséquence de fortement nuancer ces interprétations : dès les années 1950, J. Berthollet mettait en doute l’ampleur des programmes tétrachiques ; dans sa thèse sur l’urbanisme d’Augustodunum, A. Rebourg est allé jusqu’à parler du mythe de la reconstruction835.

Le réexamen de la documentation permet de nuancer ce propos. En effet, même si l’orateur du Discours de remerciement à Constantin indique en 312 que les faveurs de Constance Chlore sont majoritairement restées à l’état de promesses, il montre tout de même que les thermes subirent une campagne de réfection. Il est donc probable que la restauration de l’adduction d’eau, signalée dans le discours d’Eumène a effectivement eu lieu. Par ailleurs, bien qu’il soit certain que la restauration des Tétrarques et de Constantin n’a pas entraîné une reconstruction totale de la ville, on peut se demander si les données disponibles permettent d’appréhender clairement la question. A Arles comme à Trêves, où les chantiers sont nombreux au IVe siècle, ceux-ci portent presque exclusivement sur des monuments publics836, qui sont les structures les moins bien connues à Autun.

Malgré cela, il apparaît que les indices de chantiers à Autun au début du IVe siècle ne sont pas absents. Outre la restauration des thermes et de l’aqueduc, encore mal perçue par l’archéologie, mais validée par l’orateur du Discours de remerciement à Constantin, il est probable que le dernier état du cardo soit une réalisation du IVe siècle. Des éléments lapidaires en marbre indiquent la réalisation de décors plaqués dans les premières décennies du IVe siècle, peut-être sur l’important sanctuaire de l’îlot XI 8. Enfin, la restauration des Ecoles grâce à la générosité d’Eumène dut avoir lieu, puisqu’il en fait la promesse devant l’ensemble des citoyens et le gouverneur de la province de Lyonnaise837. En revanche, il faut sans doute définitivement écarter l’hypothèse d’une réfection de l’étage de la porte Saint-André au IVe siècle : l’examen des chapiteaux indique qu’il paraît bien remonter à l’époque augustéenne.

834 L’ampleur de ces proscriptions demeure difficile à évaluer.

835 Rebourg, Urbanisme, p. 220.

836 A Arles, travaux sur le forum, construction d’une basilique et peut-être des thermes dits de Constantin : Heijmans,

Arles durant l’Antiquité tardive, p. 132-215 ; à Trêves, construction de la basilique (en dernier lieu Fontaine (T.H.M.) –

Ein letzter Abglanz vergangener kaiserlicher pracht. Zu ausgewählten archäologischen Befunden aus dem Areal der römischen Kaiserresidenz in Trier, dans König (M.), Bolognesi (E.) et Riemer (E.) – Palatia. Kaiserpaläste in

Konstantinopel, Ravenna und Trier. Trêves, 2003 [Schriftenreihe des Rheinischen Landesmuseums Trier, 27], p. 130-161) et des

thermes impériaux (Fontaine (T.H.M.) – Die Kaiserthermen, dans Kuhnen (H.-P.) (dir.) – Das römische Trier. Stuttgart, 2001, p. 124-129), travaux dans l’amphithéâtre (Kuhnen (H.-P.) – Das Amphitheater, dans Kuhnen, op. cit., p. 96-97).

837 A partir de la fin du IIe siècle, le pouvoir s’assure que les actes d’évergétisme sont conduits à terme : Le Roux (P.) – Les cités de l’empire romain de la mort de Commode au Concile de Nicée, Pallas, hors série, 1997, p. 40.

Ainsi, il nous semble qu’il faille écarter l’idée d’un mythe de la reconstruction au début du IVe siècle. Les indices de travaux édilitaires incitent au contraire à croire en la réalité de chantiers publics à cette