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SAAST Acad. MACON

II. B.2.6 L’apparition d’une parure monumentale chrétienne

La cité des Eduens est une des cités de Gaule centrale où la présence d’une communauté chrétienne est attestée le plus précocement. Dès le début du IVe siècle, on connaît un évêque du nom de Rheticius, qui eut le privilège d’être un des trois seuls prélats gaulois convoqués au concile de Rome de 313626. Un dossier épigraphique relativement important laissait supposer depuis longtemps la présence de nombreux chrétiens dans la cité dans le courant du IVe siècle.

Jusqu’à une date récente, l’aspect et l’implantation des premiers lieux de culte chrétiens d’Augustodunum étaient particulièrement mal connus. Exceptées quelques mentions du VIe siècle, la connaissance des plus anciennes églises chrétiennes de la cité pâtissait de l’absence de recherches de terrain. La reprise de ce dossier par C. Sapin et W. Berry, qui ont multiplié les interventions archéologiques depuis la fin des années 1970, a apporté des éléments significatifs. Cependant, les données demeurent extrêmement lacunaires pour le début de l’Antiquité tardive : le sujet est encore en grande partie tributaire de découvertes anciennes ou des seules sources écrites.

621 Jones, LRE, II, p. 834.

622 CIL XIII, 2828, un commentaire de A. Rebourg – Inscription honorifique, dans Pinette (M.) (dir.) - Autun –

Augustodunum, capitale des Eduens. Catalogue de l’exposition. Autun, 1987, p. 251, n° 515 : A Marcus Ulpius Avitus, centurion dans la IIIe légion Auguste puis dans la IVe Flavia. Parce qu’il l’avait bien mérité, les ouvriers fabricants de cottes de maille qui sont installés chez les Eduens et répondent du uicus de Briva Sugnutia (Brêves, Nièvre [site 58039-01]), et qui lui furent attachés ont fait élever [ce monument].

623 James, op. cit., p. 271 : Gaul especially was plagued with the rural disturbances caused by the bagaudae, a shadowy group, perhaps

dispossessed peasants turned to brigandage, in numbers large enough to cause serious disruptions. The defensible locations of the new fabricae helped them to deny them arms. Ce n’est d’ailleur pas le cas d’Argenton-sur-Creuse. On n’y trouve d’ailleurs pas

d’indices d’une activité liée à la présence d’arsenaux au Bas-Empire : Dumasy (F.) – Argenton-sur-Creuse-Saint-Marcel (Indre), Argentomagus, dans Bellet (M.-E.), Cribellier (Chr.), Ferdière (A.) et Kausz (S.) (dir.) – Agglomérations

secondaires antiques en Région Centre, 1. Tours, 1997 [17e suppl. à la RACF], p. 90.

624 Notitia Dignitatum, occ., XI, 59 qui mentionne un procurator gynaecii Augustoduno translati Mettis.

625 On s’en convaincra à la lecture des communications réunies dans Cardon (D.) et Feugère (M.) (éd.) – Archéologie

des textiles des origines au Ve siècle. Actes du colloque de Lattes. Montagnac, 2000 [Monographies Instrumentum, 14]. 626 Sur l’histoire de l’Eglise d’Autun durant l’Antiquité tardive, infra, § V.B.1.1.

119 La tradition érudite a attribué trois fondations religieuses autunoises à l’époque constantinienne : le groupe épiscopal et l’église Sainte-Croix, placés dans la ville haute, et les deux basiliques périurbaines Saint-Pierre et Saint-Etienne situées dans le hameau de Saint-Pierre-l’Estrier (fig. 18, p. 102). D’autres édifices peuvent être attribués au Ve ou au début du VIe siècle.

II.B.2.6.1 Le groupe épiscopal de l’Antiquité tardive

Les données archéologiques actuelles ne permettent pas de situer l’ecclesia du début de l’Antiquité tardive. On suppose à ce jour qu’elle occupe l’emplacement du groupe épiscopal mentionné aux VIe – VIIe

siècles [Ilot XVI 4], mais les preuves indiscutables font encore défaut627. Au XIXe et au début du XXe

siècle, on pensait en revanche qu’elle se trouvait extra-muros, à l’emplacement du complexe funéraire paléochrétien de Saint-Pierre-l’Estrier [71014-07]628. C. Pietri a montré le peu de valeur de ces traditions qui placent le premier centre épiscopal dans les nécropoles périurbaines629.

C. Sapin, W. Berry et S. Balcon ont proposé de restituer un complexe constitué des églises Saint-Nazaire et Notre-Dame et de l’église Saint-Jean-de-la-Grotte, considérée comme le baptistère mentionné à la fin de l’Antiquité tardive [XVI 4, n° 3, XV 4, n° 5, XVI 4, n° 5] (fig. 20, n° 1, p. 120). La domus ecclesiae se serait trouvée à quelque distance au sud-est, à proximité du cloître carolingien de Saint-Nazaire, où J. Berthollet aurait dégagé des structures tardives dans les années 1940 [XVI 4, n° 6 et 7] (pl. 265, n° 2). Cette restitution, basée sur le modèle des églises doubles paléochrétiennes, où l’on trouve fréquemment l’association d’une église cathédrale et d’une seconde dédiée à la Vierge630, ne repose cependant sur aucune donnée archéologique certaine.

La cathédrale Nazaire est mentionnée pour la première fois dans le testament de Saint-Léger631 (vers 675-676) et l’archéologie n’a pas encore fourni d’état antérieur au VIIe siècle [XVI 4, n° 4]. Toutefois, elle devait exister avant les années 600, puisque la dedicatio de l’ecclesia senioris à saint Nazaire apparaît dans le martyrologe hiéronymien632. L’église Notre-Dame n’est signalée qu’au Xe siècle633 et aucune donnée de terrain ne permet de confirmer une datation antérieure à l’époque préromane. L’identification de l’église Saint-Jean-de-la-Grotte avec le baptistère de l’Antiquité tardive n’est pas plus étayée, même si le vocable de Saint-Jean est fréquemment donné à de tels édifices. Enfin, les quelques niveaux de l’Antiquité tardive retrouvés à l’emplacement présumé du palais épiscopal634 ne peuvent être attribués avec certitude à un tel aménagement.

Dès lors, il convient de ne retenir ce schéma interprétatif qu’à titre d’hypothèse de travail et d’attendre de nouveaux éléments archéologiques. De même, la tradition locale selon laquelle le groupe épiscopal de Saint-Nazaire aurait remplacé un complexe antérieur topographiquement distinct ne peut être disqualifiée sur la base des données disponibles. Il est en tout cas fort probable que le groupe épiscopal de l’Antiquité tardive ne guère être antérieur à la seconde moitié du IVe siècle, période de création de tous les exemples gaulois ayant fait l’objet de fouilles récentes635.

627 En 1986, Chr. Sapin signalait que l’on ne peut prouver qu’il existait une cathédrale aux IVe et Ve siècles à cet emplacement, bien que cela nous paraisse assez probable : Sapin (Chr.) – La Bourgogne pré- romane. Paris, 1986, p. 29-30.

628 Courtépée, Description générale, II, 2ème éd., p. 497 ; Berthollet (J.) – L’évêché d’Autun. Etude historique et descriptive. Autun, 1947, p. 20-23.

629 Pietri (C.) – L’espace chrétien dans la cité. Le vicus christianorum et l’espace chrétien de la cité Arverne (Clermont),

Revue d’Histoire de l’Eglise de France, LXII, 1976, p. 109-204.

630 Un bilan récent dans Duval (N.) et Caillet (J.-P.) – La recherche sur les églises doubles depuis 1936 : historique et problématique, suivi d’un atlas des églises doubles, dans Les églises doubles et les familles d’église, AnTard, 4, 1996, p. 22-50.

631 Testamentum S. Leudegarii, éd. B. Krusch, CCSL, CXVII, p. 514-516, cité par Piétri, Picard, Topographie Chrétienne

Autun, p. 41.

632 Le Martyrologe hiéronymien dans sa version de la fin du VIe siècle donne au 31 juillet : Augustoduno dedicatio ecclesia

senioris et sancti Nazarii et translatio multorum sanctorum martyrum.

633 Charmasse, Cartulaire Autun, I, p. 17, n° XI (936) : (…) Ecclesiae quae est sub honore almae Dei Genitricis Mariae (…).

634 Information W. Berry et S. Balcon, que je remercie.

635 Pour s’en tenir à la province ecclésiastique de Lyon, le groupe cathédral de Lyon ne semble pas antérieur aux années 375 : Reynaud (J.-F.) – Le groupe cathédral paléochrétien de Lyon est-il une église double, dans Les églises

doubles et les familles d’église, AnTard, 4, 1996, p. 91-94 ; Reynaud, Lugdunum christianum, p. 83.

XV 4 XVI 4 3 6 5 8 5 Castrum 0 40 m 1 N. Dame S. Jean ? S. Nazaire domus ecclesiae ? S. Croix ? IV 11 4 0 40 m 2 S. Jean S. Marie

Fig. 20. 1 : site de Saint-Nazaire, restitution possible du groupe épiscopal selon S. Balcon, W. Berry et C. Sapin . Pour les numéros, se reporter au catalogue. 2 : site de Saint-Jean-le-Grand selon les descriptions de la fin de l'Ancien Régime. Pour les numéros, se reporter au catalogue. Les deux complexes sont replacés dans les îlots théoriques antiques.

121 Une dernière église, mentionnée en 854 sous le nom de Sainte-Croix636 [XVI 4, n° 8], a anciennement été datée de l’époque constantinienne par A. de Charmasse637, sans doute par analogie avec la basilique Romaine de Sainte-Croix-de-Jérusalem638. C. Piétri et J.-C. Picard ont rappelé que cette dédicace ne constituait en aucun cas un critère chronologique639. On a supposé qu’elle se situait au sud de l’église Saint-Nazaire sur la foi d’observations de Ch. Boëll, mais on peut tout autant envisager qu’il s’agisse de l’ancienne dédicace de l’église Notre-Dame. Face à de telles lacunes documentaires, il est impossible d’intégrer cet édifice à un éventuel complexe épiscopal du IVe siècle.

Bien que l’on situe actuellement le groupe épiscopal de l’Antiquité tardive dans le castrum, à l’emplacement de la cathédrale du haut Moyen Age, un autre édifice pourrait parfaitement convenir à cette église primitive : il s’agit du site de l’abbaye de Sainte-Marie-Saint-Jean-le-Grand [IV 11, 4] (fig. 18, p 102 et fig. 20, n° 2, p. 120). Les descriptions de l’Ancien Régime indiquent qu’il s’agissait d’un ensemble constitué d’une église abbatiale et d’une église paroissiale, séparées par une tour d’apparence antique (pl. 128). L’église paroissiale Saint-Jean se trouve au nord de celle-ci, l’église abbatiale Notre-Dame au sud. Bien que les données archéologiques soient des plus maigres, il y a peut-être lieu de penser que Notre-Dame recouvre un édifice antérieur de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Age. Dès lors, la disposition de l’ensemble, comprenant deux églises parallèles séparées par une construction d’apparence antique située au niveau de l’épître de l’église Saint-Jean évoque fortement l’organisation des églises doubles de l’Antiquité tardive. La dédicace à Saint-Jean et Notre-Dame peut parfaitement convenir à un groupe épiscopal et la construction située entre les deux églises à un baptistère640. Ainsi, on pourrait envisager que la création par Syagrius d’une abbaye de femmes ait succédé au transfert du groupe épiscopal à son emplacement du haut Moyen Age641. Il est frappant de trouver une disposition similaire en Arles, où Césaire fonde un monastère de femmes dédié à Saint-Jean et Sainte-Marie à l’emplacement de l’ecclesia du début de l’Antiquité tardive642.

II.B.2.6.2 Les basiliques de la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier : Saint-Etienne et Saint-Pierre

La nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier, assurément le pôle funéraire le plus dynamique d’Augustodunum durant l’Antiquité tardive, abrite au moins deux basiliques à la fin du VIe siècle (fig. 18, p. 102).

Saint-Pierre

L’église Saint-Pierre [71014-07, église Saint-Pierre] est le seul édifice chrétien d’Autun remontant assurément au IVe siècle apr. J.-C. Il a été fouillé de 1976 à 1986 par C. Sapin, avec la collaboration de W. Berry, J.-C. Picard et B.K. Young.

La nef semble s’installer dans des constructions antérieures, peut-être celles d’une villa du Haut-Empire (pl. 287-288). Une abside de 6 m de diamètre est construite à l’est de la basilique. A l’ouest, elle

636 Tessier (G.) (éd.) – Recueil des actes de Charles le Chauve, I. Paris, 1943, n° 165, p. 432-434.

637 Charmasse, Cartulaire Autun, I, p. LXXIX.

638 Sur cet édifice, Piétri (C.) – Roma Christiana. Recherches sur l’église de Rome, son organisation, sa politique, son idéologie de

Miltiade à Sixte III (311-440), I. Rome, 1976, p. 14-17 [BEFAR, 224]. 639 Piétri, Picard, Topographie Chrétienne Autun, p. 42.

640 Un bilan récent dans Duval (N.) et Caillet (J.-P.) – La recherche sur les églises doubles depuis 1936 : historique et problématique, suivi d’un atlas des églises doubles, dans Les églises doubles et les familles d’église, AnTard, 4, 1996, p. 22-50.

641 De surcroît, le martyrologe hiéronymien signale le 31 juillet : Augustoduno dedicatio ecclesia senioris et sancti Nazarii et

translatio multorum sanctorum martyrum (Martyrologium Hieronymianum, éd. Quentin, p. 407). Cette indication commémore

la dédicace de l’ecclesia au Seigneur et Saint-Nazaire, mais on comprend mal la raison qui expliquerait le transfert concomitant de nombreux saints martyrs si ce n’est à l’occasion du transfert des reliques d’un édifice antérieur.

s’appuie sur un mausolée643. Ces observations permettent de restituer un édifice d’une vingtaine de mètres de long - une trentaine avec le mausolée (pl. 287, n° 2). Selon C. Sapin, le mausolée serait la plus ancienne structure de l’Antiquité tardive adjointe au bâtiment du Haut-Empire. La structure funéraire a été réutilisée à la fin du VIe ou au VIIe siècle, en témoignent plusieurs sarcophages trapézoïdaux en grès trouvés dans la construction. Par son plan, cet édifice s’apparente à un certain nombre de basiliques funéraires comme Saint-Martin d’Angers, Saint-Pierre-Saint-Paul de Canterbury ou Reculver644. Bien que les parties latérales soient mal connues, elles pourraient s’apparenter à des portiques à usage funéraire, comme en témoigne la présence de sépultures dans le bas-côté nord (pl. 287, n° 2)645.

La fouille n’a pas livré de niveaux de chantier clairement attribuables au IVe siècle, conséquence des perturbations engendrées par les inhumations de l’Antiquité tardive et du Moyen Age. Quelques éléments incitent cependant à considérer la possibilité d’une datation au plus tôt vers le milieu du IVe

siècle. Une sépulture postérieure à la construction du bas-côté nord a livré un balsamaire de type Foy 8 [71014-07, sép. 51] (pl. 289, n° 3). Elle pourrait indiquer que l’édifice est antérieur au début du Ve siècle. Dans le bas-côté nord de l’église, on a trouvé un sarcophage en plomb [sép. 54], qui est un type de sépulture caractéristique du IVe siècle en Gaule du sud-est646. Plusieurs inhumations ont livré des monnaies de Constantin, Magnence et Constance II [sép. 53 ; sépultures de la zone orientale non localisées] dans les environs immédiats de l’édifice. Leur proximité topographique constitue un indice de datation précoce, mais pas une preuve irréfutable d’une datation haute. En l’état, seule une publication complète des stratigraphies du site paraît en mesure d’étayer ces observations.

Saint Etienne

La basilique Saint-Etienne [71014-07, église Saint-Etienne] n’est connue que par de simples mentions. La plus ancienne est de Grégoire de Tours, qui signale la basilica sancti Stefani647. L’absence de données archéologiques et sa dédicace ne permettent pas de remonter sa construction au-delà du premier tiers du Ve siècle648. Il est cependant possible qu’un édifice antérieur ait été dédié au Ve ou VIe siècle à Saint-Etienne, ce que seules des interventions archéologiques seraient à même de confirmer. La localisation exacte de la basilique est inconnue, ce qui constitue un handicap certain pour réaliser d’éventuels sondages. On a généralement envisagé une localisation au nord ou au sud de la rue Saint-Etienne, à l’est du carrefour avec la ruelle Saint-Pierre. Un sondage négatif effectué sur le côté sud du carrefour, le long de la rue Saint-Etienne écarte cette localisation. Quelques observations pourraient permettre de situer l’édifice au sud-ouest de cet emplacement649.

Découvertes architecturales isolées

Un chapiteau en marbre (pl. 288, n° 2-4) réemployé dans un mur moderne du hameau de Saint-Pierre-l’Estrier constitue vraisemblablement l’unique témoignage d’une campagne édilitaire effectuée au Ve

ou VIe siècle sur un bâtiment du complexe périurbain. Il est en revanche impossible de l’attribuer à un édifice précis650.

Un enclos de l’Antiquité tardive autour du complexe de Saint-Pierre-l’Estrier ?

643 Un columbarium très proche du mausolée de Saint-Pierre-l’Estrier a été fouillé à Tarragone : Esparreguera (J.M.) et Macias Solé (J.M.) – La ciudad y el Territorium de Tarraco : el mundo funerario, dans Vaquerizo (D.) (éd.) – Espacios

y Usos Funerarios en el Occidente Romano. Actas del Congresso Internacional de Cordoba, 2001, I. Cordoue, 2002, p. 97. 644 Reynaud, Lugdunum Christianum, p. 237, fig. 184.

645 Reynaud, Lugdunum Christianum, p. 238-239.

646 Colardelle et alii, Typo-chronologie des sépultures, p. 278 : Les contextes archéologiques sont clairs et ne permettent guère

d’envisager d’autres datations que le IVe et le début du Ve siècle (au plus tard). 647 Grégoire de Tours, De Gloria Confessorum, 72.

648 Les reliques d’Etienne auraient été ramenées en Espagne en 416 : Gauche (V.) – La route d’Orose et les reliques d’Etienne, AnTard, 6, 1998, p. 265-286.

649 Infra.

650 C. Sapin propose de l’attribuer à l’église Saint-Pierre, mais il pourrait tout autant provenir de Saint-Etienne : Sapin (C.) - Découverte d’un chapiteau mérovingien à proximité de l’ancienne église Saint-Pierre-l’Estrier à Autun, RAE, 49, 1998, p. 371-374.

123 L’étude du parcellaire ancien des environs de Saint-Pierre-l’Estrier, effectuée sur le cadastre de 1822, indique la présence autour du hameau d’un système parcellaire circulaire qui n’a encore jamais fait l’objet d’investigations particulières (pl. 286, n° 9 à 11 ; 292). Il perturbe nettement la trame parcellaire orthonormée qui semble prolonger le découpage urbain antique dans le suburbium oriental.

Il est possible que ce système parcellaire circulaire résulte du développement de l’habitat groupé médiéval et moderne dans ce secteur, mais quelques observations incitent à remonter sa datation à une période beaucoup plus haute. Toutes les découvertes funéraires de l’Antiquité tardive effectuées dans le hameau de Saint-Pierre sont situées à l’intérieur de l’anomalie circulaire (pl. 286 et 292). Plusieurs diagnostics archéologiques négatifs effectués au nord de la rue de Bourgogne, c’est-à-dire à l’extérieur de l’anomalie, permettent d’exclure un biais documentaire. Il y a donc peut-être un lien à établir entre ce système parcellaire circulaire et les découvertes funéraires de l’Antiquité tardive. Sans données archéologiques, il est toutefois difficile d’envisager à quel phénomène ou structure se rattache cette forme concentrique. Un enclos ou une délimitation du complexe formé par les églises et la nécropole paraissent les plus vraisemblables. La datation peut couvrir tout le champ chronologique tardo-antique ou médiéval. Le fait que cette anomalie enserre toutes les structures funéraires du début de l’Antiquité tardive tend à faire remonter son origine à une période suffisamment haute pour que le marquage des tombes ait pu avoir une influence sur son tracé651.

L’implantation dans cet ensemble des deux églises Saint-Etienne et Saint-Pierre appelle quelques observations. En premier lieu, l’église Saint-Pierre, que les recherches récentes et la toponymie tendent à désigner comme la principale basilique du secteur, paraît excentrée dans le système parcellaire circulaire : elle se situe nettement dans sa partie nord-ouest (pl. 286, n° 1) et ne semble pas l’avoir polarisé. On peut donc se demander si la basilique Saint-Etienne, mentionnée plus anciennement que l’église Saint-Pierre, n’est pas le réel pôle structurant de cette zone. En effet, Grégoire de Tours signale la première652, alors que la seconde n’est attestée qu’à partir de l’époque carolingienne653. Saint-Pierre a certes donné son nom au hameau, mais sans doute parce que cette église est devenue paroissiale au Moyen Age654 et non en raison d’une primauté sur Saint-Etienne durant l’Antiquité tardive.

La question de l’emplacement exact du second édifice pourrait être relancée grâce à l’analyse de cette anomalie parcellaire et il serait tentant de situer la basilique en son centre. Des découvertes fortuites effectuées en 1991 lors de la construction d’un pavillon dans une des parcelles correspondantes (pl. 286, n° 2 et 7), incitent à considérer cette hypothèse comme plausible.

II.B.2.6.3 Basilique et monastère Saint-Symphorien

Outre les deux basiliques de Saint-Etienne et Saint-Pierre, le suburbium oriental s’enrichit au Ve

siècle d’une basilique et d’un probable monastère dédié au martyr éduen Symphorien (fig. 18, p. 102). Grâce à Grégoire de Tours, on sait qu’Euphronius d’Autun655, dont l’épiscopat débute dans les années 450, fit élever une basilique sur la tombe du saint [site 71014-04]. Il est probable qu’elle ait fait partie d’un monastère. Celui-ci n’apparaît dans les sources que vers 530-540 (Germain656, futur évêque de Paris, en fût l’abbé)657, mais la Vie des Pères du Jura indique que Léonien, ascète Viennois mort vers 500, a

651 On peut même envisager qu’elle remonte aux origines du complexe funéraire, ce qui expliquerait plus facilement encore l’absence de découvertes de ce type en dehors de l’anomalie, ou, plus prudemment, qu’il puisse s’agir d’un enclos du haut Moyen-Age du même type que celui qui entoure la basilique Saint-Denis : Wyss (M.) (dir.), avec la collab. de Meyer-Rodriguez (N.) – Atlas historique de Saint-Denis. Des origines au XVIIIe s. Paris, 1996 [DAF, 59], p.

228-229.

652 Grégoire de Tours, De Gloria Confessorum, 72.

653 Authentique de reliques provenant de l’ancien monastère de Chelles (VIIe – VIIIe siècles), éd. Atsma (H.) et Vezin (J.), Chartae latinae antiquiores, 18. Zurich, 1985, p. 89, n° 25, cité par Pietri, Picard, Topographie chrétienne Autun, p. 40. Saint-Pierre serait un monastère à l’époque carolingienne (monasterium sancti Petri seu Stephani) : Cartulaire Autun, XXVIII, Tessier (G.) (éd.) – Recueil des actes de Charles le Chauve, I. Paris, 1943, n° 25, p. 56-59.

654 Charmasse, Cartulaire Autun, III, p. 43 (1328).

655 Se reporter à l’appendice prosopographique, vol. II, p. 432, Euphronius.

656 Se reporter à l’appendice prosopographique, vol. II, p. 433, Germanus.

été cloîtré à Autun658. Ceci pourrait indiquer que le monastère remonte à une date bien plus précoce, peut-être la fondation de la basilique659.

Les remaniements postérieurs puis les destructions du début du XIXe siècle, l’absence de recherches de terrain, font qu’il est presque impossible d’avoir une idée précise de l’aspect du monument de l’Antiquité tardive. La Passion de Saint-Symphorien, datable du troisième quart du Ve siècle660, mentionne son faîte élevé661 ; Fortunat signale une porticus à proximité de la tombe du saint662. Le seul élément architectural appartenant avec vraisemblance à cette phase de l’édifice est une plaque de marbre représentant un agneau, découverte en réemploi sur le site au XIXe siècle (pl. 283, n° 2). Chr. Sapin propose de l’interpréter comme un élément de devant d’autel ou de chancel, datant du Ve siècle. Cette plaque, qui montre la qualité du programme architectural effectué, demeure néanmoins isolée. Selon la Gallia christiana, les évêques Euphronius et Proculus auraient été enterrés dans l’édifice663.