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SAAST Acad. MACON

II. C.2.1 La fin du III e siècle

La couronne de nécropoles périurbaines d’Augustodunum connaît quelques modifications à la fin du IIIe siècle. Les grands pôles funéraires du Haut-Empire (nécropole du Bois Saint-Jean / La Verrerie [71014-01], nécropole du Breuil d’Arroux [71014-03], des Drémeaux [71014-008], du Champ des Urnes [71014-013] (fig. 18, p. 102) demeurent en place à la fin du Haut-Empire et paraissent encore en usage au début du IVe siècle. Les deux seuls faits marquants dans la topographie funéraire d’Augustodunum à la fin du

768 Cartulaire Autun, CXXIV (1318) : mention d’une rue quam itur de Castro Eduensis apud Sanctum Andochium.

769 Cartulaire Autun, XCV (1296) : (...) uiam publicam per quam itur de rua Chaucechien uersus pontem Sancti Andochii.

770 Cartulaire Autun, XCV (1296) : (...) uiam publicam per quam itur de Domo Dei de Marchaaut uersus Flureium (actuelle ferme de Fleury).

771 Il est intéressant que cette abbaye soit le seul pôle urbain (outre la ville haute et le quartier de Marchaux) qui soit susceptible d’entraîner une conservation de certaines rues et de cristalliser des nouveaux tracés au Moyen-Age. Peut-être s’agit-il d’une confirmation implicite de son importance à l’époque médiévale (sur Sainte-Marie / Saint-Jean-le-Grand au haut Moyen Age, supra, § II.B.2.6.1).

772 A n’en pas douter, il est désormais indispensable que les observations archéologiques versent des éléments de chronologie au dossier, car les approches strictement morphologiques paraissent limitées : B. Ward-Perkins, From

Classical Antiquity to the Middle Ages, p. 180, a proposé dans un premier temps que la conservation des tracés de rues

antiques soit lié à la présence de constructions mitoyennes dont l’implantation était contrôlée par les autorités. Cependant, il a observé dans un second temps qu’à Rhodes, la trame urbaine antique est bien mieux conservée dans les secteurs les plus éloignés de la ville médiévale : Ward-Perkins (B.) – Can the survival of an ancient town plan be used as evidence of dark-age urban life ?, dans Cavalieri Manasse (G.) et Roffia (E.) (dir.) – Splendida ciuitas nostra.

Haut-Empire sont l’abandon de la nécropole des Champs Saint-Roch [71014-010] et l’apparition d’un pôle funéraire au Champ de la Grillotière [71014-006].

Passons rapidement sur la nécropole des Champs Saint-Roch [71014-010], qu’on peut considérer comme étant à l’abandon au IVe siècle (tabl. VII). L’examen de l’abondant matériel découvert depuis le XIXe siècle indique que cette nécropole ne paraît plus utilisée au delà du IIIe siècle773. Un bracelet tardif isolé ne constitue pas un indice suffisant de la présence de sépultures du IVe siècle774.

Au nord-est, on assiste à l’apparition dans le dernier tiers du IIIe siècle d’une nouvelle zone funéraire au Champ de la Grillotière [71014-006] (fig. 18, p. 102). Traditionnellement associées à la nécropole tardive de Saint-Pierre-l’Estrier, les sépultures qui la composent se trouvent en réalité bien trop éloignées pour en faire partie, puisque près de 500 m séparent ces deux lieux de découverte (pl. 293). Pour l’instant, le matériel le plus ancien découvert à la Grillotière est constitué d’un gobelet Niederbieber 33 et d’une cruche Symonds 729 en céramique métallescente trévire, productions datées du troisième quart du IIIe siècle [71014-006, sépultures 11]. Cette nécropole relativement modeste sera ensuite utilisée pendant tout le IVe siècle.

II.C.2.2 Le IVe siècle

La première moitié du IVe siècle se caractérise par une impression de grande continuité de la topographie funéraire. Excepté le site des Champs Saint-Roch, qui semble avoir été abandonné à la fin du Haut-Empire, toutes les nécropoles [71014-001, 003, 006, 008, 013] ont livré des sépultures du IVe siècle. Ce constat demande cependant à être nuancé. L’inventaire des découvertes des différents sites funéraires montre en effet des situations relativement contrastées. Le comptage des structures des IIe – IIIe siècles (stèles et inscriptions funéraires non réemployées, ainsi que toutes les sépultures datées) et des IVe – Ve

siècles (stèles et inscriptions funéraires non réemployées, sarcophages en plomb, ainsi que toutes les sépultures datées), effectué nécropole par nécropole, indique que certaines sont en déclin alors que d’autres connaissent une expansion sensible (fig. 26, p. 145) (tabl. XIX).

Dans la nécropole de Bois Saint-Jean / La Verrerie [71014-001], le comptage des découvertes funéraires de la fin du Haut-Empire (au moins trente et une sépultures) et de l’Antiquité tardive (au moins six sépultures) indique une diminution très sensible du nombre d’inhumations au Bas-Empire, puisque 16 % seulement des sépultures datées appartiennent à cette période (tabl. XIX). Une évolution du même ordre s’observe dans la nécropole du Champ des Urnes [71014-013]. Alors que l’on recense treize sépultures des IIe – IIIe siècles, on n’en compte que six du Bas-Empire.

En raison de la rareté des découvertes, il est en revanche difficile d’émettre un avis sur la nécropole du Breuil d’Arroux, toujours fréquentée au IVe siècle [71014-003, sépultures 1].

La situation est fort différente dans le suburbium oriental. Les deux nécropoles des Drémeaux [71014-008] et du Champ de la Grillotière [71014-006] connaissent une utilisation plus soutenue au IVe et Ve siècles. Dans la nécropole des Drémeaux, on compte cinq sépultures de la fin du Haut-Empire pour cinq du début de l’Antiquité tardive [71014-008]. Sur la base de ce modeste inventaire, il semble donc ici que l’on observe une stabilité du recrutement funéraire. La nécropole du Champ de la Grillotière [71014-006] connaît un réel développement au Bas-Empire : alors que deux sépultures seulement sont attribuables au IIIe , huit paraissent dater du IVe siècle. Il faut toutefois nuancer le propos car le site semble être une création de la seconde moitié du IIIe siècle, et il est donc normal que les découvertes du Haut-Empire y soient peu nombreuses. On peut toutefois convenir que cette création n’a pas été sans lendemain, puisque la nécropole connaît une fortune certaine au début de l’Antiquité tardive.

La situation est un peu moins claire à Saint-Symphorien [71014-04] où aucune sépulture du début de l’Antiquité tardive n’est encore attestée. Le très faible nombre de découvertes recensées interdit toute conclusion prématurée. La présence de la sépulture supposée du martyr local Symphorianus ne constitue

773 Ce que vient de confirmer une importante fouille préventive (été 2004).

149 pas une preuve de l’utilisation de cette nécropole à la fin du IIIe siècle775, car la tombe a sans doute été inventée au IVe ou au Ve siècle.

Le fait marquant dans la topographie périurbaine d’Augustodunum dans la première moitié du IVe

siècle réside cependant dans l’apparition d’un nouveau pôle funéraire à Saint-Pierre-l’Estrier [71014-007] (fig. 18, p. 102). La création de cette nécropole a longtemps été datée du Haut-Empire, mais deux opérations archéologiques récentes indiquent que le site était occupé au IIIe siècle par une villa périurbaine [71014-07, église Saint-Pierre]. Il est d’ailleurs notable qu’aucune sépulture en place du Haut-Empire n’a jamais été trouvée sur le site776. Les stèles des IIe – IIIe siècles provenant de Saint-Pierre paraissent être des réemplois tardifs, comme l’illustrent deux découvertes correctement documentées [71014-007, sépultures 67 et 74]. Les données disponibles suggèrent que ce complexe n’apparaît qu’au IVe siècle, sans solution de continuité avec une nécropole Haut-Empire.

Il est tentant d’imaginer que le site funéraire tardif ait eu pour origine un mausolée, peut-être celui du propriétaire de la villa de la fin du Haut-Empire. Il serait alors tentant d’en attribuer la propriété à l’un des premiers évêques d’Autun, ce qui expliquerait le succès postérieur du site. Cet exemple est attesté, certes à une date plus tardive, dans la cité voisine d’Auxerre, où un complexe monastique s’est développé sur le mausolée de Germain qui était situé dans sa villa suburbaine777, mais aussi à Mâcon où un complexe funéraire périurbain se développe à l’emplacement d’une ancienne villa [71270-46]

Plusieurs inscriptions et la présence d’une basilique de la fin du IVe siècle778, indiquent que cette nécropole est vraisemblablement celle de la communauté chrétienne d’Augustodunum. Des évêques du IVe

siècle et des clercs de l’Eglise d’Autun y ont ainsi été inhumés [sépultures 16, 17, 18, 80]. Avec près de quatre-vingt-dix sépultures des IVe et Ve siècles, ce cimetière est indéniablement le plus attractif du suburbium d’Augustodunum durant l’Antiquité tardive. Les fouilles récentes de Chr. Sapin et W. Berry ont certes contribué à augmenter le corpus de sépultures tardives, mais, avec une quarantaine de tombes anciennement découvertes, le site de Saint-Pierre abritait déjà la plus importante nécropole tardive d’Autun.

Si le milieu du IVe siècle semble constituer un tournant dans l’occupation de l’espace intra muros, il est difficile de proposer une telle évolution pour le suburbium. La rareté des dépôts funéraires ne permet pas de périodisation fine de l’évolution des nécropoles durant le IVe siècle et la typologie de la sépulture, qui est dans la plupart des cas le seul moyen de fournir des éléments de chronologie, ne peut en l’état actuel des recherches permettre une datation inférieure à l’échelle du siècle779. Les quelques assemblages disponibles se caractérisent par la présence presque exclusive de verreries dont la datation paraît couvrir tout le IVe siècle (forme Isings 104b [71014-006, sép. 9] ; Isings 106 [71014-007, sép. 62] ; Isings 123 [71014-001, sép. 1] ; Isings 128 [71014-001, sép. 1]). Les pichets Isings 102 de la sépulture 71014-006, s. 4, plus caractéristiques de la première moitié du IVe siècle, ne permettent pas à eux seuls de caractériser l’évolution des nécropoles autunoises au début de l’Antiquité tardive.

II.C.2.3 Le Ve et le VIe siècle

A l’orée du Ve siècle, la question du devenir d’un certain nombre de nécropoles se pose avec plus d’acuité car les témoins archéologiques postérieurs aux années 400 apr. J.-C. font défaut dans plusieurs d’entre elles. Si l’utilisation de la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier [71014-007] paraît soutenue à cette période et probable dans celle des Drémeaux [71014-008, s. 1], ce n’est pas le cas sur au moins trois autres sites funéraires autunois.

775 Symphorianus aurait été martyrisé à Autun sous le règne d’Aurélien. Sur les martyrs bourguignons de la fin du IIIe

siècle : Bardy (G.) – Les martyrs bourguignons de la persécution d’Aurélien, AB, 1936, p. 321-348 ; Van der Straeten (J.) – Actes des martyrs d’Aurélien en Bourgogne, Annalecta Bollandiana, 78, 1960, p. 115-145 et 79, 1961, p. 447-468.

776 Malgré de nombreuses fouilles et surveillances depuis les années 1970.

777 Heiric d’Auxerre (fin du IXe siècle) indique que Germain fut inhumé dans l’oratoire de sa villa dédié à Saint-Maurice : Sapin (Chr.) – Histoire et sources écrites, dans Sapin (Chr.) (dir.) – Archéologie et architecture d’un site

monastique. 10 ans de recherches à Saint-Germain d’Auxerre. Auxerre – Paris, 2000, p. 27. Une présentation des états les

plus anciens du site dans Sapin, Ibid., p. 214-222.

778 Sur les édifices de Saint-Pierre-l’Etrier, supra, § II.B.2.6.2.

Le cas le plus clair est sans doute celui de la nécropole de Bois-Saint-Jean / La Verrerie [71014-001]. L’interruption des inhumations en sarcophage de plomb au début du Ve siècle en Gaule du sud-est780

fait que l’on ne dispose pas pour l’instant de sépultures datées postérieures aux années 400 à Bois-Saint-Jean. Le même constat s’applique à la nécropole du Breuil d’Arroux [71014-003], mais aussi à celle de la Grillotière [71014-006].

Le devenir de la nécropole du Champ des Urnes [71014-0013] est plus problématique. Aucune découverte n’est clairement attribuable au Ve siècle, excepté un fragment d’inscription funéraire dont le formulaire pourrait être daté du courant du Ve ou du VIe siècle [71014-013, s. 9]781. S’il provient bien de cette nécropole, il est donc impossible d’exclure la présence de sépultures du Ve siècle. Toutefois, il convient de noter le faible dynamisme de ce site funéraire au vu de cette découverte isolée.

La rareté des dépôts funéraires et l’ancienneté des observations disponibles ne permettent donc pas d’affirmer que ces nécropoles sont abandonnées au début du Ve siècle. Plutôt que d’employer le terme d’abandon pour les nécropoles de Bois Saint-Jean, du Breuil d’Arroux et de la Grillotière, il est donc préférable de se borner au simple constat que ces sites n’ont pas livré pour l’instant de sépultures postérieures au début du Ve siècle. Toutefois, on peut observer qu’à l’exception du site de la Grillotière, les nécropoles où les découvertes du Ve siècle sont absentes sont les mêmes qui montraient des signes d’un net affaiblissement de leur fréquentation dès le IVe siècle (fig. 26, p. 145 et tabl. XIX).

Assurément, aux Ve et VIe siècle, le seul pôle funéraire dynamique d’Augustodunum est la zone comprise entre la porte Saint-André et le hameau de Saint-Pierre-l’Estrier, ce que confirme la construction de nombreux édifices chrétiens dans ce secteur : basiliques Saint-Etienne et Saint-Pierre, basilique puis monastère Saint-Symphorien et peut-être basilique Saint-Racho782.