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SAAST Acad. MACON

II. B.1.1 Le découpage urbain et le système viaire

II.B.1.1.1 Un maintien général de la trame viaire du Haut-Empire ?

Les données archéologiques actuellement disponibles n’indiquent pas à ce jour de modification du système viaire et du découpage urbain d’Augustodunum avant la fin de l’Antiquité tardive506. On constate en effet qu’ils conditionnent toujours les occupations, même dans les cas où il est notable que l’habitat commence à empiéter sur le tracé des rues comme sur les franges nord de l’îlot VIII-IX 13, où des bâtiments de la fin du IVe siècle mordent sur le decumanus maximus [VIII-IX 13, n° 1] (pl. 178). Cet exemple indique bien que ce n’est pas forcement l’intégrité de la rue du Haut-Empire qui est conservée mais plutôt son tracé.

On ne saurait pour autant ignorer les graves lacunes de la documentation archéologique. Dans presque la totalité des cas, il est impossible de dater la mise en place de couches de terres noires sur la bande de roulement antique. En outre, il n’est pas certain que leur dépôt signifie un abandon du cheminement. Lors d’une observation archéologique récente dans la rue du Châtelet, à l’ouest de l’îlot IX-X 4, on a noté l’absence de niveaux de circulation caractérisés entre l’époque romaine et le IX-XVIIIe siècle, alors que le plan de F. de Belleforest de 1575 indique que cette rue, reprenant le tracé d’un cardo secondaire antique, existait au XVIe siècle507.

Nîmes l’abandon de quartiers entiers de la ville commence dès le courant du IIe siècle et s’accentue passé le quart du IIIe siècle : Monteil (M.) – Nîmes : un état des lieux contrasté, dans Fiches, op. cit., p. 155-175, plus récemment Monteil, Nîmes, p. 435-436 ; à Vienne / Saint-Romain-en-Gal, le déclin commence à partir des années 230 : Leblanc (O.) et Savay-Guerraz (H.) – Chronologie de l’abandon de Saint-Romain-en-Gal (Rhône), dans Fiches, op. cit., p. 103-119, de même qu’à Vaison : Carru (D.) – Vaison-la-Romaine, dans La maison urbaine en Gaule narbonnaise et dans les

provinces voisines. Actes du colloque d’Avignon, novembre 1994. Avignon, 1996, p. 333-345 [Documents d’Archéologie Vauclusienne, 6.1 et 6.2].

503 Chardron-Picault (P.) – Autun-Augustodunum. Bilan des dernières découvertes, dans Bedon (R.) (éd.) – Les villes de

la Gaule Lyonnaise. Limoges, 1996, p. 35-57 [Caesarodunum, XXX] ; Rebourg, Urbanisme, p. 220, idées récemment

reprises par Voisin (J.-L.) – Auxerre gallo-romaine, dans Delor, CAG 89/1, p. 177.

504 Par exemple, observations pertinentes d’A. Desbat sur l’évolution des gobelets Niederbieber 33 dans Desbat (A.) et Picon (M.) – Les céramiques métallescentes de Lyon : typologie, chronologie et provenance, dans Actes

S.F.E.C.A.G, Dijon 1996, p. 475-490. Les communications du colloque de la SFECAG consacré à la chronologie des

productions céramique à Lyon et dans la cité de Vienne (Saint-Romain-en-Gal, juin 2003) illustrent bien les évolutions récentes de la chronologie de cette période.

505 Voir supra, § I.B.3.1.1.

506 Infra, § II.C.1.6.

i 014-06 014-08 014-05 014-09 014-04 014-07 014-14 0 500 m 014-01 014-13 A B

Fig. 18. Le site d’Augustodunum durant l’Antiquité tardive. Ronds noirs : établissements périurbains (hors sanctuaires et nécropoles).

Saint-Symphorien

Saint-Pierre l'Estrier Saint-Martin

103 II.B.1.1.2 L’absence de réfections de la bande de roulement des rues

S’il n’est guère possible de dater l’abandon de la voirie antique au moyen des éléments archéologiques, il paraît en revanche certain qu’à une exception près508, les bandes de roulement des rues n’ont fait l’objet d’aucune réfection d’envergure durant l’Antiquité tardive. Le matériel recueilli dans les stratigraphies de rues antiques n’est jamais postérieur au IIIe siècle.

II.B.1.1.3 L’état tardif du cardo maximus : une réalisation du IVe siècle ?

Le dernier état en dur du cardo maximus d’Augustodunum, signalé dès l’Ancien Régime, est constitué de dalles losangiques de fort module (largeur moyenne autour de 0,80 m, épaisseur autour de 0,30 à 0,40 m) en granite à deux micas. La voie, large de 8 m, est bordée de dalles verticales en granit qui matérialisent un caniveau, puis d’un trottoir. Quelques coupes effectuées au XIXe siècle (pl. 272-273) indiquent clairement que ce dallage correspond à une réfection générale de la voie : sous une épaisseur variable de remblai, on a toujours observé un état antérieur constitué d’un hérisson et de bandes de roulement en gravier, ce qui correspond à la structure classique des rues reconnues ailleurs à Autun.

Les nombreuses observations effectuées sur le tracé du cardo maximus indiquent que ce pavage se rencontre sur toute la longueur de la rue (fig. 19, p. 105). Dans certains secteurs, il a été arraché au XVIIIe

siècle509, mais plusieurs opérations récentes [IX-X, n° 2, XI-XII 8, n° 4 et n° 7, XIV 8, n° 1] montrent qu’il demeure conservé en de nombreux points.

La datation de cet état tardif du cardo n’a jamais été clairement établie. Les observations anciennes ne signalent pas de matériel caractéristique sous ce dallage510 et peu d’opérations archéologiques récentes ont permis d’atteindre les couches sous-jacentes. Celui-ci est donc actuellement daté de manière très conjecturale. Les différents auteurs penchent généralement pour la fin du Haut-Empire ou le IVe siècle, la théorie la plus couramment avancée étant que cette réfection de la voie serait une trace des travaux de « restauration » de la ville sous les règnes de Constance Chlore et Constantin511. Cette hypothèse avancée au XIXe siècle, si séduisante qu’elle soit, ne repose malheureusement sur aucun élément archéologique fiable.

Les fouilles effectuées au pavillon Saint-Louis [XI-XII 8, n° 5] permettent cependant de reconsidérer la question. En effet, en partie implantées sur le tracé du cardo, elles ont permis d’observer un secteur où le dallage tardif de la voie avait été récupéré anciennement et des couches de remblai probablement antérieures au dallage : lors de la présentation préliminaire de cette fouille [XI-XII 8, n° 5], A. Rebourg, qui ne s’expliquait pas l’absence du dernier état dallé dans ce secteur, avait proposé que le cardo ait été dévié à cet endroit. Une opération postérieure effectuée quelques mètres plus au nord, permet d’écarter cette hypothèse [XI-XII 8, n° 7] : il est donc assuré que l’absence du dallage au Pavillon Saint-Louis résulte d’une récupération postérieure.

La stratigraphie dégagée montre plusieurs couches de remblai recouvrant la voie du Haut-Empire. Leur épaisseur particulièrement importante et leur pendage512 semblent indiquer une volonté de rattraper la forte dénivellation résultant de la présence d’un escalier monumental du Haut-Empire, vraisemblablement situé à hauteur d’une terrasse de la ville antique [XI-XII 8, n° 5] (pl. 208, n° 2-3 et 209, n° 4). Ces couches ont toutes livré du matériel du IVe siècle, en quantité minoritaire dans des ensembles caractérisés par un taux de résidualité extrêmement important. Ces niveaux de remblais n’étant pas scellés, il est évidemment périlleux d’identifier les couches antérieures à l’installation du dallage et d’éventuels

508 Le cardo maximus semble avoir fait l’objet d’une réfection totale au IVe siècle : infra.

509 C’est par exemple le cas du tronçon compris entre l’avenue de la République et la porte d’Arroux.

510 Excepté un couple de divinités gallo-romaines, datable des IIe – IIIe siècles apr. J.-C. : Espérandieu, Recueuil général, III, 1828.

511 Dernièrement, Olivier (A.) et Rebourg (A.) – Un portique monumental le long du Cardo maximus à Autun, RAE, XXXVI, 3-4, 1985, p. 334-338.

remblais postérieurs à la récupération. Par prudence, il convient donc de se limiter aux phases de remblaiement les plus anciennes.

Dans le secteur de l’escalier (pl. 208, n° 3), les couches les plus anciennes513 recouvrant l’escalier et le dallage arraché du Haut-Empire ont livré une imitation radiée de Tetricus et des tessons de céramique à revêtement argileux qui indiqueraient que la mise en place des remblais date au plus tôt du dernier quart du IIIe siècle. Ces trois couches de remblai sont surmontées de niveaux de circulation (D4 à D6 = D16 à D21 qui ont livré trois Aes 4 tardifs (début du Ve siècle apr. J.-C.), puis D3 et D2). Une couche de « terres noires » scelle la stratigraphie.

Plus au nord (pl. 208, n° 2), un remblai D59 recouvre le dallage arraché du Haut-Empire. Il a livré des tessons de céramique à revêtement argileux. Ce remblai est recouvert par un sol D52 qui contenait une monnaie de Magnus Maximus. On assiste ensuite au développement des couches de remblai et « terres noires » qui scellent la stratigraphie.

Dans ces deux cas, on peut envisager que les niveaux de sol qui reposent sur les remblais puissent correspondre à des espaces de circulation se développant à l’emplacement des dalles de granite arrachées, au plus tôt à l’époque théodosienne.

Les observations effectuées au Pavillon Saint-Louis pourraient ainsi être interprétées : dans le secteur de l’escalier mais aussi plus au nord, le dallage M62 du Haut-Empire, arraché vers la fin du IIIe

siècle, est ensuite remblayé (couches D13, 14, D64 et D59) pour rattraper la rupture de pente liée à la présence de l’escalier M29. C’est sur ces remblais et donc dans le dernier quart du IIIe siècle au plus tôt qu’aurait été mis en place le dallage tardif du cardo maximus. Récupéré vers la fin du IVe ou durant le Ve

siècle, il aurait été remplacé dans ce secteur par de simples espaces de circulation en terre battue (D4 à D6 = .D16 à D21 ou D52). Cette interprétation partiale ne saurait toutefois dépasser le cadre de la simple hypothèse.

Un sondage effectué en 2003 sur le site de la Maison de Retraite [XI-XII 8, n° 4], accompagné d’un nettoyage des coupes de la fouille de 1985 et de la dépose de dalles du pavage (pl. 204-205), a permis d’observer des couches immédiatement antérieures et de reposer le problème de la datation du cardo maximus.

En premier lieu, il apparaît que dans ce secteur, il n’y a pas de remblai entre la bande de roulement habituelle et les dalles tardives en granite, car la bande de roulement antérieure a été creusée pour y loger les dalles (pl. 205, n° 1, US 10 et 13). Cette particularité pourrait s’expliquer par le fait que la voie du Haut-Empire, comprise entre deux terrasses, aurait présenté une altitude constante à l’est de l’îlot XII 8. Elle se serait affranchie de la pente générale de la ville au moyen d’escaliers aménagés à hauteur des limites d’îlots, comme celui qui a été observé dans la fouille du Pavillon Saint-Louis [Ilot XI-XII 8, n° 5] (pl. 197, 207, n° 1 et 209, n° 2 (au fond)). La coupe nord - sud relevée dans le sondage semble aller dans ce sens, mais n’est malheureusement pas assez longue pour constituer une preuve irréfutable.

L’état tardif du cardo maximus accuse quant à lui une pente générale de près de 4 %, ce qui pourrait indiquer que lors de la mise en place du dallage, les maîtres d’œuvre se sont affranchis du système de terrasses du Haut-Empire en entamant la voie antérieure en bord d’îlot et en la remblayant fortement dans les secteurs au pied des terrasses, comme sur le site du Pavillon Saint-Louis [Ilot XI-XII 8, n° 5].

L’apport essentiel de ce sondage a en outre été de permettre l’observation de couches antérieures au dallage tardif. La bande de roulement sous-jacente et les couches associées (US 09, 10 et 13) ont livré de la céramique attribuable au IIIe siècle, dont un fond de sigillée luisante (forme P 45) et des tessons de céramique métallescente. Ces données permettent donc d’affirmer que le dallage du cardo ne peut être antérieur au IIIe siècle. Les remblais du trottoir, fouillés en 1985, ont été localisés sur une coupe conservée dans le vide sanitaire (pl. 205, n° 1, couches 24-25). Ils paraissent contemporains de la mise en place du dallage et des dalles verticales du caniveau, notamment pour empêcher celles-ci de basculer vers l’extérieur de la voie. En 1985, ces remblais ont livré une série de militaria du IIIe siècle (pl. 202-203) et des formes de céramique fine et commune attribuables au IVe siècle (particulièrement deux bols en sigillée luisante Pernon 37 et Pernon XXXI 119-121) (pl. 201, n° 1-2).

I II III IV V VI VII VIII-IX IX-X XI XII XIII XIV XV XVI XVII 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 1 2 0 200 m N Porte Saint-André Porte d'Arroux Porte Saint-Andoche Porte de Rome [1] [3] [2] [4] [5] [6] [7] [8] [15] [13] [12] [10 et 11] [9] [16]

Fig. 19. Autun. Localisation des différents tronçons du dernier état du cardo maximus repérés depuis le XVIIIe siècle (pour les numéros, se reporter à 71014-Cardo).

Les éléments recueillis dans ce secteur indiqueraient donc que ce dernier état du cardo maximus serait bien une réalisation du IVe siècle. Il ne va pas sans dire que cet aménagement effectué sans réemploi paraît exceptionnel à cette époque514. La réfection de cette rue longue de 1570 m a en effet nécessité le transport de 3700 à 5000 m3 de blocs de granit515, sans compter les dalles nécessaires à la construction du caniveau. On notera cependant que ces travaux de réfection de voirie ne concernent qu’une des rues de la ville, ce qui reflète sans doute l’importance de cet axe dans l’urbanisme tardif d’Augustodunum.

II.B.1.2. Les aménagements hydrauliques

II.B.1.2.1 L’adduction d’eau

L’état de l’adduction d’eau à Augustodunum durant l’Antiquité tardive, très mal documenté sur le terrain, peut être appréhendé grâce à un précieux passage du discours d’Eumène. En effet, celui-ci signale en 298 que Constance Chlore fait restaurer les aqueducs de la cité par des troupes qui séjournent chez les Eduens516. Le texte laisse entendre que l’approvisionnement en eau de la ville avait été interrompu, peut-être au cours du siège de la ville par Victorin en 269. On ne peut douter de la réalité de ces travaux, puisque près de quinze ans plus tard (312), l’orateur du discours de remerciement à Constantin confirme que Constance Chlore fournit des subsides pour reconstruire thermes et bains517. Puisque les thermes semblent fonctionnels vers 312, il faut bien convenir que l’alimentation en eau de la ville est capable de les approvisionner. En l’état, il est en revanche difficile de déterminer quels tronçons firent l’objet de travaux.

Sans fouilles récentes, il est tout aussi difficile d’évaluer la date d’abandon des aqueducs. A Vienne, ils semblent toujours en usage en 500, date à laquelle le préposé aide les troupes de Gondebaud à investir la ville en empruntant la canalisation518.

II.B.1.2.2 L’évacuation des eaux usées

L’ancienneté des observations sur les collecteurs permet difficilement de juger de leur état durant l’Antiquité tardive. Ces structures ont été explorées au XIXe siècle, sans que l’on se soit soucié d’indications stratigraphiques. La datation de leur abandon s’avère problématique, dans la mesure où elles n’ont pas toutes livré de traces de comblement : ainsi, le collecteur observé à hauteur de la cathédrale Saint-Lazare, mais aussi celui qui passe sous le cardo maximus, se présentent ou se présentaient encore au XIXe siècle comme de vastes souterrains dans lesquels il était possible de circuler. Les découvertes mentionnées dans la bibliographie ancienne indiquent d’ailleurs que, parmi le matériel recueilli, figuraient des monnaies médiévales (non décrites)519, preuve que ces collecteurs étaient encore en partie ou totalement vides durant cette période. Par ailleurs, le fait que des regards de visite du collecteur situé sous le cardo maximus aient été aménagés dans le dallage tardif de la voie (pl. 272, n° 2), que nous datons du IVe

siècle, montrerait que le collecteur sous-jacent est encore en usage à cette époque. Sans données supplémentaires, on ne peut donc exclure que les principaux collecteurs d’Augustodunum aient été en usage durant toute l’Antiquité tardive.

II.B.2 LE DEVENIR DE LA PARURE MONUMENTALE DU HAUT-EMPIRE

514 B. Ward-Perkins, From Classical Antiquity to the Middle Ages, p. 31, a noté la rareté des réfections de rues au IVe

siècle, ce qui explique la fierté de la cité d’Albella en Campanie où l’on prend soin de signaler que la réfection des rues effectuée vers 330 a été faite avec des pavés taillés dans la montagne (inscription citée dans Lepelley, Permanences de

la cité classique, p. 364).

515 La voie possède une largeur constante de 8 m et mesure en moyenne 0,30 m à 0,40 m d’épaisseur.

516 Eumène, Oratio pro instaurandis scholis, IV 3.

517 Gratiarum actio Constantino Augusto, IV, 2 : mention des pecuniis ad caldaria largiendis et lauacris quae corruerant exstruendis.

518 Grégoire de Tours, Historia Francorum, II, 33.