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La question qui se pose dès lors est de savoir comment financièrement les jeunes assignés au service national civil se débrouillent avec 450 Nakfa par mois. Cette question si cruciale nʼa pratiquement pas été traitée dans la littérature qui, jusquʼà présent, sʼest intéressée au service national. Je ne prétends pas ici offrir une réponse exhaustive, je souhaite avant tout souligner quelques tendances et présenter un peu plus les limites que dessine le service national dans le cours des vies quʼil « régimente ».

Tesfay se rend chaque mois à Massawa pour toucher son salaire et renouveler son laissez-passer (mänqäsaq̄äsi). La compagnie dans laquelle il est assigné comme comptable nʼest pas encore opérationnelle. Cela fait six mois quʼil est incorporé au service national dans la marine militaire qui ambitionne de développer ses activités commerciales dans dʼautres secteurs que le transport21 : « Ils veulent faire quelque chose comme Bado

Tşātä » mʼinforme Tesfay. Bado Tşātä (Zéro Neuf), ou plus officiellement « The Red Sea

Corporation » est le bras économique du Parti (PFDJ) qui chapeaute les magasins dʼÉtat (duķ̆an rätāwi) et importe en Érythrée toutes sortes dʼarticles de consommation quʼelle revend aux échoppes privées. Tesfay sʼennuie. Il ne cherche pas de travail car, me dit-il, la compagnie qui « lʼemploie » peut démarrer ses activités dʼun moment à lʼautre et le sommer de débuter son service.

Il réside chez sa tante maternelle dans un quartier populaire de la ville et de temps en temps, il se rend dans son village natal pour aider ses parents aux champs. Il attend avec impatience de travailler à Massawa. Cela fait plusieurs années que sa famille maternelle lui offre un toit et de lʼargent de poche et cette situation le dérange beaucoup mais son salaire de 450 Nakfa ne lui permet pas de sʼinstaller ailleurs. Tesfay est loin dʼêtre le seul dans cette situation. Ceux qui effectuent leur service en dehors des camps militaires (où ils sont nourris et logés), nécessitent un appui familial important. La tante de Tesfay peut lʼentretenir parce que son mari travaille au Proche-Orient et envoie régulièrement de lʼargent. Le salaire quʼil touche sert à payer la moitié de la chambre où sa sœur réside (dans un faubourg dʼAsmara). Assignée dans une banque, elle paie le reste. Tekeste, assigné dans les bureaux dʼun ministère, vit chez ses parents qui sont tous deux enseignants dans la même ville. Leurs salaires (environ 2000 Nakfa) permettent tout juste à la famille de subvenir à ses besoins :

« Heureusement, nous sommes propriétaires de lʼappartement où nous vivons sinon ce serait impossible. Les salaires de mes parents couvrent nos dépenses quotidiennes. Pour 21. La marine militaire est propriétaire de la compagnie de transport Harat qui possède de nombreux

les extras comme lʼachat de vêtements ou dʼautres dépenses exceptionnelles, cela ne suffit pas. De temps en temps, mon frère et ma tante qui sont en Europe nous envoient de lʼargent. La situation est un peu difficile [sic]. ».

(Tekeste, Asmara, décembre 2005) Salomon est dans une situation similaire, il compte sur lʼargent que lui envoie sa mère, domestique dans un pays de la péninsule arabique. Il est assigné dans un ministère et loue une chambre dans la maison de sa tante quʼil partage avec son frère encore à lʼécole. Salomon, qui est originaire dʼune région située à proximité dʼAsmara, a la chance dʼavoir de nombreux parents qui résident en ville. La plupart du temps, il sʼinvite chez eux pour les repas.

Ces cas témoignent dʼune tendance nette : le service national est une institution « viable » grâce à un système-monde qui dépasse largement les frontières nationales de lʼÉrythrée et le cadre restreint de son gouvernement. Sans le soutien financier de la diaspora érythréenne, la plupart des individus mobilisés ne pourraient pas subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux. Bien entendu, les cas de figure sont nombreux, certains nécessitent un complément financier, dʼautres sʼappuient principalement sur le soutien de leur famille vivant à lʼétranger mais, il nʼen reste pas moins que le service national nʼoffre pas une viabilité intrinsèque pour ceux qui sʼy trouvent assignés. Lʼauto-suffisance nationale, cette thématique qui hante les discours et les programmes politiques du Parti, nʼest donc possible que si elle comprend le support financier des communautés érythréennes de la diaspora. Tout cela nʼest pas nouveau, lʼEPLF avait réussi à mobiliser les Érythréens vivant à lʼétranger pour financer la guerre de libération (Bernal 2004). Aujourdʼhui encore, le gouvernement oblige les ressortissants Érythréens de lʼétranger à sʼacquitter dʼimpôts à hauteur de 2% de leur revenu annuel faute de quoi les services consulaires ne leur sont pas délivrés et leur entrée en Érythrée est compromise. Dʼautres formes de soutien financier plus ou moins facultatives sont réclamées par le Parti et les ambassades aux quatre coins du monde. A ce titre, il faut donc reconnaître la dimension transnationale de lʼÉtat érythréen (Bernal 2004, Redeker Hepner 2009). A ces formes de financements institutionnels sʼajoute bien sûr lʼenvoi dʼargent nécessaire aux familles restées au pays et que le service national ne fait que de rendre encore plus important. Si toutes les familles que je connais en Érythrée ont des parents à lʼétranger, toutes ne peuvent pas compter sur un soutien financier de leur part. Cʼest le cas par exemple de la famille de Gebremariam qui est assignée dans un ministère à Asmara. Ponctuellement, il gagne quelques centaines de Nakfa en effectuant des transactions de matériels informatiques. Cela permettait, lorsque je lʼai connu, de couvrir le remboursement de deux grosses dettes quʼil avait contractées auparavant. Si je nʼai jamais pu savoir dans les

détails comment sa famille fait pour subvenir à ses besoins quotidiens, son témoignage permet de saisir quelques indications supplémentaires.

Gebremariam est lʼhomme de la famille depuis que son père est décédé et que ses deux frères aînés ont été enrôlé dans lʼarmée. Il est le seul de sa famille à avoir pu suivre un enseignement supérieur et sa mère ainsi que ses sœurs comptent sur lui bien quʼil ne gagne que 450 Nakfa par mois : « Elles croient que jʼai des connexions parce que je travaille dans un ministère. Elles pensent que parce que jʼai suivi lʼUniversité je peux facilement trouver de lʼargent. Tu sais, beaucoup ont des idées sur lʼéducation. » (Gebremariam, Asmara, Septembre 2006). Il a 7000 Nakfa de dettes qui heureusement ne génèrent pas dʼintérêts :

« Si tu demande de lʼargent à la banque, oui, il y a des intérêts. Mais lʼargent que tu demandes à des connaissances ce sont des prêts. Tout le monde sait quʼil nʼy a pas dʼargent en Érythrée, comment veux-tu quʼils réclament en plus des intérêts? Cʼest déjà bien si tu peux les rembourser. »

(Gebremariam, Asmara, septembre 2006) Malheureusement pour lui, il est le cadet de la famille et pour lui, il nʼa aucune autorité pour décider des dépenses à faire ou à éviter. Les 7000 Nakfa quʼil doit désormais rembourser ont été utilisés pour organiser deux fêtes auxquelles il sʼétait opposé : celle à lʼoccasion de la fin de ses études ainsi que le mariage de sa sœur :

« Pour la graduation, jʼavais proposé de faire une fête en commun avec des amis. Nous aurions pu répartir les dépenses. On sʼétait mis dʼaccord dʼacheter un mouton ensemble mais quelques jours avant la fête je rentre chez moi et je découvre quʼils ont achetés tous seuls un mouton sans me prévenir. Ma mère mʼa dit : « Tu sais nous avons attendus longtemps ce jour ; cʼest ta fête. » puis elle mʼa demandé de trouver 2000 Nakfa pour rembourser. Pour le mariage, ce sont nos oncles et nos tantes qui conseillent notre mère mais moi je dis que cʼest notre mariage et on fait ce quʼon veut mais tous disent que cʼest stupide de faire un mariage comme je le pense alors ils décident sans prendre en compte mon avis et ensuite ils me demandent de contribuer. Les décideurs ne sont pas les payeurs. »

(Gebremariam, Asmara, octobre 2006). Sʼil ne fait aucun doute que de telles dépenses sont réparties au sein de la famille étendue, il nʼen reste pas moins que dans le cas de Gebremariam, son assignation au service national avec un salaire dérisoire ne le dispense pas de contribuer significativement aux dépenses extraordinaires que sa famille juge utile de faire. Pour

Gebremariam, mais également pour bon nombre dʼautres comme lui, assignés au service national après leurs études, deux modèles socio-économique sont en conflit en Érythrée en ce qui concerne lʼorganisation de célébrations comme le mariage (marā) ou les funérailles (täzkar). Leurs parents souhaitent organiser un mariage « traditionnel », dans une tente (das) et dont les invités se chiffrent à plusieurs centaines. Eux en revanche, plaident pour une célébration beaucoup plus intimiste mais cette formule reste encore très rarement retenue. Lʼendettement du jeune couple est souvent mentionné comme un argument pour organiser des mariages moins fastueux :

« Cʼest absurde de faire un mariage comme ça [la version soutenue par les parents de mon interlocuteur], ils veulent faire comme les voisins ou mieux encore et le résultat cʼest que moi et ma femme [tous deux au service national] nous débuterons notre vie ensemble avec une dette immense. Au lieu de faire une fête comme ça, cʼest beaucoup plus rationnel de collecter une telle somme dʼargent [dans son cas près de 15ʼ000 Nakfa] pour pouvoir nous installer et être indépendant ; avoir une maison et des meubles. Au lieu de cela, ils veulent faire une belle fête et en fin de compte on reste dépendants dʼeux car nous serons obligés de vivre avec eux. Ils ne pensent pas en terme dʼinvestissement. »

(Zeresenay, Asmara, avril 2005).

Le service national a déjà toutefois considérablement transformé le canon traditionnel de lʼorganisation des mariages. En effet, la répartition des frais entre les familles est bien différente de la version idéale-typique que mes interlocuteurs mʼont sans cesse rabâchée dans nos discussions à ce sujet. La transformation des complexes transactions matrimoniales et surtout la participation de la famille de lʼépoux aux frais encourus par la famille de lʼépouse22 semble avoir bien plus à faire avec les conditions relatives à

lʼintroduction dʼun service national prolongé quʼavec une nouvelle législation relative au mariage que le gouvernement essaie de mettre en application23.

En effet, les négociations matrimoniales aboutissent quelques fois à une diminution des frais encourus notamment par la famille de lʼépoux. Dans certains cas même, une partie de leurs frais peut être prise en charge par la famille de lʼépouse dʼautant plus si cette dernière peut mobiliser plus facilement de lʼaide financière dans son réseau familiale à 22. Il est canoniquement attendu que la famille de lʼépoux se charge d'offrir les ornements de l'épouse (msalam)(bijoux, habits, chaussures, parfums, etc.), le montant est rendu sous la forme de la dote (gäzmi) (ustensiles de cuisine, four, couvertures, etc.). Ces échanges, les frais encourus par les deux familles ainsi que leurs négociations se sont transformés à cause de la démobilisation des femmes mariées. Autrement dit, dans certains cas, le mariage conclu dans le but de démobiliser une femme augmente les frais encourus par la famille de l'épouse ou du moins diminue ses capacités de négociations (relatif par exemple au lieu de résidence de l'épouse démobilisée).

23. Depuis lʼindépendance, le gouvernement a formellement interdit toutes formes de transactions matrimoniales entre les familles. Il a également essayé dʼinterdire certaines festivités pré-matrimoniales (msonkat, s̀mq̄̆̄̆̆̄a). Enfin, les médias enjoignent régulièrement les citoyens à rester humbles dans leurs dépenses « ostentatoires » en raison de la difficile situation économique dans lequel laquelle est plongé le pays depuis la guerre contre l'Éthiopie.

lʼétranger. La raison principale de ces transformations est simple : le mariage dʼune fille permet dʼobtenir sa démobilisation.

Si le salaire dʼun ạgälglot est largement insuffisant pour couvrir ses besoins quotidiens en ville, quʼen est-il de ceux qui sont assignés à la campagne ? Comment font-ils pour se débrouiller avec 450 Nakfa par mois ? De manière générale, il est rare les individus soient assignés dans leur village dʼorigine. La plupart dʼentre eux sont enseignants dans les écoles primaires et secondaires. Dans cette situation durant quelques années, Rahel mʼexplique :

« La première année ça allait car jʼavais trouvé une chambre à 250 Nakfa que jʼai partagée avec une amie. On a partagé toutes nos dépenses mais lʼan lʼannée dʼaprès je me suis retrouvée toute seule : mon amie a été transférée dans un autre village. Un autre moyen mis en place par beaucoup de directeurs dʼécole consiste à récolter de lʼargent parmi les familles des étudiants. De cette manière jʼai reçu une fois 1500 Nakfa pour une année. Ça aide mais finalement cʼest absurde : ce sont les gens qui aident lʼÉtat plutôt que le contraire. »

(Rahel, Asmara, octobre 2006) Dʼautres fois, le village sʼorganise et loge les enseignants ; à tour de rôle des familles préparent leurs repas. Certaines écoles ont des locaux vides quʼoccupent gratuitement les enseignants. Dans un autre village où jʼai résidé, ils louaient deux locaux, lʼun pour les hommes et lʼautre pour les femmes. Ensemble, ils rétribuaient deux femmes (400 Nakfa/ mois) qui leur préparaient les repas mais ils leurs fournissaient en grande partie les aliments quʼils consommaient. Ainsi, un système de solidarité est mis en place dans les campagnes pour répondre aux besoins que le salaire des personnes assignées au service national ne permet pas toujours de couvrir.

Démobilisation

« La campagne Warsay Ykäạlo est tout simplement une autre manière de présenter le service national mais cʼest la même chose. Le gouvernement ne veut pas nous démobiliser. » (Eyob, mars 2005). La forme actuelle du service national rend assez difficile la présentation de ce que veut dire « être démobilisé » de nos jours en Érythrée. A lʼimage de lʼambiguïté qui entoure la distinction entre « civil » et « militaire », la distinction entre la mobilisation et la démobilisation souffre également dʼun manque de clarté qui produit de

nombreux malentendus. Il est en effet assez difficile de déterminer dans quelle mesure les individus qui poursuivent leur éducation à May Nehfi sont temporairement démobilisés comme cela était le cas auparavant pour celles et ceux suivaient un cursus universitaire : la loi spécifie que durant leur formation, les étudiants bénéficient dʼun report de leur service national (GoE 1995/82: art. 14).

Avec lʼintroduction de la campagne Warsay Ykäạlo et la militarisation de lʼéducation qui en est lʼune des facettes, force est de constater que les recrues sont considérablement plus contrôlées quʼauparavant et restent sous la tutelle étroite des Ministères de la défense et de lʼéducation. Une recrue qui suit des études supérieures de nos jours en Érythrée passe dʼabord plus dʼun an à Sawa, elle est ensuite transférée à May Nehfi pour trois ans à la fin desquels, elle débute son service national « actif » en étant assignée dans une institution étatique ou du Parti. Ce service qui est fixé à 18 mois et qui inclut le séjour à Sawa se poursuit largement au-delà de cette période légale. Dans le meilleur des cas, après trois ans dʼassignation dans une institution civile, cʼest-à-dire, lorsque la recrue se trouve en

ktät, elle peut réclamer à son ministère de tutelle dʼentreprendre un processus de

démobilisation qui dure au moins six mois ; période durant laquelle le salaire de la recrue nʼest pas versé. Tout compte fait, la mobilisation au service national est de sept ou huit ans au minimum.

Toutefois, la démobilisation (mt̀yas)24 ne signifie pas une levée complète des obligations

des individus qui ont effectués leur service national. Pour preuve, la déclaration du commissaire national pour la démobilisation en 2004, peu après le lancement de la campagne Warsay Ykäạlo : « According to Dr. Tekeste Fekadu, those who are in the government institutions have received the cards [de démobilisation] and are obliged to work in their institutions for two years (from 03/2003) according to their agreement. » (article cité in Hughes 2007: 22-23). Cet article publié sur le site internet du Ministère de lʼinformation (www.shabait.com) nʼest plus accessible à lʼheure où jʼécris ces lignes ; peut être parce que cette période de deux ans est révolue depuis longtemps mais que les individus « démobilisés » sont encore astreints à poursuivre leurs activités dans les institutions où ils ont étés assignés. Du coup, une nouvelle catégorie statutaire émerge lorsque lʼethnologue réclame des explications à ses amis encore en service :

« Tu peux recevoir une carte de démobilisation mais cela ne veux pas dire que tu es démobilisé. Tu reçois un salaire plus élevé mais ils ne te donnent pas le droit de quitter ton travail et de devenir indépendant. Personne actuellement est relâché [mfnaw ou released en anglais]. Cette démobilisation cʼest juste rien, cʼest faux. »

(Eyob, Asmara, mars 2005). 24. En tigrinya, mt̀yas signifie : « [...] a traditional form of mutual support where the family and other

Dans cette situation, les ạgälglot se considèrent encore en service (ktät) mais si lʼon veut, ils deviennent fonctionnaires de force. Ils touchent alors un salaire fixé par lʼÉtat sur un barême qui prend en compte leur niveau dʼéducation : un étudiant titulaire dʼun Bachelor touche 1ʼ450 Nakfa par mois (Gaim 2009: 69), un ạgälglot avec une formation pédagogique reçoit 1ʼ250 Nakfa mais un militaire assigné à un poste civil et démobilisé (un ancien combattant ou un ạgälglot vétéran de la guerre éthio-érythréenne) avec la même formation touche 300 Nakfa de plus. Ce salaire est accompagné dʼune somme nominale de « réintégration » sʼélevant à 4800 Nakfa que lʼindividu démobilisé touche peu après avoir reçu sa carte25.

Bien entendu la question qui se pose est de savoir si cette sorte de démobilisation met un terme aux obligations militaires. Pour les individus démobilisés la question reste entièrement en suspens mais force est de constater quʼils sont également bien conscients de la loi qui stipule que jusquʼà 50 ans, ils font partie de la réserve (GoE 1995/82: art. 26). Certains estiment aussi quʼun jour ils pourront être réassignés au Ministère de lʼéducation pour devenir enseignants26. Dʼautres encore évoquent ce qui sʼest passé en 1998 pour

des milliers dʼanciens combattants et de recrues du service national qui avaient été démobilisés : ils ont été convoqués à Sawa et ont participé à la guerre contre lʼÉthiopie. Enfin, pour les Érythréens de plus de 50 ans, la démobilisation est elle aussi bien relative. En 2006, le gouvernement en convoqua une centaine pour un cours de répétition.

Ainsi, savoir qui est vraiment démobilisé en Érythrée reste une question sans réponse claire et reflète le rapport quʼentretient le gouvernent actuel avec sa propre juridiction et ses lois. Cette ambiguïté qui entoure à la fois le statut militaire des individus au service national civil et la démobilisation explique pourquoi jʼai choisi à chaque fois de préciser le plus clairement possible la position et le statut de mes interlocuteurs au sein du service national, au-delà de la distinction faite entre civil et militaire (déjà en soi ambigüe). Il est en effet nécessaire de distinguer par exemple les individus en service actif de ceux qui sont démobilisés mais qui ne sont pas libérés de leur devoir national car leurs salaires et leurs droits sont significativement différents.

Plus important encore, la fluidité mais aussi lʼincertitude et lʼambiguïté qui entoure le statut des jeunes Érythréen en service – quʼils soient mobilisés, démobilisés, réassignés, remobilisés, déclarés partiellement inaptes ou relâchés – touchent en premier lieu ces personnes et leur compréhension de leur position dans le service national. Celle-ci ci peut