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Une réglementation nationale concernant lʼidentification de tous les ạgälglot existe pourtant. On la trouve dans la loi sur le service national9. Elle spécifie que lʼindividu

assigné au service doit être enregistré et quʼau terme de ce processus il doit être en possession dʼune carte : « In compliance with the forms and structures issued by the Ministry of Regional Administration, Administrative and Central Registrations will be established in all Regions, Sub-Regions and villages to carry out regular registration. [art. 10] [...] Likewise any youth who has completed the age 17 years is called upon to appear before the Registration Center of his area and register himself in advance to ensure his readiness. [art. 11(1)] The Head of the Registration Center after recording the identity of the person, he issues him with the National Service Registration Card reminding him that he should be ready for the training. [art. 11(2)] » (GoE 1995/82).

Or, ces dispositions nʼont jamais vu le jour en Érythrée. Le Ministère de lʼadministration régionale, responsable de la mise en place de cet enregistrement, fut démantelé progressivement à partir de 2001. Même à Sawa, les recrues ne reçoivent pas de carte dʼidentité attestant quʼelles sont engagées au service national. Dès lors que la « National

Service Registration Card » nʼexiste pas se pose la question du moyen de reconnaissance

des ạgälglot. Aucune autre loi ne fixe la question de lʼoctroi, de la validité et de la reconnaissance des autres documents que les individus au service national ont entre les mains.

Jusquʼen 2004, les individus assignés dans le civil se servaient de leur carte dʼécolier ou dʼétudiant, même lorsque celles-ci étaient expirées. Comme ils me lʼont indiqué, la lacune légale nʼavait au début aucune incidence sur leur vie : « Because when so many people show that ID, which could even be expired, the MPʼs simply let you go, thinking that your organization hasnʼt yet produced an ID for everyone. »(Dawit, messagerie instantanée, février 2008). Dans cette déclaration, Dawit estime que cʼest lʼinstitution dans laquelle les ạgälglot sont assignés qui doit produire un papier dʼidentification au lieu du centre dʼenregistrement que la loi mentionne. Une autre version du règlement est instaurée brutalement en novembre 2004, deux mois avant mon arrivée en Érythrée10 : « On

November 5, 2004, in what is now known as the ʻAdi Abeito incident,ʼ young urbanites were rounded up at several military road blocks in the city ; even a valid menkesakesy did not provide protection » (Treiber 2009: 97). A cette époque, seulement quelques institutions étatiques civiles délivraient déjà des laissez-passer à leur membre au service 9. art. 8 et 9 de (GoE 1991/11) et art. 10 et 11 de (GoE 1995/82).

10. Cet évènement a été largement signalé par les agences des droits de l'homme depuis les communiqués de Amnesty International (2004) et Awate.com (2004).

national. Mais pour la majorité des ạgälglot assignés dans le civil leur carte dʼétudiant – suffisante pour passer les contrôles – devint caduque dʼun jour à lʼautre. Dès lors, aux yeux de leurs détenteurs ces cartes nʼont plus de valeur :

« My Uni ID is expired and it is not good anyway because if you have this University

mänqäsaq̄äsi they [la police militaire notamment] see you with suspicious eyes. I have this

feeling actually, the MPʼs and authorities in general grew suspicious of the educational centers, like Uni, and other higher institutes. They fear that anyone from these institutes could fake or forge the mänqäsaq̄äsi or ID.

(Haile, Asmara, septembre 2006) La rafle de novembre 2004 est ressentie comme une mesure prise contre les Érythréens éduqués. Elle est vue – par les universitaires avant tout – comme sʼinscrivant dans la ligne des évènements de 2001 et de la fermeture de lʼUniversité ; cʼest-à-dire comme relevant dʼune politique implicite du gouvernement contre les intellectuels. Dʼun point de vue plus institutionnel, la rafle oblige lʼensemble des institutions étatiques à fournir un laissez- passer aux individus au service national. En quelque sorte, elle inaugure un nouveau régime bureaucratique de surveillance des conscrits. Le dispositif a sursauté : lʼensemble du service publique vient de se militariser un peu plus en adoptant le régime des

mänqäsaq̄äsi déjà en vigueur dans lʼarmée. On pourra alors penser que le contrôle vient

de se renforcer, je montre toutefois plus loin que techniquement, ce coup de vis est tout-à- fait relatif.

Les centaines de détenus effectivement assignés sont libérés au compte-goutte. Des parents préviennent les bureaux dans lesquels leurs enfants travaillaient. Puis chaque institution envoie un fonctionnaire avec une liste des ạgälglot assignés pour demander à la police militaire de libérer ceux quʼelle retient. Tout cela prend bien sûr plusieurs jours. Depuis, les ministères ont pris des mesures pour éviter de telles immobilisations de leur main-dʼœuvre. Cette rafle ne touche donc pas seulement les individus quʼelle ramasse, elle produit un effet sur les institutions qui les emploient.

Lʼarmée qui a orchestré cette opération a provoqué un effet de lisibilité en « réclamant » des autres institutions étatiques quʼelles indiquent plus clairement qui elles mobilisent. La rafle de 2004 a eu lieu en raison de lʼinexistence dʼune carte dʼidentification telle que la loi sur le service national le prévoyait et certainement à cause également de lʼaugmentation de la désertion des ạgälglot en service civil. Les institutions étatiques civiles ont dû trouver une alternative à lʼapplication de la loi ; un rafistolage qui a prit forme par lʼutilisation du laissez-passer. En dʼautres termes, cʼest un problème de lisibilité et de coordination entre les institutions étatiques qui me semble être au cœur de cette crise et de cette

transformation du dispositif de surveillance qui se bureaucratise. La rapidité avec laquelle les ministères ont dû réagir et sʼintégrer dans le dispositif a engendré toutefois des disparités qui nʼont pas fait lʼobjet dʼune harmonisation une fois le calme revenu. Chaque institution a déterminé sa procédure et la forme ainsi que le contenu des permis quʼelle allait délivrer11. Inventés sur le coup, ces objets bureaucratiques ad hoc que sont les

mänqäsaq̄äsi contiennent des informations personnelles et stipulent des validités

différentes dʼun ministère à lʼautre. Cette diversité accompagnée des multiples modifications que jʼai déjà évoquées tout comme les nombreuses raisons de couacs bureaucratiques viennent alors dʼemblée réduire le niveau de lisibilité (ou de « déchiffrabilité ») souhaité par les forces de lʼordre. En lʼespace de quelques jours la police militaire a non seulement incité le dispositif à se transformer techniquement et institutionnellement mais elle a instillé également de nouvelles peurs parmi les ạgälglot et leur famille12. Même en se pliant au devoir national, les ạgälglot sont devenus des sujets

potentiellement incarcérables.

Ces coups dʼéclat tout comme de plus petites modifications règlementaires ou les dysfonctionnements imprévus agencent et distribuent lʼeffroi. Ces évènements produisent dʼabord de lʼinsécurité et des extrapolations, puis lʼapparence dʼun nouvel ordre se dessine, certains réaménagent leur quotidien, dʼautres trouvent des moyens pour contrer ou annuler les effets du nouveau « règlement » jusquʼau prochain sursaut du dispositif de surveillance que personne bien entendu ne peut prévoir. Cette oscillation est fondamentale pour comprendre le déroulement de la vie quotidienne au service national. Elle se manifeste dans la multitude des mesures prises par les institutions étatiques, elle déstabilise les individus quʼelle touche et fait craindre ceux qui momentanément y ont échappé. Cette oscillation est une violence que Michael Taussig décrit ainsi : « I am referring to a state of doubleness of social being in which one moves in bursts between somehow accepting the situation as normal, only to be thrown into a panic or shocked into disorientation by an event, a rumor, a sight, something said, or not said – something that even while it requires the normal in order to make its impact, destroys it. » (Taussig 1992: 18). La rafle de novembre 2004 opère un changement dans le régime de lisibilité : les cartes expirées ne sont plus tolérées, les institutions doivent fournir des papiers valides même sʼils sont ad hoc et que la loi nʼest ainsi toujours pas appliquée. Pour mes interlocuteurs au service, la raison du changement dʼattitude des forces de lʼordre nʼest rien dʼautre quʼune mesure visant à combattre la fraude :

« The giffa was indiscriminate because MPʼs believed that all previous ID were being 11. Je note au passage que la manière dont ont été prises ces mesures contraste avec la représentation

extrêmement centralisée de lʼappareil décisionnel étatique quʼont souvent les ạgälglot.

12. Le Ministère de lʼinformation a reconnu officiellement la mort de deux individus lors de la rafle de Adi Abeyto, dʼautres sources parlent dʼune douzaine de victimes (Amnesty International 2004).

faked and grew suspicious not only of the Uni ID, but also of many other IDʼs as well. » (Dawit, messagerie instantanée, février 2008) Dans cette perspective il y a le laisser-aller quʼoccasionne lʼinapplication dʼune disposition légale : lʼabsence dʼune National Service Registration Card et lʼabsence de mesures de remplacement qui permettraient de contrôler efficacement lʼassignation des individus surveillés. Puis la méfiance émerge de cette situation : trop simple en effet de faire valoir nʼimporte quelle carte, même échue et qui nʼindique aucunement que son détenteur est bel et bien assigné. Avant fin 2004, les checkpoints nʼont tout simplement aucun moyen de contrôler lʼassignation des individus au service national civil. Mais en même temps que le contrôle se met en place pour les ạgälglot civils sʼinstaurent également de nouvelles possibilités dʼimpostures pour ceux qui souhaitent objecter ou déserter. Inévitablement, avec lʼémission de laissez-passer sʼinstaure également la possibilité de se cacher derrière eux. Autrement dit, les mesures prises par le dispositif de surveillance définissent également les façons dont ces dernières peuvent être déjouées. Veena Das reconnait ainsi ce paradoxe de la surveillance : « [...] state writing technologies institute the possibility of forgery, imitation and mimetic performances of its power. » (2004: 227). Le laissez-passer devient simultanément objet de contrôle et objet de falsification. La liste des techniques utilisées pour modifier ou reproduire lʼun ou lʼautre de ces laissez-passer est longue, elle mobilise des substances qui effacent, la ponction de papier à lettre dans des bureaux ou encore lʼusage dʼoutils de digitalisation. Je nʼen dirai pas plus. Les formulaires vierges ou les permis préimprimés ont aussi une valeur. Ceux de lʼarmée sʼéchangeaient en 2006 pour 700 Nakfa (40 USD au taux de change officiel, lʼéquivalent à ce moment dʼun demi-quintal de céréales sur le marché dʼAsmara). Il y a donc en circulation des faux, des vrais obtenus de façon irrégulière, et des vrais retouchés. Ils sont utilisés tant par les clandestins que par ceux qui se trouvent temporairement sans papier en raison de lʼun des dysfonctionnements bureaucratiques que jʼai mentionnés. Le doute sur lʼauthenticité des papiers ne doit pas seulement être rattaché à la possibilité de les falsifier. Comme je lʼai mentionné auparavant, ce doute apparaît également à cause de la profusion de solutions

ad hoc que la crise a produite. Le manque dʼharmonisation des laissez-passer et les

modifications qui interviennent de temps en temps rendent leur authentification difficile. Plus variés et assurément plus simples à falsifier, il faut alors se demander jusquʼà quel point les mänqäsaq̄äsi ont finalement permis de renforcer le contrôle des conscrits assignés au service civil.

Déstabilisations

En se renforçant, le dispositif de surveillance ne réduit donc pas le doute mais bien au contraire, il ne cesse de le stimuler et dʼaccroître son envergure en tentant de rendre plus lisible les statuts des uns et des autres. Plus que le contrôle, cʼest donc avant tout le risque dʼillisibilité (la difficulté de reconnaitre la validité et de lʼauthenticité) qui se trouve renforcé. Cette illisibilité nʼest donc pas simplement produite par des pratiques illégales et externes au fonctionnement des institutions. Tobias Kelly fait une remarque similaire à partir de son analyse dʼun dispositif de surveillance techniquement bien plus sophistiqué que celui qui nous intéresse ici (les contrôles dʼidentité aux checkpoints situés autour de Jérusalem) : « Borders controls, passports, checkpoints, visas and passenger lists are used by states as they seek to define and gain knowledge about the people under their control. Yet, rather than these processes allowing those who act in the name of the state to know who it is that they have in front of them, they have only led to increased suspicion and uncertainty, as real people become hidden behind layers of documentation. [...] Identity cards and security checks offer only a false refuge to those seeking to control populations. Rather than fixing people in place and making them more « legible » they make them more obscure and undefined. » (Kelly 2006:174).

En insistant toujours sur une amélioration de la fiabilité des informations quʼils produisent et vérifient, ces dispositifs sont en réalité bien plus fragiles et instables que nous pouvons le penser habituellement. Les pièces dʼidentité ou les permis ne permettent jamais avec certitude dʼinformer le contrôleur sur lʼidentité, lʼâge, lʼorigine, la fonction ou le statut du contrôlé et encore moins sur ses intentions ou sur ses convictions politiques (Jegannathan 2004: 76-79). Il suffit simplement de penser que les informations peuvent ne plus être dʼactualité, quʼelles peuvent avoir été falsifiées, quʼelles ont pu être erronément recopiées sur le document, ou encore quʼelles reposent sur des catégories non seulement limitées mais surtout trop floues (Eckert 2008: 15), sinon arbitraires, pour quʼelles représentent efficacement une réalité sociale. Dʼune part, les informations produites sur un document sont opaques et passablement limitées et dʼautre part, leur vérification nécessite des contrôleurs quʼils effectuent de nombreux jugements discrétionnaires (Coutin 2000, cité in : Kelly 2008: 115). Chacun de ces dispositifs construit, réinvente et renforce donc un problème de sécurité13 (immigration, terrorisme, maintien de lʼordre public lors

dʼévènements, etc.), précisément parce quʼils nʼarrivent jamais, ni à fixer des informations utiles et suffisantes sur un papier, ni à sʼassurer que les connaissances qui circulent sont fiables.

13. Cette remarque renvoie aux thèses avancées par Michel Foucault dans son cours « Sécurité, territoire et population » (Foucault 2009). On parle aussi de processus de securitisation lorsquʼun problème est thématisé comme une question de sécurité.

On sera alors tenté de conclure que lʼexercice du pouvoir, les mesures de coercition et la surveillance effective sont toujours incomplets. Thomas Blom Hansen écrit : « The Hobbesian idea of sovereignty - the power to make final and incontestable decisions within a territory and its population - must, in other words, be seen as a tentative and never completed endeavor that constantly struggles to halt its own fragmentation. » (2005: 172). Les mesures de contrôle et les technologies de domination mis en place par un État sont toujours potentiellement voués à lʼéchec parce quʼelles sont toujours détournables. Les grands projets de réforme et dʼorganisation des masses échouent au moins partiellement parce quʼils se bâtissent sur des simplifications de la réalité quʼils souhaitent contrôler (Scott 1998). Lʼintention de cumuler, de conserver et dʼutiliser des informations sur la population produit nécessairement des zones dʼombre (ou dʼillisibilité) et des pratiques illégales. Si lʼintention de Josiah Heyman et de Alan Smart est de souligner que « [...] the incompletness of formal states and the unlikelihood that they will entirely master they own and peopleʼs « illegal » maneuvers. » (Heyman & Smart 1999: 2), je voudrais pousser la réflexion un peu plus loin.

Comme je viens de le mentionner avec lʼexemple de la crise de novembre 2004, le dispositif de surveillance se transforme et cela produit toutes sortes dʼimprévus et dʼeffets involontaires qui auront des répercussions sur son évolution future. Michel Foucault parle de surdétermination fonctionnelle pour décrire ce type de processus : « chaque effet [engendré par le dispositif], positif ou négatif, voulu ou non voulu, vient entrer en résonance, ou en contradiction, avec les autres, et appelle à une reprise, à un réajustement, des éléments hétérogènes» (Foucault 1994: 299 ; cité in : Beuscart & Peerbaye 2006: 5). Il y a comme une constante fuite en avant, inhérente au fonctionnement dʼun dispositif : « le dispositif se trouve remobilisé pour gérer les effets quʼil a lui-même produits. » (ibid.). Cette réflexion est peut-être rassurante, mais à première vue seulement. Malheureusement, au second coup dʼœil, elle effraie. En effet, la caractéristique générale dʼun dispositif à devoir toujours combattre ce quʼil vient dʼinciter est bel et bien ce qui induit autant la déstabilisation réelle ou perçue des surveillés que leur anticipation, à juste titre, dʼun prochain sursaut répressif. Autrement dit, en produisant ses propres raisons dʼosciller et de se transformer, le dispositif sʼouvre précisément à cet exercice de la violence dont il a été question plus haut et que Michael Taussig a mis en lumière à plusieurs reprises à partir dʼexemples colombiens14. Il ne suffit donc pas de dire

que le dispositif de surveillance est toujours imparfait et quʼil produit aussi les conditions de sa malversation. Au-delà de ce constat, il faut souligner les effets de son incomplétude et de son inconsistance. Les continuelles transformations nécessaires pour maintenir dans une certaine mesure la fonction pour laquelle le dispositif a été mis en place fondent et 14. (Voir tout particulièrement son article sur la mise en place dʼun régime de terreur dans une concession

contribuent à renforcer lʼune de ses dimensions essentielles : il distille des craintes et des incertitudes à lʼintérieur mais aussi autour de lui. Avancer que le dispositif de surveillance des ạgälglot est redoutablement efficace, ce nʼest alors pas seulement se tromper sur son fonctionnement effectif, cʼest plus significativement manquer de voir une dimension essentielle du dispositif lui-même.

Inhérents au dispositif, la fraude, tout comme dʼautres phénomènes, invitent la suspicion et la méfiance au centre de son fonctionnement (Eckert 2006: 15 ; Kelly 2006: 117). Autrement dit, lʼensemble du dispositif de surveillance – en agissant contre la menace de lʼeffondrement du service national – produit ce quʼil est désormais courant dʼappeler des « inconnus connus » (known unknowns)15, cʼest-à-dire toutes sortes de choses que le

contrôleur, mais également le surveillé, sait ne pas savoir. Cʼest ce quʼil prévoit, ce quʼil suppose, ce quʼil imagine au-delà de lʼécran de fumée qui se trouve devant lui. La « lisibilité » des ạgälglot est en effet limitée : les doutes planent autour de leur réelle assignation et par conséquent les zones dʼombre envahissent la régularité ou la légalité quʼils revendiquent en présentant leurs mänqäsaq̄äsi à un checkpoint ou lors dʼun contrôle. Reconnaître cela, cʼest tout simplement remettre en question lʼimportance du rôle joué par le traitement de lʼinformation à lʼintérieur du dispositif de surveillance.

Or, à partir au moins des travaux de Max Weber sur la bureaucratie, il est généralement admis que les États modernes administrent et contrôlent une population en produisant et en utilisant des connaissances développée sur elle : « Bureaucratic administration means fundamentally the exercise of control on the basis of knowledge » (Weber 1991: 126)16. Ce

principe mis en œuvre dans la bureaucratie moderne articule savoir et pouvoir : la surveillance produit, utilise et vérifie des connaissances qui permettent de gouverner ceux qui se trouvent dans son champ de visibilité. John Torpey qui sʼest intéressé à lʼinvention du passeport écrit : « It is through written documents – such as identification papers – that much of the surveillance entailed by modern state administration is carried out: « [A]dministrative power can only become established if the coding of information is actually applied in a direct way to the supervision of human activities » ([Giddens]1987:47). » (Torpey 1998: 247). Enfin, pour les nombreux chercheurs qui se