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Avoir une vision et savoir la rendre visible pour donner confiance

Madame V. : l’hyperactiviste forcenée en lutte contre l’« ennui de travail »

1) Avoir une vision et savoir la rendre visible pour donner confiance

Pour préparer son entretien et pouvoir me présenter sans difficulté ce en quoi consiste son travail, Monsieur F. a établi une liste structurée en quatre points. Ses deux premiers points concernent la vision dont on sait qu’elle occupe aussi une large place dans la rhétorique des ouvrages de management. « Diriger, c’est 1.- avoir au moins une

fois une vision du métier, de la cible, de la stratégie (…) »4

, me dit-il. « On est payé

pour voir loin »5, ajoute-t-il, un peu plus tard. Et Monsieur L. me dit : « Je dois plus ou

moins sentir ce qui se passera dans dix ans, les trucs qui ne marchent pas et ceux qui risquent de marcher. Il faut que j’anticipe les concurrents qui arrivent et dont on ne savait rien. »6.

Au début de mon intervention auprès d’eux, c’est-à-dire peu de temps après la constitution de leur Directoire, les frères Bourgon semblent d’ailleurs vouloir se plier à cette exigence. Pendant près de trois mois, des réunions de travail se succèdent pendant lesquelles ils tentent d’identifier des potentiels de développement, étudient les synergies existant entre différents secteurs, espèrent en des opportunités de croissance externe. Ce faisant, ils cherchent à élaborer une vision commune ou un projet d’entreprise commun mais c’est en vain. A court et moyen terme, ils s’avèrent incapables d’écrire un plan : « ils ont la trouille d’écrire », « ils n’écrivent rien ou écrivent le contraire de ce qu’ils

veulent faire »7, m’assure leur père. A la veille de prendre la Direction Générale d’une

structure, Germain avoue même « ne pas savoir où il veut aller »8. Dans leur cas, tout est à l’arrêt : plus de départ, plus de sanction, plus d’embauche et un attentisme

1

Voir ANNEXE 8, Jacques, Germain et Nathan, lignes 371 à 375. 2

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, ligne 880. 3

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 447 à 449. 4

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 799 à 802. 5

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 875 à 876. 6

Voir ANNEXE 3, Monsieur L., lignes 197 à 203. 7

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 569 à 576 et lignes 593 à 607. 8

192 généralisé (« ça vivote mais ça ne vivote pas sainement »1) qui conduit au mieux à une stagnation malsaine, au pire à la ruine de l’activité et à sa « mort programmée »2

. Contrairement à Monsieur L. qui m’explique qu’à ses débuts, il « voyai[t]

l’avenir »3

, les frères Bourgon se présentent comme des contre-modèles que leur père qualifie même de « pantins »4. Jacques, en particulier, m’explique que le Groupe qu’il dirige avec ses frères est un système instable, au sens physique du terme : « ça diverge

dans tous les sens et on ne sait pas dans quel sens ça va partir »5, sans se rendre compte que c’est peut-être à lui de déterminer ce sens.

Rendre cette vision visible

En lisant ses notes préparées, Monsieur F. m’explique qu’avoir une vision ne suffit pas. Il faut savoir la rendre visible, avoir l’idée de la dire en sachant à qui l’on s’adresse et faire en sorte que tout le monde comprenne6

. En écoutant de nouveau Monsieur L., on comprend, en effet, que la mise en œuvre de la vision passe par un discours adressé aux salariés : « il faut absolument que je structure ce que je vais dire,

que j’aie un discours structuré »7, m’explique-t-il.

Donner confiance

Ce discours de direction doit également donner confiance. Monsieur E. compare le dirigeant d’entreprise à un pilote d’avion. Comme lui, il ne peut pas annoncer qu’il ne sait pas où il va car alors, ce serait comme s’il disait : « je suis le pilote de l’avion

mais je ne sais pas où on va et je ne sais pas si je vais réussir à atterrir ». Or, personne

n’a envie d’entendre ça8

. Monsieur L. exprime ainsi cette même idée : « Les gens qui

n’ont pas confiance dans le chef d’entreprise ont de bonnes raisons de s’en aller »9

et Monsieur F. le dit à sa manière : « les gens ne s’attendent pas à ce que vous leur disiez :

“Ça ne va pas. Je ne contrôle rien” »10

.

Ici encore, les frères Bourgon se distinguent par le peu de cas qu’ils font des messages adressés à leurs collaborateurs. Faute de vision, Jacques ânonne un discours de présentation des vœux qui reproduit uniquement les réalisations passées et s’avère particulièrement ennuyeux. Quant à Germain, un an plus tard, il omet de préparer un discours, lit de manière mécanique les notes de son frère aîné et produit une impression que son plus jeune frère qualifiera gentiment de « olé olé ». En refusant de souscrire à ce que l’on peut à présent considérer comme une exigence du poste, Germain s’attire

1

Voir ANNEXE 8, Nathan, lignes 551 à 552. 2

Voir ANNEXE 8, Jacques, lignes 527 à 533. 3

Voir ANNEXE 3, Monsieur L., lignes 117 à 118. 4

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 522 à 529. 5

Voir ANNEXE 8, Jacques, Germain et Nathan, lignes 63 à 66. 6

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 799 à 802. 7

Voir ANNEXE 3, Monsieur L., lignes 198 à 199. 8

Voir ANNEXE 6, Monsieur E., lignes 133 à 136. 9

Voir ANNEXE 3, Monsieur L., lignes 203 à 204. 10

193 les foudres de son père et perd alors toute chance d’occuper, un jour, la place de Président du Directoire1.

2) « Ne rien faire et tout faire faire … »

En poursuivant la lecture de ses notes de préparation, Monsieur F. annonce que « Diriger, c’est ne rien faire et tout faire faire et aussi ne rien laisser faire. »2. Bien que la tournure de la formule témoigne aussi du registre de « présentation de soi » propre à ce dirigeant, je choisis de la retenir d’abord pour ce qu’elle nous dit de son travail prescrit. En effet, chacun de ses termes renvoie à des prescriptions reconnues par d’autres dirigeants qui les formulent, heureusement, de manière plus explicite. Et, ici encore, lorsque le travail accompli par le dirigeant ignore ces prescriptions - comme c’est le cas des fils Bourgon -, il n’est alors pas reconnu comme un travail de direction.

« Ne rien faire »

Par l’expression « ne rien faire », Monsieur F. signifie ici : « ne rien faire soi-

même » et donc, déléguer. Pour cela, il faut savoir d’abord bien s’entourer, « identifier les hommes-clés, savoir les faire venir et les fidéliser » puis « assurer la cohésion de l’équipe » et éviter les dissensions3

.

Malgré les effets de style de Monsieur F., il ne nous échappera pas, bien entendu, que le dirigeant « fait » aussi. Ainsi, par exemple, lorsqu’il reprend la direction d’une entreprise, Monsieur H. imagine un nouveau concept de magasins, renouvelle la collection de produits et se rend, pour cela, auprès de fournisseurs lointains. Il « redynamise » son équipe, il réconforte les collaborateurs inquiets, il négocie le rééchelonnement de la dette auprès des banquiers, il prépare ses réunions du Conseil d’Administration, etc4. Monsieur P., dirigeant d’une SSII en forte croissance, assure une

grande partie de la fonction commerciale auprès des grands comptes. Monsieur T. prépare ses roadshows et étudie les avantages d’un rachat de ses franchisés. Madame de V. analyse les comptes, étudie les modifications de contrats de travail, négocie avec l’Administration. Monsieur Bourgon étudie les dossiers d’investissements, réfléchit aux questions à poser et anticipe celles que ses interlocuteurs lui poseront. Il rencontre des conseillers, participe aux activités syndicales de sa profession, etc. Mais dans bien des cas, ces dirigeants n’agissent pas seuls. La préparation des réunions, les analyses de résultats comptables, les études stratégiques (refonte des circuits de distribution, opportunités d’entrée en Bourse, implantation de filiales à l’étranger, rachat d’entreprise) supposent qu’un travail préalable de prise d’informations, de chiffrage et de formatage des données ait été effectué. C’est généralement ce que les ouvrages de management occultent en soulignant les rôles et missions sans préciser la part de chacun dans son exécution5. C’est ce que les dirigeants rencontrés décrivent mieux, en insistant sur le « faire faire ».

1

Voir ANNEXE 8, Nathan, lignes 561 à 594 et lignes 619 à 626. 2

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 844 à 845. 3

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 804 à 817. 4

Voir ANNEXE 5, lignes 633 à 697. 5

194

« Faire faire »

« Diriger, c’est pouvoir dire aux gens ce qu’il faut faire », annonce Germain. Et, tout en reconnaissant sa propre incapacité à le faire, il pense qu’il est grand temps pour ses frères et lui de passer du « faire » au « faire faire »1.

Nous l’avons vu, cette capacité à faire agir autrui dans le sens désiré passe par les discours. Elle passe aussi par ce que Monsieur P. appelle « le travail de relation

avec les managers et les collaborateurs en interne, la communication interne, ce qui suppose d’insuffler, de motiver, de donner la direction »2

.

Monsieur H., pour sa part, ne semble pas convaincu par cette option qu’il qualifie de charismatique3. Et, est-ce un effet de génération ou non, Monsieur Bourgon est le seul à présenter le caractère incontournable de l’exercice de l’autorité. Il répète alors, inlassablement, qu’il « faut prendre le pouvoir » et se désespère en observant ses fils. Selon lui, non seulement ses fils n’ont pas d’autorité mais encore, « ils ont peur de

leur personnel »4. Et sur le constat de leur ignorance de ce travail prescrit qui consiste à avoir de l’autorité, il conclut : « c’est bien embêtant »5

, ce que Nathan résume par un laconique : « on gagnera aussi des galons quand papa verra qu’on sait engueuler des

collaborateurs »6.

Faute de savoir déléguer, Germain réalise lui-même les tableaux de données budgétaires et, faute de compétence, il échoue à bien le faire. Jacques aussi, « fait à la

place de » et consacre, selon Nathan, beaucoup trop de temps et d’énergie à des tâches

qu’il ne parvient pas à déléguer. Ces tâches subalternes, plus proches de celles d’un informaticien ou d’un consultant de SSII, l’éloignent des missions de la direction : « il

est complètement ailleurs en train de faire plein de choses qui n’ont rien à voir avec son poste » au risque d’ « exploser » et de dégrader l’image du Directoire auprès de ses

collaborateurs7. De son côté, faute d’avoir su se séparer d’un Directeur Financier envieux et d’avoir pu recruter, à temps, un collaborateur de confiance, Monsieur H. a commis la même erreur. Il a pallié les défections et a tout « fait » tout seul. Or, non seulement la clôture annuelle des comptes n’était pas « [s]on truc » mais encore cette tâche est venue se surajouter à toutes les autres tâches de direction qui lui incombaient, le laissant alors sinon « explos[é] », du moins « vidé »8.

3) « … et ne rien laisser faire »

Monsieur Bourgon me rappelle que « le travail, c’est de contrôler tout ce qui se

passe et que tout se passe au bon rythme et que ça tourne, qu’il n’y ait pas d’erreurs »9

. Sur ce point, de nouveau, il estime que ses fils sont inaptes à lui succéder. Leur travail

1

Voir ANNEXE 8, Germain, lignes 277 à 291. 2

Voir ANNEXE 4, Monsieur P., lignes 56 à 61. 3

Voir ANNEXE 5, lignes 156 à 158. 4

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 443 à 446, lignes 679 à 684 et lignes 907 à 910. 5

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 809 à 810. 6

Voir ANNEXE 8, Nathan, lignes 387 à 389. 7

Voir ANNEXE 8, Nathan, lignes 132 à 142, lignes 355 à 371 ; Germain, lignes 287 à 291 ; Jacques, Germain et Nathan, lignes 589 à 592.

8

Voir ANNEXE 5, lignes 638 à 646 et ligne 730. 9

195 consiste, en partie, à lire les documents qui leur sont soumis (études de marché, proposition de contrat, rapports de gestion), à poser des questions et, éventuellement à rattraper des erreurs. Or ses fils ne lisent pas, ils ne vérifient rien, ils laissent passer des erreurs, ils ne savent pas demander de rendre des comptes, ils prennent tout « pour

argent comptant » et « se font balader ». En outre, quand le travail n’est pas fait, ils

n’osent pas le dire et, de fait, les problèmes ne sont pas résolus à temps.

4) « Ne pas se laisser balader »

Les dirigeants rencontrés dans le cadre de cette recherche sont peu enclins à évoquer spontanément la prise de décision. Certes, ils reconnaissent décider de la politique salariale, du contenu d’un journal d’entreprise, de l’acquisition d’une entreprise ou du lancement d’une activité. Ils peuvent aussi être conduits à devoir se séparer d’un collaborateur et donc, bien entendu, ils « décident » de s’en séparer. Toutefois, Nathan pense que décider est « la partie la plus facile du travail ». En revanche, assumer les conséquences de la décision semble lui peser1. Une autre difficulté réside dans la manière d’imposer aux autres ces décisions et de leur donner, ensuite, les moyens adéquats pour les mettre en œuvre. Les fils Bourgon, c’est vrai, n’y parviennent pas. Selon leur père, la première étape est déjà insatisfaisante puisqu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Il remarque que ses fils « se laisse[nt] balader », signalant ainsi que les décisions sont prises par d’autres, sans eux ou malgré eux, selon un processus non maîtrisé : « (…) en fait, rien ne fait l’objet d’aucune décision volontaire :

ce n’est pas pensé »2

. Dans les rares cas où une décision collective est arrêtée, faute d’avoir de l’autorité, ses fils ploient à la première résistance qui leur est opposée. Il estime donc qu’ils ne prennent aucune décision de direction et note les conséquences de leur défaillance : « Actuellement, on est dans un marais car vous ne savez pas ce que

vous voulez et il faut en sortir vite. »3.

C’est pourquoi, en dépit de ce relatif silence autour de la prise de décision, je retiens qu’elle fait partie de la prescription. En effet, son absence signale des dysfonctionnements importants comme si ce travail, très facile ou invisible aux yeux mêmes de ceux qui l’effectuent, ne se voyait que lorsqu’il n’était pas fait.

5) « Recevoir des problèmes et les traiter »

Monsieur P. estime être « payé pour résoudre des problèmes qui n’ont été

résolus par personne et qui n’ont pas été résolus avant ». Il se conçoit comme « une fosse d’épuration dans laquelle les gens balancent leurs problèmes. Et nous, on n’a personne à qui les passer. On est dans l’obligation de trouver une solution. »4

. Pour Monsieur Bourgon, d’ailleurs, « (…) être dirigeant, c’est aussi ne pas se contenter

d’une solution. Il y a toujours cinquante possibilités. Il faut s’acharner à chercher des solutions là où tout est impossible (…) »5

. Ce type de déclaration fait écho à celle de Monsieur F. qui se définissait ailleurs comme un apporteur de solutions lorsque d’autres

1

Voir ANNEXE 8, Nathan, lignes 150 à 154. 2

Voir ANNEXE 8, Monsieur Bourgon, lignes 815 à 818. 3

Voir ANNEXE 8, Jacques, Germain et Nathan, lignes 332 à 352. 4

Voir ANNEXE 4, Monsieur P., lignes 64 à 73. 5

196 peinaient à en trouver (« Eux sont la production, moi, je suis la méthodologie. »1). Il renvoie également aux arguments développés par Jacques pour soutenir son refus de sanctionner les mauvais résultats. Pour Jacques, en effet, le dirigeant apporte un supplément d’expérience, de connaissances ou d’idées qui permettent de pallier les insuffisances des collaborateurs. De fait, plutôt que de laisser un collaborateur en difficulté et de le blâmer de ne pas réussir, il doit l’épauler et être capable de lui suggérer une piste de réflexion inédite2.

6) « Gagner de l’argent »

Bien rares sont ceux qui évoquent la prescription - pourtant incontournable - d’assurer la profitabilité de leur entreprise. Seules exceptions notables : Germain qui reproche à ses frères de ne pas consacrer assez de temps à « gagner de l’argent »3 et Monsieur Bourgon qui reproche à ses fils d’« avoir l’argent facile »4

. Monsieur F. l’évoque aussi mais de manière très opaque et dans la dénégation, en signalant que toutes les autres prescriptions sont plus importantes : « tout ça [vision, recrutement, cohésion de l’équipe], c’est bien avant les Kwh et les KF »5, ce qu’il faut traduire par :

« avant les résultats de production et le résultat financier ». Jacques, pour sa part, ignore cette prescription au point de proposer aux salariés des avantages qu’ils ne réclament pas. En se comportant « comme s’il n’était pas actionnaire » et en ignorant ce que Germain appelle « les reliquats de la lutte des classes »6, il néglige les résultats financiers. Les marges de la structure dont il souhaite reprendre la Direction Générale se dégradent, en partie en raison de la situation économique générale, en partie en raison de son style de management qui n’encourage jamais les cadres intermédiaires à juguler les dérapages de coûts.

7) « Jouer le rôle de l’homme-sandwich »

Faute d’insister sur l’objectif de résultats et d’accumulation de profits, Monsieur P. indique qu’il faut « dire et expliquer nos résultats, rappeler qui nous

sommes »7. Il s’agit ici de la communication financière vers l’extérieur de l’entreprise.

Ce travail-là concerne exclusivement les dirigeants d’entreprises cotées qui ne peuvent s’y soustraire : « Il n’y a pas le choix : il faut se vendre » 8

, explique Monsieur T.. « Je joue un peu le rôle de l’homme-sandwich », me dit Monsieur B., « c’est la

règle »9. Dans le secteur industriel traditionnellement monopolistique dans lequel il cherche à pénétrer, il ne peut espérer autrement faire connaître son entreprise, son activité, accélérer les autorisations administratives et obtenir des contrats.

1

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 879 à 880. 2

Voir ANNEXE 8, Jacques, Germain et Nathan, lignes 248 à 269. 3

Voir ANNEXE 8, Germain, lignes 275 à 277. 4

Voir ANNEXE 8, Jacques, Germain et Nathan, lignes 371 à 375. 5

Voir ANNEXE 3, Monsieur F., lignes 817 à 818. 6

Voir ANNEXE 8, Germain, lignes 293 à 301. 7

Voir ANNEXE 4, Monsieur P., ligne 60. 8

Voir ANNEXE 7, lignes 184 à 189. 9

197 Germain convient aussi de l’importance de ce travail : « Il faudrait draguer des

gens différents. Ça fait partie de notre métier. Et on ne le fait pas. »1. En effet, ses frères et lui se soustraient également à cette obligation-là au prétexte que la construction de relations est une tâche s’inscrivant dans le long terme et sans résultats certains, que cette tâche serait étrangère à leur travail et les en éloignerait trop ou encore en se rassurant sur le fait qu’elle ne serait pas de leur ressort2

. Plus sincèrement, Germain estime que ses frères et lui ne sont « pas bons en relationnel » : « on peine à garder le

contact avec nos relations. On ne cultive pas notre réseau »3, marquant une fois de plus l’écart entre leurs réalisations et la prescription qu’ils ne suivent pas.

8) « Etre »

Lorsque le dirigeant s’éloigne plus encore des descriptifs habituels, la prescription devient : « être ».

Pour Monsieur F., c’est « le simple fait d’exister (…) C’est rassurant. (…) C’est

même ce qu’ils me disent : “ quand on a un problème, c’est savoir que tu es là, soit avec déjà la solution, soit on va la chercher ensemble et la trouver”»4

. « Je dois y être

et j’y suis »5

, signale Monsieur L. en évoquant une réunion à Bruxelles à laquelle il est attendu. Et selon Monsieur H., quand le dirigeant d’entreprise est salarié, la prescription de son actionnaire n’est pas : « tu fais ce que j’ai décidé que tu feras » mais « tu es ce

que j’ai décidé que tu étais »6

. « Un dirigeant, c’est Dieu, c’est la stabilité, c’est le

savoir ou la croyance dans le savoir »7, me dit Monsieur E.. Pour Monsieur H., le dirigeant « est obligé d’être bon ». Selon lui, il faut « sans cesse et partout être ouvert,

disponible et continuer d’apporter l’image qu’on vous renvoie en permanence, c’est-à-dire : bon patron, bon père, bon mari, bon amant. ». Et il conclut : « On est obligé d’être en permanence là-dedans. (…) Ça va avec le job : on doit être bon. »8

.

C - Le « réel » du travail

Si la prescription vécue est de voir l’avenir, de dire sa vision aux autres, de les mettre en confiance, de déléguer, de commander, de décider, d’être l’homme providentiel, capable de résoudre tous les problèmes, de gagner de l’argent, de représenter l’entreprise à l’intérieur et à l’extérieur et d’être « bon en tout », que nous disent les dirigeant rencontrés des obstacles qu’ils rencontrent ?

En raison, sans doute, de la formulation du courrier d’introduction qui les engageait à me parler de ce qui leur « plaît moins »9, la plupart des dirigeants rencontrés

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