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4.2 La mobilisation des composantes d’un contrôle opérationnel

4.2.4 Un contrôle sur les nombres et les opérations

Ce contrôle54 implique de faire appel aux connaissances de certaines règles ou opérations lors des calculs.

L'élève se centre sur les nombres et les opérations en les décontextualisant de l’espace problème. Nous avons principalement observé des exemples liés à la manipulation des nombres lors des calculs mentaux, aux règles et étapes de la division « par crochet » et à la justesse des calculs.

Loïc et Charles présentent la même règle, celle de manipuler les nombres en modifiant temporairement l’ordre de grandeur de ces nombres. Par exemple, Charles mentionne « J'ai fait 4 X 4...16, pis là, je rajoute un 0 » pour

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faire le calcul 4 fois 40 est égale à 160. Cette manipulation met en jeu les valeurs positionnelles et traduit un contrôle sur les nombres grâce aux règles que l’élève mobilise pour faciliter les calculs mentaux.

D’autres élèves vont plutôt expliciter la technique de division, pour s’assurer que les étapes sont bien suivies, une à une. C’est le cas de Vincent pour le problème Tartes.

Figure 33 : Traces écrites de Vincent de 8 divisé par 6

Vincent explique comment, par la répétition des règles de la procédure, il en arrive à voir qu’il s’agit d’un nombre périodique.

« J'ai commencé par 8 divisé par 6...8 moins 6, ça donne 1 [il obtient le quotient 1 qu'il place en dessous du crochet], fait que là, égale 2 [8-6 = 2], pis là, vu que 6 ça se divise pas par 2...en fait 2 ça se divise pas par 6, je mets un zéro, je mets une virgule, 3, 20 fait que là ça me donne 3 [le quotient de 18 divisé par 6], ça me donne 2 [20-18 = 2], fait que là faudrait que je mette encore 0, fait que là ça me donnerait encore 3, encore 3, encore 3... » (Vincent, Tartes)

Vincent indique les étapes mobilisées dans cette procédure et il identifie que l’une d’elles, le fait d’ajouter un 0 à la différence 20-18 = 2, est itérative. Cette observation lui permet d’accepter le nombre périodique 1,3, de le réduire ensuite au dixième près pour ensuite ne travailler qu’avec le nombre 1,3.

De son côté, Louis est le seul élève qui fait l’opération inverse pour contrôler la justesse de son calcul. Après avoir divisé 120 par 4, il dit à voix haute « Il y aurait 30 minutes par personne. Ça donnerait 120. Mettons je ferais 30 fois 4 [fait le calcul]. Bon ben, c'est ça... [120 divisé par 4 est égale à 30] » (Louis, Fête)

Lors d’un contrôle sur les nombres, les opérations et leur manipulation, nous remarquons avec les exemples précédents que ces nombres et opérations sont travaillés pendant un certain moment de manière décontextualisée. Cette caractéristique a pour avantage de se centrer spécifiquement sur les règles à suivre pour les procédures mobilisées. En ce sens, plusieurs élèves se centrent sur la justesse ou la constance des calculs faits. La plupart du temps, les élèves font une double résolution, où ils s’assurent de l’exactitude des nombres et où ils répètent les mêmes calculs pour valider leur justesse ou repérer les erreurs commises.

« Ben, j'ai lu le texte, après j'ai regardé si ça c'était bon, j'ai regardé parce qu'ils disent 6 kilos pour 8 dollars, c'est bon, 6 fois 2 égales 12 c'est bon aussi, 8 fois 2 égales 16, c'est bon pis il

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manque trois kilos pour faire 15 kilos c'est vrai, donc plus 3, 16 plus 3 égales 19. Il paye 19 dollars. » (Renaud, Tartes)

Renaud présente une centration sur la justesse des calculs, en vérifiant les nombres et la justesse des résultats obtenus pour les calculs effectués par l’élève fictif lors du problème Tartes. D’ailleurs, la décontextualisation lors d’un contrôle sur les nombres et les opérations n’exclut pas la possibilité de recontextualiser par la suite les nombres manipulés. Comme les exemples de Charles « 160 minutes », Renaud « 19 dollars » et Louis « Il y aurait 30 minutes par personne », nous observons des cas où ces nombres sont par la suite recontextualisés dans l'espace problème suite aux calculs. Cette recontextualisation pourrait faire l’objet d’un contrôle autre que celui sur les nombres et les opérations, par exemple, une vérification de la vraisemblance du résultat par un retour au contexte pour donner du sens aux nombres obtenus. Lorsqu’il y a une erreur de calcul, le contrôle sur les nombres et les opérations favorise la correction de l’erreur de calcul, comme pour l’exemple suivant.

Figure 34 : Traces écrites de Gabrielle pour le problème Punch

Dans cet exemple, Gabrielle contrôle la constance des calculs en regardant si elle répète la même opération pour tous les ingrédients du punch, soit x + x + 100 = ?.

Pour le jus d'orange, j'ai fait 200 + 200 pis là + le 100, ça fait 500. L'ananas, c'est 300 + 300, ça égale 600 plus 100 ça égale 700. Pis heu 150 + 150 égale 300...ah! [moment d'arrêt, retour sur la constance des calculs]...là, je me demande si ça serait 400 là (au lieu de 350)...ouais, je crois que ça serait 400 [change la réponse]. (Gabrielle, Punch)

Elle remarque que ce n’est pas le cas pour le jus de pêche. La constance des calculs l'amène à voir l’erreur de calcul. Rappelons que ce contrôle porte spécifiquement sur la justesse et la constance des calculs, même si les procédures sont incorrectes comme dans le cas de Gabrielle ou Renaud. Le contrôle sur les nombres et les opérations se centre sur les calculs, sans faire appel à un retour au problème ni à un jugement sur leur pertinence en contexte.

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4.2.4.1 Quelques écarts lors de la mobilisation d’un contrôle sur les nombres et les opérations

Peu d’écarts sont observés dans la mobilisation d’un contrôle sur les nombres et les opérations. Entre autres, nous n’avons pas observé parmi les résultats un exemple où l’élève fait systématiquement deux fois la même erreur lors d’une double résolution. Rappelons qu’il s’agit d’un risque lié à l’exercice d’une double résolution comme moyen de valider la justesse d’un calcul, tel que le souligne Saboya (2010).

En termes d’écart dans la mobilisation d’un contrôle sur les nombres, les opérations et leur manipulation, Loïc témoigne d’une difficulté à appliquer des règles pour une procédure nouvelle et qu’il maitrise peu.

Loïc: Je vais faire mon calcul...[il écrit 80 puis l'encadre dans le crochet (diviseur) et inscrit 60 à gauche (le dividende)]. Mmmm... [recul, moment d'arrêt]. J'ai comme oublié déjà...est-ce que tu mets le 80 pis le 60 là?...diviser avec le crochet, comme ça, on met le 60 pis 80 là ou 80 pis 60 là [inverse les positions]? ...C'est compliqué [long moment d'arrêt suite à un essai]. Non, je sais pas quoi faire. (Loïc, Tartes)

Cet exemple permet de mettre en évidence que le contrôle sur les nombres et les opérations nécessite d’avoir une bonne connaissance et une bonne maitrise de la procédure privilégiée.

Un autre écart observé concerne la manipulation des nombres. Nous avons précédemment présenté le cas de Charles qui joue avec le zéro et les valeurs positionnelles lors des calculs mentaux. Cette manipulation des 0 est observée chez d’autres élèves, comme Sarah qui fait lors du problème Punch le passage de + 200 ml à +2 cuillères en enlevant les 0.

Sarah: Mes deux cuillères à table, j'ai ajouté + 2. CH: Comment tu savais que c'était plus deux?

Sarah: Ben vu que c'était pas un chiffre avec 3 [ un nombre à trois chiffres], ben c'était comme 2 ...j'ai enlevé les 0.

Nous remarquons que Sarah est centrée sur une caractéristique du nombre, sa grandeur en termes de chiffres. Elle veut adapter un nombre à trois chiffres (200), à un nombre à 1 chiffre (2), pour être en mesure de trouver la quantité de cuillères (2 cuillères + 2). Il semble qu’elle s’inspire d'un truc à propos de la manipulation des 0 avec les nombres, dont elle ne connait pas suffisamment les règles et les applications appropriées. Dans ce cas, la décontextualisation du nombre et la centration de Sarah sur le nombre l’amènent à ne pas tenir compte des unités de mesure, les millilitres et les cuillères, qui ne sont pas de même nature. Ce qui nous laisse entendre que certaines manipulations des nombres nécessitent d’abord de tenir compte des grandeurs en jeu, de les situer en contexte avant d’opérer de manière décontextualisée.

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4.2.4.2 Retour sur les observations effectuées pour la composante contrôle sur les nombres et les opérations

Les analyses permettent de constater des différences entre les exemples de cette étude et ceux obtenus par Saboya (2010) pour, entre autres, le contrôle syntaxique. Les élèves du secondaire exercent un contrôle par la mobilisation des règles d’écriture et les changements de registre offrant une plus grande flexibilité dans la résolution de problèmes et la notation algébrique. Tandis qu’en ce qui concerne ces élèves de 5e année du

primaire travaillant des problèmes de proportionnalité, ce contrôle porte avant tout sur la justesse d’un calcul, la technique consistant à faire l’opération inverse pour faire la preuve que le résultat est correct, la manipulation des nombres pour faciliter les calculs ou les règles des procédures apprises. Ces différences s’expliquent facilement. Chacune des deux études repose sur des choix méthodologiques différents : notion mathématique (algèbre ou proportionnalité), échantillon (élèves du secondaire ou élèves du primaire), activités proposées (tâches, opérations, équations, résolution de problèmes).

Nous remarquons aussi que le contrôle sur les nombres, les opérations et leur manipulation se distingue des autres composantes par une centration sur les nombres et les opérations, qui sont pour un moment décontextualisés. Ce contrôle fait appel aux connaissances mathématiques de l’élève en termes de règles et opérations permises.