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Dépôt Institutionnel de l’Université libre de Bruxelles / Université libre de Bruxelles Institutional Repository

Thèse de doctorat/ PhD Thesis Citation APA:

Guilbert, M. (s.d.). Essai de guidance esthétique dans le cadre de l'Histoire de l'Art appliqué aux classes supérieures et normales de l'Enseignement Technique Féminin (Unpublished doctoral dissertation). Université libre de Bruxelles, Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation, Bruxelles. Disponible à / Available at permalink : https://dipot.ulb.ac.be/dspace/bitstream/2013/216580/1/c341c1d1-2605-42f0-b507-91921c1f21b4.txt

(English version below)

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LES COURS DE L'ECOLE DES SCIENCES DE L'EDUCATION QUE J'AI SUIVIS PENDANT 4 ANS A L' U.L.B. IL VA DE SOI QUE PLUS QUE TOUT AUTRE OUVRAGE, CES COURS M'ONT INSPIREE ET AIDEE. LIAIS, J'EN AI AUJOURD' HUI ASSIMILE LA MATIERE ET L'ESPRIT A TEL POINT QUE JE NE SAIS PLUS DETERMINER AVEC EXACTITUDE L'INFLUENCE PRECISE DE CHACUN D'EUX.

UN FAIT DEMEURE, C'EST QUE JE LEUR DOIS A TOUS CONJOIN­ TEMENT MA FAÇON ACTUELLE DE PENSER ET QUE JE SERAIS PARTICULIERE­ MENT INJUSTE SI JE NE SOULIGNAIS PAS LE ROLE QUE LES COURS DE MONSIEUR LE PROFESSEUR DE COSTER ONT EXERCE SUR MON ACTUELLE METHODE D'ENSEIGNEMENT.

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Selon ¥UNDT, l'Esthétique forme avec l'Ethique et la Logique, la triade des "sciences normatives".

L'Esthétique, l'Ethique, la Logique édifient respective­ ment les règles de l'Art, de l'Action, de la Science, recherchent les lois du Beau, du Bien et du Vrai, établissent le code du goût, de la conduite et du raisonnement.

"Sciences normatives", étrange juxtaposition de deux ter­ mes qui semblent se contredire car la science qui se limite à grou­ per les phénomènes dont elle entreprend de rechercher les causes

est exempte de tout souci normatif.

L'Esthétique (étymologiquement "aisthesis" veut dire en Grec "sensibilité") revêt, en son sens premier la double signifi­ cation de connaissance sensible (perception) et d'aspect sensible de notre affectivité.

En un second sens - généralement utilisé actuellement - il désigne toute réflexion philosophique sur l'Art.

Considérer l'Esthétique comme une philosophie de l'art est insuffisant car la philosophie n'est pas xme dialectique enve­ loppant le savoir entier. De plus, si on enlève à la philosophie ses disciplines particulières (philosophie psychologique; philoso­ phie sociologique) il ne lui reste qu'une métaphysique qui ne serait guère démonstrative dans le cas qui nous occupe.

L'objet et la méthode de l'Esthétique dépendront de la façon dont on définira l'Art. Notre champ d'étude est immense. Une recherche historique s'impose donc en tête de ce travail.

Nous examinerons successivement les doctrines esthétiques classiques dont nous dégagerons trois périodes;

- celle de l'âge dogmatique ou de l'esthétique enveloppée.

- celle de l'âge critique ou âge du kantisme, période intermédiaire et de transition.

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1ère PARTIE

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A

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I.- A_V_A^N^T^_^^P_L^A_T^0_N.

Il est coutumier de commencer par PLATON l'étude de la recherche esthétique. Ce procédé trouve sa justification dans le fait que - pour la première fois - avec Platon - le Beau est re­ cherché en soi.

A la réflexion cependant, des raisons suffisantes nous engagent à consacrer un premier chapitre aux écrivains, aux poètes, aux pen­ seurs qui ont précédé le grand philosophe du Vème s.

- D'une part, le sentiment de la beauté a existé bien avant Platon; même s'il reste lié aux exemples, sans existence indépendante, il mérite qu'on s'y attarde quelque peu.

- D'autre part, des penseurs comme les pythagoriciens, les sophistes, Socrate, les Cyniques, les Cyrénaïques,s'ils ne traitent pas spécia­ lement de la Beauté, développent des idées, pratiquent des méthodes qui apportent sur certains problèmes de l'esthétique une lumière qu'il est sage de ne pas négliger.

1. LE SENTIMENT DE LA BEAUTE LIE AUX EXEMPLES.

Les oeuvres des différents poètes de l'antiquité grecque offrent de nombreuses preuves d'un sentiment de la beauté lié aux exemples.

- Avec HOMERE. c'est toute la Grèce maritime et l'Ionie qui surgis­ sent. En relisant l'Iliade et l'Odyssée, deux caractères de cette beauté liée aux exemples nous apparaissent.

1° la beauté de la nature habitée par le souvenir des théologies primitives passe au premier plan et plus particulièrement la beauté liquide de la mer.

2° l'idéal de beauté humaine est par dessus tout l'adolescent, le jeune guerrier mourant.

En fait, la beauté est toujoiirs extérieure et l'on ne parle jamais d'une belle âme. Même si nous évoquons cette admirable rencontre d'Hector et d'Andromaque sur les remparts troyens, bien que nous

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le devoir conjugal - cette relation s'exprime uniquement par des actes. Nulle trace d'intériorisation de la beauté ne se perçoit à la lecture d'Homère.

- Avec HESIODE. nous quittons la Grèce maritime pour le pays con­ tinental. S'il adopte encore le beau sous son aspect mythologique, deux idées restent à retenir.

1° Chez lui, le sentiment de la nature n'est pas moins vif que chez Homère mais il y a quàque chose de plus intime, de plus profond.

Au milieu des passages les plus techniques, une note gracieuse évo­ que tout à coup un paysage: c'est "l'appel du coucou qui retentit dans les branches du chêne réjouissant les mortels sur la terre sans limite" (Trav. Jours 486-487),

c'est "l'aube dont l'apparition pousse tant de gens sur les routes et met le joug au cou de tant de boeufs" (ibid.

58

O-

58

I).

Derrière les manifestations des forces naturelles, la foi religieuse d'Hesiode discerne des puissances conscientes et bienfaisantes.

C'est le croyant plus encore que le poète qui décrit ainsi la beauté mystérieuse des fleuves:

"Que tes pieds ne franchissent jamais les belles eaux courantes des fleuves éternels avant d'avoir, le regard fixé sur leur beau cours, fait une prière, et d'abord lavé tes mains dans l'eau aimable et blanche". (Trav. Jours,

735)•

2® Hesiode ne confond jamais le Bien et le Beau. La morale prati­ que se traduit par im utilitarisme que sa condition de paysan s'adressant à des paysans, explique. Il sait à quels argvunents ceux-ci sont sensibles.

"L'ordre est pour les mortels le premier des biens". (Trav. et Jours

471

) .

"Ne remets rien au lendemain ni au surlendemain; qui remet sa beso­ gne n'emplit pas sa grange". (Trav, et Jours 4l0).

"Si tu suis mes conseils, j'espère que tu auras la joie de tirer de chez toi toute la subsistance et que tu vivras dans l'abondance

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7

Le Bien s'identifie ici à 1'Utile et est sans rapport avec la Beauté - Relevons encore chez BACCHYLIDE ce fragment brillant et évocateur qui témoigne d'un vif sentiment de la Beauté plastique liée à l'exem pie.

"Dans le cercle infini des Grecs, Automède montrait son corps admi­ rable, quand il jetait le disque arrondi, quand projetant de la main dans l'air profond la javeline de sureau au noir feuillage, il sou­ levait les acclamations de la foule ou quand ses membres resplendis­ saient dans les derniers soubresauts de la lutte. (iX, 22).

- PINDARE, généralement parcimonieux d'éloges pour le vainqueur, loue les qualités morales de l'athlète, l'intrépidité, la patience l'esprit de décision, la loyauté dans la lutte plus encore que les dons physiques.

Son enthousiasme déborde lorsqu'il chante l'éclat des victoires

sportives. Chez lui, liée à l'exemple c'est la beauté du héros qu'il exalte.

"Heureux et digne d'être chanté par les poètes, l'homme qui, l'em­ portant par la force des bras ou la vitesse des pieds, a conquis le plus beau des prix par sa hardiesse et sa vigueur".

Nous pourrions ainsi multiplier à l'infini les extraits montrant l'existence d'tm sentiment de la beauté non indépendant mais lié à des exemples précis. Point n'est besoin pour la cause qui nous

occupe de poursuivre notre enquête dans cette direction mais le fait valait, me semble-t-il, d'être signalé.

+ + +

2. L'ECOLE DE MILET.

Dans une large mesiire l'Ecole de Milet continue l'oeuvre des faiseurs des théogonies et de cosmogonies primitives dont nous n'avons rien à apprendre pour l'objet qui nous occupe.

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Pour ce qui concerne la méthode. notons que Thaïes est le premier qui ait transformé les méthodes de recherche et d'exposition, qu'il présente ses raisons sous une forme démonstrative et que pour lui la sagesse plus htunaine cherche moins à se contenter soi-même qu'à se communiquer aux autres.

La légende cosmogonique était un récit; Thaïes pratique déjà une induction qui des faits donnés dans la sensation s'élève à la pro­ position universelle.

Thaïes fut vraisemblablement autre chose qu'un pur spéculatif.

+ + +

Déjà, dans l'Ecole de Milet, nous voyons apparaître un dualisme entre ^ane certaine forme de dogmatisme et le pragmatisme

dans son aspect primitif. ^

Lorsque Thaïes déclare qu'il existe une chose qui est le principe originel de la génération de tout le reste et à quoi tout le reste revient, qui subsiste sans changement sous la diver­ sité et le changement des qualités qui l'affectent, il adopte une attitude dogmatique.

Mais lorsque pour expliquer la diversité du réel. Thaïes s'appuie sur une réalité d'expérience, résultat des multiples observations qu'il fait autour de lui, il s'oriente vers une attitude pragmatique. Chez Anaximandre, nous retrouvons ce même dualisme.

Si d'une part le caractère scientifique de l'investigation se manifeste et lorsqu'il s'efforce de réaliser une représentation du monde et lorsqu'il cherche à montrer comment le monde s'est

constitué pour lui aussi, d'autre part, l'ensemble des choses dérive d'un principe - l'Infini - qui est un principe originaire inengendré, impérissable et indéterminé, qui est ce dont sortent toutes les

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caractéristique d'une doctrine de l'évolution, lointain pressen­ timent du transfonnisme.

Malgré l'indigence de nos connaissances relatives aux philosophies primitives dues au caractère aléatoire des doxogra- phies, nous pouvons déjà déceler ici un certain désir de concilia- tion-certes encore maladroitement exprimé- entre deux attitudes également valables de la pensée humaine.

+ + +

3. LE COURANT PYTHAGORICIEN.

Après l'Ecole de Milet, le premier fait que rencontre l'historien de la pensée grecque, c'est l'apparition de l'école pythagorique.

Pour notre facilité et vu l'état actuel de la question, nous envi- '^sagerons en un seul bloc le Pythagorisme de la fin du

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e s. jusqu'

au milieu du 4e, comme une doctrine relativement homogène» " Qu'y a-t-il de plus sage ? - Le Nombre".

" Qu’y a-t-il de plus beau ? - L'Harmonie".

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Voilà énoncées mystiquement les deux idées dominantes de la doctrine de Pythagore.

a) Examinons l'idée de NOMBRE.

Pythagore avait remarqué que non seulement tout concept, tout fait géométrique avait comme correspondant un "fait", une loi arithmétique parallèle, mais que toute harmonie (à commencer par l'harmonie musicale) dépendait d'une proportion, d'une relation numérique.

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conclusion métaphysique en des spéculations de musique transcendante. Pythagore constate expérimentalement que les qualités et les rapports des accords musicaux sont constitués par des nombres; quand les

marteaux frappent sur l'enclume, la hauteur des sons varie avec leur poids, et de même pour les cordes tendues par des masses va­ riables. Si le nombre est constitutif de l'accord musical, il peut l'être, par analogie d'autres choses et même de toutes choses.

En résumé, toutes les choses qu'il nous est donné de connaître possèdent un nombre, et rien ne peut être conçu ni connu sans le nombre.

b) Examinons l'idée d'HARMONIE.

Pour les Pythagoriciens, la chose la plus belle, c'est l'unification du multiple composé et l'accord du discordant, c'est- à-dire l'Harmonie.

Chaque chose est considérée par eux comme une harmonie de nombres. On raconte que, lorsque Pythagore eut découvert la démonstration abstraite du rapport de l'hypothénuse du triangle rectajagle avec ses côtés, il remercia les dieux de cette révélation en leur sacri- fiaint un bouc.

Le fameux emblème mystique du Pentalpha suppose la division de la droite en moyenne et extrême raison, c'est-à-dire l'introduction de la notion de la section d'Or.

La considération des accords musicaux qui fut sans doute à l'origine de la doctrine et vraisemblablement aussi celle du canon de la sta­ tuaire de Polyclète qui selon H. Diels se rattacherait à l'inspira­ tion pythagoricienne ont fourni aux Pythagoriciens l'occasion de découvrir et d'étudier les proportions.

Il m'a semblé que les nombres et les proportions jouent un rôle suffisamment important dans le fait esthétique pour justifier ces quelques notions relatives à la doctrine pythagoricienne qui - en résumé - se présente comme un dogmatisme du Nombre.

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4. LES ELEATES.

Les germes de la doctrine de l'Ecole d'Elée existaient déjà chez Xenophane de Colophon. C'est cependant Parménide qui re­ présente la doctrine fondamentale sous sa fonne la plus caracté­ ristique. Zénon d'Elée n'a fait qu'en illustrer ensuite certaines conséquences et si Mélissus de Samos l'a légèrement modifiée, c'est sans en changer l'esprit.

Nous limiterons ici l'examen des Eléates à Xénophane et à Parménide. a) xénophane de Colophon.

Ce qu'il y a de plus important chez Xénophane, c'est un effort pour établir l'existence d'un ordre des valeurs supérieur à celui de l'expérience sensible, de l'opinion sociale, de la tra­ dition religieuse, pour se représenter cet ordre en fonction d'une réflexion morale déjà hautement critique, pour déterminer enfin le rapport de l'expérience avec les réalités morales que l'homme con­

çoit au-dessus de lui-même et de sa vie physique.

Sa méthode n'en est pas moins remarquable: au lieu de rendre, à la façon d'Héraclite des oracles dogmatiques, il fait sortir ses pro­ pres vues de la polémique qu'il engage contre l'opinion commune. C'est dans la pensée que la sagesse a son principe car elle consiste dans une attitude logique qui est celle, non du scepticisme mais de l'esprit critique. Supérieure, sans doute, à la connaissance sensi­ ble, puisqu'elle est capable de juger celle-ci et elle-même, la connaissance rationnelle n'en est pas moins relative comme l'autre: d'un savoir absolu, nous serions incapables de prendre conscience et "l'opinion est le lot de tous les hommes".

La vérité n'est pas une révélation des dieux, mais le fruit pénible d'une longue recherche.

b) Parménide d'Elée.

L'unique ouvrage de Parménide intitulé "De la Nature" débute par une introduction grandiose: le poète accède auprès de la Déesse qui guide à travers toutes choses l'homme qui possède la

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bien arrondie, et les Opinions des mortels. En celles-ci ne réside pas une croyance vraie; il faut cependant que tu les connaisses aussi, afin de savoir, par une enquête qui s'étend sur tout et dans tout, quel jugement on doit porter sur la réalité des objets de ces opinions".

En fait, selon Parménide, deux routes ou méthodes s'ou­ vrent à l'homme, l'une de la vérité immuable et parfaite à laquelle convient la pensée logique; l'autre, de l'opinion et de ses appa­ rences diverses et changeantes commandée par la coutume et par l'expérience confuse des sens. Il est indispensable toutefois de connaître celle-ci avec tous ses dangers, mais non sans avoir préa­ lablement suivi la première, ni sans s'être prémuni d'un bon instru­ ment pour mener contre l'erreur une polémique sans merci.

5

. SOCRATE.

Pour ce qui concerne la MATIERE de l'esthétique, le trait principal de la pensée socratique est la constitution de la kalo- cagathie, c'est-à-dire la détermination du concept du beau et sa fusion avec l'utile, l'aboutissement en quelque sorte d'une longue tradition où s'intériorise définitivement la beauté.

D'où le caractère fondamental de cette esthétique de pur utilitaire qui oriente le concept du beau vers le parfait et le final.

^^HODE

1. Bien que la matière de l'étude socratique porte particulièrement sur les choses morales, la méthode employée s'avère pour nous du plus haut intérêt.

Le premier, Socrate a recherché à définir universellement; il re­ cherchait en effet l'essence en tant que point de départ du raison­ nement et par suite de la science.

En concevant la philosophie comme une construction de concepts, Socrate affirmait le primat d'une méthode formelle et d'tme disci­ pline générale de l’intelligence.

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Questionneur infatigable, il marque une prédilection pour l’entre­ tien qui associe 1 'interlocutexxr à l’oeuvre de la recherche. Il témoigne d’une indépendance totale de pensée qui lui fut d’ailleurs fatale.

3* De plus, il travaille à développer chez les autres, cette ré­ flexion critique qui délivre l'esprit des opinions admises sans examen.

13

Aux procédés de 1’examen et de 1'induction qui des expé­ riences particulières dégage la notion universelle, il faut ajouter - l’exacte détermination du thème qu'on examine

-

1

'hypothèse d'où part l'induction

-

1

'ironie sous la forme narquoise de la "dissimulation" qui con­ siste à interroger en feignant l’ignorance.

- enfin la maxeutique

Mais toujours chez Socrate, les contours de la doctrine restent plastiques et peuvent se prêter à l’action d'autres doctrines. En fait l'oeuvre de Socrate signifie un renouvellement radical et la création d’un nouveau monde de la pensée.

6

. LES CYNIQUES.

Cette nouvelle école tente l’adaptation de la Sophistique à l’esprit du Socratisme.

Son fondateur, Antisthène appartenait au milieu des sophistes et avait été l’élève de Gorgias avant d’entrer dans le cercle de Socrate.

Il semble que la doctrine d'Antisthène ait été avant tout une re­ cherche de l’essence propre de chaque chose. Mais cette essence n'est pas quelque chose d'universel. Elle s'exprime tout entière par un nom.

Aussi pour lui le commencement de toute connaissance est-il l'étude des noms. La vertu réside dans l'intelligence et si elle s'apprend ce n’est pas par une exhortation dialectique sans efficacité c’est par la pratique qui nous donne une vision intuitive.

+

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Comme les Cyniques, les Cyrénaxques dédaignent le savoir spéculatif, bien inférieur aux métiers manuels.

Tout jugement sur la réalité extériexire d’un objet est nécessaire­ ment contestable. Seule l'impression subjective individuelle est le critère de la valeur de nos fins et la règle de notre action. Le souverain bien ne peut résider que dans le plaisir: celui-ci est la mesure de toutes les autres valeurs.

La convention et le préjugé font entre les objets des distinctions et leur imposent des limites dont aucune n'est avouée par la nature. A la vérité il s'agit là d'un individualisme anarchique.

Quant aux conditions objectives de la jouissance, elles sont hors de l'homme et sans rapport avec lui: cette indépendance à leur égard fait sa liberté. Toujours à la hauteur des circonstances, le sage travaille à les dominer, au lieu de s'en laisser dominer.

Vue du dehors et par rapport aux préjugés sociaux ou à d'imaginaires distinctions, la conduite du sage peut sembler scandaleuse ou con­ tradictoire; au dedans, il est toujours égal à soi et d'accord avec la nature.

Citoyen du monde, comme le Cynique, le Cyrénaïque est comme lui, libre penseur.

En fait, les Cyrénaxques réclament pour l'individu une supériorité qui le mette au-dessus de toute contingence et l'affranchisse

véritablement.

+ + +

Psychologiquement en avance sur leur temps, ces penseurs des deux différentes écoles - en dépit de certaines contradictions - voient déjà s'épanouir le personnalisme qui triomphera à l'époque hellénistique.

Ces éducateurs font de la culture personnelle, du plein épanouisse­ ment du Moi, le but non seulement de leur effort professionnel, mais de tout l'effort humain.

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déploiement de dialectique. La technique du raisonnement est chez eux poussée à un haut degré de virtuosité: chez tous, elle paraît avoir constitué la base de la formation de l'esprit.

Education formelle très développée, peu préoccupée d'une élabora­ tion minutieuse d'\ine vérité doctrinale. Ou elle rejette délibéré­ ment les sciences, ou elle les tolère: elle est à dominante litté­ raire, insistant sur l'étude de la langue.

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II.- P_L^A^T^O^N.

Nous voici enfin arrivés à la pensée platonicienne qui traditionnellement constitue le premier grand fondement de l'Es­ thétique .

En fait, nous l'avons vu, l'étude de l'esthétique même si elle n'est pas totalement détachée des exemples remonte plus haut. Platon n'a rien écrit de systématique sur la Beauté mais elle est présente dans son système.

Avec Platon cependant, une grande faille, un changement radical de front se produit: la doctrine utilitaire du Beau fait place à la doctrine de l'indépendance du beau.

Parmi les quelques

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dialogues de Platon, quels sont ceux qui traitent plus particulièrement de notre problème?

Le premier auquel nous nous attarderons quelque peu est:

1. L'HIPPIAS MAJEUR.

Après un long préambule entre Socrate et Biippias nous arrivons au sujet. Socrate feint d'avoir été interrogé lui-même sur la nature du beau par un bourru auquel il n'a su que répondre; aussi s'adresse-t-il à Hippias, qui sait tout, pour l’éclairer sur cette question.

Hippias interrogé sur la nature du beau se méprend sur la portée de la question et répond:

H. - Sache donc Socrate que le beau, c'est une belle fille. S. - Mais une belle cavale, n'est-ce pas quelque chose de beau?

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H. - Cela se peut Socrate.

S. - D'ailleurs, ce que je te demande, ce n'est pas quels sont les objets beaux, mais ce qui est beau en soi.

(Le dialo^e se poursuit et Socrate propose lui-même une première définition).

S. - Le beau est ce qui convient, ce qui est employé à propos. (Mais cette définition soumise à l'examen ne parait pas satisfai­ sante, ce qui amène Socrate à en suggérer iine deuxième).

S. - Le beau c'est peut-être l'utile (Cette définition ne résistant pas plus que la première à l'examen, une

3

© est enfin proposée). S. - Le beau ne serait-il pas le plaisir qui vient de la vue et

de l'ouxe? Mais alors pourquoi écarter les plaisirs des autres sens?

Devant l'insuccès de leurs recherches, Hippias conseille à Socrate de renoncer à tout ce verbiage.

+ + +

Ce dialogue est iin modèle de la dialectique appliquée par Socrate à la recherche des définitions exactes.

Chaque définition proposée passée au crible est reconnue fausse ou insuffisante et les deux interlocuteurs se séparent sans être arri­ vés au but. C'est un dialogue anatreptique dont le but est de

"renverser" les opinions erronées.

Platon se réservait, après avoir ainsi déblayé le terrain, de trou­ ver lui-même une solution.

Dans cette oeuvre de pure dialectique négative, des expressions comme "il faut rechercher ce qui est beau en soi" nous conduisent déjà sur la voie des Idéés.

Le désir non réalisé de rechercher le beau en soi n'empêche pas Platon d'évoquer dans 1'Hippias, presque exclusivement, la beauté de certains corps ou de certains objets, donnant en dépit de sa recherche essentielle une allure sensuelle à l'esthétique en ce point d'évolution de sa pensée.

2. LE PHEDRE.

(22)

17

apporte par sa mystique constructive, l'antithèse exacte de

1

'Hippias.

La voie des Idées que nous pensions entrevoir à la lecture de 1'Hippias est ici trouvée.

Dans un texte célèbre, Platon reprend la composition de l'âme et la rapporte à l'existence supra-empirique qui précède la chute des âmes dans un corps. Pour faire comprendre la nature de l'âme, Pla­

ton l'assimile à l'assemblage que formeraient un cocher et un atte­ lage de deux chevaux, l'un généreux et docile, l'autre brutal et insoumis.

La signification essentielle de la description imagée

du cortège des âmes est liée à la théorie platonicienne des "idées": les âmes qui ont jadis été initiées à la beauté absolue dans la

révolution circulaire qu'elles ont accomplie avec celle des Dieux, en retrouvent le reflet dans les beautés d'ici-bas.

Si dans l'Hippias majexar, Platon s'étend avec complaisance sur les qualités du beau coloré et du beau auditif, c'est avec autant d'en­ thousiasme qu'il traite de la beauté des âmes dans la

1

ère partie du Phèdre. Cette beauté des âmes est d'un apport capital dans la conception hiérarchique du beau de Platon, car l'amour nait en face de la beauté; de toutes les idées, la beauté seule a le privilège de l'attrait, c'est la seule qui soit restée éclatante.

Ce lien entre le beau et l'amour nous le retrouverons dans le Ban­ quet où l'amour, cet aiguillon de la recherche philosophique, nous apparaitra le médiateur qui assurera les étapes qui mènent du sen­ sible à l'intelligible.

Le Banquet.

Le Banquet est la synthèse du point de vue dialectique et négatif de 1'Hippias et du point de vue constructif et positif du Phèdre.

Pour Platon, c'est l'ascension des hommes vers le Bien identifié au Beau qui constitue le but essentiel.

Mais pour s'élever vers le Beau, il y a 2 voies:

: une voie rationnelle qui rejoint le Beau par la connaissance que nos âmes ont eu de l'idée du Beau ainsi qu'il apparait dans le Phèdre.

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2° : ujie voie empirique qui rejoint le Beau par l'expérience de la vie. C'est cette voie empirique que nous explique le texte célèbre de la fin du dialogue.

Après l'oeuvre distinctive et négative qu'est l'Hippias, après l'oeuvre constructive et positive qu'est le Phèdre, après la synthèse du Banquet, recherchons dans la pensée platonicienne - après le formidable apport du pythagonisme - les idées qui viennent éclairer le problème du Beau.

Avec le Philèbe l'idée de la mesure est devenue le pivot de la philosophie de Platon.

Philèbe soutient que le bien c'est le plaisir sous toutes ses formes; Socrate lui prétend que l'intelligence est, pour la vie humaine

beaucoup plus avantageuse que le plaisir.

Le bonheur de l'homme ne peut se trouver que dans le mélange du plaisir avec l'intelligence ou la sagesse. Les conditions essentiel­ les pour que notre composé soit bon, c'est qu'il soit réglé sur la Vérité, qu'il ait de la mesure et de la proportion, et par suite de

la beauté.

"En toutes choses, la mesure et la proportion constituent la beauté comme la vertu".

Le premier rang dans la vie heureuse, appartient à la mesure, le deuxième à la proportion, au beau, au parfait, à ce qui se suffit à soi-même.

Au troisième rang vient l'intelligence, au quatrième, les sciences, les arts et les opinions vraies, enfin au cinquième les plaisirs exempts de douleurs qui accompagnent les uns les connaissances, les autres les sensations.

Le Philèbe c'est l'assimilation de la beauté et de la vertu par le nombre.

+ + +

(24)

Un principe domine la cosmologie du Timée: c’est que le monde est xine oeuvre d'art très belle: l'arrangement mutuel des choses, dans

l'ensemble et dans le détail, n'est pas le simple résultat d'un concours fortuit de causes; il relève d'une intelligence, d'un Démiurge. C'est sur le modèle des Idées et en vue de réaliser l'Idée du Bien que le Démiurge a organisé le monde; mais la copie est nécessairement imparfaite.

Elle est sujette à un perpétuel chéingement, où le nombre qui la mesure est la seule notion fixe que nous puissions en avoir. Les Pythagoriciens faisaient du nombre le principe des choses. Platon prend comme eux le nombre, exprimé par des proportions et des figures géométriques pour en faire le fond même des choses, et comme le trieingle et le cercle sont les figures les plus simples et les plus parfaites, il compose tous les éléments de triangles et donne à l'ensemble la forme sphérique. Toute l'esthétique im­ plicite du pythagorisme éclate ici dans la métaphysique esthétique du nombre: c'est le triomphe des kala schemata et de l'esthétique formelle, de l'ordre.

La République.

La République consacre ce qu'esquissait le Timée en prescrivant pour l'accord des forces physiques et des facultés d'âme de l'homme, ce nombre qui régit le monde même.

La demesure, c'est la maladie, le désordre; Le metron, c'est la santé, l'ordre.

Par le "metron" pythagoricien, Platon introduit l'harmonie dans l'âme et dans l'Etat.

+ +

+

En somme après l'apport du pythagorisme, nous trouvons dans Platon, l'idée de proportion exprimable en des rapports étudiés qui s'offre comme la commune mesure, comme l'instrument d'apprécia­ tion par quoi la science, la morale et l'esthétique (alors science des formes), saisissent chacune un aspect de l'absolue trinité.

D'où chez les anciens Grecs, l'étude de la musique comme un système de rapports ou encore l'affirmation d'un canon de la beauté.

(25)

c’est-à-dire des proportions "idéales" entre les parties, par exemple, du corps humain représenté.

Si pour Socrate et Platon "nul ne fait volontairement le mal", pa­ rallèlement tout manquement au beau n'est qix'un effet de l'ignorance, une erreiir de jugement.

Illustrons par deux exemples l'application de l'idée de proportion émise par les platoniciens dans l'art grec.

Le Grec définit d'une façon rigoureuse toutes les notions de pro­ portion, de mesure, de composition et de rythme qui font toute forme abstraite comme un temple, ou réaliste comme une statue, régie par les lois du nombre. Selon cette esthétique, toutes les parties d'un ensemble se trouvent ordonnées entre elles, "proportionnées" par une commune mesure, ce que nous appelons un rapport et que les

Grecs dénommaient "canon", qui veut dire règle. Ce canon ou "module" est le principe de la forme, dont, par une suite de rapports, se déduisent les composantes; ainsi la statue est contenue dans le "dactyle", ou largeur du doigt, le temple dans le diamètre de la colonne.

Pour ce qui concerne la musique grecque, rappelons que les échelles musicales firent l'objet de Pythagore à Ptolémée de calculs minu­

tieux pour chacun de leurs intervalles et que les compositeurs ne s'éloignèrent jamais des modes fondamentaux auxquels ils attribu­ aient des caractères respectifs: le dorien convenant à toute musi­ que sévère, le phrygien étant réservé au dithyrambe, au thrène et en général aux mélodies exécutées sur l'aulos.

S'opposant au pragmatisme des sophistes, Platon est le fondateur de la culture et de l'éducation à dominante philosophi­ que. Il édifie tout son système sur la notion fondamentale de vérité, sur la conquête de la vérité par la science rationnelle, science

véritable opposée à la doxa, l'opinion vulgaire.

(26)

21

Ces sciences exactes, premier type accessible de connaissance véri­ table, initiation directe à la haute culture philosophique sont - répétons-le - axées sur la recherche de la Vérité rationnelle.

Bien que la théorie platonicienne évoque en soi un dog­ matisme - celui des Idées - tout ce que les Dialogues nous permet­ tent d'entrevoir montre que la méthode platonicienne est tout le contraire d'une endoctrination passive.

Loin d'inculquer à ses disciples le résultat de son propre effort de recherche, Platon semble se révéler partisan d'une méthode plus active; il aime à faire travailler ses élèves, à leur faire décou­ vrir eux-mêmes les difficultés d'abord, les moyens de les surmonter

ensuite.

D'ailleurs, il serait faux de croire que Platon renie la connaissance sensible. Elle est certes moins vraie que la connaissance ration­ nelle mais elle lui est liée par l'idée de participation. Poursui­ vant ensuite la continuité dans la nature, il fait participer les idées elles-mêmes à l'Idée pure ou idée de Dieu.

En dépit du dogmatisme apparent de la doctrine platoni­ cienne, nous y retrouvons les deux aspects de la connaissance for­ tement liés et conciliés par l'idée de participation justifiant ainsi la déclaration de Platon:

"Mon idéalisme est un réalisme".

III.- A_R_I_S^T^0^T_E^^^E^T^^^L^A^^_R^H^E^T^0^R^I^§^U^E.

Si la Rhétorique n'a pas de fréquents rapports apparents avec la matière de l'esthétique, elle n'en mérite pas moins d'être largement développée par son aspect méthodologique. C'est pourquoi nous lui consacrons un chapitre particulier, acceptant le risque passager de paraître attacher à cette étude une part trop dispropor­

tionnée dans un examen rapide de l'évolution historique.

(27)

de la Rhétorique telle qu'on l'enseignait dans la Grèce Antique et ce bien avant Aristote.

1

. LA

RHETORIQUE AVAJSrT ARISTOTE.

a) LA HHET0RIQUE_SICILIEN^.

L'honneur d'avoir ébauché la première théorie de l'élo­ quence revient aux Siciliens.

Si EMPEDOCLE D'AGRIGENTE fut précurseur de Gorgias et des orateurs épidictiques dont nous aurons à parler, CORAX et

TISIAS eurent tin rôle plus important encore. Au témoignage d'Aristo­ te, ce furent les vrais fondateurs de la rhétorique grecque.

Il semble que Corax se soit borné à un enseignement oral et que Tisias fut le premier éditeur de sa doctrine: le livre est donc

oeuvre commune. C'est la pratique surtout qui a suggéré l'idée et le fond du manuel. Là, sont réunies des remarques personnelles ti­ rées de l'expérience, rédigées sous forme de préceptes pratiques et illustrées par de nombreux exemples. Si cette rhétorique, encore enfermée dans le genre judiciaire, n'est ni philosophique, ni ar­ tistique, elle n'en témoigne pas moins d'une certaine habileté. Pour CORAX et TISIAS le discours comprenait 3 parties: I'exorde, la lutte et l'épilogue.

1) L'exorde avait pour but de bien disposer les juges 2) La lutte ne distingue pas la preuve et la réfutation 3) L'épilogue se réduisait à un simple résumé.

L'agent de persuasion employé était le vraisemblable sous sa forme absolue ou sous sa forme relative.

b) la_sophistique_^_la_:^tor^

Les premiers maîtres qui, à Athènes, firent profession d'enseigner la parole furent les Sophistes. Tout ce qu'il y avait à Athènes vers 450 de gens éclairés et intelligents a subi profon­ dément leur influence.

(28)

23

les affaires de l'Etat." Un tel programme comprend notamment la politique, la morale, la rhétorique.

Quant aux divers procédés d'enseignement de la sophistique, relevons :

- la critique des Poètes - les lectures d'apparat

- les séances d'improvisation qui en fait se limitaient à appliquer quelques recettes plus ou moins empiriques et une collection de lieux communs appris par coeur.

- les disputes éristiques par lesquels les Sophistes se vantaient de triompher à coup sûr et qui tenaient dans

h

procédés:

le choix du sujet: éviter les questions aux réponses fatale­ ment improbables

la manière d'interroger: interroger de façon négative conme si c'était le contraire qu'on désirât ou noyer l'adversaire dans un flux de pa­ roles pour qu'il ne trouve pas le point faible.

les sophismes du raisonnement: on reporte au sujet ce qui revient au prédicat - on prend en absolu ce qui est particulier - on se sert d'ho­ monymie, de double sens.

les lieux communs: listes d'arguments pour et contre et aux­ quels les adversaires étaient ramenés.

Beaucoup plus qu'un penseur, Gorgias fut iin artiste, un créateur ingénieux des formes verbales.

Pour lui la prose savante se caractérise par: - l'emploi des composés,

- l'emploi des épithètes, - l'emploi des métaphores, - l'emploi de l'antithèse,

- la recherche d'harmonie de la phrase.

(29)

d) LA_REffiTORIQTO_D^AOT

Avec lui, l’enseignement de la rhétorique s'organise et prend forme régulière.

Le plein des plaidoyers est très net et comprend: 1 ' exorde, la narration, la preuve, l’épilogue ou péroraison.

Les procédés préconisés par Antiphon méritent d’être relevés:

- l) Les lieux communs

- 2) Les préceptes techniques: par exemple:

- pour

1

’exorde: attirer l’attention - appel à la bien­ veillance

-avouer le manque de talent

déplorer son inexpérience des procès

flatter les juges en montrant leur équité - pour la narration: exposer les faits: seule partie

indispensable

- pour la preuve ou l’argumentation:

raisonner par le vraisemblable absolu et le vraisemblable relatif

se limiter à des argiamentations générales pour lesquelles on est mieux préparé et éviter celles qui portent sur des causes particulières.

- 3) Les exercices sur des sujets fictifs indispensables à l’étude de l’éloquence.

- 4) L’étude de plaidoyers réels: expliqués en refaisant tout le travail de l’invention.

En conclusion, disons que la rhétorique avait pour but de mettre le premier venu en état de plaider; dans ce sens, elle ramenait l’art de plaider à une tâche presque mécanique.

e) LA r^TORIQIJE_D^ISOCRATE.

(30)

25

Ce qu’Isocrate ambitionne d'enseigner, c'est la philosophie. Mais il ne cherche pas comme Platon à communiquer une science absolue, à leur faire atteindre les normes absolues du Beau, du Juste, du Bien.

Isocrate se place résolument sur le terrain de la doxa et nie l'exis­ tence de vérités absolues. Pressentir à chaque instant, et selon les circonstances, ce qui est le meilleur, c'est tout ce que peut

1

'homme.

Le but d'Isocrate est d'amener "les gens, par leurs études et leurs travaux, à bien conduire leurs affaires particulières et celles de l'Etat parce qu'ils seront capables d'avoir des opinions justes sur chaque cas particulier".

Pour Isocrate, l'orateur doit:

a) avoir des idées à transmettre et traiter des sujets qui en vaillent la peine.

b) énoncer ces idées sous forme parfaite.

Sur le plan philosophique, la conception d'Isocrate est relativiste et historiciste, basée sur ce que les hommes élaborent au fur et à mesure de levir histoire et non sur un archétype idéal comme dans la conception platonicienne ou sur une essence spiritu­ elle de l'homme comme dans la conception aristotélicienne.

Langage et pensée rationnelle sont indiscutablement unis et le perfectionnement de l'un entraîne un affinement de l'autre. Tous deux sont étroitement liés à la culture générale et à la tra­ dition qui seules peuvent nous donner cette intuition de ce qui convient en chaque circonstance particulière par la connaissance de tout ce qui a été dit.

L'essentiel du discours, c'est d'abord les idées qu'il développe. Et ces idées seront d'autant plus justes que l'orateur sera plus cultivé. Mais pour exprimer ces idées et pour les répan­ dre dans le public, il faut posséder l'art de composer son discotirs et de le prononcer.

Là encore, des qualités naturelles sont requises: tin esprit capable

(

d'invention

> d'instruction

(31)

une voix nette et une diction nette de la hardiesse mêlée de réserve A ces qualités naturelles, Isocrate ajoute:

une part d'études théoriques des exercices.

Les études théoriques comporteront l'étude de tous les éléments du discours: exorde, narration, preuves, épilogue. Accusa­ tion, éloge, conseil. Enthymèmes, signes vraisemblables, les figures de pensées (antithèse, métaphores, etc...). Mais cette partie est aux yeux d'Isocrate moins importante que les dispositions naturelles Les exercices consistaient surtout dans l'analyse et le commentaire de beaux modèles. Isocrate usait aussi largement de l'imitation et il se proposait souvent comme modèle.

+ + +

2. DE LA RHETORIQUE, TRAITE d'ARISTOTE.

PLAN GENERAL DE LJ^OUVl^GE.

Pour Aristote, le corps de tout discours est une argumen­ tation. Celle-ci est étudiée dans les livres I et II. Le livre III est réservé à l'étude de la forme.

Aristote définit et classe dans les deux premiers livres les "modes de persuasion" ou "preuves". Ces preuves sont logiques et objectives ou morales et subjectives.

Notons que la place accordée aux preuves logiques est beaucoup plus grande.

(32)

27

EXAMEN DETAILLE DE L'OUVRAGE.

LIVRE I.

Chapitre 1.

Dans ce préambule, Aristote ne mentionne qu'un procédé de raisonnement;

1

'enthymème qui correspond au syllogisme de la dialectique. Il passe sous silence l'exemple qui est la forme

rhétorique de l'induction. Aristote a découvert et le premier fait la théorie du syllogisme.

Sa "Rhétorique" sera par les théories de la démonstration et de la réfutation, par la distinction des lieux communs et des lieux spé­ cifiques, par l'énumération et la classification de ces espèces dans les trois genres oratoires, une oeuvre de logique.

Aristote s'efforce de montrer l'analogie de la Rhétorique et de la Dialectique. Rhétorique et Dialectique sont dans le même rapport avec la Science. L'enseignement et la démonstration scien­ tifiques se tirent de vérités nécessaires, qui s'imposent à la raison en tous temps et en tous lieux. Les démonstrations dialec­ tiques et rhétoriques se fondent sur des vérités d'opinion. Vérité pour la science, probabilité pour rhétorique et dialectique.

Quand Aristote constate que tous les hommes s'ingèrent ou de discu­ ter en questionnant une thèse ou de la soutenir, il parle de Dia­ lectique. Quand il constate que tous se croient en état d'accuser ou de se défendre, il parle de l'éloquence judiciaire. C'est de cette dernière observation qu'il va conclure la possibilité de tracer une méthode en rhétorique. Il lui suffira de rechercher les causes de ces réussites pour trouver la méthode dont la "technè" a précisément pour fonction de poser les principes. Remarquons qu'Aristote procède selon la méthode expérimentale. Il part de faits d'observation pour inférer des règles générales.

(33)

Il leur reproche également de dénombrer et de distinguer les par­ ties du discours afin de montrer comment on peut les employer à capter la faveur des juges.

Aristote, lui, lorsqu'il s'intéresse à 1'arrangement des parties, c'est en les considérant du seul point de vue logique, celui de

1

' argiamentation et des preuves subjectives et objectives.

Enfin, dernier reproche adressé aux anciens: ils ont surtout porté leur attention sur le genre judiciaire. Or, le genre délibératif est dans l'ordre moral et l'ordre politique d'une quali­ té plus haute. Les questions dont il traite intéressent davantage l'ensemble de la communauté et l'auditeur y défend mieux l'indépen­ dance de son jugement.

Notons qu'Aristote, ici, devrait reconnaître que la pré­ dilection des précurseurs siciliens pour le genre judiciaire fut déterminée par les révolutions politiques; ils n'en jetèrent pas moins les fondements de la théorie du vraisemblable.

L'auteur résume ce développement en disant que seule est technique la démonstration par l'enthymème. Il ajoute qu'une seule et même faculté naturelle permet d'appréhender la vérité de la science et la vraisemblance de la Dialectique et de la Rhétorique.

Aristote montre ensuite l'utilité de la rhétorique: - 1° Le vrai a plus de force persuasive que le faux; c'est donc

à tort, à cause de leur ignorance technique, que les plai­ deurs ayant raison sont vaincus par des adversaires qui ont tort.

-

Tous les hommes ne sont pas capables de recevoir les démonstra­ tions et l'enseignement de la science. La Rhétorique permet à ces profanes d'en approcher les propositions en passant par les notions communes, les opinions courantes. Elle sert ainsi à ce que nous appelons la vulgarisation.

-

La Rhétorique met en état de persuader les contraires.

Aristote, qui ne voudrait pas être confondu avec les sophistes et les immoralistes, prévient tout malentendu en disant que l'on

(34)

Des caractéristiques énoncées, Aristote conclut que la Rhétorique est moins l'art de persuader, que de découvrir tout ce qu'un cas donné comporte de persuasif. La Rhétorique distingue le persuasif réel et le persuasif apparent. Ce préambule suffit à montrer l'intérêt et la nouveauté de l'ouvrage. La Rhétorique y apparaît comme un art logique.

Chapitre II.

Ce second chapitre contient toutes les définitions fon­ damentales du traité.

La Rhétorique même est définie comme la faculté de dé­ couvrir spéculativement tout ce qu'un sujet donné comporte de persuasif.

Les moyens de persuasion ou preuves sont ou extra-techniques ou

techniques. Les extra-techniques ne sont pas procurés par l'orateur, ils préexistaient à sa démonstration: témoignages, aveux sous la torture, écrits, etc...

L ' orateiir peut les utiliser; il ne les invente pas.

Les preuves techniques sont de son invention, il les trouve grâce à la méthode et les présente par le moyen du discours, c'est-à-dire de son argumentation.

Ces preuves techniques sont de trois sortes:

- le caractère de l'orateur c'est-à-dire non sa personnalité mo­ rale mais l'impression que par son discours il fait siir son audi­

toire. Cette impression a toujours un grand poids et dans les cas douteux, elle emporte la balance. Mais il faut qu'elle soit pro­ duite par le discours: une prévention de l'auditoire ne compte pas.

- la disposition dans laquelle l'orateur met l'auditoire, dispo­ sition qui dépend des passions que l'orateur émeut en leur coeur.

- le discours qui démontre ou paraît démontrer en faisant sortir la vérité ou ce qui paraît l'être des raisons persuasives impli­ quées dans chaque cas donné.

Les preuves logiques ou objectives seront expliquées dans le livre I, chapitre 3 à I

5

et dans le livre II, chapitres 18 à

26

. Les preuves subjectives et morales feront l'objet des chapi­ tres de 1 à

17

du livre II.

(35)

Les raisonnements qui servent à la démonstration réelle ou apparente sont 1 * exemple et 1 * enthymème. Ils équivalent, le premier à l'induction, le second au syllogisme de la Dialectique. Le persuasif* est croyable ou immédiatement c'est-à-dire par lui- même ou immédiatement, c'est-à-dire parce qu'il semble démontré par des raisons médiatement persuasives. L'individuel étant indéter­ miné, la "teclinè" ne considère pas ce qui est persuasif pour un

individu, mais pour un groupe d'individus ayant tel ou tel caractère. Dans 1'enthymème, certaines prémisses, par trop évidentes, doivent

être sous-entendues.

Il n'y a qu'un petit nombre des syllogismes de la rhétorique qui soient nécessaires. Ils sont en grande majorité vraisemblables. Les syllogismes nécessaires ont des prémisses nécessaires; les vraisemblables ont des prémisses vraisemblables.

Quand Aristote définit le vraisemblable - ce qui se produit le plus souvent - cette formule n'est pas absolue, mais relative; elle

signifie que pour une chose pouvant être autrement qu'elle n'est, le vraisemblable est dans la relation du général au particulier. Les syllogismes de la rhétorique ne se fondent pas seulement sur des prémisses vraisemblables, mais aussi sur des indices.

L'indice est une chose qui par rapport à une autre est dans la

relation ou du général au particulier, ou du particulier au général. Il y a comme pour les prémisses d'enthymèmes, des indices non né­ cessaires qui n'ont pas de dénomination particulière, et des indices nécessaires.

L'exemple n'offre les relations ni de la partie au tout, ni du tout à la partie, ni du tout au tout, mais seulement les rapports de la partie à la partie ou du semblable au semblable.

Il est soumis à deux conditions: les deux termes doivent appartenir au même genre et le terme cité en exemple doit être plus connu. Aj?istote fait ensuite une discrimination très importante entre les enthymèmes de la rhétorique.

Certains sont de son domaine; mais il en est qui sont du domaine d'autres arts.

(36)

31

Par exemple, le plus et le moins sont des lieux; le juste et l'injuste sont des espèces.

Les lieux sont en petit nombre. Il est donc indispensable de re­ courir aux espèces.

C'est de celles-ci qu'Aristote va d'abord traiter.

Du chapitre

h

au chapitre

8

, il étudiera le délibératif. Le chapitre 9 sera consacré à 1'épidictique»

Les chapitres 10, 11, 12, 13 et l4 traiteront du judiciaire,

a) Le Genre délibératif.

Les sujets du délibératif se distinguent selon le lieu du possible ou de l'impossible. On ne délibère ni sur l'inévitable, ni sur l'impossible dans le présent et dems l'avenir.

Parmi les possibles sont aussi exclus les possibles naturels et les possibles fortuits. Restent ceux dont l'initiative dépend de nous. L'Ethique fournit à Aristote certaines considérations.

La fin de toute délibération est le bonheur. Or on ne délibère pas sur la fin mais sur les moyens permettant d'y arriver. C'est sur le Bien et 1'Utile qu'il faut découvrir les lieux.

Dans une des définitions qu'il donne du Bien, Aristote fait inter­ venir le terme de consécution.( Ce qui est bon pour chacun, c'est

ce dont les biens sont les consécutions ).

Aristote ne mentionne ici que deux sortes de consécutions; la subséquente et la concomitante.

Aristote applique ensuite (chap.

7

) le lieu du plus et du moins au bon et à l'utile. Il va donc les considérer du point de vue de la relativité, dont il passe en revue les différents cas.

-

1

) Les deux termes comparés sont du même genre, et l'excédent comprend l'excédé.

-

2

) les deux termes comparés sont de genres différents.

-

3

) la considération d'une troisième consécution; la concomitance partielle.

Parmi les moyens de comparaison entre deux termes, Aristote signale ;

(37)

combinaison et

1

'accximulation, ces divers procédés produisant l'effet de la supériorité et de l'origine ou de la cause.

La_Politique_fournit à Aristote d'autres considérations.

Le genre délibératif ne doit tenir compte que de l'inté­ rêt. Or l'intérêt est ce qui sauvegarde la constitution.

Dans la Rhétorique, Aristote n'a pas ce qui devrait être, il doit se contenter d'enregistrer ce qui est. De cette considération du réel devront être tirées les "espèces" du genre délibératif.

Dans cet ouvrage, Aristote ne retient que

k

fonnes de constitutions; la démocratie dont la fin est la liberté; l'oligarchie dont la fin est la richesse, l'aristocratie dont la fin est l'éducation et le maintien des institutions et la royauté dont Aristote n'indique pas la fin.

L'orateur devra en conséquence affecter le caractère préféré dans chaque fonne constitutionnelle afin de se mettre en harmonie avec les caractères des auditeurs.

b) Le Genre épidictique.

Le chapitre 9

Y

est consacré. Le lieu le plus propre de ce genre en est la vertu.

Aristote y définit le Beau: "ce qui, préférable par soi, est loua­ ble, ou ce qui étant bon, est agréable parce qu'il est bon". Après y avoir défini la vertu, il en énumère les diverses sortes.

Certains des actes de la vertu sont considérés selon le lieu du plus ou moins. Plus loin Aristote recommande l'emploi des approxi­ mations amplificatrices, conseille de tenir compte des goûts et des préjugés de l'auditoire, du rapport de conformité entre l'agent et ses prédécesseurs.

L'amplification convient surtout au genre épidictique; l'exemple au délibératif;

1

'enthymème au judiciaire.

c) Le Genre judiciaire.

Aristote étudie ici, les preuves extra-techniques qui

ressortissent à ce genre. Pour trouver leurs prémisses, l'accusation et la défense doivent connaître:

(38)

33

-

2

° les habitus des agents délinquants

-

3

® les caractères et les habitus des victimes.

Les causes générales de l'acte in.juste sont le vice et l'intempérance. Les causes particulières des impulsions et répul­ sions sont ou extérieures ou intérieures à l'agent. Les extérieures sont la chance, la nature, la contrainte; les intérieures sont

l'habitude, la réflexion, la colère, le désir.

L'ajigle sous lequel sont considérés les habitus des agents et des patients est celui du possible.

Etudiant l'appréciation de la culpabilité, Aristote applique à l'acte injuste le lieu du plus et du moins.

Pour lui, l'homme équitable juge selon l'esprit et non selon la lettre de la loi, selon le tout plutôt que selon la partie, selon le caractère et le passé du délinquant plutôt que selon son acte présent.

En arrivant enfin aux preuves extra-techniques en elles- mêmes, Aristote en dénombre cinq: les textes, les témoignages, les

contrats, les aveux sous la torture, les serments.

+ + +

Avec ce complément sur les preuves extra-techniques se termine l'étude sur l'argumentation, c'est-à-dire la partie du discours qui exige de

1

' oratexir la plus grande part d'invention,

la partie technique qu'avaient négligée les prédécesseurs d'Aristote, celle où il fut vraiment un créateur.

Bien que le plus vif intérêt du traité se concentre sur le livre I, nous examinerons également le livre II qui est loin d'être pour nous dénué d'intérêt.

LIVRE II

(39)

chapitres 18 à

26

revient aux preuves logiques, qu'elle étudie dans leurs généralités, c'est-à-dire en tant qu'elles sont non plus particulières à chaque genre oratoire, mais commîmes à tous, autrement dit en tant que ce ne sont plus des espèces mais des lieux.

1. PREUyES_SUB^CTIVES_ET_MO]^ES.

La démonstration par enthymème pourrait à la rigueur suffire à de purs logiciens mais, comme les auditeurs sont avant tout des hommes, l'orateur doit aussi recourir à d'autres preuves morales et subjectives comme celles-ci;

l'autorité de celui qui parle, le caractère de ceux qui l'écoutent, les passions émues dans leur âme. Ces preuves sont elles aussi

techniques; elles ne doivent pas être confondues avec ces appels à la pitié, que les technologues se bornaient à recommander et

qu'Aristote condamne comme extra-techniques. C'est dans ces preuves psychologiques qu'Aristote suit le plus fidèlement les indications données par Platon dans son dialogue du Phèdre.

Chapitre 1.

Ce chapitre traite de l'étude du caractère de l'orateur qui importe surtout dans le genre délibératif. L'autorité de l'ora­ teur tient à

3

causes; sa prudence ou sagesse pratique, sa vertu, sa bienveillance.

Chapitres 2 - 11.

Dans ces chapitres, Aristote définit les différentes pas­ sions. Elles sont pour Aristote les causes dont les changements font porter aux hommes des jugements différents.

La description de chaque passion comprend trois parties;

-

1

® l'indication des habitus ou dispositions durables dans les­ quelles on est porté à l'éprouver

-

2

° l'énumération des personnes envers lesquelles on les ressent ordinairement

(40)

Il faut posséder à la fois ces trois sortes de notions, faute de quoi, l'orateur ne pourrait éveiller ces diverses émotions dans l'âme de ses auditeurs.

Parmi les passions, il envisage successivement: la colère et le calme, l'amitié, la crainte et la confiance, la honte et le sentiment de l'honneur, l'obligeance, la pitié et l'indignation et enfin l'émulation.

Après avoir parlé des passions et énximéré les argiunents auxquels prête chacune d'elles, Aristote traite des caractères, auxquels seront consacrés les chapitres

12

-

17

»

Chapitres 12 -

17

.

Ces caractères sont ceux des auditeurs et auxquels l'ora­ teur doit approprier son discours.

Les caractères seront décrits selon les passions, les habitus, les âges, les conditions de fortune.

La peinture des âges remplira les chapitres 12 - l4.

Le portrait de la vieillesse est tracé par contraste avec celui de la jeunesse, la maturité étant le moyen terme qui participe des deux autres.

Les modifications de caractères qu'entraînent les condi­ tions de fortunes occupent les chapitres

15

-

17

.

Parmi ces conditions, Aristote envisage: - la noblesse de la naiss

2

uice

- la richesse

- le pouvoir et la chance.

II. RETOm_AUX_PREUVES LOGIQUES.

Nous voyons ici clairement ce qu'Aristote entend par lieux: là où se peuvent trouver des arguments ou des moyens, plus généralement encore des méthodes d'argiimentation.

Aristote énumère les arguments qui se peuvent trouver dans les lieux:

- du possible et de l'impossible

(41)

-

du fait existant ou inexistant dans le passé (genre judiciaire) dans l'avenir (genre délibératif), ce lieu se rattachant par ce dernier endroit à celui du possible

et de l'impossible.

- le grand et le petit qui dans l'argumentation deviennent l'am­ plification et la dépréciation.

Dans le livre I (chap. 2), Aristote a montré quelle différence il y a entre le syllogisme (l'enthymème de la Rhétorique) et l'induc­

tion (l'exemple de la Rhétorique). Ici, Aristote revient à 1'exemple et à l'enthymème.

Il y a deux sortes d'exemples ; l'exemple historique et l'exemple inventé dans la parabole et la fable ou apologue.

Il faut, quand on n'a pas d'enthymème se servir d'exemples comme démonstration (car ils entraînent la conviction); si l'jpn a des enthymèmes, il faut se servir d'exemples comme témoignages.

L'énoncé des maximes sert également à l'argumentation.

La maxime a valeur d'argument, parce qu'elle est un enthymème abrégé. Il y a dans l'enthymème trois paurties: 1° la prémisse qui est la

majeure;

2

° la déduction qui consiste à rapprocher la mineure de la majeure;

3

° la conclusion.

Or la maxime est seulement ou la majeure ou la conclusion; le syllo­ gisme manque. La maxime ne sera donc autorisée que si la déduction va de soi et peut être sans difficulté suppléée par tous les esprits. Enfin Ajristote relève les services rendus par les maximes; elles

plaisent aux auditeurs peu cultivés; elles confèrent au discours lin caractère éthique.

Dans le chapitre 22, l'auteur revient aux enthymèmes mais pour se placer à un nouveau point de vue. Il va, cette fois, en étudier les lieux communs à tous les genres.

Après avoir rappelé la définition de l'enthymème, il distingue les enthymèmes propres à la démonstration et les enthymèmes propres à la réfutation.

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du temps - des paroles prononcées contre nous et retournées contre l’adversaire - de la définition - des différents sens - de la divi­ sion - de l'induction - du jugement antérieur - des parties - de la consécution - de l'antithèse - de la contrariété du langage et du désir - des rapports proportionnels - de l'antécédent et du consé­ quent - de la préférence - de la fin - des motifs - de l'inattendu - des raisons du désaccord - de l'explication du malentendu - de la cause - de la possibilité d'agir mieux - de l'examen simultané - des erreurs - du nom.

Le chapitre 24 évoque les enthymèmes seulement apparents et en cite les lieux; de l'expression - de la synthèse et de la division - de l'exagération de l'indice - de l'accident - de la consécution - de la cause - de l'omission du quand et du comment - de l'absolu et du particulier.

Dans le chapitre 25, Aristote parle de la réfutation. Il en traitait déjà dams le chapitre précédent. Dénoncer les enthymèmes apparents n'est-ce pas nous donner les moyens de les prévenir et de les réfuter ou d'avance ou après coup? Mais ici, le logicien parle de la réfutation en général.

Il y a deux modes de réfutation : ou 1® à un enthymème, réel ou apparent, l'on oppose ton contre-enth

3

rmème ou

2

® l'on intro­ duit une instance c'est-à-dire une objection à l'une des prémisses de l'adversaire.

Les lieux des contre-enthymèmes se tirent de 1'enthymème contesté: ce sont les lieux du contraire

du semblable

des jugements euitérieurs.

Enfin, Aristote signale les 4 modes de réfutation: du vraisemblable

de l'indice de

1

'exemple du tekmérion.

Enfin, dans un dernier et bref chapitre, Aristote met en garde contre les erreurs à éviter sur l'amplification et l'atténua­ tion, la réfutation et l'instance.

+ +

37

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Comme on a pu le constater, Aristote en bon logicien, invente une méthode, développe une théorie des preuves objectives et subjectives, distingue les genres, recherche les lieux communs et spéciaux, tire des mêmes principes confinnation et réfutation, rend la "technè" aussi efficace et scientifique que possible dans le domaine de la vraisemblance.

Mais ce n'est pas seulement aux manuels empiriques et imparfaits de ses prédécesseurs que s'oppose la Rhétorique.Aristote y développe une conception personnelle de la "technè", plus auto­ nome, plus large et plus efficace.

D'abord, il se prête, à l'influence platonicienne; il accueille les objections faites par Platon à la rhétorique des sophistes; il se convainc qu'une "technè" ne saurait trouver sa base solide hors des données de la psychologie.

Mais, plus tard, lorsqu'il a découvert le syllogisme, il réagit contre Platon, affranchit la Rhétorique de la tutelle où la tenait la Morale, et, conduit par la logique à un amoralisme, il rend pra­ tique et utile la "technè", art de réfutation non moins que de

confirmation, en l'autorisant à conclure dans les deux sens opposés. Voyons maintenant quelles furent les réactions du disciple contre

la doctrine du maître.

La première de ces réactions consiste à soustraire la Rhétorique au joug de la Morale.

Aristote, s'appuyant sur l'observation des faits et procédant du particulier au général, ne pouvait ignorer qu'en de nombreux cas l'homme peut faire usage de la parole, chercher à persuader un auditoire par des moyens relevant de l'opinion, s'assurer par con­

séquent d'une technique établie sur ce fondement, sans que la mora­ le soit intéressée en cette entreprise.

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bien qu’à démontrer. C'est la condition même de son efficacité. Elle ne peut combattre l'immoralité qu'en la connaissant, faire adopter le pour qu'en pénétrant tous les secrets du contre; bref, elle doit être apte à conclure dans les deux sens contraires, en sorte que sa règle est non pas l'immoralisme, renversement de la morale reçue, mais l'amoralisme, indifférence provisoire à l'égard de l'impératif.

La seconde réaction est d'ordre logique. Puisque la

Rhétorique doit être utile et jouer un rôle dans la vie quotidienne de la cité, son domaine ne saurait être borné à la vérité pure, nécessaire, permanente, universelle, que s'efforce d'atteindre et

qu'enseigne la science.

Dans la pratique courante de la vie, on s'appuie parfois sur cette vérité absolue, mais on se règle le plus souvent sur la vérité relative, sur les vraisemblances et les probabilités de l'opinion. Les opinions seront donc les prémisses des raisonnements rhétoriques. Certes, la "technè" pourra recourir au vrai, elle offrira même

les moyens de le vulgariser auprès de ceux que pourrait rebuter l'enseignement scientifique mais son domaine propre sera le vrai­ semblable.

Quand il eut découvert le syllogisme, Aristote comprit qu'à côté du syllogisme scientifique, dont prémisses et par suite, conclusion

sont nécessaires, il fallait admettre, pour la Rhétorique un syllo­ gisme plus contingent et plus souple, à prémisses et à conclusion probables•

Ce fut l'enthymème, fondé sur une vérité d'opinion, un indice ou un exemple. Et, comme l'opinion est changeante et contradictoire, cet enthymème devait permettre de raisonner également sur le pour et le contre, abstraction faite de l'appréciation morale portée sur la cause.

A l'égard de la morale et de la logique, Aristote arrive à la même conséquence. Il est non pas en opposition avec Platon mais il a consommé la rupture avec sa doctrine.

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3. LA RHETORIQUE ROMAINE.

Avant d'abandonner la "Rhétorique", voyons ce qu'y appor­ tèrent les Romains.

Dès l'origine, les Romains furent amenés à faire quelques réflexions à propos des effets meorveilleux qu'on voyait produire par la parole dans les assemblées publiques. On constata qu'un certain apprentis­

sage par l'exemple et par la pratique n'était pas inutile. Si aux époques primitives, chaque orateur possède sa propre rhétorique, CATON fut le premier à commtmiquer les observations qu'il avait faites pour son compte, mais il ne nous reste presque rien de ses textes. Signalons toutefois l'idée de l'antimodèle reprise par Montaigne "Les Sages ont plus à apprendre des fols que les fols des Sages".

CICERON

Cicéron, lui, fournit le matériel technique. Il veut arracher la jeunesse à la conception sophistique de la rhétorique selon laquelle celle-ci consiste à apprendre des règles et à s'en servir. Il voudrait asseoir la formation de l'orateur sur la philo­ sophie, l'histoire et le droit. Cicéron possédait d'ailleurs lui- même cette universalité de connaissances dont il a fait dans ses écrits un devoir de l'orateur.

"A mon opinion, dit-il, nul ne peut espérer être un orateur, au vrai sens du mot, à moins qu'il n'acquiert une connaissance de

toutes les sciences et de tous les grands problèmes de la vie.

Il doit être familier avec la rhétorique, l'éthique, la psychologie, les sciences navales, la géographie, l'astronomie et surtout l'his­ toire, la jurisprudence et la philosophie. L'histoire en liant le présent au passé, présente de nombreuses illustrations et fournit des arguments à la rhétorique.

De Oratore.

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