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4.1 La mise en place d’un contrôle structural

4.1.2 Illustrations du contrôle structural

L’exercice d’un contrôle structural vise à faire arrimer l'espace sémantique construit par l’élève avec l’espace effectif du problème (que nous nommons à partir de maintenant l’espace problème). Pour l’élève, il s’agit donc d’attribuer à un problème la structure lui correspondant, soit, dans le cadre de cette étude, une structure proportionnelle directe pour les problèmes Punch et Tartes ou une structure proportionnelle inverse pour le problème Fête.

Cela dit, les efforts déployés pour la mise en place des relations mathématiques demeurent au cœur même de la structuration. Entre autres, l’arrimage entre la structure mathématique et l’espace problème nécessite un contrôle structural par un contrôle sémantique, une capacité à attribuer une signification aux informations,

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données, grandeurs, symboles, relations. Tout comme un regard critique par un engagement réfléchi sur la mobilisation de ces informations, données, grandeurs, symboles, relations, fondements, concepts.

À cet effet, caractériser le contrôle structural est l’objet central de cette section. Comment l’élève exerce-t-il un contrôle sémantique et un engagement réfléchi sur les informations, les connaissances mobilisées et ses raisonnements qui découlent des actions favorisant une structuration (déterminer un but, mobiliser des connaissances, questionner,…)? Comment articule-t-il ou gère-t-il dans l’espace sémantique ces informations et contraintes qu’il construit pour un problème? Et que fait-il de ses incompréhensions, de ses recherches de sens?

De manière imbriquée, nous reprenons sous l’angle du contrôle structural les actions ci-haut présentées, lors du travail d’interprétation et de structuration. Les résultats qui suivent illustrent un contrôle structural exercé par des élèves pour établir une structuration éclairée.

4.1.2.1 Un contrôle menant à une structuration initiale correcte

Des élèves sont en mesure de faire correspondre l’espace sémantique qu’ils construisent à la structure du problème Punch (l’espace problème), soit de tripler tous les ingrédients et le nombre de personnes pouvant gouter le mélange. L’explicitation de ces résolutions traduit comment le travail de structuration est effectué, comme le présente l’exemple suivant.

« 100 ml, c'est pour quatre personnes. Pis là, je me suis dit...là j'ai fait, pour que ça égale 300, fallait faire 100 +100+100...[…]. Mais je me suis dit que pour arriver à 300 ml de jus de pomme, fallait faire 100 fois trois » Alice (Punch)

Alice travaille spécifiquement sur la signification de l’écart en jeu pour 100 ml et 300 ml. D’abord par une addition répétée qu'elle transforme ensuite en relation multiplicative. La quantité initiale est multipliée par trois. Un autre élève, Julien, va d'ailleurs plus loin avec cette signification.

« C'est qu'ils me disent, elle met 300 ml de jus de pomme, fait que le jus de pomme, fallait qu'elle en mette, fallait pas qu'elle en met 300, fallait qu'elle en mette 100. Ça fait que si elle en met 300, elle en rajoute le triple, ça fait que moi, va falloir que je rajoute le triple, ça fait 600 là [indique le jus d'orange] » Julien (Punch)

Tout comme Alice, Julien contrôle les grandeurs en jeu pour établir la relation multiplicative « le triple ». Il explicite qu’en raison de cette erreur, il doit tripler les autres ingrédients de la recette. Il fait un pas de plus en appliquant mentalement cette relation à un autre ingrédient, le jus d’orange dont il connait déjà la nouvelle quantité (600 ml). Nous remarquons un contrôle et une application de la relation « le triple » aux autres grandeurs en jeu. Dans le même sens, Ariane s’appuie aussi sur la signification en contexte des quantités.

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« Là, quand j'ai lu pis regardé la question qui nous pose, j'ai vu que c'est 300 ml de jus de pomme, mais vu qu'a s'est trompée, c'est 300 ml de pomme, fait que là je regarde les pommes pis là c'était 100, fait que là 100 +100+100, ça égale 300, fait que là, je sais que ça va être +2 [x+(x+x) selon ses calculs]. Là après, j'ai regardé pour ajuster les quantités [pointe les nouvelles quantités], là ok, la même chose que la recette originale, fait que là, la même chose, c'est sûr qu'il faudrait que ça goute environ le même gout.» Ariane (Punch)

Ariane traduit cette structuration par une stratégie additive. Elle ajoute le double à la quantité initiale. Elle prend du recul sur le contexte lorsqu’elle explicite le sens accordé au fait d’ajuster toutes les quantités, pour que ça goûte la même chose.

Figure 25: Calculs faits par Ariane pour le problème Punch

Finalement, Loïc voit le problème dans son ensemble pour justifier le fait de multiplier le nombre de personnes par trois.

« J'ai vu qu'elle avait mis 200 ml de trop, fait que 100 fois 3, 300. Fait que vu qu'elle a mis 200 ml de trop pis ça fait fois trois, j'ai fait fois trois à chacun. Aussi pour les quatre personnes, donc ça donne douze personnes. » Loïc (Punch)

Même s’il identifie une relation additive, la personne a mis 200 ml de trop au jus de pomme (+ 200 ml), Loïc gère cette information tout autrement, par une procédure multiplicative fois 3. Il intègre à la structuration ce + 200 ml comme étant deux fois 100 ml à ajouter au premier 100 ml (3 x 100 ml). De plus, cet exemple suggère chez Loïc une capacité à accorder une signification aux relations qui serait applicable à l’ensemble du problème, en un tout logiquement cohérent.

Nous venons d’illustrer que parfois, les élèves repèrent et mobilisent du premier coup des raisonnements correspondant à la structure du problème. En d'autres cas, il y a un réajustement qui est fait sur des relations erronées établies en cours de résolution, comme en témoigne la section suivante.

4.1.2.2 Un contrôle menant à une restructuration correcte d'une structuration initiale

Le contrôle structural s’observe aussi lors de la restructuration des relations. Un travail de restructuration suppose à la base une première structuration qui sera remise en question, pour ensuite être déconstruite et reconstruite. Entre autres, Olivier a d’abord retenu l’information « 200 en trop ». Contrairement à Loïc, il opte pour la relation additive « + 200 ml aux ingrédients » comme première stratégie.

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« ben, j'ai regardé le jus de pomme, j'ai essayé de me trouver une technique, au début, je me disais + 200, sauf que ça se peut pas parce que dépendamment de la quantité, ça peut pas toujours être 200, parce qu’ici avec les cuillères, on pourrait pas ajouter 200 cuillères à table, fait que là, j'ai cherché une autre [technique], j'ai remarqué qu'en faisant fois 2 + 1 [2x + x] ça fonctionne » (Olivier, Punch)

Il applique mentalement cette relation aux autres ingrédients. Lorsqu’Olivier contrôle mentalement la relation additive « + 200 » aux cuillères, il détecte une rupture entre les grandeurs ml et cuillères. Cette rupture favorise une remise en question chez Olivier. Il revient sur la signification de cette grandeur en jeu (+ 200 ml), qu’il prendra en charge par une restructuration. Une restructuration implique d’abord un contrôle par un regard critique de l’élève sur la structure initialement proposée, identifier ce qui ne fonctionne pas pour ensuite prendre la décision de rejeter la structure initiale. Cette restructuration nécessite aussi de revoir les informations, la signification accordée aux grandeurs et de gérer autrement les informations à sa disposition pour structurer différemment, cette fois de manière à ce que cette structure corresponde à l'espace problème.

Pour le problème Punch, nous notons que le contrôle structural est exercé sur la représentation du problème par différentes procédures, soit l'addition répétée, la procédure mixte et la relation multiplicative. Cette diversité de procédures exprime un contrôle sémantique sur les nombres et sur les informations de l’espace problème. La mise en place de la relation fois 3 est ensuite attribuée avec cohérence à l’ensemble des éléments du problème. Cette cohérence nécessite un engagement réfléchi lors de l’interprétation du contexte, en considérant le fait que le punch doit avoir le même gout, donc les mêmes ajustements et qu’il y aura trois fois plus de personnes qui pourront gouter le mélange.

Pour le problème Tartes, certains élèves sont en mesure de détecter qu’il y a une erreur de la part de l’élève fictif et d’établir ensuite les bonnes relations. Grâce à l'exemple de Jonathan, nous remarquons que certains élèves exercent un regard critique sur les données du problème dès le départ.

« Je savais déjà que ce n'était pas la bonne réponse […] Parce que sinon, c'est 8 dollars pour 6 kilos, tu peux pas mettre 3 dollars pour 3 kilos, parce que sinon, ça marche pas, c'est trop bas. » (Jonathan, Tartes)

Dans cet exemple, l’élève repère l’erreur en mettant en relation les deux taux. Jonathan fait une comparaison entre 8 dollars pour 6 kilos et 3 dollars pour 3 kilos. Cet exemple illustre bien comment ces informations sont contrôlées par Jonathan. La signification accordée à chacune de ces relations permet de déterminer qu’il y a contradiction entre les données. Il est en mesure de se faire une première idée, la réponse de l’élève fictif n’est pas la bonne. De son côté, Vincent gère la structuration du problème par le questionnement « Pis là, après ça, il dit... [Combien coutera l'achat de] ces pommes si le prix du kilo est le même…Ça veut dire quoi? 1 dollar du kilo? ». Vincent identifie une incompréhension à éclaircir avant de prendre position. Ce questionnement indique qu’il exerce un contrôle sémantique sur les informations qu’il manipule. Dans cette situation, quelle interprétation

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des informations prévaut? Est-il question de 1 dollar le kilo ou de 6 kilos pour 8 dollars? Par la suite, il se demandera combien vaut en dollars un kilo. Les résultats montrent que Vincent attribue un sens particularisé aux données pour décider ce qu’il veut connaitre, le prix de 1 kilo de pommes comme autre information nécessaire à sa résolution « ben, je vais faire 8 divisé par 6 égale pour le prix d’un kilo ».

Thomas, de son côté, doit faire des calculs pour être en mesure de décider si l’élève fictif a raison. Il travaille de son côté sans prendre en considération ce qu’a fait l’élève fictif. Il fait appel à une euristique de recherche de sens, dont il contrôle les informations et les relations (son espace sémantique) selon l’espace problème. Cette recherche sera ensuite comparée au travail de l’élève fictif.

Figure 26 : Traces écrites de Thomas pour le problème Tartes

Selon nos analyses, Thomas garde en tête le même sens des relations (x + x = ? et x ÷ 2 = ?, puis 2x + 𝑥𝑥 2 = ? pour les kilos et les dollars), tel qu’il l’explique.

Thomas: « J'ai commencé par 6 + 6, ça faisait 12. Là, fallait doubler aussi le prix pour 6 kilos. Pis là, 8 dollars fois 2, ça égale 16. Pis là après ça, c'est 6 divisé par 2, ça donnait 3. C'est comme 3 kilos.

CH: Comment tu savais que tu devais diviser par 2 ?

Thomas: Parce que ça donnait 3...je sais pas comment le dire...mais ça donnait 3 kilos comme il fallait [pour obtenir 15 kilos] pis là, j'ai divisé le prix par 2, comme les 6 kilos. Là, ça a donné 4 dollars. J'ai rajouté...heum...douze kilos + 3 kilos, ça donnait 15, comme il faut [la quantité de kilos voulue]. Pis là, après ça j'ai fait 16 + 4, ça faisait 20 dollars. » (Thomas, Tartes)

Thomas garde aussi en tête comme élément de contrôle la relation proportionnelle entre 6 kilos et 8 dollars. Dans ce cas, le contrôle des relations et des grandeurs en jeu s’opère lors du choix des calculs, il doit doubler le prix, car il a doublé les kilos et il doit calculer la moitié du cout de 6 kilos ( 8 divisé par 2), car il a besoin de 3 kilos pour en arriver à 15 kilos, le poids demandé. À sa manière, en accordant du sens pas à pas aux grandeurs en jeu, il établit le rapport 2,5 entre 6 kilos et 15 kilos. Thomas est en mesure de se rattacher, dans l’espace sémantique, au sens correspondant à l’espace problème en contrôlant la signification d’un ensemble

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d’informations, les grandeurs en jeu (6 kilos pour 8 dollars, 15 kilos, 12 kilos, l’écart de 3 kilos et sa valeur 4 dollars). Thomas sera en mesure par une restructuration de statuer que l’élève fictif n’a pas la bonne réponse. Les exemples présentés ci-haut illustrent de la part de l’élève une structuration initiale correcte ou une restructuration qui correspond à l’espace problème. Une structuration initiale correcte et une restructuration correcte sont deux indicateurs d’un contrôle structural exercé par l’élève. Dans l’ensemble, le contrôle structural, tel qu’illustré, s’exerce d’un élève à l’autre par une variété de raisonnements, de stratégies et de manipulations. Il témoigne d’un travail de structuration éclairé par un contrôle sémantique et un engagement réfléchi qui guident les prises de décision. Ce contrôle accompagne la structuration, mais aussi les actions déterminer le but,

identifier les informations pertinentes, mobiliser des connaissances, questionner et utiliser une euristique de recherche que nous avons décrites en début de section.

Cela dit, la mise en place des relations n’est pas à tout coup adéquate. En effet, comme nous l’illustrerons dans la prochaine section, la structuration des relations et les actions peuvent aboutir à des résultats erronés, qui ne correspondent pas à l’espace problème.