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2 Les lieux de l'art contemporain au défi d'un recensement

2.1 Des sources disponibles à une base de données originale

2.1.1 Pourquoi créer une base de données ?

L'entrée retenue pour construire cette base de données est une entrée par les lieux, privilégiée également par les travaux de géographes s'intéressant à l'organisation urbaine des lieux artistiques (Gilabert, 2004; Grésillon, 2002; Lucchini, 2002). L'analyse des sources existantes montre leur disparité et la nécessité de croiser les informations, mais aussi des indicateurs rarement mobilisés.

L'activité des scènes artistiques contemporaines se matérialise à Paris et à Berlin dans des lieux d'art autour desquels gravitent des acteurs nombreux, aux pratiques variées. Parmi ces lieux, les lieux d'exposition ont une fonction d'interface particulière, sociale d'une part, entre professionnels de l'art contemporain, spécialistes, amateurs... mais aussi géographique, puisque c'est là où convergent un temps les mouvements de ces différents acteurs, des publics aux artistes en passant par les commissaires d'exposition et les œuvres d'art elles-mêmes. Parler de lieu d'exposition fait appel à des représentations classiques de ce dernier comme le musée où la galerie d'art. L'expression prend un sens bien plus large si l'on considère la variété des formes de monstration de l'art contemporain allant de l'exposition sur cimaises à la performance, et si l'on considère tous les lieux, spécialisés ou non, où l'on montre l'art contemporain à l'heure actuelle. Il peut tout aussi bien s'agir d'un lieu pérenne ayant pignon sur rue ou bien de lieux éphémères réinvestis le temps d'un festival. Lorsque l'on parle de lieux d'exposition, il faut donc entendre l'ensemble des lieux organisant, même de façon ponctuelle, des expositions ou tout autre événement ayant la même fonction de présentation des œuvres, ce qui suppose de prendre en considération simultanément une grande variété de lieux. Il n'existe cependant pas de base de données existante qui permette de considérer les lieux d'exposition dans leur ensemble. Les lieux d'exposition sont en effet très divers et leurs modes de référencement le sont tout autant. La disparité des sources statistiques relatives aux lieux d'art contemporain est illustrée dans le tableau 3.3, qui synthétise les différentes sources existantes et les types de lieux qu'elles renseignent. Il montre une information segmentée entre les différentes institutions tutélaires qui rend indispensable le croisement des sources. Par ailleurs, de nombreux lieux artistiques comme les ateliers ou les lieux « off » (Vivant et Charmes, 2008) n'apparaissent pas dans les sources officielles ou sont peu visibles du fait de leur création récente, de l'hybridité de leurs activités qui rend plus difficile leur identification, de la nature de leurs acteurs qui se tiennent en marge des circuits officiels ou du fait qu'ils n'ont pas, en dehors d'un événement particulier, de qualité artistique prédéfinie. Un des objectifs de l'élaboration d'une base de données est donc, dans un premier temps, de rassembler une information disparate, de l'homogénéiser, pour permettre une analyse d'ensemble et comparée des caractéristiques des lieux et des acteurs à Paris et à Berlin.

Tableau 3.2 : Principales sources d'informations statistiques relatives aux lieux d'art à Paris et à Berlin Sources Galeries et autres lieux marchands Musées et centres d'art Ateliers et autres lieux de production Nationales France Ministère de la culture et de la communication DEPS X X DRAC X CNAP X X X

Maison des Artistes X

Bund Kulturportal X

BBK X

régionales

Île de France

Conseil Général d'Île-de-

France X

IAURIF X

Land de Berlin

Direction des affaires culturelles du land de

Berlin76 X X

Municipales

Ville de Paris : direction des affaires

culturelles X X

Communes de petite couronne X X X

Services culturels des Bezirke X X

Le choix des lieux d'exposition comme éléments centraux d'une géographie de l'art contemporain repose sur l'hypothèse qu'ils constituent des indicateurs de centralité artistique et urbaine prépondérants tant par leur organisation spatiale dans la ville que par les mouvements qui les caractérisent. La dimension événementielle qui caractérise ces lieux apparaît ainsi comme une dimension essentielle de leur attractivité qui entraîne des mouvements des publics, des organisateurs, des œuvres et des artistes. Si l'importance de la dimension événementielle dans l'attractivité touristique des lieux et dans les projets urbains est soulignée par les géographes depuis quelques années (Di Méo, 2001, 2005; Duhamel et Knafou, 2007; Gravari-Barbas et Jacquot, 2007), la dimension éphémère des événements rend toutefois leur mesure complexe (Elissalde et al., 2011). La richesse de l'information géographique que l'on peut saisir à travers cette dimension – la provenance des publics, des artistes, l'échelle de rayonnement des événements – est qui plus est rarement exploitée (Veschambre, 1998). La dimension événementielle peut se révéler riche d'enseignements, autant du point de vue des temporalités dans lesquelles s'inscrivent les acteurs de l'art, que du point de vue de l'insertion dans des réseaux d'échanges artistiques qu'elle peut mettre en avant (Veschambre, Op. Cit.).

Il peut s'agir d'échanges à différentes échelles et ceux-ci sont très peu renseignés par des sources statistiques. Les sources statistiques concernant la mobilité des artistes sont élaborées dans le cadre de projets spécifiques et il n'existe pas de données prenant en compte l'ensemble des pratiques de 76 Senatskanzlei kulturelle Angelegenheiten

mobilités artistiques, tous secteurs confondus, à l'échelle métropolitaine, ni même à l'échelle nationale. Le développement d'aide à la mobilité artistique en France, en Allemagne et au niveau européen par le biais de projets comme les Pépinières Européennes de Jeunes Artistes ou Apolonia met en évidence l'importance de ce type de mobilités, dont de récentes études, comme celle réalisée dans le cadre du projet européen « Artists' moving and learning » (Amilhat-Szary et al., 2010), soulignent la spécificité. Les études existantes concernent cependant essentiellement les arts du spectacle, même si les arts visuels tendent à être dans les études récentes davantage pris en compte (Polacek, 2007; Staines, 2007).

L'indicateur statistique le mieux renseigné à l'heure actuelle pour saisir les échanges artistiques est celui des échanges, des ventes et des prêts d'œuvres mais là encore les données sont éparses et souvent le fait d'une institution ou d'un domaine artistique particulier. Les sources statistiques officielles internationales, européennes et nationales consultées77 publient des données concernant les échanges marchands de biens culturels – dont les œuvres d'arts visuels – mais celles-ci présentent un niveau d'agrégation trop important pour permettre de caractériser la position de Paris et de Berlin dans ces échanges. Un second objectif de l'élaboration d'une base de données est ainsi de prendre en considération les information liées à l'activité événementielle.

Quelles sources mobiliser dès lors pour tenir compte, à l'échelle des métropoles parisienne et berlinoise, de lieux aux degrés de visibilité très variables et des événements qui y sont organisés ?