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Localisation des lieux d'exposition recensés à Paris en 2010

3 Des lieux d'exposition aux noyaux artistiques

Carte 3.7 Localisation des lieux d'exposition recensés à Paris en 2010

3.1.2 À Berlin, un ou des centres ?

Les lieux d'exposition d'art contemporain apparaissent comme à Paris, largement concentrés dans la zone centrale de l'agglomération (cartes 3.8 et 3.9). Si la concentration dans la zone centrale est plus importante qu'en périphérie, la tension entre concentration et dispersion ne met toutefois pas en

évidence une organisation centre-périphérie aussi marquée que dans le cas parisien, mais plutôt une organisation multipolaire que montre d'emblée la carte des densités (carte 3.8). Les zones où les concentrations sont les plus fortes sont situées dans le centre, à Mitte, mais aussi dans les Bezirke de Charlottenburg, à l'Ouest, de Kreuzberg, au centre-Est, et de Wedding au Nord. Les densités apparaissent légèrement plus fortes à Berlin qu'à Paris. En appliquant la même méthode de discrétisation qui s'appuie sur les cinq percentiles extrêmes et sur les quartiles, on observe en effet que la classe qui comprend les arrondissements les plus denses compte de 20 à 67 lieux au kilomètre carré dans le cas de Berlin, alors que les 5% des arrondissements parisiens les plus denses comptent de 12 à 60 lieux au kilomètre carré. Lorsque les deux classes autour de la moyenne comptent des arrondissements aux densités allant de 0,5 à 4,4 lieux au kilomètre carré, la moyenne étant de 1,6 à Berlin, elles vont de 0,25 à 1,7 lieux au kilomètre carré à Paris, la moyenne parisienne de 0,8 étant inférieure de moitié à la moyenne berlinoise. Dans certains statistische Gebiete, maillage statistique officiel qui permet d'obtenir un degré de détail comparable à celui offert par les arrondissements parisiens87, la densité peut aller de 20 à 67 lieux au kilomètre carré, dans deux arrondissements du Nord de Mitte (à la limite des Bezirke de Wedding au Nord-Est et de Pankow, au Nord-Ouest) et du Nord de Kreuzberg (à la limite de Mitte). Ces deux noyaux les plus denses correspondent comme à Paris à des centralités urbaines commerciales et patrimoniales. La distinction entre les parties Est et Ouest de la ville est encore en partie lisible à travers l'existence de densités très fortes à Mitte, ancien centre de Berlin-Est et Kreuzberg ancien Bezirk de l'Ouest ainsi qu'à travers les densités fortes à Charlottenburg. Le gradient de densité de lieux d'exposition diminue de façon continue depuis les centres les plus denses, qui correspondent aux anciens centres de Berlin Est, pour Mitte, et de Berlin-Ouest, pour Charlottenburg, ainsi qu'à des centralités urbaines et culturelles qui s'affirment, comme autour de la Potsdamerplatz (Grésillon, 2002). Ce gradient semble montrer, lorsqu'on observe les densités à l'échelle des statistische Gebiete, plus qu'une fracture entre des pôle distincts, une continuité dans le centre de Berlin qu'assure l'existence de lieux d'exposition le long des grands axes reliant l'Est et l'Ouest comme la Kantstrasse ou Oranienstrasse et le Nord et le Sud comme la Potsdamerstrasse ou Friedrichstrasse.

Le centre le plus dense que l'on observe au Nord de Mitte (carte 3.8) correspond aux fortes densités de lieux d'exposition de la Spandauer Vorstadt, qui dépassent 67 lieux au kilomètre carré, où les galeries sont très concentrées autour de quelques rues comme la Auguststrasse, Brunnenstrasse ou Linienstrasse (Carte 3.9). Comme dans le cas parisien, cette concentration peut être comprise au regard de la forte spécialisation des galeries d'art contemporain. Celles-ci se sont installées à Mitte depuis le début des années 1990, comme la galerie Deschler dans la Auguststrasse ou plus récemment, depuis le début des années 2000, comme le MMX Open Art Venue, installé en 2010 dans la même rue. Elles ont largement contribué au renouveau du quartier, profitant des opportunités immobilières de l'Est pour s'installer dans les quartiers centraux marqués par une activité culturelle et contestataire importante avant la chute du mur (Grésillon, Op. Cit.). Le quartier fait désormais figure de quartier touristique dont le processus d'embourgeoisement est presque totalement abouti (Krajewski, 2004). Des densités fortes sont également observables du Nord de Mitte à Prenzlauer 87 La superficie moyenne des statistische Gebiete est de 4,6 km2, celle des communes et arrondissements de Paris et de

Berg, c'est-à dire dans un ensemble de quartiers qui a connu une gentrification forte et où la présence d'autres activités créatives est avérée, comme dans la Kastanienallee, qui relie la Spandauer Vorstadt et Prenzlauer Berg (Lange, 2007).

Les quartiers de l'ancien Berlin Ouest, de Charlottenburg à Kreuzberg connaissent également des concentrations fortes de lieux d'exposition. Leur implantation, qui s'est faite à des moments différents de l'histoire de Berlin, n'obéit dans ces deux quartiers toutefois pas exactement aux mêmes logiques. Les lieux d'exposition installés dans les Bezirke centraux de l'Ouest allant de Charlottenburg à Kreuzberg marquent la persistance d'une organisation duale qui s'est renforcée avec la séparation de la ville après-guerre. On y observe, au regard de la localisation des lieux (carte 3.9), comme à Paris, plusieurs noyaux. Le premier et le plus important se situe entre le Tiergarten et Zoologischergarten, des grands axes Est/Ouest de Charlottenburg : le Kurfürstendamm, « champs Elysées » de Berlin-Ouest et Kantstrasse, autour de Savignyplatz et dans les rues voisines. De nombreuses galeries y sont installées, certaines depuis les années 1960 comme la galerie Brockstedt, d'autres plus récemment comme la galerie Iris Schuhmacher, depuis 2007. Les galeries de Charlottenburg ont, pour un grand nombre d'entre elles, pignon sur rue et font partie des acteurs importants du marché de l'art contemporain berlinois, même si ce noyau peut être considéré comme en perte d'activité par rapport aux galeries de Mitte (Grésillon, Op. Cit.). On compte également plusieurs musées installés autour du Château de Charlottenburg, plus au Nord. Cette petite concentration de musées et des ateliers du Haus K19 marque un pôle culturel patrimonial et artistique autour du château. Elle explique la densité moyenne que l'on observe au Nord de Charlottenburg, en orange sur la carte 3.8. Un second groupe d'une vingtaine de lieux d'art, moins important, apparaît dans le quartier du Tiergarten, à la limite entre Schöneberg, Kreuzberg et Charlottenburg. Il correspond à un ensemble de galeries installées dans les années 2000, le long de l'axe de la Potsdamerstrasse ainsi que d'un musée datant du début du vingtième siècle, le Freies Museum. Il est situé dans le prolongement de la Potsdamerplatz, de ses musées comme la Neue National Galerie, et des autres établissements culturels berlinois majeurs tels que la Staatsbibliothek, bibliothèque nationale, et la Philarmonie. Ce pôle de taille secondaire fait la jonction entre Charlottenburg, pôle culturel ancien de l'Ouest et Kreuzberg.

L'axe de la Yorckstrasse et les rues situées autour de Kleistpark, à la limite entre Schöneberg et Kreuzberg a vu de nombreux artistes s'installer et des initiatives pionnières comme celle de la Produzentengalerie GrossGörschen 35 s'y développer (Ohff, 1985). Foyers de culture contestataire à l'Ouest, Schöneberg (et notamment les secteurs de Nollendorfplatz et Kleistpark) et Kreuzberg se sont affirmés à la fin du vingtième siècle comme des centres culturels majeurs (Grésillon, Op. Cit.). L'installation de galeries le long du Landwehrkanal, au Nord-Ouest de Kreuzberg et jusqu'aux limites du Bezirk avec celui de Mitte, dans la Friedrichstrasse, traduit l'émergence d'une centralité culturelle à proximité des centres plus établis, comme Unter den Linden. Les galeries installées dans ce secteur le sont pour certaines depuis la fin des années 1990. Depuis le début des années 2000 l'arrivée de nouveaux galeristes comme Jan Wentrup (2004) est patente et contribue à l'attractivité de ce secteur. Ce dynamisme renforce la position de Kreuzberg comme pendant légitime et dense de son voisin de l'Est. C'est en effet dans la partie Nord-Ouest de Kreuzberg, à la limite de Mitte que l'on trouve le second pôle d'exposition d'art contemporain le plus dense après la Spandauer Vorstadt où la densité

est de 21 lieux en moyenne au kilomètre carré. Situé à proximité d'un quartier marqué par la présence des grands groupes de presse et d'édition berlinois tels que celui d'A. Springer, les galeries et les centres d'art situés dans ce secteur contribuent à en faire l'un des centres médiatique et culturel majeur de la ville.

Un axe Ouest/Est, de Kochstrasse à Oranienstrasse relie ensuite l'Ouest et l'Est de Kreuzberg. Les fortes densités que l'on observe de l'Est de Kreuzberg au Nord de Neukölln correspondent en réalité à deux noyaux séparés par le canal. Le premier, le plus au Nord, est situé dans la continuité de l'axe de la Sprée et d'Oranienstrasse, jusqu'à Schlesisches Tor, où de nombreux lieux d'art contemporain de différente nature côtoient d'autres acteurs de l'économie culturelle berlinoise (Krätke, 2002). Un second petit pôle se dessine à la limite de Kreuzberg et de Neukölln, s'étendant de part et d'autre du canal, dans le Reuterkiez surtout, pour Neukölln et au Sud du Görlitzerpark, côté Kreuzberg.

Comme dans le cas parisien, la répartition des lieux d'art contemporain obéit dans le cas de Berlin à des logiques de concentration dans les centres culturels établis, comme à Mitte et Charlottenburg, dans des pôles récents qui s'affirment, comme à Kreuzberg et dans des pôles que l'on voit émerger depuis moins de dix ans en périphérie proche des Bezirke centraux comme à Wedding ou Neukölln. L'observation des densités montre les directions de la diffusion des lieux d'art et leur localisation permet d'ores et déjà de saisir certaines dynamiques d'implantation. Dans le cas parisien comme dans le cas berlinois, l'observation de la répartition ponctuelle des lieux ainsi que celle des densités donne une première vision d'ensemble d'une répartition avant tout centrale des lieux d'art. On voit aussi, grâce à ces premières observations, apparaître des logiques de concentrations qui invitent à analyser les ensembles de lieux qui se dégagent, pour en interroger les dynamiques communes et les éventuelles interactions entre ces différentes concentrations. C'est en ce sens qu'il nous a semblé nécessaire de mener une analyse à l'échelle plus fine des noyaux artistiques. La définition de ces noyaux à partir d'une analyse de la distance des lieux entre eux permet de mener une analyse à l'échelle mésogéographique des pôles urbains.