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SAAST Acad. MACON

II. B.2 LE DEVENIR DE LA PARURE MONUMENTALE DU HAUT-EMPIRE

serait bien une réalisation du IVe siècle. Il ne va pas sans dire que cet aménagement effectué sans réemploi paraît exceptionnel à cette époque514. La réfection de cette rue longue de 1570 m a en effet nécessité le transport de 3700 à 5000 m3 de blocs de granit515, sans compter les dalles nécessaires à la construction du caniveau. On notera cependant que ces travaux de réfection de voirie ne concernent qu’une des rues de la ville, ce qui reflète sans doute l’importance de cet axe dans l’urbanisme tardif d’Augustodunum.

II.B.1.2. Les aménagements hydrauliques

II.B.1.2.1 L’adduction d’eau

L’état de l’adduction d’eau à Augustodunum durant l’Antiquité tardive, très mal documenté sur le terrain, peut être appréhendé grâce à un précieux passage du discours d’Eumène. En effet, celui-ci signale en 298 que Constance Chlore fait restaurer les aqueducs de la cité par des troupes qui séjournent chez les Eduens516. Le texte laisse entendre que l’approvisionnement en eau de la ville avait été interrompu, peut-être au cours du siège de la ville par Victorin en 269. On ne peut douter de la réalité de ces travaux, puisque près de quinze ans plus tard (312), l’orateur du discours de remerciement à Constantin confirme que Constance Chlore fournit des subsides pour reconstruire thermes et bains517. Puisque les thermes semblent fonctionnels vers 312, il faut bien convenir que l’alimentation en eau de la ville est capable de les approvisionner. En l’état, il est en revanche difficile de déterminer quels tronçons firent l’objet de travaux.

Sans fouilles récentes, il est tout aussi difficile d’évaluer la date d’abandon des aqueducs. A Vienne, ils semblent toujours en usage en 500, date à laquelle le préposé aide les troupes de Gondebaud à investir la ville en empruntant la canalisation518.

II.B.1.2.2 L’évacuation des eaux usées

L’ancienneté des observations sur les collecteurs permet difficilement de juger de leur état durant l’Antiquité tardive. Ces structures ont été explorées au XIXe siècle, sans que l’on se soit soucié d’indications stratigraphiques. La datation de leur abandon s’avère problématique, dans la mesure où elles n’ont pas toutes livré de traces de comblement : ainsi, le collecteur observé à hauteur de la cathédrale Saint-Lazare, mais aussi celui qui passe sous le cardo maximus, se présentent ou se présentaient encore au XIXe siècle comme de vastes souterrains dans lesquels il était possible de circuler. Les découvertes mentionnées dans la bibliographie ancienne indiquent d’ailleurs que, parmi le matériel recueilli, figuraient des monnaies médiévales (non décrites)519, preuve que ces collecteurs étaient encore en partie ou totalement vides durant cette période. Par ailleurs, le fait que des regards de visite du collecteur situé sous le cardo maximus aient été aménagés dans le dallage tardif de la voie (pl. 272, n° 2), que nous datons du IVe

siècle, montrerait que le collecteur sous-jacent est encore en usage à cette époque. Sans données supplémentaires, on ne peut donc exclure que les principaux collecteurs d’Augustodunum aient été en usage durant toute l’Antiquité tardive.

II.B.2 LE DEVENIR DE LA PARURE MONUMENTALE DU HAUT-EMPIRE

514 B. Ward-Perkins, From Classical Antiquity to the Middle Ages, p. 31, a noté la rareté des réfections de rues au IVe

siècle, ce qui explique la fierté de la cité d’Albella en Campanie où l’on prend soin de signaler que la réfection des rues effectuée vers 330 a été faite avec des pavés taillés dans la montagne (inscription citée dans Lepelley, Permanences de

la cité classique, p. 364).

515 La voie possède une largeur constante de 8 m et mesure en moyenne 0,30 m à 0,40 m d’épaisseur.

516 Eumène, Oratio pro instaurandis scholis, IV 3.

517 Gratiarum actio Constantino Augusto, IV, 2 : mention des pecuniis ad caldaria largiendis et lauacris quae corruerant exstruendis.

518 Grégoire de Tours, Historia Francorum, II, 33.

107 II.B.2.1. De nombreux îlots publics mal connus

Dans la plupart des îlots monumentaux [V 11, V 10, VIII-IX 5, VIII-IX 8, IX-X 8, XI 9, XIII 8], force est de constater que la documentation archéologique disponible ne permet guère d’envisager la question du devenir de la parure monumentale du Haut-Empire durant l’Antiquité tardive, pour peu que l’on sache déjà à quoi correspondent les substructions relevées au XIXe siècle, ce qui est généralement loin d’être le cas.

Les quelques édifices un peu mieux documentés, comme le pseudo-temple d’Apollon de l’îlot XIII 8, posent plus de problèmes qu’ils n’apportent de réponses [XIII 8, n° 1]. La construction partiellement conservée dans cet îlot a parfois été attribuée au Bas-Empire, et donc, par un raccourci rapide, aux restaurations de Constance et Constantin520. En réalité, rien ne permet d’aller en ce sens et cet édifice pourrait parfaitement remonter au Haut-Empire521.

Dans le même ordre d’idée, on a traditionnellement considéré que la porte Saint-André [site 71014-000] avait subi une restauration tardive, généralement attribuée à l’époque tétrarchique ou constantinienne522, car l’étage en grès montre une finition bien moins soignée que la partie inférieure en calcaire (pl. 106). Cependant, les comparaisons effectuées sur les chapiteaux ioniques de l’étage semblent indiquer comme hautement probable une datation augustéenne523.

II.B.2.2. L’évolution méconnue des édifices de spectacle

Les monuments de spectacle sont les édifices les mieux connus en plan, mais leur utilisation durant l’Antiquité tardive est difficile à appréhender.

II.B.2.2.1 Le théâtre

Comme nous l’avons vu, une série d’indices laisse supposer que le théâtre [XIII 14 / XIV 13-14, n° 1] a abrité des activités artisanales dès la fin du Haut-Empire. On est donc en mesure de se demander si ce dernier était encore en usage au IVe siècle. L’exemple du théâtre et de la crypte de Balbus à Rome, certes plus tardif, montre que la présence de structures artisanales n’oblitère pas forcément la fonction première de ce type d’édifice524. Il faut cependant retenir que si Rome a conservé des théâtres jusqu’à une date tardive525, la documentation archéologique gauloise ne semble pas indiquer de tels phénomènes. A Lyon, le théâtre a accueilli des activités de chaufourniers durant l’Antiquité tardive et le monument n’a pas livré d’indices probants de fréquentation postérieurs à l’époque tétrarchique526. A Vienne, les nombreuses monnaies du IVe siècle recueillies dans l’orchestra ont été trouvées avec plusieurs militaria qui indiquent une fréquentation militaire de l’édifice à la fin du IIIe siècle et au IVe siècle527. A Augst, le théâtre semble tout simplement abandonné à la fin du IIIe siècle528, alors qu’à Avenches il est

520 Fontenay, Autun, p. 148-151.

521 Supra, § II.A.5.2.

522 Fontenay, Autun, p. 41-43.

523 Pour la discussion, se reporter à la notice du monument [71014-000].

524 Manacorda (D.) – Crypta Balbi. Archeologia e storia di un paesaggio urbano. Rome, 2001, p. 44-45.

525 Le théâtre de Pompée a été restauré en 395, 402 et sous le règne de Théodoric, le théâtre de Marcellus orné de statues en 420-421 : Fauvinet-Ranson (V.) – Une restauration symbolique de Théodoric : le théâtre de Pompée (Cassiodore, Variae IV, 51), dans Sot (M.), avec la coll. de Bazin (P.) – La mémoire de l’Antiquité dans l’Antiquité tardive et

le haut Moyen Age. Paris, 2000, p. 37-54 [Cahiers du centre de recherches sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Age, VIII]. 526 Wuillemier (P.) – Fouilles de Fourvière à Lyon. 6ème suppl. à Gallia. Paris, 1951, p. 51, 57 et pl. XV, n° 1-3.

527 Dans le théâtre, en 1935, un soixantaine de petits bronzes et folles (Constantin (2), CONSTANTINOPOLIS (1), VRBS ROMA (1), Constantin II (2), Constance II (11), Magnence (1), Gratien (1), Valentinien II (5), Théodose (15), Magnus Maximus (1), Arcadius (5)), avec des monnaies plus anciennes remontant à Trajan. Toutes proviennent du déambulatoire inférieur. Formigé (J.) – Le théâtre romain de Vienne. Vienne, 1950, p. 23-24 ; Condamin (J.) et Pelletier (A.) – Monnaies lyonnaises du IVe siècle trouvées à Vienne, RAE, XXIV, 3-4, 1973, p. 375-395.

528 Furger (A.E.) et Deschler-Erb (S.), avec la coll. de Peter (M.) et Währen (M.) – Das Fundmaterial aus der

Schischtenfolge beim Augster Theater. Typologische und osteologische Untersuchungen zur Grabung Theater-Nordwestecke 1986-1987.

transformé en fortin durant l’Empire des Gaules529. En Arles, si l’on se fie à la vie de saint Hilaire (Ve

siècle), le démontage du théâtre est légèrement plus tardif530. M. Heijmans a cependant relevé que cette spoliation n’empêche par les compatriotes de Césaire d’Arles d’assister à des spectacles, puisqu’il leur en fait le reproche531. On semble toutefois loin en Gaule de la situation des provinces orientales de l’Empire, où ces édifices peuvent encore être en parfait état et en usage jusque dans le courant du VIe siècle532.

Face à des données aussi lacunaires que contradictoires, il paraît nécessaire de ne pas sur-interpréter les quelques indices recueillis dans le théâtre d’Autun. S’il est incontestable que celui-ci a accueilli des activités artisanales dès le IIIe siècle, il n’est pas possible de déterminer à quelle date il a cessé de remplir sa fonction première. Les découvertes de moules et d’artisanat de la tabletterie proviennent des galeries et d’un vomitoire, ce qui indiquerait que ces activités se déroulent essentiellement dans les parties creuses de l’édifice. Rien ne montre en revanche que la cavea et l’orchestra aient fait l’objet de telles réoccupations dès le début de l’Antiquité tardive. Il est donc parfaitement possible que le théâtre ait toujours abrité des spectacles tout en accueillant en son sein des activités artisanales parasites. L’excellente conservation de l’édifice jusqu’au XVIIe siècle (pl. 242), période durant laquelle il servit de carrière pour la construction d’un séminaire (actuel Lycée Militaire), suggère qu’il pouvait certainement remplir sa fonction à la fin de l’Antiquité.

II.B.2.2.2 L’amphithéâtre

Le devenir de l’amphithéâtre d’Augustodunum durant l’Antiquité tardive demeure énigmatique. Le monument, connu par de trop rares sources anciennes exploitables [XI-XII 13-14, n° 1], n’a pas fait l’objet d’observations archéologiques documentées depuis les années 1860. Entièrement démonté à des fins de récupération sous l’Ancien régime, il n’est plus visible depuis. La disparition presque totale de l’édifice et l’ancienneté des observations ne permettent donc pas d’interpréter les quelques découvertes de monnaies du Bas-Empire signalées par Bulliot en 1872. Même s’il était certain que les monnaies du IVe

siècle proviennent bien de niveaux d’occupation et non de remblais postérieurs, il ne paraîtrait pas réaliste d’en tirer une quelconque interprétation, si ce n’est une poursuite de la fréquentation de l’édifice dans la première moitié du IVe siècle.

Les comparaisons avec d’autres amphithéâtres de Gaule ou des provinces voisines offrent des informations contradictoires. Si l’amphithéâtre de Saintes est en cours de démontage dès la fin du IIIe

siècle533, celui de Toulouse-Parpan a livré des indices de fréquentation jusqu’à l’époque Valentinienne534, et celui de Tarragone ne semble abandonné qu’au début du Ve siècle535. Le grand amphithéâtre de Metz aurait été abandonné à la fin du IIIe siècle et ensuite occupé par un lieu de culte paléochrétien536. A Trêves, il a été restauré à l’époque tétrarchique, mais nous sommes ici dans une capitale impériale537. Selon Salvien, on y donnait encore des spectacles au début du Ve siècle538. Dans la majorité des autres cas, les données

529 Matter (G.) et alii – Die Sondierungen am römischen Theater, En Selley, Avenches, BPA, 41, 1999, p. 147-148 ; Morel (J.) – Chronique des fouilles archéologiques 1998, BPA, 40, 1998, p. 211-212.

530 P. Pinon signale un passage de la vie de saint Hilaire où le prêtre Cyrille a le pied écrasé par la chute d’un bloc de marbre alors qu’il dépouille le théâtre pour embellir une basilique : Cassien, Prolegomena in S. Hilarium Arelatensem

Episcopum, Migne, PL, 50, col. 1235, cité dans Pinon (P.) – Approche typologique des modes de réutilisation des

amphithéâtres, de la fin de l’Antiquité au XIXe siècle, dans Domergue et alii, Spectacula, I, p. 105.

531 Heijmans, Arles durant l’Antiquité tardive, p. 239 (Césaire, Sermones, 61, 3).

532 A Aphrodisias, le théâtre est utilisé en tant que tel jusque dans les années 550 : Roueché (Ch.) – Inscriptions and the later history of the theater, dans Aphrodisias Papers, 2, 2e suppl. au JRA, p. 99-108.

533 Doreau (J.), Golvin (J.-Cl.) et Maurin (L.) – L’amphithéâtre gallo-romain de Saintes. Bordeaux, 1982, p. 19.

534 Domergue (Cl.), Fincker (M.) et Pailler (J.-M.) – L’amphithéâtre de Purpan. Esquisse d’étude architecturale et problèmes de chronologie, dans Domergue et alii, Spectacula, I, p. 65.

535 Keay (S.J.) – New lights on the Colonia Iulia Urbs Triumphalis Tarraco (Tarragona) during the Late Empire, JRA, 4, 1991, p. 393.

536 Bayard (D.) – L’ensemble du Grand Amphithéâtre de Metz et la sigillée d’Argonne au Ve siècle, Gallia, 47, 1990, p. 275-276.

537 Kuhnen (H.-P.) – Das Amphitheater, dans Kuhnen (H.-P.) (dir.) – Das römische Trier. Stuttgart, 2001, p. 96-97.

109 chronologiques font défaut, notamment en raison des méthodes de dégagement expéditives des fouilleurs et architectes du XIXe et de la première moitié du XXe siècle539.

II.B.2.3 La première moitié du IVe siècle : maintien et restauration d’une partie de la parure