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SAAST Acad. MACON

II. A.4. LES EDIFICES DE SPECTACLES ET DE LOISIRS

II.A.4.1. Le théâtre intra muros

Le théâtre d’Autun, de schéma romain classique, est situé au sud-est de la ville antique [XIII 13-14 / XIV 13-14, n° 1] (pl. 241-243). Il possède trois précinctions, reposant à la fois sur une déclivité du relief et sur des fondations aériennes et est surplombé d’une galerie avec portique455. Son diamètre de 147,8 m en fait le plus grand de l’Empire avec le théâtre de Pompée, qui avoisine les 150 m456.

Des observations du XIXe siècle publiées par J.-G. Bulliot semblent montrer que les vomitoires et une partie des galeries ont été occupés par des artisans dès le courant du IIIe siècle [XIII 14 / XIV 13-14, n° 2 à 4]. En 1846, en exécutant une tranchée au sommet du théâtre, à trois mètres de profondeur, dans une couche de cendres, on a découvert une colonne en marbre à l’entrée d’un vomitoire et deux moules de monnaies de Sévère Alexandre. En 1849, on commença à fouiller un couloir souterrain entre la première et la seconde précinction inférieure. Dans cette galerie, on a trouvé des traces d’artisanat de la tabletterie et des moules de monnaies. En 1879 (?), lors de l’établissement d’un chemin entre la route de Chalon et le faubourg du Breuil, à 80 m du théâtre, on a découvert quarante-huit moules de monnaie jetées par-dessus le parapet du rempart. Ils présentent des droits d’empereurs allant de Marc-Aurèle à Gordien III. Dans le même secteur, en 1894, on signale un saumon en bronze de forme oblongue de 1500 gr dans une couche cendreuse. D’autres moules inédits conservés au musée Rolin, portant des droits et revers de monnaies tétrarchiques auraient été trouvés dans ce secteur. Un réexamen récent de ces objets

452 Rebourg, Urbanisme, p. 193-194 et fig. 42, p. 194.

453 Ces bâtiments existent toujours et sont parfaitement reconnaissables sur le cadastre de Rebourg, CAG 71/2.

454 Cette hypothèse a récemment été reprise dans plusieurs ouvrages : Rebourg (A.) et Goudineau (Chr.) – Autun

antique. Guides archéologiques de la France. Paris, 2002, p. 68-70 ; Van Andringa, La religion en Gaule romaine, p. 67.

455 Olivier (A.) – Le Théâtre, dans Autun-Augustodunum, p. 58-59 ; Olivier (A.) et Rebourg (A.) – Le théâtre antique d’Autun : nouvelles observations et restitutions, RAE, XLII, 1991, p. 125-152 ; Olivier (A.) – Nouvelles observations, dans Rebourg (A.) – Les Caves Joyaux ou le Théâtre antique d’Autun. Catalogue de l’exposition. Musée Rolin,

Autun, 1991. Autun, 1991, p. 45-53. Un récapitulatif bibliographique dans Rebourg, CAG 71/1, p. 72-76, n° 150. 456 Rebourg, Urbanisme, p. 188.

semble indiquer qu’il pourrait en réalité s’agir de découvertes de méditerranée orientale confondues avec les moules signalés par Bulliot (il ne mentionne pas de moules tétrarchiques)457.

II.A.4.2. L’amphithéâtre

L’amphithéâtre d’Augustodunum [XI-XII 13-14, n° 1], de type romain classique, construit sur fondations aériennes, était encore partiellement visible au XVIIe siècle (pl. 101 et 224, n° 2). Totalement détruit depuis, il est connu grâce à quelques gravures anciennes souvent fantaisistes et surtout par les plans qu’en a dressé J. Roidot-Deléage à la fin du XIXe siècle458. Ses dimensions (150 par 130 m) en font le plus grand amphithéâtre de Gaule et le cinquième de l’Empire459. Il est généralement daté de la fin du Ier ou du début du IIe siècle apr. J.-C.460.

Des casernes de gladiateurs sont signalées à Autun en 21 apr. J.-C. par Tacite461, mais n’ont pas encore été découvertes. On ne sait si elles existent encore à la fin du Haut-Empire. Ce texte fait envisager la présence d’un amphithéâtre antérieur à celui actuellement connu, peut-être en bois, qui reste lui aussi à localiser.

II.A.4.3. Les thermes

La présence de thermes publics à Autun à la fin du Haut-Empire est assurée grâce à une allusion de l’auteur du Discours de remerciement à Constantin, qui signale leur restauration par Constance Chlore462. La question de la localisation de cet ensemble thermal n’a pas été résolue à présent. On a souvent proposé d’interpréter des découvertes de balnéaires comme la trace de bains publics, mais, dans la majorité des cas, il pourrait s’agir d’aménagements privés463. A. Rebourg a récemment proposé de placer deux ensembles thermaux dans les îlots VI 8 [VI 8, n° 1-2], IX-X 8 et VIII-IX 5 [VIII-IX 5, n° 1]. L’îlot VI 8 a en effet livré plusieurs bassins et hypocaustes, des éléments de décor de qualité, qui permettent d’envisager, avec une forte probabilité, la présence d’un ensemble thermal public. La construction de l’îlot VIII-IX 5 soulève quant à elle de délicats problèmes d’identification qui justifient une présentation séparée464.

Dans l’îlot IX-X 8, une série de substructions observées aux XIXe et XXe siècles pourrait avoir appartenu à un second ensemble thermal (pl. 186-187). Une découverte du XIXe siècle est à cet égard particulièrement significative : en 1894, lors de la pose des égouts rue Guérin [IX-X 8, n° 1] on a observé deux murs parallèles d’orientation nord-sud, larges d’1,50 m. Entre ces derniers, le sol était pavé des dalles de schistes et jonché de débris architecturaux en marbre. Le mur oriental était tangent à un mur large de 0,80 m dessinant une structure semi-circulaire de 22 m de diamètre. A l’intérieur de celle-ci, le mur était recouvert d’un béton de 18 cm d’épaisseur (pl. 187). J. Roidot-Errard et J.-G. Bulliot ont interprété cette structure en hémicycle comme étant une piscine recouverte d’un béton hydraulique. Sur la bordure opposée de l’îlot [IX-X 8, n° 2] (pl. 186), J.-P. Guillaumet a pu observer dans les années 1970 un mur large de 1,50 m tangent à un large bassin ovale recouvert d’un épais béton hydraulique pavé de dalles de marbre de couleur, ouvrant à l’ouest sur plusieurs pièces aux murs arasés, possédants des sols de béton et des plinthes en schiste. Parmi une épaisse couche d’incendie, il a observé des fragments de corniche en marbre et des tronçons de colonne. Dans le même îlot [IX-X 8, n° 5], en 1945, J. Berthollet a recueilli des pilettes d’hypocauste le long d’un mur de 0,80 m de large. En 1997, des sondages de P. Chardron-Picault

457 Information P. Chardron-Picault (Ville d’Autun), que je remercie.

458 Duval (P.-M.) et Quoniam (P.) – Relevés inédits des monuments antiques d’Autun (Saône-et-Loire), Gallia, XXI, 1963, p. 155-189. Le reste de la documentation graphique, recensée dans Rebourg, CAG 71/1, p. 76-78, n° 153 (bibliographie complète), s’apparente dans presque la totalité des cas à des restitutions fantaisistes. Seule une gravure du XVIIe paraît s’apparenter à un relevé réaliste des vestiges alors visibles (pl. 224, n° 2).

459 Rebourg, Urbanisme, p. 190-193.

460 Un bilan de la question dans Rebourg, CAG 71/1, p. 76-78, n° 153.

461 Tacite, Annales, III, 43,4, 45,4 et 46,6.

462 Gratiarum actio Constantino Augusto, IV, 4.

463 Par exemple [VI 9, n° 3].

91 et W. Berry ont permis d’observer des maçonneries de 1,50 m de large et une place bétonnée, recouverts par une couche de démolition qui a livré de nombreux tubuli et fragments d’opus sectile.

D’autres découvertes effectuées dans l’îlot n’apportent pas d’indices supplémentaires d’activités thermales, mais indiquent la nature monumentale de cette zone. Ainsi, en 1894, la tranchée effectuée dans la rue Guérin a traversé une couche de démolition de 5 m d’épaisseur entre les n° 23 et 39, avant d’aboutir face au n° 39 sur deux maçonneries de plus de1 m d’épaisseur [IX-X 8, n° 1] (pl. 187). Au XVIIe siècle, E. Thomas mentionne [IX-X 8, n° 4] la présence de substructions en élévation et de riches éléments architecturaux en marbre ainsi que des placages en roches décoratives parmi des cendres dans le secteur des observations de J.-P. Guillaumet. Plus au nord, une série de sondages a révélé la présence de murs de 1,50 m d’épaisseur et d’un espace ouvert d’au moins 1600 m2 [IX-X 8, n° 3] (pl. 186 et 188).

Toutes ces découvertes conduisent à penser que l’îlot IX-X 8 est occupé à l’époque romaine par un vaste complexe monumental : importance des structures dégagées, épaisseur de la couche de démolition recouvrant certaines parties de l’édifice, richesse des éléments de décor architectural. La présence d’espaces à vocation thermale est suggérée par la découverte de deux bassins, dont un de dimensions remarquables, plus que par la présence de pilettes d’hypocauste dont le contexte est mal documenté. On notera la similitude des observations effectuées en 1894 et 1979 : présence dans les deux cas de placages en schiste, de bassins recouverts de béton hydraulique. Un examen de leur disposition dans l’îlot montre que ces deux bassins sont exactement symétriques (fig. 15, n° 1, p. 86).

La situation de cet îlot dans le système d’alimentation d’eau et d’évacuation des eaux usées d’Augustodunum permet en outre quelques constatations intéressantes. En premier lieu, il est notable que les constructions situées dans l’îlot IX-X 8 sont en contrebas d’un aménagement s’apparentant à un castellum divisorium [XI-XII 8, n° 3] (fig. 15, n° 2, p. 86). Par ailleurs, deux des trois plus importants collecteurs d’eaux usées d’Augustodunum rayonnent à partir de l’îlot IX-X 8 (fig. 15, n° 2, p. 86). Ces deux observations renforcent l’hypothèse de la présence de constructions fortement liées à l’eau dans ce secteur, ce qui au vu de la monumentalité des structures ne paraît guère indiquer qu’un ensemble thermal.

La ville d’Augustodunum possèderait ainsi des thermes de dimensions considérables, car près de 140 mètres séparent les deux bassins observés en 1894 et 1979. Le plan de cet édifice paraissant être basé sur une composition symétrique, on peut sans trop de risques proposer la présence de l’édifice thermal proprement dit dans la moitié sud de l’îlot, d’où semblent justement partir les deux collecteurs mentionnés plus haut, et situer dans la moitié nord un vaste espace ouvert, suggéré par la place observée en 1997 [IX-X 8, n° 3], qui pourrait appartenir à la palestre du complexe. Par ses dimensions, cet ensemble pourrait être comparé aux thermes de Sainte-Barbe de Trêves, qui possèdent une taille et une organisation relativement proches465.

II.A.4.4. Les Ecoles Méniennes

La présence d’écoles à Autun est connue grâce à deux textes antiques. Elles sont signalées une première fois par Tacite, qui indique qu’en 21 apr. J.-C., les enfants les plus nobles des Gaules y étudiaient les Arts libéraux466. Eumène apporte de nombreuses informations sur l’institution dans son célèbre discours de 298. On apprend ainsi que celle-ci est abritée dans un monumentum467 qui se trouve dans un espace public (non intra priuatos parietes sed in publica ostentatione)468 situé entre le temple d’Apollon et le capitole (inter Apollinis templum atque Capitolium)469. Les Ecoles posséderaient des portiques abritant une ou des cartes de l’Empire. Signalons qu’Eumène accole à ces Ecoles le qualificatif de Méniennes (Maeniana)470 ; l’étymologie de ce mot n’a jamais été élucidée. Au début du IVe siècle, la fortune des Ecoles paraît la même qu’à l’époque de Tacite471. Du texte, on perçoit l’importance des influences helléniques

465 Fontaine (H.) – Die Barbarathermen, dans Kuhnen (H.-P.) (dir.) – Das römische Trier. Stuttgart, 2001, p. 102-113.

466 Tacite, Annales, III, 43.

467 Eumène, Pro instaurandis scholis oratio, III, 2.

468 Ibid., IX, 1.

469 Ibid., IX, 3.

470 Ibid., XVII, 3.

471 Ibid., XIV, 1 : Constance dit à Eumène : Merentur et Galli nostri ut eorum liberis, quorum uita in Augustodunenisum oppido

ingenuis artibus eruditur, et ipsi adulescentes qui hilario consensu meum Constantii Caesaris ex Italia reuertentis suscepere comitatum ut eorum indoli consuler cupiamus : Nos amis gaulois méritent que nous nous intéressions à leurs enfants qui séjournent

dans l’enseignement : le grand-père d’Eumène, né à Athènes et ayant enseigné à Rome, vint professer à Autun dans la première moitié du IIIe siècle472.

Comme tous les édifices mentionnés dans les différents panégyriques décrivant Autun au début du IVe siècle, les Ecoles Méniennes ont fait l’objet de nombreuses tentatives de localisation. D’une manière générale, les érudits les ont placées à l’est de l’îlot XI-XII 8, puisqu’on pensait alors que le temple circulaire de cet îlot [XI-XII 8, n° 1] était le capitole473 et que le temple d’Apollon était la construction monumentale de l’îlot XIII 8 [XIII 8, n° 1]. Ces deux interprétations étant manifestement erronées474, il convient de rester très prudent sur leur éventuelle localisation. Aucune structure archéologique ne pouvant leur être attribuées, on ne dispose pour ce faire que des simples indications d’Eumène qui les localise dans un espace public situé entre un sanctuaire d’Apollon et le capitole. Si l’on accepte les propositions énoncées plus haut qui placent le capitole (et donc le forum) dans l’îlot VIII-IX 8 et le sanctuaire d’Apollon dans l’îlot XI-XII 8, ces écoles Méniennes sont vraisemblablement situées dans l’îlot IX-X 8. Ce dernier pourrait être relativement adapté à cet usage : il s’agit d’un îlot public, ce qui correspond à la description d’Eumène, abritant selon toute vraisemblance d’importants thermes. La présence d’un ensemble thermal, loin de s’opposer à une telle localisation, la renforce au contraire. En effet, dans l’Antiquité gréco-romaine, la palestre des ensembles thermaux est un lieu d’exercices sportifs, mais aussi un endroit où enseignent les rhéteurs.