Les prises de décision des élèves du 3e cycle du
primaire lors de la résolution de problèmes de
proportion : une analyse des contrôles mobilisés
Thèse
Stéphanie Rhéaume
Doctorat en didactique
Philosophiæ doctor (Ph. D.)
Québec, Canada
© Stéphanie Rhéaume, 2020
Les prises de décision des élèves du 3
e
cycle du
primaire lors de la résolution de problèmes de
proportion : une analyse des contrôles mobilisés
Thèse
Stéphanie Rhéaume
Sous la direction de :
Izabella Oliveira, directrice de recherche (ULaval)
Mireille Saboya, codirectrice de recherche (UQAM)
iii
Résumé
Le développement de la capacité à résoudre des problèmes mathématiques demeure une question vive en éducation. Plusieurs auteurs (Fagnant et Vlassis, 2010; Houdement, 2011; Lajoie et Bednarz, 2014; Scott, 2015) et instances (OCDE, 2014b; UNESCO, 2015) constatent qu’il est essentiel pour résoudre des problèmes mathématiques d’aller au-delà de la connaissance de contenus spécifiques et voir au développement d’aptitudes et d’habiletés à résoudre des problèmes. Dans cette optique, la notion de contrôle s’avère un soutien important pour l’élève au moment de prendre des décisions quant aux ressources mathématiques à privilégier lors d’une résolution (raisonnements, contenus mathématiques, procédures, méthodes). Néanmoins, nous en savons peu à ce jour quant aux éléments qui peuvent guider les prises de décision des élèves du primaire lors de la résolution de problèmes. À cet effet, cette recherche vise à documenter et comprendre les décisions prises par des élèves du primaire dans l’action de résoudre un problème mathématique, sous l’angle du contrôle mobilisé. À partir de la notion de contrôle de Saboya (2010) et d’une analyse inductive favorisant l’émergence de catégories complémentaires appuyées par des travaux issus de la didactique des mathématiques, du Mathematics Education, de la psychopédagogie et de la psychologie cognitive portant sur la résolution de problèmes (Clément, 2009; Focant et Grégoire, 2008; Julo, 1995, 2002; Richard, 2004; Schoenfeld, 1985, 1992; Verschaffel et De Corte, 2008), nous avons élaboré un cadre conceptuel pour circonscrire et pour étudier la mobilisation du contrôle par les élèves du primaire lorsqu’ils résolvent des problèmes mathématiques. Afin d’atteindre l’objectif de documenter et comprendre les prises de décision des élèves du primaire dans l'action de résoudre un problème mathématique, sous l’angle du contrôle mobilisé, nous avons mené une recherche qualitative auprès de 18 élèves de 5e année du primaire provenant de trois classes issues de trois écoles
différentes. Des entretiens d’explicitations ont été menés auprès de ces élèves afin d'en savoir davantage sur les décisions prises lors des résolutions de trois problèmes de proportion. Dans l’ensemble, leurs explicitations des prises de décision viennent éclairer l’activité de résolution de problèmes de proportion chez des élèves du 3e cycle du primaire du point de vue du contrôle. Les analyses nous informent sur leur
manière de mobiliser différentes composantes du contrôle déjà identifiées par la recherche, telles que l’anticipation, la vérification, le discernement et le contrôle sémantique, tandis que d'autres émergeront de nos analyses, telles que le contrôle sur les nombres et les opérations ou le contrôle restreignant. Par ailleurs, l’analyse inductive mène à la proposition d’un cadre d’analyse ainsi qu’à la mise en évidence de trois contrôles pouvant être mobilisés par ces élèves, un contrôle structural, un contrôle opérationnel et un contrôle restreignant. Cette analyse inductive a d’autre part guidé la construction de la grille d’analyse du contrôle. L’analyse des résultats mène à plusieurs autres constats. Entre autres, nous constatons que des élèves ne savent pas parfois comment faire pour mobiliser une composante du contrôle, comme la
iv
vérification. En outre, il ressort de l’analyse que le contrôle ne garantit pas la réussite du problème : les élèves peuvent exercer une ou des composantes du contrôle sans obtenir la bonne réponse, voire abandonner le problème. Aussi, nous notons que la présence de certaines variables dans les problèmes influence la mobilisation des composantes du contrôle chez les élèves. Finalement, l’analyse a permis d’identifier deux rôles inhérents au contrôle qui ont un impact sur les prises de décision, le rôle d’un contrôle interne à l’élève et le rôle d’un contrôle externe à l’élève. Le contrôle interne illustre l’engagement réfléchi de l’élève envers la résolution tandis que le contrôle externe pointe la place qu’occupent des croyances et des attentes scolaires dans les décisions des élèves en résolution de problèmes.
D'un point de vue théorique, cette thèse élargit notre compréhension de la notion de contrôle en mathématiques aux prises de décision dans la résolution de problèmes mathématiques. Elle illustre l’importance du contrôle, entre autres par l'enrichissement des cadres proposés précédemment et par l'identification de 3 types de contrôle. Du point de vue méthodologique, elle propose une grille d’analyse du contrôle lors de la résolution de problèmes mathématiques. Du point de vue pratique, cette recherche conclut que la mobilisation du contrôle en résolution de problèmes mathématiques est un enjeu central à considérer lors de l’enseignement et l’apprentissage de la résolution de problèmes en mathématiques. Notamment, par la prise en compte de l'existence d'un contrôle restreignant négativement l'activité mathématique de l'élève et l’importance du développement des outils de contrôle chez les élèves. Des enjeux qui méritent l’attention du milieu de la recherche et de l’enseignement des mathématiques. Mots-clés : résolution de problèmes mathématiques, prises de décision, contrôle, primaire, proportionnalité.
v
Abstract
The development of the ability to solve mathematical problems remains a lively question in education. Many authors (Fagnant and Vlassis, 2010; Houdement, 2011; Lajoie and Bednarz, 2014; Scott, 2015) and organizations (OECD, 2014b; UNESCO, 2015) observe that in order to solve mathematical problems, it is essential to go beyond specific content knowledge and ensure the development of skills and abilities related to problem solving. With this in mind, the notion of control becomes an important support to the student when the time comes to make decisions regarding the mathematical resources to favour when solving a problem (reasoning, mathematical knowledges, procedures, methods). Nevertheless, to date, little is known about the components which guide elementary school students during problem solving. To this end, this research aims to document and understand the decisions made by elementary school students when they are solving a mathematical problem from the standpoint of mobilized control. Based on the notion of control by Saboya (2010) and on an inductive analysis favouring the emergence of complementary categories supported by works from mathematics didactics, Mathematics Education, educational psychology and cognitive psychology on problem solving (Clément, 2009; Focant and Grégoire, 2008; Julo, 1995, 2002; Richard, 2004; Schoenfeld, 1985, 1992; Verschaffel and De Corte, 2008), we designed a conceptual model to define and study the mobilization of control by elementary school students when they are solving mathematical problems. In order to reach our goal to document and understand, in terms of mobilized control, elementary school students’ decisions when they are solving mathematical problems, we conducted a qualitative research on eighteen fifth grade students from three classes located in three different schools. Explicitation interviews were conducted with these students in an effort to achieve better knowledge on the decisions they made while working on three problems that focused on proportionality. For the most part, their explicitations on decision-making shed light on proportionality problem solving for students in Cycle Three of elementary education in terms of control. Analyses show how they mobilize several components of control which were identified in previous research, such as anticipation, verification, discernment and semantic control. Moreover, inductive analysis leads to the proposition of an analysis framework and to the identification of three types of control that may be exercised by elementary school students: structural control, operational control and restrictive control. This inductive analysis also guided the development of a control analysis grid. Furthermore, the analysis of these results leads to many other observations. For instance, we notice that some students ignore how to mobilize one form of control, such as verification. In addition, the analysis demonstrates that control does not guarantee success in solving a problem: students can use one or many components of control without getting the right answer, perhaps even give up on the problem. We also observe that the presence of certain variables in the situational problems influences the students’ mobilization of control
vi
components. Finally, the analysis brought to light two roles that are inherent to control and have an impact on decision-making as well: the role of a control that is internal to the student, and the role of a control that is external to the student. The former, internal control, conveys the deliberate involvement of the student in the problem, while the latter, external control, emphasizes the importance of beliefs and academic expectations in the students’ decisions when solving problems.
From a theoretical perspective, this thesis broadens our understanding of the notion of control in mathematics, specifically in the decisions that are made when solving problems. It illustrates the importance of control by, amongst other things, the enrichment of the previously suggested frameworks and by the identification of three types of control. From a methodological perspective, it provides a grid to analyze control when solving mathematical problems. From a practical perspective, this research comes to the conclusion that control mobilization in mathematical problems solving is a central issue that must be considered when teaching and learning to solve mathematical problems, notably by considering the existence of a control that negatively restricts the student’s mathematical activity and by the importance of the development of control tools by the students. These issues deserve the attention of the research and mathematics teaching communities.
vii
Table des matières
Résumé ... iii
Abstract ... v
Table des matières ... vii
Liste des tableaux ... x
Liste des figures ... xi
Remerciements ... xiii
Introduction ... 1
1
Problématique ... 3
1.1 Origine de mon questionnement ... 3
1.2 La résolution de problèmes du point de vue de la recherche ... 4
1.2.1 Diverses actions à considérer dans la résolution d’un problème mathématique .. 5
1.2.2 Les prises de décision au cœur de la résolution de problèmes mathématiques ... 8
1.2.3 Synthèse de l’activité de résolution de problèmes ... 11
1.3 La résolution de problèmes en classe au primaire ... 12
1.3.1 La place de la résolution de problèmes mathématiques dans le PFEQ ... 12
1.3.2 Le développement de la résolution de problèmes en classe ... 14
1.4 Capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes mathématiques ... 21
1.4.1 La capacité des élèves à inférer ... 21
1.4.2 Capacité des élèves à représenter schématiquement ... 22
1.4.3 Capacité des élèves à mobiliser des procédures ... 25
1.4.4 Capacité des élèves à mobiliser des stratégies autorégulatrices ... 28
1.4.5 Des constats qui nous questionnent ... 30
1.5 Formulation d’un objectif de recherche ... 33
2
Cadre conceptuel ... 35
2.1 Le contrôle lors de la résolution de problèmes... 35
2.1.1 Fonctions exécutives et régulation des processus cognitifs ... 36
2.1.2 Le contrôle sur les résultats obtenus ... 36
2.1.3 Le contrôle sur le processus de résolution d’un problème mathématique ... 37
2.1.4 La notion de contrôle de Saboya ... 39
2.1.5 Synthèse du concept de contrôle lors de la résolution de problèmes ... 41
2.2 Contrôle exercé lors de la résolution de problèmes mathématiques au primaire: Proposition d’un cadre d’analyse ... 41
2.2.1 Le contrôle structural ... 43
2.2.2 Le contrôle opérationnel ... 54
2.2.3 Les écarts dans la mobilisation du contrôle structural et opérationnel ... 76
viii
2.3 Synthèse du cadre conceptuel ... 80
2.4 Question de recherche ... 83
3
Méthodologie ... 84
3.1 Une approche qualitative ... 84
3.2 La collecte de données et son déroulement ... 85
3.2.1 L’échantillon des élèves participants ... 85
3.2.2 Déroulement de la collecte de données ... 86
3.2.3 L’entretien d’explicitation ... 88
3.3 Les instruments de collecte de données ... 91
3.3.1 Le concept de proportionnalité ... 92
3.3.2 Des variables à considérer dans les énoncés ... 95
3.3.3 Instrument 1 : analyse des problèmes du questionnaire écrit ... 100
3.3.4 Instrument 2 : analyse des problèmes présentés lors des entretiens d’explicitation ... 106
3.4 Démarche d’analyse ... 110
3.5 Critères de validation méthodologique ... 113
3.5.1 Validité des données ... 113
3.5.2 Validité de la démarche d’analyse ... 116
4
Présentation des résultats ... 118
4.1 La mise en place d’un contrôle structural ... 118
4.1.1 Quelques actions sujettes au contrôle structural... 118
4.1.2 Illustrations du contrôle structural ... 122
4.1.3 Des écarts dans la mobilisation d’un contrôle structural ... 127
4.1.4 Retour sur la documentation du contrôle structural ... 133
4.2 La mobilisation des composantes d’un contrôle opérationnel ... 133
4.2.1 L’Anticipation ... 134
4.2.2 La sensibilité à la contradiction et son dépassement ... 140
4.2.3 Le discernement ... 146
4.2.4 Un contrôle sur les nombres et les opérations ... 149
4.2.5 La vérification ... 153
4.2.6 Retour sur la documentation portant sur le contrôle opérationnel ... 162
4.3 L’observation d’un contrôle restreignant ... 162
4.3.1 Suivre une démarche de résolution par étapes ... 162
4.3.2 Souligner les données importantes ... 167
4.3.3 Relire le problème ... 169
4.3.4 Retour sur l’observation du contrôle restreignant ... 171
4.4 Fréquence de la mobilisation du contrôle structural, du contrôle opérationnel et du contrôle restreignant ... 173
4.4.1 Fréquence de la mobilisation des indicateurs d’un contrôle structural ... 176
4.4.2 Fréquence de la mobilisation d’un contrôle opérationnel ... 181
ix
4.4.4 Retour sur la fréquence de la mobilisation des contrôles structural, opérationnel
et restreignant ... 188
5
Interprétation et discussion des résultats ... 194
5.1 Quels contrôles sont sollicités par des élèves du primaire au moment d’expliciter leurs prises de décision lors de la résolution de problèmes de proportion ? ... 194
5.1.1 Manifestation d’un contrôle structural ... 195
5.1.2 Manifestation d’un contrôle opérationnel ... 198
5.1.3 Manifestation d’un contrôle restreignant ... 201
5.1.4 Contrôle des prises de décision et compétence en mathématiques ... 205
5.1.5 Comment les différentes composantes du contrôle interviennent-elles entre elles ? ... 205
5.1.6 Quelques constats relatifs à la fréquence de la mobilisation des contrôles structural, opérationnel et restreignant ... 210
5.1.7 Rôles observés : un contrôle interne et un contrôle externe ... 213
5.2 Compréhension des prises de décision lors de la résolution de problèmes de proportion par des élèves de 5e année du primaire ... 215
5.3 La mobilisation des contrôles : un enjeu central en résolution de problèmes mathématiques ... 219
Conclusion... 225
Synthèse de la question de recherche principale ... 225
Retour sur les limites discutées ... 228
Les contributions et prolongements de cette recherche ... 228
Références ... 231
Annexes ... 237
Annexe 1 : Instrument 1, questionnaire écrit distribué en classe ... 238
Annexe 2 : Formulaire de consentement parental ... 247
Annexe 3 : Formulaire d’assentiment des élèves ... 250
Annexe 4 : Instrument 2, les trois problèmes à résoudre lors des entretiens d’explicitation ... 252
Annexe 5 : Protocole d’entretien d’explicitation avec les élèves ... 255
Annexe 6 : Formulaire de consentement des enseignants ... 257
Annexe 7 : Résumé des traces écrites obtenues pour les 18 élèves sélectionnés ... 261
Annexe 8 : Grille d’analyse du contrôle lors de la résolution de problèmes chez les élèves du primaire ... 265
Annexe 9 : Schéma du contrôle lors de la résolution de problèmes chez les élèves du primaire ... 273
x
Liste des tableaux
Tableau 1: Indicateurs d'actions qui favorisent un contrôle structural ... 53
Tableau 2: Indicateurs d'un contrôle structural ... 54
Tableau 3: Indicateurs de la composante anticipation ... 57
Tableau 4: Indicateurs de la composante vérification ... 62
Tableau 5: Indicateurs de la composante sensibilité à la contradiction ... 69
Tableau 6: Indicateurs de la composante discernement ... 71
Tableau 7: Indicateurs de la composante contrôle sur les nombres et les opérations ... 74
Tableau 8: Indicateurs de la composante métaconnaissances ... 75
Tableau 9: Indicateurs du contrôle restreignant ... 80
Tableau 10: Les variables mises en jeu et les composantes du contrôle favorisées pour les huit problèmes du questionnaire écrit ... 105
Tableau 11: Les variables mises en jeu et les composantes du contrôle favorisées pour les trois problèmes de l’entretien d’explicitation ... 109
Tableau 12: Résumé de l’analyse des conduites d’élèves à partir du propos des élèves et des enseignants. ... 172
Tableau 13: Résumé des principaux résultats concernant la fréquence de l’explicitation des contrôles structural, opérationnel et restreignant ... 189
xi
Liste des figures
Figure 1 : Les deux niveaux d’ouverture menant aux solutions possibles, les spectres des formulations
et des solutions (Roegiers, 2003, p.19)... 6
Figure 2 : Exemple d’essais numériques ... 8
Figure 3 : illustration de l’impact du choix d’une euristique sur la suite du processus de résolution (Schoenfeld,1985, p.98) ... 10
Figure 4 : Exemple d’un problème présenté dans les manuels scolaires en 4e année du primaire (Clicmaths+ mathématique 4e année, cahier d’apprentissage vol. B, 2014, p. 154-155) ... 14
Figure 5 : Démarche de résolution de problèmes proposée par Clicmaths+ mathématique 4e année, cahier d'apprentissage, vol.B, 2014, jaquette intérieure) ... 16
Figure 6 : Exemple de l'explicitation de la vérification dans le manuel Sur la route des maths - 4e année, cahier de stratégies, 2016, pp.44-45)... 17
Figure 7 : Vision élaborée du processus de modélisation (Verschaffel et De Corte, 2008, p. 171) ... 18
Figure 8 : Exemple d'une représentation schématique "Range-tout" proposée par Polotskaia (2010, p. 19) ... 20
Figure 9 : Exemples de problèmes et leurs schématisations proposées aux élèves dans la partie 2 de l’étude de Fagnant et Vlassis (2013, p. 165) ... 24
Figure 10 : Résolution par un élève de 6e année (Oliveira et Rhéaume, 2014, p.415) ... 26
Figure 11 : Résolution d’un élève de 4e année du primaire (février 2013) dans une classe où l’on enseigne la méthode « Vers une démarche stratégique » (1999) ... 32
Figure 12 : Illustration d’un engagement réfléchi et d'un contrôle sémantique ... 48
Figure 13 : Impasse d'un élève de premier secondaire lors de la comparaison de 5 fractions (Saboya et Rhéaume, 2015) ... 65
Figure 14 : Exemple d’essai de plusieurs procédures pour trouver une manière de résoudre suite aux contradictions (Saboya et Rhéaume, 2015) ... 66
Figure 15 : Exemple de la recherche d’un dénominateur commun pour comparer les fractions (Saboya et Rhéaume, 2015) ... 70
Figure 16 : Exemple du numérateur commun comme procédure pour comparer les fractions (Saboya et Rhéaume, 2015) ... 70
Figure 17 : Illustration d’un contrôle par les règles d’écritures lors d’un changement de registre (Saboya et Rhéaume, 2015) ... 73
Figure 18 : Synthèse du cadre conceptuel ... 82
Figure 19 : Le système des informations satellites de l'action vécue. La logique horizontale: relation de principe et relation de fait par rapport au procédural (Vermersch, 2010, p.50) ... 89
Figure 20 : Illustration de la co-variation et de l'application linéaire de la constante pour l’exemple du problème des biscuits ... 94
Figure 21 : Un exemple du sens inverse de la proportionnalité ... 94
Figure 22 : Synthèse du cadre conceptuel ... 111
Figure 23 : Le devis méthodologique de l’étude ... 115
Figure 24 : Retranscription de Loïc pour le problème Fête ... 119
Figure 25 : Calculs faits par Ariane pour le problème Punch ... 124
Figure 26 : Traces écrites de Thomas pour le problème Tartes ... 126
xii
Figure 28 : Traces écrites de Charles pour le problème Punch ... 130
Figure 29 : Traces écrites de Loïc pour le problème Fête ... 131
Figure 30 : Traces écrites de Maryse pour le problème Fête ... 138
Figure 31 : Traces écrites de Julien pour le problème Tartes ... 143
Figure 32 : Traces écrites de Sarah pour le problème Fête ... 147
Figure 33 : Traces écrites de Vincent de 8 divisé par 6 ... 150
Figure 34 : Traces écrites de Gabrielle pour le problème Punch ... 151
Figure 35 : Traces écrites de Gabrielle pour le problème Fête ... 154
Figure 36 : Traces écrites d’Olivier pour le problème 2 du questionnaire en classe (réponse erronée 100 kg) ... 155
Figure 37 : Traces écrites d’Olivier pour le problème La fête de quartier du questionnaire en classe (réponse correcte 80 minutes) ... 155
Figure 38 : Traces écrites de Gabrielle pour le problème Tartes ... 156
Figure 39 : Traces écrites d'Olivier pour le problème Tartes ... 159
Figure 40: Traces de Renaud à la question « Explique-moi dans tes mots ce que tu as fait pour résoudre ce problème? ... 163
Figure 41: Traces de Julien pendant la résolution du problème Punch ... 164
Figure 42: Traces de Julien à la fin de la résolution du problème Punch ... 165
Figure 43 : Taux de réussite des problèmes Punch, Fête et Tartes (n=18 par problème) ... 173
Figure 44 : Répartition en pourcentage des unités de sens répertoriées pour les problèmes Punch, Fête et Tartes ... 175
Figure 45 : Répartition des 67 unités de sens liées aux actions favorisant la structuration pour les problèmes Punch, Fête et Tartes ... 176
Figure 46 : Répartition des 49 unités de sens liées à la structuration et ses écarts pour les problèmes Punch, Fête et Tartes ... 178
Figure 47 : Comparaison par problème entre les actions favorisant la structuration et les structurations correctes et ses écarts ... 180
Figure 48 : Répartition des 202 unités de sens parmi les composantes du contrôle opérationnel ... 181
Figure 49 : Répartition des 289 unités de sens témoignant d’un contrôle opérationnel et de ses écarts lors de sa mobilisation ... 184
Figure 50 : Répartition des 25 unités de sens traduisant un contrôle restreignant pour les problèmes Punch, Fête et Tartes ... 186
Figure 51 : Fréquence des unités de sens liées au contrôle restreignant pour les problèmes Âge, Muffins, Punch, Fête et Tartes ... 187
Figure 52 : Schéma du contrôle structural dans la résolution de problèmes ... 197
Figure 53 : Schéma du contrôle opérationnel dans la résolution de problèmes. ... 200
Figure 54 : La place du contrôle restreignant dans la résolution de problèmes ... 204
Figure 55: la place du contrôle dans la résolution de problèmes ... 206
Figure 56: Schéma de l’enchainement dynamique du contrôle lors du processus de résolution ... 209
Figure 57: Schématisation de notre compréhension des prises de décision effectuées lors de la résolution de problèmes proportionnels chez les élèves du primaire ... 216
xiii
Remerciements
J’ai toujours aimé voyager. Les voyages sont une source d’émerveillement. Ils permettent de découvrir des régions, d’autres cultures et faire de belles rencontres. Ce projet de recherche est à cette image, un voyage à la rencontre d’élèves du primaire. D’ailleurs, je n’ai pas fait ce périple seule, au contraire. Plusieurs personnes m’ont accompagnée, d’une manière ou d’une autre, de près ou de loin et je les remercie sincèrement.
J’adresse d’abord ces plus sincères remerciements à mes co-directrices, Izabella Oliveira et Mireille Saboya. Je tiens à souligner à quel point vous faites une équipe extraordinaire. Vous avez su me guider lors de ce long périple. Un grand merci pour votre disponibilité au cours des dernières années.
Izabella, il y a 10 ans, tu m’as convaincue d’essayer la recherche, grâce à un argument correspondant à l’une de mes valeurs « avoir du plaisir à faire de la recherche ensemble ». Cet essai m’a conduite à la maîtrise, puis au doctorat. Même si une recherche doctorale s’avère parfois un voyage difficile, j’ai effectivement eu du plaisir à la réaliser à tes côtés. Toujours présente pour une discussion, je te remercie de l’espace et l’autonomie offerts, tout en me ramenant sur le droit chemin lorsque mes idées ou ma curiosité m’éloignaient parfois quelque peu de l’itinéraire prévu…
Mireille, comme tu le sais, tes travaux m’ont grandement inspirée. Je te remercie de m’avoir fait une place dans ta notion de contrôle pour y ajouter ma couleur. Nos conversations, les différentes recherches, le stage, les articles et colloques m’ont offert un parcours des plus formateurs. Merci pour les nombreux encouragements pour le travail réalisé et pour celui à poursuivre, tout en m’indiquant que la destination était proche.
Mesdames Barbara Bader, Patricia Marchand et Joëlle Vlassis, vous avez également enrichi ce voyage de vos commentaires éclairants qui m’ont amenée à élargir mes horizons, approfondir mes réflexions tout comme raffiner certains détails avec plus de justesse. Je vous remercie sincèrement d’avoir accepté d’évaluer cette thèse.
Comme partenaires de voyage, je pense aussi aux professeur(e)s et aux étudiant(e)s chercheur(e)s que j’ai eu le plaisir de côtoyer au cours des dernières années et avec lesquel(le)s il est si important d’échanger. Je m’adresse autant à celles et ceux que j’ai croisé(e)s au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage de la FSÉ à l’Université Laval que celles et ceux croisé(e)s lors des activités du Groupe de didactique des mathématiques du Québec. Vous êtes nombreux, alors sans vous nommer, sachez que vous avez fait une différence en ce qui me concerne. J’ai aussi une pensée
xiv
particulière pour Stéphanie Gaudet et Éric Champagne, amis de longue date de l’Université d’Ottawa, qui m’ont encouragée à suivre cette voie.
Bien entendu, un tel projet ne peut être réalisé sans le milieu scolaire. Je remercie sincèrement les enseignants ainsi que leurs élèves qui se sont prêtés au jeu de me raconter leur façon de faire les mathématiques de m’avoir accueillie dans leur culture mathématique. Mes plus sincères remerciements au Fonds de recherche québécois, Société et Culture (FRQSC) pour l’octroi d’une bourse doctorale, un soutien financier grandement apprécié lors d’un tel parcours.
Sans contredit, un tel périple ne peut être réalisé qu’avec le soutien de sa famille et ses amis. Stéphane, mon phare depuis plus de 25 ans, je te remercie d’être là à mes côtés. Philippe et Céleste, vous m’inspirez et vous contribuez à mon équilibre, à mon bonheur. Finalement, toute ma reconnaissance à mes parents, ma sœur, les membres de ma famille et amis. Sachez que vous avez tous été d’un support des plus précieux au cours des dernières années.
1
Introduction
Selon l’OCDE (2014a), la résolution de problèmes est l’une des compétences nécessaires pour faire face aux défis du 21e siècle. Toutefois, l’apprentissage de la résolution de problèmes demeure une question vive en
éducation. Entre autres, comment aider et comment outiller les élèves afin qu’ils deviennent plus efficaces et compétents pour cette tâche qui peut s’avérer complexe (O’Grady et al., 2019; O’Grady, Deussing, Scerbina, Fung, et Muhe, 2016; OCDE, 2014a, 2014b; Scott, 2015) ? D’ailleurs, l’importance accordée à la résolution de problèmes mathématiques en éducation se traduit par la place centrale qu’elle occupe dans les programmes de formation de l’école québécoise (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006a, 2006b). Résoudre des problèmes mathématiques, qui consiste à trouver une solution sans savoir d'emblée comment s’y prendre, est fondamentalement une activité cognitive complexe à gérer et à réaliser, pour laquelle les élèves éprouvent régulièrement des difficultés (De Corte et Verschaffel, 2008; De Corte, 2012; Focant et Grégoire, 2008; Houdement, 2003; Schoenfeld, 1985, 1992; L Verschaffel et De Corte, 1997). Notamment, être en mesure de décider quand et comment mobiliser les ressources mathématiques disponibles pour résoudre adéquatement une situation en particulier. Les prises de décision sont donc centrales à la résolution de problèmes. À l’instar de Houdement (2011), nous avons constaté qu’il y a tout un pan de « connaissances cachées » à l’activité de résolution de problèmes chez l’élève, qui va au-delà des mathématiques. À notre connaissance, elles demeurent peu connues et peu étudiées jusqu’à présent par la recherche. Ainsi, notre objet de recherche se dessine autour des prises de décision des élèves du primaire lors de la résolution de problèmes mathématiques. Cette étude propose de documenter l'explicitation des décisions prises en résolution de problèmes, sous l’angle du contrôle mobilisé.
Le premier chapitre expose notre problématique de recherche. Elle cerne d’abord les caractéristiques de la résolution de problèmes identifiées par la recherche, cible ensuite l’importance accordée à l'apprentissage de la résolution de problèmes mathématiques en classe puis dresse un état des lieux des connaissances scientifiques à propos de la capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes. S’ensuit la présentation de quelques observations faites auprès d’élèves qui questionnent la place qu’occupent les prises de décision dans la résolution de problèmes mathématiques.
Le second chapitre présente la construction d’un cadre conceptuel élaboré à partir de la notion de contrôle de Saboya (2010). Pour adapter cette notion plus particulièrement à notre contexte, la résolution de problèmes mathématiques chez les élèves du primaire, nous avons jugé pertinent de joindre, par une analyse inductive, d’autres concepts et notions appuyés par des auteurs issus des domaines de la didactique des mathématiques, du Mathematics Education, de la psychopédagogie et de la psychologie cognitive. Ce cadre conceptuel propose trois contrôles, un contrôle structural, opérationnel et restreignant, dont nous détaillons les indicateurs, les
2
composantes et leur caractérisation. Une question et trois sous-questions de recherche sont formulées dans cette optique.
Le troisième chapitre présente le devis méthodologique élaboré pour atteindre notre objectif de recherche et répondre à notre question et aux sous-questions de recherche. Plus spécifiquement, nous présentons les caractéristiques de l’approche qualitative, de l’analyse inductive, de l’entretien d’explicitation et de la notion de proportionnalité. Il est aussi question du corpus, du déroulement de la collecte de données, des instruments de collecte ainsi que de la présentation de la démarche d’analyse et sa validité.
Le quatrième chapitre, l’analyse, présente des exemples qui permettent de documenter les prises de décision des élèves du point de vue du contrôle mobilisé. Notamment, il est question du contrôle structural, du contrôle opérationnel et du contrôle restreignant l'activité de résolution de problèmes mathématiques. De plus, ce chapitre présente la fréquence de la mobilisation du contrôle pour les trois problèmes proposés.
Le cinquième chapitre, la discussion, dégage les principaux constats établis à partir de la manifestation du contrôle lors de la résolution de problèmes de proportion par des élèves de 5e année du primaire. Nous
dégageons une compréhension du contrôle structural, opérationnel et restreignant, de leur mobilisation et de leurs rôles. De plus, une réflexion autour de l’influence de certaines variables est également proposée. Ces constats mènent au dégagement d’une compréhension nouvelle des prises de décision en résolution de problèmes et pointe des enjeux liés à la mobilisation du contrôle chez les élèves du primaire.
Une conclusion vient clore la présentation de cette recherche doctorale par un retour sur les faits saillants concernant les contrôles sollicités par des élèves de 5e année du primaire au moment d’expliciter leurs prises
de décision lors de la résolution de problèmes de proportion. Nous concluons cette thèse par l’indication des limites et retombées et nous suggérons des pistes de recherche prometteuses qui permettraient de poursuivre le travail entamé par nos travaux et ceux de Saboya.
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1 Problématique
1.1 Origine de mon questionnement
Résoudre des problèmes est une tâche essentielle qui s’applique à plusieurs domaines. Mon questionnement à l’origine de cette thèse provient de mon expérience en tant qu’enseignante, il y a 20 ans, en formation technique au collégial. Les étudiants devaient concevoir des vêtements dont chaque modèle représentait une nouvelle situation complexe à résoudre, avec ses particularités et défis et pour laquelle les étudiants devaient trouver une manière de le réaliser. Pour faire les plans, devis et patrons des vêtements, les étudiants devaient mettre en jeu plusieurs connaissances mathématiques du primaire et du secondaire. Des étudiants n’étaient pas en mesure de rappeler les différentes ressources à leur disposition tandis que d'autres étaient efficaces et en contrôle de la situation. Ils semblaient même avoir une certaine facilité à prendre des décisions appropriées. Mes observations m’ont amenée à me questionner sur les aptitudes nécessaires à la résolution de problèmes en dehors des connaissances spécifiques à un domaine. Depuis, ce questionnement s’est élargi à d’autres contextes, notamment lorsque mes enfants devaient résoudre des problèmes mathématiques à l’école primaire. Il fait partie intégrante de mes études universitaires au moment où il demeure une question vive et d’actualité pour la recherche.
Plusieurs organismes et chercheurs indiquent que la résolution de problèmes est une compétence essentielle au 21e siècle. Entre autres, un rapport (Scott, 2015) commandé par l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture (UNESCO) mentionne que la résolution de problèmes est une compétence à développer chez les élèves afin que ceux-ci puissent s’adapter aux nouvelles exigences du 21e siècle et
relever des défis liés aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires de demain. Ce rapport indique comment les apprenants d’aujourd’hui devront faire face à des situations complexes.
« il importe d’abord de le [problème] définir et de comprendre ses éléments constitutifs. Il faut, ensuite, définir les ressources et les stratégies requises (maitrise de l’information, recherche de données et extraction d’informations pertinentes, par exemple). Dans ce processus, la pensée critique est essentielle. Les apprenants doivent également pouvoir appliquer les outils et les techniques appropriés de manière efficace et efficiente et persister face aux obstacles. Souplesse et autonomie sont donc essentielles » (Scott, 2015, p. 5).
Ces situations exigeront d’aller au-delà de la connaissance de contenus spécifiques, par le développement d’habiletés et d’aptitudes nécessaires pour résoudre de telles situations. Néanmoins, les compétences comme résoudre un problème sont étroitement liées, voire délimitées par une discipline (Bissonnette et Boyer, 2018) dans laquelle elles se développent, dont celle des mathématiques.
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À la lumière de ces constats, ce chapitre propose un regard sur la résolution de problèmes mathématiques par les élèves du primaire au Québec. L’objectif de ce chapitre est de caractériser la résolution de problèmes à partir des travaux de la recherche, de la contextualiser dans le programme de formation de l’école québécoise et dans les classes du primaire où elle devient un objet d’enseignement et d’apprentissage, puis d’évaluer ce que l’on sait à propos de la capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes mathématiques.
1.2 La résolution de problèmes du point de vue de la recherche
Résoudre un problème est une activité complexe. À priori, tout énoncé ou tâche mathématique ne peut se faire octroyer le titre de problème1. Poirier Proulx (1999) définit un problème comme suit :« Représentation qu’un individu se fait d’une situation jugée insatisfaisante où il doit accomplir une tâche afin de la modifier dans un sens donné sans disposer préalablement d’une procédure ou d’un cheminement adéquat pour atteindre le but fixé » (p. 166).
Pour déterminer si une tâche mathématique est un problème mathématique, Poirier Proulx (1999) indique trois caractéristiques. La première caractéristique repose sur la structure de la tâche. Il y a un problème à résoudre lorsqu’il y a un écart à combler entre une situation de départ présentée (état) et un but à atteindre. La deuxième caractéristique repose sur le fait que la démarche nécessaire pour réduire l’écart et atteindre ce but n’est pas précisée. Ainsi, tenter de trouver une solution à un problème nécessite une intervention active de la part de l’individu. Ce dernier met en jeu une démarche cognitive, du fait que c’est lui-même qui détermine la nature de cet écart et puisqu’il ne connait pas d’emblée la démarche à privilégier, l’individu élabore un ou des moyens pour le réduire. Ce qui explique que les procédures proposées peuvent varier d’une personne à l’autre. Ce point nous amène à la troisième caractéristique d’un problème mathématique, le fait qu’un problème demeure une question relative à la personne à qui il s’adresse. En ce sens, une même tâche mathématique peut à la fois être un problème pour certains élèves ou n’être qu’une tâche simple pour d’autres. Si la situation est trop facile pour eux, ces derniers ne font qu’exécuter une procédure qui relève davantage de l’application. L’enjeu de la résolution de problèmes devient alors « le fait de découvrir par soi-même une solution que l’on n’entrevoyait pas dans un premier temps » (Julo, 1995, p. 25). Trouver la solution nécessite que l’élève soit en mesure de mettre en place et d’opérationnaliser des relations mathématiques sous-jacentes au problème. Un problème mathématique est donc un défi intellectuel et non pas l’exécution de connaissances et de procédures « if one has ready access to a solution schema for a mathematical task, that task is an exercise and not a problem » (Schoenfeld, 1985). Si la personne qui s’exécute connait d’emblée une manière de s’y prendre et que cette
1 L’objet même de cette thèse, les prises de décision dans la résolution de problèmes, sera traité indépendamment du fait qu’elles aient
lieu pour un problème court ou une situation problème plus laborieuse. Bien que les notions « problème » et « situation problème » renvoient à des activités différentes en termes de présentation et de configuration du problème mathématique demandé et des objectifs d’apprentissage et d’évaluation visés (à cet effet, voir Roegiers, 2003; Goulet 2018), elles reposent sur les mêmes caractéristiques fondamentales développées dans cette section.
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manière s’avère être une connaissance appropriée, cette situation n‘est pas un problème, mais un exercice, bien que la réalisation soit laborieuse et prédisposée aux erreurs d’exécution arithmétiques.
En psychologie cognitive, Richard (2004) ajoute qu’il n’est pas toujours possible pour une personne d’identifier, dès le départ, qu’une situation est un problème. En effet, il nuance que parfois la tâche se révèle être un problème lors de son exécution. Par exemple, lorsque des connaissances sont appliquées, mais que ces connaissances échouent pour cette tâche, l’élève bloque et c’est à ce moment que la situation se transforme en un réel problème à résoudre. À partir de ce point de vue, « la notion de problème se situe donc dans le contexte du savoir-faire et du faire » (Richard, 2004, p. 219). C’est dans ce même contexte que Richard met en évidence que le passage de la connaissance à l'action est une opération complexe lors de la résolution d’un problème, celle-ci impliquant une somme de contraintes à respecter.
1.2.1 Diverses actions à considérer dans la résolution d’un problème
mathématique
Ripoll (2006) s’est intéressé à l’activité cognitive nécessaire à la résolution de problèmes. L'auteur souligne qu’une action peut mettre en jeu deux niveaux cognitifs, selon le degré de complexité de cette action. Le premier niveau relève de l’automatisme, où le sujet n’a pas à fournir un effort et une concentration soutenue. Le deuxième, de haut niveau, demande au contraire au sujet de réfléchir. C’est ce haut niveau cognitif qui motive les actions d’un individu dans la tâche de résolution de problèmes. Ce haut niveau est qualifié par Ripoll « d’activité cognitive lente, contrôlée et requiert donc toute l’attention du sujet » (p.389). Cette activité peut porter sur l’exploration mathématique (Peroz, 2000) et se pratiquer par la recherche (Bkouche, Charlot et Rouche, 1991; Douaire, Charnay et Valentin, 1998), soit rechercher le sens, les relations mathématiques, des possibilités et solutions ou chercher à comprendre comment résoudre.
Par ailleurs, Richard (2004) explicite plus en détail cette recherche de sens pour une situation par ce qu’il nomme l’espace de recherche. L’espace de recherche est le moment où l’individu cherche à arrimer deux espaces, sémantique et effectif. Les variables du problème et les consignes représentent les contraintes « réelles » du problème avec lesquelles l’individu doit composer, ce que Richard nomme l’espace effectif de recherche. L'espace de recherche permet de développer le sens qu’attribue l’individu à l’espace effectif. Par conséquent, Richard nomme l’espace sémantique les « contraintes du problème telles que le sujet se les représente » (p.235) suite à l’interprétation du problème par l’identification des consignes du problème, le sens qu’il leur attribue et par l’identification de l’état initial et du but recherché. Selon cet auteur, l’espace sémantique est dynamique et progressif, puisque soumis aux résultats que l’individu obtient suite aux actions, tandis que l'espace effectif demeure le même. Ce qui nous indique que pour un même espace effectif, nous pouvons considérer, d’un individu à l'autre, différentes interprétations, différentes possibilités d'actions à entreprendre, différents états
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intermédiaires ainsi que divers processus pouvant mener à une solution. L’arrimage entre espace sémantique et effectif peut comporter des insights (la découverte d’une propriété d’un élément du problème qui vient en aide à la résolution), des fixations (une certaine rigidité par l’expérience ou dans la manière de voir une situation qui empêche de modifier l’espace sémantique), une impasse (incompatibilité entre espace sémantique et contraintes de la tâche), des affordances (transformation d’un indice en contrainte explicite), voire des erreurs de compatibilité entre espaces sémantique et effectif qui passent inaperçues puisqu’elles semblent cohérentes pour l’individu.
De son côté, Roegiers (2003) illustre que résoudre implique d’abord une décision cruciale, celle d’agir afin de répondre à un besoin. De là, la décision d’agir ouvre un premier spectre où résoudre repose sur les formulations (formuler le problème), ce qui rappelle l’espace sémantique précédemment cité de Richard. Chacune des différentes formulations ouvre, à son tour, un second éventail de spectres, soit les solutions (compétences et choix de la démarche) pouvant se rattacher à la formulation, soit différentes manières d’opérationnaliser une formulation (voir figure 1).
Figure 1 : Les deux niveaux d’ouverture menant aux solutions possibles, les spectres des formulations et des solutions
(Roegiers, 2003, p.19)
Les prises de décision sont un processus menant à un résultat. La décision d’agir en tant que résultat (je m’engage à tenter de résoudre) mène à un autre processus décisionnel pour prendre une prochaine décision, une formulation, qui devient à son tour un résultat guidant les processus décisionnels de la solution à envisager.
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Les prises de décision sont donc centrales à la résolution. Comme le présente la figure 1, plus il y a de formulations, plus le spectre des formulations est grand. Ensuite, plus il y a de solutions formulées pour chacune de ces formulations, plus le spectre des solutions s’élargira. Ce qui suggère que l’éventail des possibilités dont disposera un individu pour résoudre un problème varie en fonction de ces deux spectres. Ce schéma illustre, d’une certaine manière, la flexibilité cognitive en résolution de problèmes, cette « capacité à envisager plusieurs points de vue sur un même objet, c’est-à-dire à envisager plusieurs moyens pour atteindre un même but » (Clément, 2009, p. 126). La mise en place de ces spectres implique l’articulation d’informations et de connaissances, dont un bagage de connaissances disciplinaires. Effectivement, résoudre un problème mathématique nécessite d’avoir recours à des connaissances mathématiques (De Corte et Verschaffel, 2008; Focant et Grégoire, 2008; Schoenfeld, 1985; Verschaffel et De Corte, 2008), qu’elles soient de nature procédurale ou conceptuelle. Choisir parmi ses ressources les connaissances mathématiques appropriées devient une pierre angulaire de la résolution.
Parmi les connaissances conceptuelles, nous faisons référence à Julo (2002) qui attribue un rôle important aux schémas de problèmes, ces regroupements de problèmes que l’individu a déjà classifiés d’après leur structure. Cette construction des schémas est inhérente à une approche ergonomique de l’élève dans l’expérimentation de la résolution de problèmes, celle d’établir des relations entre différents problèmes (Houdement, 2011). À priori, résoudre un problème nécessite chez les élèves d’être en mesure d’établir la structure relationnelle entre les éléments du problème, voire conceptualiser les relations (Vergnaud, 1990). Dans le cas où le sujet dispose d’un répertoire pour une situation, les conduites pour résoudre peuvent être associées à un schéma. Dans le cas contraire, résoudre peut amener l’élève à construire un nouveau schéma ou à en adapter un autre. Pour cela, résoudre consiste aussi à dégager des informations implicites (inférer) (Goulet, 2018), tirer une conclusion à partir d’informations (déduire), inférer une conclusion générale parmi différentes situations et exemples particuliers (induire), ou explorer les possibilités et les limites qu’offre l’acquisition de nouvelles notions mathématiques (créer) (Lemaire, 2006; Ripoll, 2006).
De son côté, Schoenfeld (Schoenfeld, 1985) rappelle que les euristiques sont des stratégies2 qui peuvent
favoriser la résolution de problèmes. La mobilisation de ces stratégies offre un support à la recherche de sens, lorsqu’elles visent à mieux comprendre un problème, à progresser dans la résolution ou à agir plus efficacement. Les euristiques contribuent d’une certaine manière aux spectres de formulations et de solutions explicités par Roegiers (2003). À titre d’exemple, Schoenfeld propose les analogies, les problèmes similaires, le dessin de figures, l’argumentation par la contradiction…stratégies qui, comme il le rappelle, semblent faire consensus
2 Dans le cadre de cette thèse, le terme stratégie renvoie à des actions dites cognitives tandis que le terme procédure renvoie plutôt aux
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auprès des mathématiciens lors de la résolution de problèmes. Toutefois, Schoenfeld souligne aussi que le succès d’une euristique repose grandement sur la mobilisation des connaissances spécifiques au domaine que l’individu possède.
« Despite the fact that their application cuts across various mathematical domains, the successful implementation of heuristic strategies in any particular domains often depends heavily on the possession of specific subject matter knowledge. While heuristics are important, their use is based on a foundation of resources » (Schoenfeld, 1985, p.92)
L’une des euristiques grandement mobilisées chez les élèves du primaire consiste à faire des essais. Selon les observations, l’essai numérique est une stratégie qui favorise une recherche de sens. Dans l'exemple suivant (voir figure 2), pour explorer l’espace de recherche, l’élève « attribue un nombre de départ aux sujets/objets (pour l’une des valeurs recherchées), un certain état à partir duquel le total va pouvoir être reconstruit » (Oliveira et Rhéaume, 2014, p. 411). Les connaissances des opérations sur des nombres deviennent à ce moment une ressource utile à la mise en place des relations et des opérations.
Figure 2: Exemple d’essais numériques
Dans ce cas, l’élève doit garder constamment en tête les relations entre les nombres lors des écritures et contrôler si le résultat obtenu correspond à celui donné par la situation. L’essai numérique devient pour l’élève une manière de faire semblant de résoudre (Oliveira et Rhéaume, 2014).
Dans l’ensemble, résoudre repose sur l’« activité intellectuelle, la plupart du temps non explicite, de manipulation d'informations pour, à partir de données, produire de nouvelles informations » (Balacheff 1987, p.148). Une activité intellectuelle visant à gérer un flot d’informations de toutes sortes, nécessaires au processus de résolution et qui implique de prendre des décisions à propos de ces informations.
1.2.2 Les prises de décision au cœur de la résolution de problèmes
mathématiques
Quelques chercheurs en psychologie cognitive (Clément, 2009; Lemaire, 2006; Richard, 2004) stipulent que prendre une décision est un processus cognitif complexe menant à un résultat, la décision d’action. Prendre une
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décision est un acte rationnel selon Lemaire (2006), l’un des divers processus cognitifs participant au contrôle exécutif (Clément, 2009 citant Collette, 2004). Ce processus intervient dans l’adaptation face à des situations nouvelles, comme la résolution de problèmes.
Les spectres des formulations et des solutions, précédemment présentés à la figure 1, indiquent les moments où certaines décisions peuvent être prises. À cet effet, Roegiers (2003) nomme l'angle de décision d’action cet espace compris entre le besoin initial et le spectre des solutions, là où les tracées cheminent vers la résolution. Par contre, ce schéma nous semble rigide et linéaire et nous le critiquons puisque dans les faits, des retours et va-et-vient sont possibles. Entre autres, rappelons que certaines contraintes n’apparaissent à l’individu qu’une fois la décision exécutée (Richard, 2004) et que des changements de point de vue sont possibles (Clément, 2009). Une décision pourrait à notre avis mener l’individu à faire un retour en arrière, un retour au besoin initial, refuser de résoudre ou revoir une nouvelle formulation du problème.
Pour Richard (2004), les décisions d’action nécessaires à la résolution de problèmes sont le résultat d’activités mentales visant à répondre à l’ensemble des contraintes de la tâche, ou à faire un compromis parmi ces contraintes, l’une des contraintes étant priorisée au détriment du respect d’une autre contrainte. Outre les contraintes, Richard dégage de plus que les euristiques mobilisées par l’individu ainsi que les buts et sous-buts formulent d’autres contraintes, en tant que règle d’actions à suivre ou en tant qu’objectif duquel se rapprocher. En effet, ces autres contraintes viennent guider ou restreindre les actions, donc les décisions possibles. Toujours selon Richard, la prise de décision est l'une des fonctions liées au contrôle sur la tâche. Activités mentales et actions sont étroitement liées en résolution de problèmes.
Poirier Proulx (1999) indique un lien fort entre résolution de problèmes et prises de décision : « le processus de prise de décision permet de faire un choix parmi plusieurs possibilités dans la façon d’identifier cet écart et de le combler » (p.60). Les prises de décision touchent tant le volet de la représentation du problème que celui de l’opérationnalisation. Les décisions réfléchies reposent, entre autres, sur la capacité de l’individu à s’appuyer sur une pensée critique (poser un jugement éclairé) et une pensée créatrice (générer de nouvelles idées). En ce sens, Schoenfeld (Schoenfeld, 1985) interprète les prises de décision en termes de contrôle. Ce dernier admet que bien que les élèves aient les connaissances nécessaires pour résoudre un problème, le processus de résolution dépend de la manière de mettre en jeu ces connaissances et de la fécondité des prises de décision effectuées. En effet, Schoenfeld considère que les actions choisies traduisent un contrôle, comme un comportement explicitant la manière dont l’individu gère les informations et les décisions d’action.
“The defining characteristic of actions at the control level is that they have global consequences for the evolution of a solution. They are decisions about what paths to take (which also, therefore, determine what paths are not taken). They are decisions about abandoning directions, which open up new possibilities but do so at the risk of curtailing efforts that might have led to success. They
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are, in one way or another, decisions that entail the selection and use of significant portions of the resources (including time, one of the most precious of resources) at the problem solver’s disposal”(Schoenfeld, 1985)
Schoenfeld explicite d’ailleurs que la performance d’une résolution repose non seulement sur l’ensemble des euristiques dont dispose l’individu, par exemple simplifier, modifier ou reformuler le problème, dessiner un diagramme, mais aussi sur l’action de choisir celle, parmi plusieurs, pouvant contribuer à la résolution du problème. La figure 3 illustre à quel point le choix d’une euristique influence les prises de décision subséquentes.
Figure 3: illustration de l’impact du choix d’une euristique sur la suite du processus de résolution (Schoenfeld,1985, p.98)
Selon l'auteur, choisir une euristique n’est pas une tâche aisée. D’abord parce que parmi les euristiques disponibles pour un problème, certaines sont appropriées et d’autres pas. Ensuite, certaines d’entre elles qui semblent appropriées s’avéreront infructueuses tandis que d’autres, efficaces, peuvent tout de même être exclues ou être abandonnées. Par conséquent, mobiliser une ou plusieurs euristiques non appropriées, exclure d’autres possibilités efficientes et abandonner des avenues prometteuses sont des décisions qui mettent en péril la résolution du problème mathématique. Ces choix relèvent du contrôle. Le contrôle sur les prises de
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décision vise à reconnaitre quand et comment utiliser les ressources à la disposition de l’individu de manière efficace (ou inefficace).
“Selecting and pursuing the right approaches, recovering from inappropriate choices, and in general monitoring and overseeing the entire problem-solving process, is equally important. One needs to be efficient as well as resourceful. In broadest terms, this is the issue of control.”(Schoenfeld, 1985)
Pour Schoenfeld, le choix des euristiques est clairement associé au contrôle. Les euristiques permettent de progresser pendant le processus et leur mobilisation par l’élève offre des moyens pour gérer, voire rendre plus efficientes les ressources mathématiques disponibles chez l’élève.
1.2.3 Synthèse de l’activité de résolution de problèmes
Dans ce qui suit, nous reprenons les principaux éléments dégagés par la recherche à propos de la résolution de problèmes. À la lumière des lectures effectuées, résoudre un problème mathématique est une activité cognitive, raisonnée et contrôlée qui a lieu dans un espace de recherche, où le but est d’agir afin de trouver une solution à partir des moyens dont l'élève dispose au moment de le résoudre. Nous regroupons les points saillants dégagés par la recherche à propos de la résolution de problèmes.
Résoudre un problème mathématique est une activité cognitive complexe. C’est un processus : • qui vise à combler l’écart entre une situation initiale et un but à atteindre;
• qui met en jeu le savoir, le savoir-faire et le faire de l’individu qui résout. À l’occasion, il nécessite de créer de nouveaux savoirs;
• qui nécessite de formuler et de trouver une solution; • hautement cognitif, qui met en jeu des prises de décision;
o Ces prises de décision sont au cœur du processus de résolution. Elles s’effectuent dans un espace de recherche, où s’articule l’espace effectif délimité par des contraintes propres au problème, et l’espace sémantique construit par celui qui résout, ponctué de doutes, de va-et-vient et d’obstacles. Les décisions s’enchainent.
o Ces prises de décision nécessitent de manipuler et d’articuler des informations, des connaissances, des raisonnements, des insights, des contraintes, des schèmes, des stratégies (euristiques), des procédures.
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o Au moment de l’opérationnalisation, elles reposent sur le choix de procédures parmi une ou plusieurs possibilités.
o Elles traduisent le contrôle exercé.
o Elles ne mènent pas nécessairement l’élève à utiliser une procédure adéquate, voire même à la réussite du problème. Parfois, les décisions s’avèrent non efficientes.
Résoudre n’est pas une activité linéaire, mais plutôt une activité dynamique et interactive dans la mesure où plusieurs options sont envisageables, des retours sont possibles, des décisions peuvent être révoquées. Chaque résolution est unique.
Au terme de cette section se dessine un objet de recherche. Plus spécifiquement, les prises de décision deviennent centrales à notre recherche, à savoir comment les élèves coordonnent, planifient et contrôlent l’ensemble des actions lors de la résolution de problèmes. Ce contrôle correspond notamment au développement d’aptitudes essentielles au processus de résolution. La formulation de notre objet de recherche nous amène à examiner la résolution de problèmes en classe au primaire afin de savoir de quelle manière les prises de décision (et plus particulièrement les aptitudes) s’y développent en contexte scolaire.
1.3 La résolution de problèmes en classe au primaire
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) soutient que le contenu des programmes scolaires et le travail des enseignants peuvent avoir une grande influence sur le développement des compétences en résolution de problèmes. Cette section présente la place qu’occupe la résolution de problèmes dans le programme de formation de l’école québécoise au primaire (PFEQ) et ce que nous savons à propos du développement en classe de la compétence à résoudre des problèmes mathématiques.
1.3.1 La place de la résolution de problèmes mathématiques dans le PFEQ
La résolution de problèmes fait partie intégrante des programmes de formation au Québec depuis le début du XXe siècle. Cela dit, les rôles et les enjeux associés à la résolution de problèmes en classe ont grandement évolué depuis (Lajoie et Bednarz, 2012, 2014). Entre autres, la résolution de problèmes était utilisée comme moyen de mettre en pratique les mathématiques par l’application de connaissances (1904-1945), par le raisonnement (1948-1959), ou comme moyen d’utiliser les connaissances et techniques apprises (les années 60 et 70). C’est à partir des années 80 que le processus de résolution de problèmes fait son entrée dans les programmes de formation de l’école québécoise comme objet d’apprentissage (Lajoie et Bednarz, 2014). En 2000, le PFEQ du primaire subit une refonte où le développement de compétences devient central (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006). En mathématiques, il cible le développement de trois compétences, Résoudre
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une situation-problème, Raisonner à l’aide de concepts et de processus mathématiques et Communiquer à l’aide du langage mathématique. Trois compétences qui sont étroitement liées les unes aux autres, mais qui se
distinguent dans la manière d’exercer la pensée mathématique.
Ainsi, le Québec n’échappe pas à l’enjeu du développement de la compétence à résoudre des problèmes mathématiques. Le PFEQ décrit le contexte de réalisation d’une situation-problème.
« Une situation-problème se caractérise par le fait qu’il y a un but à atteindre, une tâche à réaliser ou une solution à trouver. L’objectif visé ne saurait être atteint d’emblée, car il ne s’agit pas d’un exercice d’application. Sa quête suppose, au contraire, raisonnement, recherche et mise en place de stratégies mobilisant des connaissances. Aussi, la résolution de situations-problèmes en mathématique engage-t-elle l’élève dans une suite d’opérations de décodage, de modélisation, de vérification, d’explicitation et de validation. Il s’agit d’un processus dynamique impliquant anticipations, retours en arrière et jugement critique. » (Ministère de l’Éducation, 2006, p. 126)
Cette description correspond aux éléments identifiés par la recherche : recherche et mobilisation de stratégies par l’élève, processus dynamique, l’engagement dans la résolution par l’anticipation, la vérification, le jugement critique… Les mathématiques y sont donc mobilisées avec le soutien de stratégies parfois autres que mathématiques. À cet effet, la progression des apprentissages en mathématiques au primaire (Ministère de l’Éducation, 2009) précise quelles stratégies cognitives et métacognitives favorisent le développement des trois compétences en mathématiques, dont celle à résoudre des problèmes : planification, compréhension, organisation, élaboration, régularisation, généralisation, rétention, automatisation et communication.
Dans l’ensemble, le PFEQ indique que la résolution nécessite des stratégies que les élèves exercent avec une certaine autonomie. Les élèves doivent, à la fin du primaire, être en mesure d’expliquer et de justifier leurs choix, répertorier des solutions et les évaluer, de mettre en œuvre des stratégies efficaces, d'identifier les causes de réussites et de difficultés et finalement, d’établir des liens entre la situation à résoudre et d’autres situations semblables. Ces indications quant aux finalités de la compétence Résoudre une situation-problème traduisent « le caractère de plus en plus ambitieux des fonctions assignées à la résolution de situations-problèmes en ce début de XXIe siècle. Celles-ci intègrent le développement de processus mathématiques et de compétences débordant du champ des mathématiques. » (Lajoie et Bednarz, 2014, p.20). Ce rôle plus ambitieux correspond aux enjeux liés au développement des compétences en résolution de problèmes soulevés par la recherche et à un constat de l’UNESCO (Scott, 2015), les élèves d’aujourd’hui doivent être préparés à résoudre des problèmes. Dès lors, ces finalités supposent que des stratégies cognitives sont développées en classe. Il y a lieu alors de se demander comment se traduit le PFEQ en classe. Comment est développée la résolution de problèmes en classe?
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1.3.2 Le développement de la résolution de problèmes en classe
En ce qui concerne la contextualisation des problèmes mathématiques en classe, Houdement (2011) campe bien le contexte dans lequel ils sont présentés en France « Les problèmes arithmétiques verbaux usuels en primaire ont cette particularité de problématiser une réalité, évoquée par l’énoncé, pour obtenir une réponse mettant en jeu des mathématiques » (p. 68). Nous retrouvons cette même contextualisation dans les manuels scolaires utilisés dans les classes du primaire au Québec. Dans les manuels les plus récents utilisés en classe (Caméléon, Clicmaths, Opération mathématique, Tam Tam mathématique, Décimale…), les problèmes prennent généralement place à la fin d’une section « afin de faire la synthèse de certaines notions théoriques abordées dans les unités précédentes » (Caméléon, 1re année du 2e cycle du primaire, cahier d'apprentissage
A, 2010 p.III). Par exemple, le cahier Clicmath+ propose le problème suivant3 aux élèves de la 4e année du
primaire à la fin de la 2e étape (Figure 4).
Figure 4 : Exemple d’un problème présenté dans les manuels scolaires en 4e année du primaire (Clicmaths+ mathématique 4e année, cahier d’apprentissage vol. B, 2014, p. 154-155)
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Le problème est ici utile pour favoriser la mobilisation des nouvelles connaissances acquises ainsi que les différents concepts et processus qui y sont reliés. Il est aussi utile pour évaluer de manière formative la compréhension des notions mathématiques chez les élèves. Bien qu’ils puissent varier d’un manuel à l’autre, c’est généralement ce type de problèmes que l’on retrouve aujourd’hui dans les manuels en mathématiques. Les problèmes peuvent être présentés avec des outils, comme ce tableau illustrant des tablettes, pour aider les élèves à organiser et présenter les informations.
Du point de vue de la recherche, la résolution de problèmes en classe devrait être à la fois un outil pour apprendre les mathématiques et un objet à apprendre, deux visées très différentes (Fagnant et Vlassis, 2010).
« En guise de synthèse, on peut considérer que les travaux d’inspiration socio-constructiviste portent essentiellement sur la résolution de problèmes en tant que modalité pédagogique (les situations-problèmes sont une méthode d’enseignement / apprentissage qui permet de construire les concepts et les procédures en leur donnant du sens) alors que les travaux liés aux approches cognitives se sont essentiellement intéressés au processus même de résolution de problèmes, ainsi qu’à l’enseignement et à l’apprentissage de stratégies efficaces de résolution. » (Fagnant et Vlassis, 2010, p. 51)
En ce qui concerne l’enseignement et l’apprentissage de stratégies efficaces de résolution de problèmes mathématiques, nous remarquons dans les manuels récents la référence à une certaine démarche à suivre, déjà bien connue du milieu. De manière générale, tous s’entendent pour dire que la plupart du temps, les démarches présentées s’inspirent des quatre étapes (comprendre le problème, élaborer un plan, exécuter le plan, revenir en arrière en examinant la solution obtenue) proposées par Polya (1945). Les étapes, qui sont semblables d’un manuel à l’autre, indiquent aux élèves des actions à faire dans un ordre précis. Nous présentons un premier exemple, tiré du manuel Clicmaths+ (2014) présenté dans la jaquette du livre (figure 5).
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Figure 5: Démarche de résolution de problèmes proposée par Clicmaths+ mathématique 4e année, cahier d'apprentissage,
vol.B, 2014, jaquette intérieure)
La démarche est la plupart du temps présentée dans les manuels sous une liste d’étapes à suivre. Au bas de cet exemple est présentée une liste de stratégies de résolution de problèmes qui correspondent, entre autres, aux euristiques proposées par Polya: Faire des essais systématiques, travailler à rebours, donner des exemples, partager le problème en sous-problèmes, changer de point de vue, éliminer des possibilités et simplifier le problème. En général, ces étapes et stratégies énumérées ne sont pas approfondies par les manuels, à l’exception du manuel Sur la route des maths (2016) qui s’intéresse plus spécifiquement à la résolution de problèmes. C’est un cahier de stratégies et de méthodologie en résolution de problèmes offert, entre autres, en 4e année du primaire qui approfondit certaines stratégies, dont la figure 6 présente un exemple à propos de la