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Les recherches en gestion portant sur l’activité du dirigeant ont surtout cherché à agréger et classifier cette activité en grandes fonctions. Or, l’utilité de ce genre de classification se trouve remise en question par ceux-là mêmes qui poursuivent cet effort de recherche3. L’hétérogénéité des systèmes de classement retenus4, le recours à des catégories qui ne sont ni exhaustives ni exclusives5 ou encore les trop nombreuses simplifications6 sont présentés comme autant de points d’achoppement. Pourtant, en dépit de ces controverses, on reconnaît aussi à ces travaux le mérite suivant : « ils ont

servi à mettre des noms sur des zones d’ignorance, et à indiquer à chaque cadre ce qu’il devrait faire (mais pas ce qu’il fait en réalité) »7

.

Et en effet, même si elle n’est pas affichée, la finalité de ces recherches est d’abord prescriptive. Les « rôles » fonctionnent comme des prescriptions et le dirigeant doit les mener de front s’il veut réussir. Son choix de privilégier un rôle au détriment de l’autre définit bien souvent son style de management, style dont l’efficacité dépend ensuite du contexte dans lequel il évolue. Ainsi, les descriptions minutieuses des activités quotidiennes et des modes d’interaction privilégiés permettent-elles aussi de discriminer des styles de direction (formel, informel, solitaire ou impersonnel) pour en mesurer l’efficacité relative.

Les auteurs tentent toujours de dégager les profils d’activités les plus efficaces : Fred Luthans et al. nous indiquent que, pour une gestion efficace, ce sont les fonctions

de communication qui doivent être privilégiées8. Jean-Marie Delpeuch et

P-DG des grands groupes se préoccupent de répondre aux exigences des actionnaires pour pérenniser leur mandat.

1

Michel BARABEL, Olivier MEIER, op. cit., p.220. 2

Christophe DEJOURS, Travailler n’est pas déroger, 1998. 3

Michel BARABEL, op. cit., p.28. Lorsque Henry Mintzberg critiquait l’utilité de ces classifications et les décrivait comme un « folklore », il attaquait surtout les affirmations de Henri Fayol pour mieux annoncer sa propre méthode de recherche.

4

S.J. CARROLL, D.J. GILLEN, op. cit. ; Colin P. HALES, op. cit. 5

M.W. Jr. McCALL, C.A. SEGRIST, In pursuit of the manager’s job:buiding on Mintzberg, 1980. 6

Neil H. SNYDER, William F. GLUECK, How managers plan: The analysis of manager's activities, 1980 ; Mark J. MARTINKO, William L. GARDNER, Beyond structured observation: methodological issues and new directions, 1985.

7

Henry MINTZBERG, op. cit., p.24. 8

101 Anne Lauvergeon estiment que l’efficacité du dirigeant dépend de son aptitude à modeler son emploi du temps et à privilégier une gestion du temps équilibrée de manière à éviter l’atrophie ou l’hypertrophie de certaines « sphères »1

. Enfin, John Kotter souligne que l’efficacité des Directeurs Généraux dépend de l’existence d’un réseau de relations2.

Les études portant sur les compétences des dirigeants visent, elles aussi, à élucider le lien entre celles-ci et la performance de l’entreprise ou l’efficacité du dirigeant. C’est ainsi que Bernard Bass3

identifie une corrélation positive entre compétence communicationnelle et performance, et que Larry Penley et al. associent, nous l’avons vu, efficacité et compétences communicationnelles4

. La littérature de gestion tend aussi à faire de l’équilibre (équilibre entre « sphères »5

, équilibre du temps passé entre loisirs et travail6) un idéal supplémentaire à atteindre perpétuant l’image idéalisée d’un dirigeant qui vivrait une vie dépourvue de conflits. Enfin, les études sur les traits de personnalité ne dérogent pas, elles non plus, à la tendance prescriptive, comme nous le rappelle l’attrait des chercheurs pour le portrait du leader.

En outre, ces prescriptions restent bien souvent contradictoires. On apprend, par exemple, qu’« être apparent », pour le dirigeant, est une condition de réussite et l’aptitude à communiquer, une condition pour accéder au pouvoir et s’y maintenir. Par contre, la capacité à garder le silence sur certains aspects de son activité et à garder secrètes quelques informations, lui serait tout aussi utile. Et, alors qu’on lui recommande de prendre du recul et de s’affranchir du quotidien7, on lui reproche aussi « une absence totale de perception correcte de la réalité »8 ou encore « un profond

dédain pour les détails », une concentration sur « les grandes lignes »9. Les dirigeants « doivent être des hommes ou des femmes comme les autres, mais aussi être des

modèles pour leurs collaborateurs » et se préoccuper de culture d’entreprise tout en

s’occupant aussi « des problèmes de fond »10

. Ils doivent se centrer sur les problèmes à long terme mais ne pas se déconnecter des problèmes du quotidien concrets, immédiats ou futurs. Ils doivent, bien sûr, se préoccuper d’éthique mais ne peuvent éviter d’être décrits comme des « carnassiers »11.

Il est vrai aussi que les qualités requises pour être efficace sont bien souvent déduites de l’observation de dirigeants en situation de réussite. L’illusion de scientificité propre à ce champ de recherches fait oublier que ces situations ne sont pas reproductibles, que les méthodes expérimentales conduisent à des résultats bancals, à tel point que des traits caractéristiques de dirigeants ayant réussi peuvent tout aussi bien caractériser ceux qui échouent.

1

Jean-Luc DELPEUCH, Anne LAUVERGEON, op. cit., p.78. 2

John P. KOTTER, The General Managers, 1982. 3

Bernard M. BASS, Leadership and performance beyond expectations, 1985. 4

Larry E. PENLEY, Elmore R. ALEXANDER, I. Edward JERNIGAN, Catherine I. HENWOOD, Communication abilities of managers: the relationship to performance, 1991.

5

Jean-Luc DELPEUCH, Anne LAUVERGEON, op. cit. 6

Joan R. KOFODIMOS, op. cit. 7

John P. KOTTER, What effective general managers really do, 1982. 8

Sidney FINKELSTEIN, Quand les grands patrons se plantent, 2004, p.176. 9

ibid., p.204. 10

Véronique PERRET, Bernard RAMANANTSOA, op. cit.,, p.148. 11

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