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3 Des lieux d'exposition aux noyaux artistiques

Carte 3.9 : Localisation des lieux d'exposition recensés à Berlin en 2010

3.2 Définir des noyaux artistiques

3.2.2 De la variation des paramètres

Deux critères paramétrables entrent en jeu dans la définition des noyaux par la méthode du voisin le plus proche, celui de la taille des concentrations des lieux artistiques en fonction du nombre de lieux qu'elles regroupent et celui de la distance maximum au-delà de laquelle les lieux ne sont plus agrégés. Une série de tests a été réalisée afin de définir des nombres de lieux optimaux et des seuils de distance adaptés pour Paris et pour Berlin.

Le premier critère testé a été celui du nombre de lieux par agrégats. La densité des lieux artistiques contribue à la définition d'un pôle artistique. On a toutefois pu observer que les densités varient d'une part fortement entre différentes zones des agglomérations parisiennes et berlinoises et d'autre part, que la densité pouvait ne pas être un facteur déterminant dans la définition de l'attractivité d'un espace urbain du point de vue artistique, si celui-ci est par exemple marqué par la localisation d'un seul lieu dont l'attractivité est forte tel que le Mac/Val à Vitry-sur-Seine. Nous avons tenu compte du cas des lieux isolés en les intégrant à l'analyse après que des agrégats aient été définis, afin d'étudier les spécialisations fonctionnelles de l'ensemble des pôles.

Le seuil d'agrégation a été défini à partir du seuil des densités supérieures à la moyenne à Paris (1,7 lieu au kilomètre carré) et à Berlin (4,4 lieux au kilomètre carré), ainsi qu'à partir des observations empiriques et statistiques. On a fait varier le critère d'agrégation de deux lieux, seuil minimum de regroupement, à cinq lieux, ce qui correspond, pour un kilomètre carré à un seuil légèrement supérieur au seuil de forte densité observé dans les deux villes. D'un seuil minimum à deux lieux résulte un plus grand nombre de noyaux d'une plus grande diversité (tableau 3.18). Si l'on fixe le rayon de recherche à 500m, 26 agrégats sont définis à Paris, 36 à Berlin comptant dans les deux villes en moyenne 9 lieux, alors qu'on n'en trouvera que 20 à Paris et 26 à Berlin en fixant le seuil à 3 lieux et 11 à Paris, 15 à Berlin en le fixant à 5. Les densités moyennes au kilomètre carré, indice de concentration, diminuent en fonction du nombre de lieux minimum par centre et à mesure qu'augmente le rayon de recherche. Elles sont très fortes lorsque le rayon de recherche est inférieur à 500 mètres et que le seuil d'agrégation est fixé à 4 ou 5 lieux, mais le nombre de noyaux est alors réduit, ce qui correspond à la répartition des lieux d'exposition, où les importantes concentrations sur de petits périmètres sont peu nombreuses à Paris comme à Berlin.

On constate ensuite que l'écart-type des densités moyennes de lieux au kilomètre carré par noyau tend à diminuer lorsqu'on dépasse un rayon de recherche de 700 mètres à Paris comme à Berlin (tableau 3.19). À Berlin, l'écart est minimum lorsque le seuil d'agrégation est fixé à deux lieux. Si les noyaux définis sont moins différents en termes de densité, l'information est alors dispersée dans un plus grand nombre de petits regroupements lorsque l'on fixe le seuil à deux lieux. À Berlin, 34 noyaux sont définis lorsque, avec un rayon de recherche de 700 mètres, le seuil est de deux lieux, alors qu'on en compte 25 lorsque le seuil est fixé à 3 lieux. À Paris, les écarts-types diminuent à partir d'un seuil de trois lieux et un rayon de recherche de 700 mètres. Les écarts-types les moins importants apparaissent lorsqu'on fixe un seuil de regroupement à 3 lieux dans un rayon de 700 ou 750 mètres ou 4 lieux dans un rayon d'un kilomètre. Le nombre de noyaux défini reste lui relativement stable pour un même nombre de lieux minimum par agrégat, autour de 20 lorsque l'on fixe le seuil à 3 lieux. Le nombre de lieux pris en compte varie par contre fortement en fonction de la distance minimum. Après

avoir testé plusieurs configurations possibles, le seuil d'agrégation a été fixé à 3 lieux pour Paris comme pour Berlin, afin de montrer la diversité des formes de regroupement dans l'espace urbain et de tenir compte des concentrations de petite taille dans les espaces denses comme dans les espaces où les lieux d'art contemporain sont moins nombreux.

Le choix du rayon de recherche définit ensuite l'étendue des noyaux. De petits rayons de recherche permettent de souligner l'importance de noyaux de petite envergure dans l'espace urbain et de distinguer, dans les zones les plus denses notamment, un ensemble de concentrations distinctes autour de quelques rues comme à Mitte où dans le Marais. Un pas de distance inférieur à 700 mètres ne permet par contre pas de prendre en compte des lieux plus éloignés dont l'observation montre les interrelations et la proximité, même si elle se définit à une échelle légèrement plus petite. Pour montrer les polarités artistiques à une échelle fine tout en tenant compte de la diversité des situations selon la localisation dans l'espace urbain, nous avons confronté résumés statistiques et observations empiriques dans les deux villes. Le résumé des matrices de distance donne une idée des ordres de grandeur des distances des lieux les uns aux autres à Paris et à Berlin (tableau 3.19). On voit que les distances entre deux lieux sont en moyenne inférieures à Berlin, la distance moyenne entre deux lieux étant de 4 kilomètres, alors qu'elle dépasse 6 kilomètres à Paris, ce qui traduit une plus forte concentration des lieux à Berlin. Les écarts très importants entre les distances saisies deux à deux rendent toutefois cet indicateur difficilement utilisable pour autre chose que pour donner une idée des ordres de grandeurs. La distance minimum moyenne renseigne sur la proximité moyenne des lieux les uns aux autres. Les lieux les plus proches sont ainsi distants d'environ 300 mètres en moyenne dans les deux villes. Les lieux les plus éloignés sont distants d'environ 30 kilomètres dans les deux villes. Malgré une densité urbaine en générale plus forte à Paris qu'à Berlin, la densité et la concentration des lieux artistiques est légèrement supérieure à Berlin et les ordres de grandeurs des distances entre lieux artistiques apparaissent comparables.

Plusieurs essais ont été réalisés à la suite de ces observations statistiques pour choisir le rayon de distance permettant de mettre en évidence des pôles artistiques à l'échelle intra-urbaine (tableau 3.18, figure 3.4). Dans le cas parisien comme dans le cas berlinois, plus le rayon de recherche est petit, plus la taille des noyaux définis est petite. Le nombre de noyaux ne diminue par contre pas de façon régulière selon le rayon de recherche défini et on remarque qu'il varie moins rapidement à Paris qu'à Berlin (figure 3.4), ce qui peut s'expliquer par le fait des densités moyennes moins importantes à Paris qu'à Berlin. A Paris, le nombre de noyaux se stabilise à 20 lorsque le rayon varie entre 500 mètres et 750 mètres. La répartition de ces derniers n'est toutefois pas la même selon le pas de distance retenu. Un rayon de recherche réduit permet de saisir un degré de détail plus important dans les zones les plus denses. Avec un rayon de recherche fixé à 500 mètres, 20 noyaux sont définis dont 5 dans les communes de petite couronne et 5 dans les 3e et 4e arrondissements. Avec un rayon de 750 mètres, 20 noyaux sont également définis, mais seulement 2 dans les 3e et 4e arrondissements et 6 en petite couronne. À Berlin, avec une taille minimum de 3 lieux, un rayon de recherche de 500 mètres permet de prendre en considération une proportion plus importante de lieux qu'à Paris (74% à Berlin, 62% à Paris avec les mêmes seuils), ce qui montre encore une fois une concentration plus forte des lieux d'art. Le nombre de noyaux oscille entre 25 et 30 entre 250 et 750 mètres de rayon

d'agrégation, puis diminue fortement une fois le seuil de 750 mètres dépassé. Le nombre de lieux par noyaux est également relativement stable, autour d'une dizaine de lieux à Paris comme à Berlin lorsque le rayon de recherche varie entre 500 et 750 mètres. Les variations de densité mettent en évidence les différences de concentrations entre les noyaux définis suivant le rayon de recherche. Si les lieux sont agrégés dans un rayon inférieur à 500 mètres, la concentration qui en résulte dans les noyaux est très forte et les noyaux ainsi définis sont avant tout ceux que l'on peut observer dans les zones les plus denses des deux agglomérations. Si l'on retient un pas de distance supérieur, la concentration au sein des noyaux définis est moins importante mais la superficie de ceux-ci l'est davantage et permet de mieux saisir la diversité des cas de figure entre les concentrations les plus denses de Mitte à Berlin ou du Marais à Paris et les concentrations existantes moins denses des zones centrales ou péricentrales comme à Kreuzberg, dans le cas berlinois ou Bastille dans le cas parisien.

Tableau 3.18: Variation des paramètres d'agrégation

Rayon de recher che Seuil d'agré gation Paris Berlin Nombre de noyau Nombre de lieux pris en compte Nombre moyen de lieux par noyau Densité /km2 par noyau Écart-type densité Nombre de noyau Nombre de lieux pris en compte Nombre moyen de lieux par noyau Densité /km2 par noyau Écart-type densité 250 2 23 170 7 300 365 42 328 6 261 750 250 3 16 150 9 308 287 30 232 7 434 868 250 4 11 132 12 418 283 19 190 10 566 1062 250 5 8 118 16 444 225 14 166 12 643 1226 500 2 26 226 9 111 291 36 327 9 119 287 500 3 20 209 10 66 91 26 300 12 87 108 500 4 15 191 13 82 101 20 280 14 94 117 500 5 11 174 16 103 110 15 259 17 116 128 700 2 31 259 8 44 63 34 350 10 39 62 700 3 20 232 12 39 44 25 328 13 48 70 700 4 16 216 14 45 48 22 317 14 54 73 700 5 13 202 16 51 52 16 292 18 68 81 750 2 31 260 8 31 62 37 367 9 40 62 750 3 20 234 12 37 44 28 345 12 46 69 750 4 15 215 14 45 49 21 321 15 60 75 750 5 12 201 17 51 53 15 295 20 72 81 1000 2 30 289 9 28 54 30 371 13 37 86 1000 3 24 274 11 33 59 20 344 18 52 104 1000 4 18 255 14 28 43 16 339 21 61 112 1000 5 14 236 17 30 48 15 335 22 63 115

Tableau 3.19 : Résumé des matrices de distance des lieux deux à deux Paris Berlin Distance moyenne (en mètres) Distance maximum (en mètres) Distance minimum (en mètres) Distance moyenne (en mètres) Distance maximum (en mètres) Distance minimum (en mètres) Moyenne 6146 17600 352 4254 19258 278 Maximum 14949 28140 4369 17800 30358 5039 Minimum 3980 14197 2 2856 16453 8

Lecture du tableau 3.19 : La matrice résumée des distances fournit un tableau des distances moyennes, maximums et minimums lieu par lieu. Le tableau 3.19 présente le résumé de la matrice et se lit de la manière suivante : « la distance minimum séparant un lieu des autres lieux artistiques est en moyenne à Paris de 352 mètres. Elle atteint au minimum 2 mètres et au maximum 4 kilomètres »

Source : Base de données de l'auteure. Détail cf. tableau 3.3

Figure 3.4 : Variations du rayon de recherche et définition des noyaux

Source : Base de données de l'auteure. Détail cf. tableau 3.3

Les pas de distance compris entre 500 et 1000 mètres permettent de saisir des concentrations à une échelle fine et les variations de pas entre ces seuils modifient peu les caractéristiques des noyaux définis dans les deux villes, ce que montre la stabilité des courbes dans cet intervalle. L'échelle

d’observation, lorsqu'on se situe entre ces seuils, reste la même. Le degré de concentration, la forme des noyaux et leur étendue varient quant à eux en fonction du rayon de recherche choisi. Les tests effectués sur différentes zones des agglomérations parisienne et berlinoise nous ont permis de définir pour chacune des villes le pas de distance le mieux à même de rendre de compte des concentrations observées empiriquement (figures 3.5 et 3.6). L'objectif est de permettre une lecture de la répartition des lieux d'art qui rend compte des différents degrés de concentration dans l’ensemble des agglomérations parisienne et berlinoise et permet d'analyser les caractéristiques des différents regroupements en terme de nature et de fonctions des lieux. Pour ce faire, nous avons cherché à prendre en compte aussi bien des regroupements de petite taille comme à Neukölln à Berlin, ou à Créteil, à Paris, que des concentrations importantes et déjà bien identifiées comme celles de du Marais à Paris ou de la Spandauer Vorstadt à Berlin. En faisant varier le rayon de recherche entre 500 et 1000 mètres, qui correspondent à des distances courtes au regard des distances inter-lieux, on met en évidence un nombre important de petites concentrations dont les formes évoluent en opérant des variations minimes. Certaines configurations résultant de la classification spatiale hiérarchique des lieux rendent mieux compte que d'autres de la réalité de la structure des lieux artistiques d'une part, de l'organisation des espaces urbains d'autre part.

A Berlin, les trois zones test de Mitte, Kreuzberg et Neukölln sont situées dans trois quartiers où l'implantation artistique présente des caractéristiques différentes : très dense à Mitte, elle l'est moins à Kreuzberg et à Neukölln où elle est souvent restreinte à certains petits quartiers qu'il est intéressant de marquer pour saisir les discontinuités de l'implantation des lieux d'art (figure 3.5). Un seuil de 500 mètres conduit à définir de petits noyaux multiples et denses, ce qui permet d'opérer des distinctions très fines, à l'échelle de quelques rues. Un seuil de 500 mètres permet par exemple de distinguer, à Mitte, les galeries situées à l'Ouest de la Friedrichstrasse et à celles situées à l'Est. Il ne permet par contre pas de prendre en compte des ensembles de lieux plus récents mais moins denses comme à Neukölln. Un seuil de 700 mètres convient pour observer des concentrations à une échelle fine tout en offrant un degré de généralisation suffisant pour regrouper les lieux d'art de micro-quartiers voisins et de définir une échelle d'analyse intermédiaire entre le Kiez et l'arrondissement, comme dans le cas de Neukölln, où le Reuterkiez et le SchillerKiez se trouvent regroupés et où un autre regroupement apparaît plus au Sud, alors que si on fixe le rayon de recherche à 500 mètres, les deux Kieze sont distingués, mais les lieux proches du Ring n’apparaissent plus regroupés. Si on augmente le pas de distance de 50 mètres, des limites existant dans l'espace urbain comme le Landwehrkanal, qui constitue un axe et une frontière urbaine naturelle entre Kreuzberg et Mitte tendent à être moins visibles du fait que les noyaux définis sont contigus. Les noyaux définis lorsqu'on fixe le seuil à trois lieux d'art contemporain et le rayon de recherche à 700 mètres permet à Berlin de définir des noyaux de petite taille où la concentration est importante et de rendre compte des distances et des proximités au sein des différents contextes urbains d'implantation.

Dans le cas parisien, les trois zones test correspondent à des espaces urbains et à des contextes d'implantation des activités artistiques différents : la zone dense du centre parisien où se regroupent un grand nombre de petites structures, Montreuil, commune limitrophe de Paris où plusieurs lieux d'exposition de nature différentes sont installés sur une étendue plus importante que dans le centre

parisien et qu'il est intéressant de considérer conjointement, et enfin le Sud parisien, où on observe des regroupements de lieux artistiques sur plusieurs communes, comme entre le Kremlin-Bicêtre et Gentilly, ainsi que de petites concentrations de galeries comme à Cachan. Un pas de distance de 500 mètres conduit à mettre en évidence les très fortes concentrations du centre et quelques petites concentrations dans le centre de communes de petite couronne comme à Boulogne Billancourt. Dans le centre, un pas de distance peu élevé permet un degré de détail important et on peut par exemple, en fixant le rayon de recherche à 500 mètres, traiter les concentrations de galeries autour de Beaubourg et autour de la Place de Thorigny séparément. Malgré un degré de détail élevé, certains regroupements ne reflètent pas la réalité de l’existence de limites physiques dans l'espace urbain comme la Seine dans le cas du regroupement du Musée de l'Orangerie avec les galeries de la rue du Bac. Dans le cas de Montreuil, où plusieurs lieux d'exposition sont implantés et où quatre sont regroupés dans un rayon de moins d'un kilomètre du Bas Montreuil à la Croix de Chavaux, un rayon de recherche de 500 mètres ne met en évidence aucun regroupement alors que si on utilise un pas de distance plus important, on peut saisir une concentration de lieux d'exposition significative en pratique. Un rayon de recherche de 1000 mètres permet de saisir des regroupements moins denses de la périphérie mais conduit, comme on peut le voir pour l'exemple du Marais, à des contiguïtés voire des chevauchements qui altèrent les possibilités de distinguer entre les différents pôles que l'on observe empiriquement. Le choix d'un rayon statistique de recherche de 750 mètres, très proche finalement de celui de Berlin, permet à Paris de définir de nouvelles entités spatiales à partir des regroupements de lieux en prenant en compte un grand nombre de lieux dans ces noyaux et de mettre en évidence des concentrations de lieux sur de petits périmètres là aussi importantes. 70% des lieux d'exposition recensés appartiennent à l'un de ces noyaux. Les autres lieux, plus isolés sont pris en considération individuellement.

Un rayon de recherche fixé à 700 mètres à Berlin et à 750 mètres à Paris se révèle satisfaisant pour mettre en évidence des concentrations de lieux d'art à une échelle fine qui permet de montrer de petits « quartiers » artistiques de dimension variable. Ces noyaux, de nature, d'étendue, de densité différentes constituent une échelle d'analyse pertinente pour interroger les spécialisations fonctionnelles et les dynamiques des lieux artistiques en tenant compte de l'importance des logiques de concentrations de ces derniers et de valider l'observation empirique de l'existence de pôles artistiques à Paris et à Berlin. Il est indispensable, pour interpréter les formes et la localisation des noyaux ainsi définis, de comprendre ce découpage spécifique aux lieux d'art en regard des contextes urbains des deux villes.

Figure 3.5 : Variations du rayon de recherche dans trois zones test à Berlin