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I HISTORIOGRAPHIE, METHODES DE DATATION ET CONTEXTE HISTORIQUE

I. A.2.2 L’apport des sources écrites

Outre les sources archéologiques, les textes offrent un certain nombre d’informations sur les cités des Eduens et de Chalon au cours de l’Antiquité tardive. La période se caractérise par une diminution de la documentation épigraphique alors que les textes deviennent de plus en plus nombreux à partir du courant du Ve siècle.

43 Bigeard (H.), avec la collab. de Bouthier (A.) - Carte Archéologique de la Gaule. La Nièvre, 58. Paris, 1996 ; Rebourg (A.) – Carte Archéologique de la Gaule. Autun, 71/1. Paris, 1993 ; Collectif - Carte Archéologique de la Gaule. Autun, 71/2.

Atlas des vestiges antiques. Paris, 1993 ; Rebourg (A.) – Carte Archéologique de la Gaule. Saône-et-Loire, 71/3-4. Paris, 1993 ;

Delor (J.-P.) (dir.) - Carte Archéologique de la Gaule. L’Yonne. 89/1-2. Paris, 2002. Le volume consacré à la Côte-d’Or est en cours de réalisation.

44 On signalera le fonds du services archéologique de la ville d’Autun, qui conserve une copie de tous les rapports de fouille postérieurs aux années 1970, de nombreux plans et clichés.

45 Conservées au siège de la Société Eduenne, Musée Rolin, Autun. Je remercie A. Strasberg (Musée Rolin) de m’avoir facilité l’accès à cette documentation.

46 Déposées aux archives départementales de Côte-d’Or, Dijon.

47 En cours de versement au Musée Alesia, Alise-Sainte-Reine. Ce fonds archive tous les rapports et carnets de fouille, publications, travaux universitaires et documentation relative au site d’Alesia depuis le XIXe siècle. Je remercie E. Rabeisen (Université de Bourgogne) de m’avoir facilité l’accès à cette documentation.

48 Riche documentation postérieure aux années 1950, conservée à la Maison de l’Archéologie, Mâcon. Je remercie D. Barthèlemy (INRAP) de m’avoir facilité l’accès à cette documentation.

Les sources épigraphiques de l’Antiquité tardive concernant les cités des Eduens et de Chalon sont extrêmement rares. L’essentiel du maigre corpus est constitué d’inscriptions funéraires, offrant parfois des informations prosopographiques de premier ordre (seule mention connue d’un évêque à Chalon50, stèle chrétienne en langue grecque de Pectorios à Autun51). Les épitaphes sont cependant peu nombreuses, et parfois seulement connues par des allusions postérieures, comme l’inscription versifiée qui recouvrait la tombe de l’évêque Sylvestre de Chalon, décrite au IXe siècle par l’auteur des Actes de l’élévation de Sylvestre et Agricole52. Les inscriptions publiques sont à peu près inexistantes. On ne connaît aucune dédicace d’édifice, les inscriptions religieuses disparaissent des sanctuaires païens, l’épigraphie civique n’est plus attestée. Les milliaires tardifs se limitent à un fragment de borne trouvé à Beaune53. Quelques inscriptions sur instrumentum apportent de précieuses indications (« service eucharistique » de sainte Reine à Alesia par exemple).

Les sources littéraires mentionnant des événements, des monuments ou apportant des données d’ordre géographique sur les cités des Eduens et de Chalon durant l’Antiquité tardive sont bien plus variés54. Trois grandes périodes peuvent être distinguées dans la documentation disponible.

Les textes traitant de la cité des Eduens au début de l’Antiquité tardive (entre 280 et 380 apr. J.-C. environ) sont peu nombreux, mais d’une qualité et d’une richesse rarement égalée en Gaule. Le recueil des Panégyriques latins a conservé quatre discours de rhéteurs éduens écrits entre 297 et 312 (Panégyrique de Constance, Discours pour la restauration des Ecoles d’Autun par Eumène, Panégyrique de Constantin et Discours de remerciement à Constantin55). Dans les panégyriques de Constance et Constantin, les allusions aux Eduens sont relativement peu nombreuses, sans pour autant être dénuées d’intérêt. En revanche, les discours d’Eumène et le Discours de remerciement traitent exclusivement de leur ciuitas, et offrent des renseignements inestimables sur l’histoire récente des Eduens, les mesures impériales en leur faveur, la vie urbaine, les aménagements publics, les campagnes, les préoccupations économiques des élites et la vie intellectuelle à l’époque tétrarchique et au début de l’époque constantinienne. La nature même de ces textes oblige cependant à une lecture critique, dans la mesure où les panégyriques mêlent souvent exagérations rhétoriques et complaisance envers les décisions impériales. Malgré tout, l’apport de ces sources est capital et permet dans bien des cas d’éclairer certains phénomènes perceptibles dans la documentation archéologique et surtout d’offrir des informations de premier ordre sur la vision qu’ont les contemporains des mutations que connaissent les cités gauloises au début de l’Antiquité tardive. Outre ces quatre textes, quelques autres sources éclairent l’histoire des cités des Eduens et de Chalon dans la première moitié du IVe siècle. Ammien Marcellin, qui a sans doute traversé la province de Lyonnaise en 355-35656, offre une série de descriptions de la région à la fin de l’époque constantinienne et livre quelques éléments d’histoire politique particulièrement précieux57. On signalera par ailleurs le poème des Laudes domini, texte rédigé par un Eduen chrétien dans la première moitié du règne de Constantin, offrant un aperçu de la diffusion de la nouvelle religion parmi les élites des premières décennies du IVe siècle, ainsi que quelques textes conciliaires portant la souscription d’évêques éduens ou chalonnais58.

Contrairement à la période précédente, les dernières années du IVe et la première moitié du Ve

siècle sont mal documentées. Les rares indications se trouvent dans la Notitia dignitatum59, la Notitia

50 CIL XIII, 2601 = Leblant, 661 .[71420-03].

51 [71014-07, sép. 76] (pl. 291, n° 1).

52 Acta elevationis S. Agricolae et aliorum. AASS, Mart., II, p. 509-512. Sur cette inscription, [71445-09].

53 CIL XIII, 9022 = XVII, 2, 495 [21054-16].

54 Ne sont ici présentés que les principaux textes.

55 Panegyricus Constantio dictus : Galletier (E.) (éd. et trad.) – Les Panégyriques latins, I. Paris, 1949, p. 82-100 (Pan. lat., IV) ; Eumène, Oratio pro instaurandis scholis : Galletier (E.) (éd. et trad.) – Les Panégyriques latin, I. Paris, 1949, p. 121-138 (Pan. lat., V) ; Panegyricus Constantino dictus : Galletier (E.) (éd. et trad.) – Les Panégyriques latins, II. Paris, 1952, p.54-74 (Pan. lat., VII) ; Gratiarum actio Constantino Augusto : Galletier (E.) (éd. et trad.) – Les Panégyriques latins, II. Paris, 1952, p. 89-102 (Pan. lat., VIII).

56 Présentation rapide de la carrière d’Ammien dans Cizek (E.) – Histoire et historiens à Rome durant l’Antiquité. Lyon, 1995, p. 305-307.

57 Ammien Marcellin, Res Gestae : Galletier (E.), Fontaine (J.), Sabbah (G.) (éd. et trad.) – Ammien Marcellin. Histoire (XIV-XVI). Paris, 1968 – 1977.

58 Conciles Gaulois IVe siècle : Munier (C.) (éd.), Gaudemet (J.) (trad.) – Conciles gaulois du IVe siècle. Paris, 1977 [SC, 241]. 59 Notitia dignitatum, Occ. : Seeck (O.) (éd.) – Notitia dignitatum accedunt Notitia urbis Constantinopolitanae et latercula

27 Galliarum60 et quelques documents isolés, comme une lettre d’Ambroise de Milan mentionnant des événements ayant lieu à Chalon vers 383 ou la Vie de Martin de Tours qui relate un épisode en territoire Eduen.

A partir du milieu du Ve siècle, la quantité des sources littéraires augmente sensiblement. Exceptées quelques lettres de Sidoine Apollinaire et Avit de Vienne61 adressées à des correspondants éduens ou chalonnais, ou mentionnant des événements concernant cette région, l’essentiel de la documentation est désormais fourni par les textes hagiographiques (Vies de saints principalement). C’est un lieu commun que de souligner les difficultés d’utilisation de ces textes. En l’absence d’éditions critiques autres que celles des Acta Sanctorum, ils ont parfois été employés sans discernement au XIXe siècle, alors que la Quellenforschung a depuis montré que les auteurs, qui se présentent fréquemment comme des contemporains du saint dont ils écrivent la vie peuvent parfois être séparés de plusieurs siècles des événements qu’ils relatent62.

Les Vies les plus intéressantes sont celles rédigées par un auteur contemporain ou légèrement postérieur au personnage dont il rapporte les hauts faits. Les textes de ce type concernant au premier chef les cités des Eduens et de Chalon sont relativement rares. Il se limitent actuellement à la Vie d’Eptade de Cervon63, un prêtre du Morvan qui vivait dans les années 500 et à la Vie de Germain, abbé de Saint-Symphorien d’Autun puis évêque de Paris, rédigée par Venance Fortunat64. Quelques Vies de saints étrangers à la région offrent des informations de détail : on peut par exemple citer les Vies de Germain d’Auxerre, de Loup de Troyes, des Pères du Jura ou de Césaire d’Arles65.

Un second type de Vies correspond aux textes nettement postérieurs aux événements qu’ils décrivent, mais rédigés durant l’Antiquité tardive. Alors que les informations historiques sur la période contemporaine du saint peuvent être mises en doute, ces documents apportent parfois d’intéressantes données sur l’époque de leur rédaction. Il n’est cependant pas toujours évident de distinguer les textes de l’Antiquité tardive de ceux du haut Moyen Age. Les textes appartenant à ce groupe sont un peu plus nombreux. On peut mentionner la Passion de Symphorien d’Autun, rédigée à Autun vers 450 ; celles de Valérien de Tournus (première version du VIe siècle ?) et d’Amatre d’Auxerre (vers 600), mais aussi d’intéressantes notices de Grégoire de Tours qui recopie apparemment des recueils de Vies des évêques d’Autun66.

60 Notitia Galliarum : Seeck (O.) (éd.) – Notitia dignitatum accedunt Notitia urbis Constantinopolitanae et latercula prouinciae. Berlin, 1876 (réed. Francfort, 1962), p. 262-274.

61 Correspondance publiée par Loyen (A.) (éd. et trad.) – Sidoine Apollinaire. Lettres. Paris, 1970 et Peiper (R.) (éd.) –

Alcimi Ecdicii Aviti viennensis episcopi opera quae supersunt. Berlin, 1883 (2ème éd., Berlin, 1961) [MGH, AA, VI, 2], p. 1-103.

62 Sous l’influence de B. Kruch, éditeur de nombreuses Vies des Ve et VIe siècle dans la collection des Monumenta

Germaniae Historica (MGH), s’est parfois développé un courant hypercritique tendant à nier toute valeur historique à

ces documents, qui ne seraient que pures affabulations légendaires. Cette approche a depuis été battue en brèche par de nombreux historiens, qui ont montré le fondement historique d’une partie de ces récits. Un exemple particulièrement probant est ainsi fourni par l’étude de la Vita Martini par J. Fontaine (Fontaine (J.) (éd. et trad.) –

Sulpice Sévère. Vie de Saint-Martin. Paris, 1967-1969 [SC, 133-135]).

63 Vita Eptadii : Krusch (B.) (éd.) – Passiones vitaeque Sanctorum aeui Merovingici. Hanovre, 1896 [MGH, SRM, III], p. 184-194. B. Krusch voyait dans la Vie d’Eptade un faux grossier d’époque carolingienne, ce qu’ont réfuté les études de L. Duchesne, E. Ewig et J. Favrod (un bilan de la controverse dans Favrod, Les Burgondes, p. 16-18).

64 Fortunat, Vita Germani : Krusch (B.) (éd.) - Venantii Honori Clementiani Fortunati. Opera pedestria. Berlin 1885 (2ème

éd., Hanovre, 1961) [MGH, AA, IV, 2], 11-27.

65 Constance, Vita Germani : Borius (R.) (éd. et trad.) – Constance de Lyon. Vie de Saint-Germain d’Auxerre. Paris, 1965 [SC, 112] ; Vita Lupi episcopi Trecensis : Krusch (B.) (éd.) – Passiones vitaeque Sanctorum aeui Merovingici. Hanovre, 1896 [MGH, SRM, III], p. 117-124 ; Vita Patrum Iurenisium : Martine (F.) (éd. et trad.) – Vie des Pères du Jura. Paris, 1968 [SC, 142] ; Vita Caesarii episcopi Arelatensis : Krusch (B.) (éd.) – Passiones vitaeque Sanctorum aeui Merovingici. Hanovre, 1896 [MGH, SRM, III], p. 433-501.

66 Passio Symphoriani : Passio Symphoriani auctore anonymo, AASS, Aug. IV, p. 496-497 ; Passio Valeriani : Passio Valeriani

auctore anonymo, AASS, Sept., V, p. 21-23 ; Etienne l’Africain, Vita Amatoris : Vita Amatoris auctore Stephano Africano Presbytero, AASS, Maii, I, p. 53-61 ; Grégoire de Tours, Liber vitae patrum : Krusch (B.) (éd.) – Gregorii episcopi Turonensis. Miracula et opera minora. Berlin, 1885 (2ème éd., Hanovre, 1969) [MGH, SRM, I, 2], p. 112-134, Liber in Gloria

confessorum : Krusch (B.) (éd.) – Gregorii episcopi Turonensis. Miracula et opera minora. Berlin, 1885 (2ème éd., Hanovre, 1969) [MGH, SRM, I, 2], p. 294-370.

Il convient enfin de conclure la présentation des sources de la fin de l’Antiquité tardive par les Dix livres d’Histoire de Grégoire de Tours, couramment appelés Histoire des Francs67. Le célèbre ouvrage contient de nombreuses allusions à la Burgondie, qui s’expliquent en grande partie par les attaches familiales de l’auteur avec cette région68, mais aussi par sa connaissance de plusieurs chroniques burgondes du début du VIe siècle69.

Bien que postérieures à la période considérée, quelques sources du VIIe siècle et de l’époque carolingienne offrent des informations de géographie historique non négligeables. On écartera les Vies de saints sans aucune valeur historique et rédigées à des dates très tardives, comme celles de Marcel de Chalon ou de Cassien d’Autun70, alors qu’il faut retenir des documents bien plus intéressants, comme la Vie de Jean de Réome par Jonas de Bobbio, peut-être rédigée lors d’un séjour de l’auteur dans le monastère fondé par le saint71. Quelques Vies du VIIe siècle apportent des précisions topographiques sur des monuments mal connus, comme la Passion de Léger d’Autun, les Vies de Loup de Chalon ou de Colomban, les Actes de l’élévation de Sylvestre et Agricole72, ou la version gallicane du martyrologe hiéronymien, rédigée en Burgondie à la fin du VIe siècle, qui recense de nombreux saints du diocèse d’Autun. Parmi les sources de cette époque, on mentionnera par ailleurs la Chronique dite de Frédégaire73, dont l’auteur inconnu, originaire de Burgondie, apporte quelques indications sur la région Chalonnaise. Signalons pour finir l’intérêt de quelques cartulaires contenant des chartes de la fin de l’époque mérovingienne, mentionnant parfois des sites repérés par l’archéologie. Les actes antérieurs aux années 750 sont cependant rares, et se trouvent essentiellement dans les cartulaires de Saint-Symphorien d’Autun et de Flavigny74. Les Gestes des évêques d’Auxerre, rédigées à l’époque carolingienne, recopient plusieurs testaments de la fin du VIe siècle et du VIIe siècle mentionnant des uillae des cités des Eduens et de Chalon75.