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1.4 Capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes mathématiques

1.4.4 Capacité des élèves à mobiliser des stratégies autorégulatrices

À plusieurs reprises, nous avons statué que les mathématiques sont mobilisées lors de la résolution de problèmes avec le soutien d’autres stratégies où « la mise en œuvre des connaissances disciplinaires au cours de la réalisation d’une tâche est facilitée par une structure de supervision et de gestion cognitive du répertoire de connaissances disciplinaires » (Focant et Grégoire, 2008, p. 202). Tel que mentionné précédemment, le programme de formation de l’école québécoise au primaire suggère pour les mathématiques diverses stratégies cognitives et métacognitives qui peuvent occuper ces fonctions de supervision. Ces stratégies seraient déjà en développement chez les plus jeunes et s’affineraient progressivement au cours de l’enfance et durant l’adolescence (Focant et Grégoire, 2008). L’importance de leur développement est d’ailleurs soulevée par la recherche (De Corte et Verschaffel, 2008; Fagnant et Jaegers, 2017; Focant et Grégoire, 2008; Focant, 2003, 2004; OCDE, 2014a, 2016; Schoenfeld, 1992; Scott, 2015). Les différents travaux de Focant (Focant et Grégoire, 2008; Focant, 2003, 2004) permettent de jeter un éclairage sur des stratégies qu’il nomme autorégulatrices : détermination du but et de planification, réguler et contrôler. Elles sont complémentaires et participent à un même processus global. Les deux premières stratégies permettent de préparer une action efficace afin de parvenir à compléter la tâche en cours. Afin de garantir une efficacité optimale, la mise en œuvre du plan est surveillée et adaptée par les stratégies de contrôle et de régulation. Ces dernières permettent de guider la réalisation du plan. Plus particulièrement, Focant (2003) stipule que la régulation est essentielle lors de la résolution de problèmes, car cette tâche requiert l’articulation de procédures apprises séparément face à un nouvel objectif.

« Dans ce type de tâche [la résolution de problèmes], l’enfant doit inévitablement analyser la demande et les données, planifier une séquence d’actions à entreprendre, l’exécuter et la contrôler, évaluer les résultats obtenus et les confronter à la demande (objectif), réajuster son plan d’action ou le compléter en fonction des résultats de cette évaluation... Il doit donc appliquer un processus d’autorégulation ». (Focant, 2003, p.53)

En qui concerne le contrôle, il est question du monitoring, du contrôle de la poursuite de l’objectif, du contrôle des opérations et de la vérification des résultats arithmétiques.

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Lors de ses travaux, Focant (Focant et Grégoire, 2008; Focant, 2004) a mesuré la capacité moyenne à mobiliser des stratégies autorégulatrices auprès 42 élèves en classe régulière de cinquième année du primaire en Belgique francophone. Entre autres, la majorité des enfants sont en mesure de déterminer un but. Toutefois, seulement 45% des élèves réussissent l’épreuve de planification (dont principalement celle ayant deux étapes), où « 62% des enfants réussissent au moins deux tiers des problèmes à deux étapes, tandis que seulement 28,6% en sont capables pour les problèmes à trois étapes ». Cela dit, les résultats concernant la planification des actions à entreprendre varient grandement en fonction du niveau de complexité de la tâche. Plus la tâche est complexe en termes d’étapes, plus les élèves ont de la difficulté à mobiliser cette stratégie. De plus, lors d’épreuves qui demandent d’analyser des résolutions produites par des tiers, Focant observe pour l’ensemble des élèves un taux de réussite de 69,5% pour la stratégie de contrôle. Cette stratégie consiste à contrôler des opérations, vérifier des résultats arithmétiques et contrôler la poursuite de l’objectif. Ils réussissent en moyenne plus de 8 items sur 12. Focant observe aussi peu de différence entre le taux de réussite de la stratégie de contrôle (69,5%), celui de la vérification des résultats (74,5 %) et celui de la révision des étapes menées (70,7%). Par ailleurs, les résultats de cette étude laissent entrevoir que les stratégies de contrôle et de planification sont corrélées à la performance scolaire.

D’autres études (Focant, 2003; Focant et Grégoire, 2008) apportent des pistes de réflexion en ce qui concerne les capacités autorégulatrices de 4 élèves de 10 ans en difficulté d’apprentissage des mathématiques. Dans cette étude, un adulte guide les élèves à l’aide de questions dont le but est de les amener à faire l’usage de certaines stratégies d’autorégulation (déterminer le but, planifier, contrôler) au cours d’une résolution. Il ressort lors du travail avec ces élèves que ces derniers présentent de grandes lacunes concernant ces stratégies de régulation cognitive. D’abord, ils ne sont pas naturellement portés à mettre en place ces stratégies lors de la résolution. Ensuite, ils éprouvent de grandes difficultés à les mettre en place, et ce, même s’ils sont guidés par un adulte. Plus spécifiquement, ils ont une grande difficulté à planifier et à réguler. Focant constate néanmoins que la stratégie de vérification des calculs (contrôle) est faite adéquatement, à la demande de l’adulte. Les travaux de Focant indiquent pour des élèves de cinquième année du primaire qu’ils sont en mesure de mobiliser des stratégies dites autorégulatrices, dont la capacité varie parmi les élèves et pour lesquelles certains éprouvent de grandes difficultés à les mobiliser. Dans l’ensemble, les résultats obtenus par Focant révèlent que « les stratégies d’autorégulation permettent une utilisation optimale de ses connaissances disciplinaires, particulièrement dans le cas de tâches complexes telles les résolutions de problèmes arithmétiques » (Focant, 2004, p.179). Ce qui laisse entendre que ces stratégies guident les décisions prises par les élèves.

Dans l’ensemble, les travaux de Focant (2004) nous informent dans quelle mesure des élèves réguliers et en difficulté mobilisent des stratégies autorégulatrices. Néanmoins, la mesure de la mobilisation du contrôle porte

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sur les résolutions produites par des tiers, ce qui ne permet pas de connaitre le processus de contrôle de l’élève sur des procédures qu’il a lui-même sélectionnées et mises en œuvre, une limite de cette recherche que nous proposons de franchir par la présente étude. De plus, nous en savons peu concernant la manière de mobiliser ces stratégies par les élèves de cet âge. Selon les lectures effectuées, aucune étude ne porte sur une description fine de la mobilisation de la régulation et du contrôle chez les élèves du primaire au Québec, des stratégies pourtant identifiées par la recherche et le programme du ministère du Québec comme étant essentielles au processus de résolution et qui méritent d’être développées chez ces élèves. Les autres études réalisées au Québec et qui portent sur le contrôle ont majoritairement été effectuées auprès d’élèves du secondaire (Saboya, Bednarz, et Hitt, 2015; Saboya et Rhéaume, 2013, 2015; Saboya, 2010). Par ailleurs, aucune étude ne porte sur la manière dont les élèves du primaire prennent des décisions à travers le processus de contrôle et de régulation. Nous croyons qu’il est nécessaire de s’y intéresser en profondeur afin de mieux connaitre les enjeux vécus par les élèves lorsqu’ils résolvent des problèmes mathématiques. À propos des enjeux, nous abordons dans la section suivante la possibilité que des élèves puissent prendre des décisions qui s’éloignent d’une capacité à s’engager dans un traitement cognitif.