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Chapitre  III   –  Le  terrain  ethnographique  :  méthodes,  apprentissages  et  expériences

1.   Le  terrain  et  les  méthodes  :  des  premiers  constats  au  recours  à  la  cartographie

1.6.   Cartographier  les  lieux  de  l’enquête

L’espace physique des quartiers périurbains où j’ai effectué mon terrain m’a particulièrement intéressée, d’un côté, je me familiarisais avec leurs habitants et leurs rues, de l’autre, je souhaitais identifier les différentes structures institutionnelles implantées, notamment celles en rapport avec le religieux. Aussitôt, j’ai procédé à un repérage de ces éléments à trois moments distincts.

Tout d’abord, lorsque je me rendais chez des habitants pour mes entretiens, je notais le nom des rues, et je recensais les structures institutionnelles implantées dans les deux quartiers. Ensuite, quand je me déplaçais vers des axes environnant les deux quartiers, afin de rejoindre les transports collectifs en direction de la capitale, je complétais mes notes sur les rues et les structures. Enfin, j’ai décidé de parcourir des secteurs des deux quartiers, où je n’avais pas l’habitude de me rendre pour avoir une vision globale du Loteamento Bonfim et d’Aguazinha.

Ce travail de recensement a duré environ quatre semaines. Je l’ai réalisé de manière alternée dans ces deux lieux d’enquête. J’avais situé les rues principales et celles adjacentes, mais aussi la totalité des institutions implantées. J’ai également identifié les différents secteurs de chacun des deux quartiers. L’organisation spatiale de ces derniers est composée de secteurs variés, localement situés, qui ne figurent pas toujours dans le registre officiel de la municipalité parce qu’il s’agit d’endroits délaissés où des maisons sont construites de manière informelle, et parfois avec du matériel de fortune. Ces types d’habitats sont assez répandus dans les zones périurbaines sur le territoire brésilien (Gonçalves, 2010). Ces secteurs ne disposent pas ou peu d’aménagement urbain, manquent en général de services de base (rues pavées, trottoirs, plaques d’identification des rues, service d’assainissement d’égouts, ramassage régulier des ordures ménagères). Cela est observable dans des secteurs du Loteamento Bonfim et dans certaines zones à Aguazinha.

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Les données spatiales recueillies constituaient un matériel brut et épais ayant besoin d’être mis sous un format plus synthétique et directement lisible. Pour ce faire, j’ai décidé de recourir à la cartographie, parce que la carte « donne à voir l’information » de manière directe et objective (Le Fur, 2000 :5) et permet de rendre compte d’aspects politique et social de ce lieu (Ibid., 2000). C’est pourquoi j’ai choisi d’ajouter l’outil cartographique à mes autres données de terrain afin de mettre en lumière des données spatiales et sociopolitiques globales relevées à trois échelles différentes, à savoir au Loteamento Bonfim, à Aguazinha et à l’avenue Cruz

Cabugá à Recife. J’ai commencé le travail de recensement par les deux quarties, par la suite,

j’ai investi le tronçon de la Cruz Cabugá où se concentrent les grands temples évangéliques pentecôtistes au centre-ville de Recife.

Le recours à l’outil cartographique m’a été utile pour deux raisons. D’une part, la carte m’a aidée à appréhender la morphologie locale des lieux étudiés, ainsi que les spécificités en découlant. À ce titre, « (…) la carte est la représentation de l’espace. C’est la transcription

dans une image de phénomènes localisés et des relations qui se développent entre ces phénomènes » (Ibid., 2010 : 6). D’autre part, elle s’ajoute aux autres méthodes ayant été

employées sur terrain (observation, entretiens, supports audiovisuel et matériels). Cet ensemble d’outils a fortement contribué à enrichir ce travail, parce qu’il est composé de données multiples qui s’enchevêtrent, s’entrecroisent et se complètent (Olivier de Sardan, 2008).

À travers les cartes, il est possible d’objectiver la présence des institutions religieuses dans les lieux où s’est déroulée l’enquête de terrain. Elles sont complémentaires des observations, mais aussi des images mobilisées dans ce travail. Le lecteur trouvera les cartes au quatrième chapitre qui traite de la présence de l’évangélisme pentecôtiste dans l’espace et dans le quotidien.

Après mon recueil de données sur le terrain, je me suis rendue auprès des mairies municipales locales, auxquelles sont rattachées les deux quartiers, à savoir Igarassú et Olinda. J’ai cherché à obtenir les cartes officielles du Loteamento Bonfim et d’Aguazinha. J’étais alors redirigée vers le service municipal de gestion urbaine des deux mairies où j’ai pu obtenir les cartes. Ces cartes n’étaient pas actualisées : la dernière actualisation de la carte du Loteamento

Bonfim datait de 2002, celle d’Aguazinha remontait à 2010.

Il semblerait que l’actualisation des cartes officielles est une problématique pour les services municipaux. La municipalité d’Igarassú en est une illustration. J’ai interrogé la responsable du service d’urbanisme à ce sujet. Celle-ci m’a expliqué que la mise à jour cartographique s’effectue tous les dix ans. Depuis 2002, les différentes gestions politiques ont

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eu d’autres priorités que celle-là. De plus, le Loteamento Bonfim, qui était une zone rurale auparavant, a connu une croissance rapide durant la décennie des années 2000. Selon la responsable rencontrée, la mairie n’a pas vraiment suivi cette mutation géographique locale essentiellement pour deux raisons : par manque de budget et en raison de la croissance démographique locale.

En revanche, la municipalité se consacre à réaliser, environ tous les cinq ans, le « plano

diretor do município112 », à savoir un plan de gestion local. Ce dernier contient des informations administratives, budgétaires, démographiques, géographiques et politiques sur la municipalité, dont un volet est réservé à ses quartiers. J’ai eu donc accès à ce « plano diretor », par le biais de la responsable, et au moyen duquel je pouvais compléter mes informations recueillies sur le terrain. J’ai vérifié essentiellement si le nom des rues et les institutions qui j’avais recensées figuraient dans le document officiel de la mairie. Cette démarche effectuée au Bonfim a été appliqué pour le quartier d’Aguazinha et, plus tard, pour l’avenue Cruz Cabugá à Recife.

Munie de ces documents et des informations recueillies sur le terrain, je pouvais alors passer à l’étape cartographique. Pour y parvenir, j’ai fait appel à un professionnel. Un ingénieur cartographe travaillant à la mairie de Recife. J’ai fait sa connaissance lorsque je me suis rendue au service de gestion urbaine de cette municipalité afin d’avoir des renseignements sur l’installation des églises de la Cruz Cabugá. Je lui ai transmis mes données de terrain concernant les rues et les structures institutionnelles que j’ai répertoriées au Bonfim, à

Aguazinha et à la Cruz Cabugá. Je lui ai aussi donné une copie des cartes officielles obtenues

auprès des services municipaux ainsi que des informations complémentaires émanant du « plano diretor do município » des municipalités consultées. Après quoi, il a conçu les cartes, lesquelles datent du mois d’avril 2015. En 2020, celles-ci ont été retravaillées par un géographe français afin de les rendre mieux lisibles, elles sont présentées et analysées au quatrième chapitre. Combiner cet outil avec d’autres méthodes ethnographiques m’a permis de mieux visualiser la manière dont le religieux se déploie dans l’espace et à différentes échelles.

Si la cartographie est l’« outil privilégié des géographes » (Le Fur, 2010 : 6), elle peut s’avérer pertinente pour un terrain ethnographique, ce qui a été également mis en avant par d’autres (Soares, 2009), puisqu’elle permet non seulement de regrouper un ensemble d’informations à travers une image, mais aussi de rendre compte d’une réalité observée à un moment donnée.

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