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SAAST Acad. MACON

II. A.1 ELEMENTS STRUCTURANTS DE L’OCCUPATION

II.A.1.1. Le découpage urbain

A la fin du Haut-Empire, la topographie d’Augustodunum est conditionnée par plusieurs aménagements majeurs. La limite de l’espace urbain est matérialisée par une enceinte augustéenne [71014-000], longue de 6 kilomètres, qui délimite un espace d’environ 200 hectares. Elle semble avoir rempli le rôle de pomerium, car les sépultures du Haut-Empire se trouvent systématiquement à l’extérieur de l’espace circonscrit par l’enceinte, respectant en cela les recommandations de la Loi des douze tables.

A l’intérieur de l’enceinte, un réseau de rues délimite environ cent cinquante îlots (fig. 12, p. 81). La mise en évidence de la présence d’une grille urbaine orthonormée découpant des îlots théoriques est à mettre au compte de J. Roidot-Deléage, membre de la Société Eduenne406. Les recherches postérieures n’ont pas remis en cause ce postulat et l’ont, bien au contraire, renforcé. Elles ont cependant réfuté l’hypothèse selon laquelle tous les îlots auraient été de dimensions identiques et de forme carrée. Dès 1889, H. De Fontenay et J. Roidot-Errard ont publié un plan archéologique montrant la présence d’un découpage plus complexe407. Dans sa thèse sur Autun, A. Rebourg a complété et validé pour l’essentiel le schéma mis en place en 1889408. A l’exception de quelques modifications de détail, nous reprendrons dans ce travail le découpage théorique d’A. Rebourg409.

L’entrée dans la ville se fait par quatre portes monumentales situées à l’intersection du cardo maximus, des deux tronçons de decumani principaux et de l’enceinte (fig. 12, p. 81)410. Au sud, par la porte dite de Rome aujourd’hui disparue411, entre dans la ville la voie de Lyon à Boulogne par

402 Claude (D.) – Der Handel im Westilchen Mittelmeer während des Frühmittelalters. Göttingen, 1985 a montré que durant l’Antiquité tardive, l’essentiel des marchands professionnels était attesté en milieu urbain.

403 Les tendances vont de l’idée d’une ouverture importante au commerce (

404 Option défendue par Carrié (J.-M.) – L’economia e le finanze, dans Storia di Roma, III, 1, p. 774 : (...) on ne saurait

nier qu’en occident, on assiste au transfert vers les grands domaines d’une partie des fonctions productives et commerciales qui étaient auparavant l’apanage de la seule cité.

405 Ce travail a été publié en plusieurs parties : la catalogue sert d’ossature à Rebourg (A.) – Carte Archéologique de la

Gaule. Autun, 71/1. Paris, 1993, la synthèse à Rebourg, Urbanisme : Rebourg (A.) – L’urbanisme d’Augustodunum

(Autun, Saône-et-Loire), Gallia, 55, 1998, p. 141-236.

406 Roidot-Deléage (J.) et Fontenay (H. de) – Légende détaillée du plan d’Augustodunum, MSE, I, 1872, p. 372-404, plan h.-t.

407 Fontenay (H. de) – Autun et ses monuments. Autun, 1889, plan h.-t.

408 Rebourg (A.) et alii – Carte archéologique de la Gaule. Autun. Atlas des vestiges gallo-romains (71/2). Paris, 1993, p. 64-66 ;

Urbanisme, p. 179 et fig. 27, n° 4, p. 176.

409 Une discussion plus approfondie du découpage théorique de la ville se trouve dans le catalogue, p. 89-90.

410 Sur la question, Rebourg (A.) – Les origines d’Autun. L’archéologie et les textes, dans Les villes augustéennes de la

Gaule, Actes du colloque d’Autun, juin 1985. Paris 1991, p. 99-106 ; Olivier (A.) – Les portes de l’enceinte d’Autun, dans Autun-Augustodunum, p. 55-58 ; Rebourg, L’urbanisme d’Augustodunum, p. 164-170.

79 Saône412. Elle se confond ensuite avec le cardo maximus sur une longueur de 1570 m, puis en sort par la porte nord, dite d’Arroux, et s’éloigne en direction d’Auxerre. La porte Est, ou porte Saint-André413, laisse entrer une voie réunissant deux tronçons provenant de Langres et Besançon414. Elle se confond ensuite avec le tracé du decumanus maximus, qui rejoint le cardo maximus dans l’actuel quartier de Marchaux, au centre de la ville antique. Le decumanus maximus effectue alors un décrochement en baïonnette de 305 m vers le sud, où il se poursuit en direction de l’ouest, et sort de la ville par la porte dite de Saint-Andoche, donnant naissance aux voies d’Autun à Feurs et Clermont415. Ces deux axes servent d’armature à une série de cardines et decumani qui leur sont strictement parallèles et qui délimitent un minimum de cent cinquante-deux îlots de dimensions variables. Les plus vastes se trouvent dans une bande qui court d’est en ouest, des abords de la porte Saint-André à la porte Saint-Andoche.

Le découpage urbain d’Autun n’a jamais fait l’objet d’observations métrologiques approfondies416, bien que quelques caractéristiques soient remarquables, comme le décrochement effectué par le decumanus maximus à hauteur du cardo maximus417. Celui-ci a souvent été remarqué, mais sa métrologie n’a jamais attiré l’attention, alors que cette mesure correspond exactement à la moitié du côté d’une centurie418. Le report d’une grille de centuries de 710 mètres de côté, axée sur le cardo de la ville et sur un des decumani maximi, fait immédiatement ressortir que le schéma de découpage urbain s’appuie sur cette mesure, ne serait-ce qu’à l’échelle de la centurie. Les cardines et decumani du carroyage centurié correspondent effectivement à des rues antiques attestées. Lorsque l’on subdivise les centuries en deux par l’ajout d’un decumanus intermédiaire situé à 305 mètres des decumani maximi, on retombe encore une fois sur des rues antiques. La seule exception notable concerne l’extrémité sud de la ville où l’implantation des rues ne correspond pas à cette grille.

Cette trame semble en partie se prolonger extra muros dans le suburbium oriental. En effet, ce secteur se caractérise jusqu’au XIXe siècle par un système parcellaire orthonormé, dans lequel le hameau de Saint-Pierre dessine une anomalie concentrique (pl. 293)419. Ce système semble essentiellement s’appuyer sur la rue des Drémeaux qui correspond au tracé de la voie de Besançon, et la rue Moirans qui lui est perpendiculaire. Il apparaît nettement que ces deux axes paraissent constituer extra-muros une prolongation du découpage urbain d’Augustodunum, la rue Moirans et la rue des Drémeaux correspondent exactement à des decumani et cardines se croisant au milieu d’une centurie. Ainsi, il paraît fort probable que le réseau parcellaire orthonormé perceptible sur le cadastre de 1822 matérialise un parcellaire antique dégradé, basé sur une prolongation de la trame du découpage urbain d’Augustodunum dans le suburbium nord-est.

II.A.1.2. Un système de terrasses

Une des particularités d’Augustodunum est d’être bâtie sur des terrasses retenues par des murs de soutènement, rendues nécessaires par la déclivité, très forte par endroits, de la ville du sud vers le nord. Ces terrasses, mises en évidence par J. Berthollet dans les années 1950420, sont parfois très bien conservées dans le paysage actuel, où elles se présentent sous la forme de forts dénivelés en bordure des îlots antiques, elles semblent nombreuses dans la ville haute en raison du relief marqué de ce secteur. Plusieurs fortes déclivités observées dans la ville basse semblent elles aussi appartenir à ce type de structures (fig. 12, p. 81).

412 Sur ce point, on consultera Thevenot, Voies romaines, p. 73-112.

413 Infra.

414 Thevenot, Voies romaines, p. 117-124 et 140-143.

415 Thevenot, Voies romaines, p. 213-216.

416 Quelques lignes cependant dans Chardron-Picault (P.) et Pernot (M.) (dir.) – Un quartier antique d’artisanat

métallurgique à Autun (Saône-et-Loire). Le site du Lycée militaire. Paris, 1999 [DAF, 76], p. 264-265 et p. 12, fig. 1. 417 Fontenay, Autun, p. 51.

418 Les centuries mesurent entre 703 et 711 mètres de côté selon les cas : Favory (F.) et Chouquer (G.) – L’arpentage

romain. Histoire des textes, droit, techniques. Paris, 2001, p. 171. 419 Sur cette anomalie, infra, § II.B.2.6.2.

420 Berthollet (J.) – Esquisse de l’évolution urbaine d’Autun depuis sa fondation jusqu’au début du XVIe siècle, MSE, L, fasc. 4, 1950-1951, p. 179.

014-01 014-03 014-04 014-06 014-08 014-10 014-13 014-07 014-12 014-21 014-19 014-15 014-016 014-22 014-02 0 500 m 014-25 vers Sens vers Feu rs et Clermont vers Mâcon

vers Chalon et Lyon vers Langres

et Besançon

vers Orléans

vers Bourges

014-29 014-30 014-31 014-32 014-33 014-28 014-27

I II III IV V VI VII VIII-IX IX-X XI XII XIII XIV XV XVI XVII 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 1 2 0 200 m N Forum ? Sanctuaire de Bibracte ? Tour de Jouère "Temple d'Apollon" "Capitole" ? I II III IV V VI VII VIII-IX IX-X XI XII XIII XIV XV XVI XVII 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 2 0 200 m N

Fig. 12. Découpage en îlots théoriques d'

Augustodunum. Traits gris épais : murs de terrasse supposés.

Fig. 13. Ilots monumentaux d'Augustodunum

Un premier mur de soutènement de terrasse est fossilisé le long de la rue de l’Arquebuse, sous les maisons situées au nord de la rue. Commençant au niveau de la Place de Charmasse, il suit la rue de l’Arquebuse, pénétrant ensuite dans les îlots actuels situés entre la rue aux Cordiers et la place du Champ de Mars. Dans ceux-ci, il est notamment matérialisé par le brusque changement de niveau de la galerie couverte reliant la rue aux Cordiers et la Place du Champ de Mars. Il se poursuivrait vers l’Ouest jusqu’au rempart. Dans ce secteur, il constituerait la limite nord de l’enclos de l’institution Saint-Lazare. Ce mur de soutènement séparerait donc la rangée d’îlots XII, 3 à 8 et la rangée XIII, 3 à 8. Le decumanus secondaire se situerait en contrebas du mur qui le surplomberait.

Toujours partant de la place de Charmasse, un autre mur de soutènement se dirigeant vers le nord, parallèle au cardo maximus, constituerait la limite orientale des îlots XI, 8 et XII, 8. Il semble avoir été repris lors de la construction de l’enceinte moderne d’Autun qui, à cet endroit soutient une importante terrasse sur laquelle est construit l’Hôpital moderne d’Autun, qui surplombe de plusieurs mètres le boulevard F. Latouche. Ce mur de soutènement effectue ensuite un retour vers l’ouest, bordant le côté sud du decumanus maximus se dirigeant vers la porte dite de Saint-Andoche. Il sépare donc ici les îlots IX-X, 7 et 8 au nord et XI, 7 et 8 au sud. Cette structure est particulièrement bien conservée dans la topographie actuelle puisqu’il faut trois niveaux de cave dans l’Hôpital pour rattraper le dénivelé lié à sa présence421. Celle-ci paraît visible sur le plan d’Autun dressé par F. de Belleforest en 1575422 (pl. 101, n° 6).

Dans la partie sud de la ville, les murs de soutènement de terrasses sont plus difficiles à percevoir, sans doute en raison des nombreux remblaiements liés à la construction ou la modification des édifices religieux. Ainsi, la destruction de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire au XVIIIe siècle a eu pour conséquence de créer une terrasse de plusieurs mètres surplombant l’évêché, alors que ces deux édifices se trouvaient au même niveau au Moyen Age423. De même, la construction de l’actuelle cathédrale Saint-Lazare a été précédée d’un très important remblaiement de plusieurs mètres dans la zone de la nef424. Quelques murs de terrasse du Haut-Empire sont cependant connus. Ainsi, il semble que le cardo secondaire dégagé en 1985 dans les caves des immeubles à l’est de la Cathédrale Saint-Lazare s’appuie sur un mur de soutènement observé en fouille par W. Berry dans la Cour du Chapitre425. Un autre mur orienté est / ouest passerait sous la cathédrale Saint-Lazare [XVI 3, n° 1]. D’autres murs de soutènement ont certainement existé dans la ville haute, mais sont en l’état actuel des recherches difficiles à déceler. Seule une étude spécifique sur ce point serait en mesure d’apporter des éléments nouveaux.

II.A.1.3. La voirie

Le système viaire d’Augustodunum n’a pas fait l’objet à ce jour de recherches particulières. La structure des rues de la ville antique paraît relativement uniforme. Toutes les observations indiquent la présence de rues larges de 8 m, comportant une bande de roulement en gravier ou sable damé, reposant sur un hérisson de blocs en pierre locale (grès, granit). Les coupes relevées montrent la présence de recharges successives qui correspondent à autant de réfections au cours du Haut-Empire. Au niveau des terrasses décrites plus haut, les rues semblent parfois avoir possédé des escaliers, destinés à rattraper la forte rupture de pente. L’un d’eux aurait été observé lors de fouilles à l’est de l’îlot XI-XII 8 [XI-XII 8, n° 5] (pl. 207, n° 1 et 209, n° 4). L’absence de rues pavées est notable, à l’exception du cardo maximus qui est recouvert de dalles calcaires carrées à l’est de l’îlot XI-XII 8 [XI-XII 8, n° 5] (pl. 209, n° 3). Nous verrons ultérieurement que le dallage de blocs de granit observé sur le tracé du cardo maximus appartient vraisemblablement au début de l’Antiquité tardive.

II.A.1.4. Adduction d’eau et égouts

421Information A. Strasberg, que je remercie.

422 Ce plan est reproduit dans Rebourg, CAG 71/1, p. 26. Le décrochement lié à ce mur de soutènement semble signalé par une série de hachures sur la limite de parcelle située juste au sud de l’édifice antique appelé capitole.

423 Les absidioles de la cathédrale sondées par J.-Ch. Picard se trouvent en effet en contrebas de cette terrasse, à la même altitude que l’évêché : données inédites, information W. Berry que je remercie.

424 Information W. Berry, que je remercie.

83 A l’époque romaine, l’approvisionnement en eau de la ville est effectué au moyen de deux aqueducs, connus sous les noms d’aqueducs de Montjeu et de Montdru ([71014-27] [71014-28])426. Tous deux captent des sources situées sur le plateau d’Antully qui surplombe la ville. Ces aménagements sont de longueur modeste, respectivement 6,2 et 3,8 km avant leur jonction à la pointe sud de la ville antique (fig. 11, p. 80). La datation des aqueducs d’Autun, qui n’ont pas fait l’objet de fouilles depuis le XIXe siècle, demeure en grande partie conjecturale. Une monnaie de Vespasien (R/ IVDEA CAPTA), trouvée dans la cavité d’une pierre de construction de l’aqueduc de Montjeu, a généralement été considérée comme étant un indice d’une datation flavienne427. Elle nécessiterait cependant d’être confirmée par des données plus récentes. L’aqueduc de Montdru a quant à lui été attribué au IVe siècle428, mais rien dans la documentation disponible ne permet de valider une telle hypothèse.

La distribution d’eau dans la ville est elle même très mal connue. A. Rebourg suspectait un castellum diuisorium à l’entrée des aqueducs dans la pointe sud de la ville429, ce qui demanderait à être confirmé par des recherches de terrain. La présence d’un aménagement de ce type est en revanche plus que probable dans l’îlot XI-XII 8, où plusieurs conduites souterraines sont signalées au XVIIIe siècle (fig. 15, n° 2, p. 86). Elles sont larges d’environ 0,70 m et hautes de 3 m, l’une d’elles mène à une construction voûtée circulaire d’environ 4,5 m de diamètre, avec des ouvertures à la base des murs. Une conduite a été repérée sur près de 70 m de long [XI-XII 8, n° 3]. Les quelques découvertes isolées citées dans la bibliographie, comme un tuyau en plomb portant l’estampille R(es) P(ublica) Ae[duorum]430, ne permettent guère de se faire une idée plus précise de la distribution de l’eau dans la ville intra muros.

Le système d’évacuation des eaux usées parait constitué de vastes conduites souterraines repérées en plusieurs endroits de la ville431. Elles s’affranchissent de la trame urbaine et rayonnent vers l’extérieur de la ville antique, d’où elles sortent par des ouvertures ménagées dans la base du rempart. Ces canalisations, ou collecteurs dans la littérature locale, sont généralement de longueur modeste, à l’exception de trois d’entre elles : la première se trouve dans la ville haute, les deux autres semblent rayonner à partir de l’îlot IX-X 8 (fig. 15, n° 2, p. 86). Un important collecteur muni de regards de visite est situé sous le cardo maximus.