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1.4 Capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes mathématiques

1.4.3 Capacité des élèves à mobiliser des procédures

Plusieurs études se sont déjà intéressées à la mobilisation des procédures lors de la résolution de problèmes mathématiques. Ces études recueillent les procédures que les élèves mobilisent pour divers domaines des

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mathématiques (arithmétiques, mesure, géométrie, proportionnalité, probabilités, statistique, algèbre…). De manière générale, il appert que les élèves varient les procédures, et ce en fonction de la notion mathématique impliquée, des apprentissages réalisés, des connaissances accessibles, des procédures apprises ou maitrisées, des difficultés ou même en fonction des variables didactiques présentes dans les problèmes. Les élèves prennent donc des décisions à propos des procédures à mobiliser en fonction de l’ensemble du contexte dans lequel a lieu cette résolution.

Plus spécifiquement, qu’en est-il lorsque les notions mathématiques impliquées n’ont pas encore été formellement enseignées à ces élèves? Et lorsqu’ils font face à une situation qu’ils doivent résoudre, mais qui exige entre autres d’aller au-delà de ses connaissances, de persister devant les obstacles, de chercher de nouvelles avenues? Pour illustrer ce propos, nous avons choisi quelques études récentes qui illustrent les procédures mobilisées par des élèves pour des notions mathématiques qu’ils n’ont pas encore apprises, l’algèbre et la proportionnalité.

Au Québec, l’introduction à l’algèbre se fait en 2e année du secondaire. Une étude portant sur les procédures

mobilisées par les élèves du 3e cycle du primaire et du 1er cycle du secondaire (Oliveira, Rhéaume, et Geerts,

2017; Oliveira et Rhéaume, 2014) démontre que des élèves du 3e cycle du primaire sont en mesure de résoudre

des problèmes ayant une structure algébrique en s’appuyant principalement sur un raisonnement arithmétique et des procédures arithmétiques7. Pour résoudre des problèmes de partage inéquitable, les élèves de 6e année

font entre autres appel à l’essai numérique en gardant en tête les relations établies entre les nombres, tel que présenté à la figure 10.

Figure 10: Résolution par un élève de 6e année (Oliveira et Rhéaume, 2014, p.415)

Dans cet exemple, l’élève attribue une valeur de départ de son choix à l’équipe A, pour ensuite appliquer les relations au pointage des deux autres équipes. L’élève fait ensuite le total des points des trois équipes afin de

7 Chez les élèves de 6 année du primaire qui ont tenté de résoudre les 5 problèmes, le taux de réussite varie entre 24% et 60%, une

variation qui s’explique entre autres par le type de partage inéquitable (source, composition et puits) et le type de structure (additive et/ou multiplicative).

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voir s’il correspond à celui indiqué dans l’énoncé. Il répète les essais en ajustant le nombre de départ jusqu’à ce qu’il obtienne le nombre total de points recherché. Les analyses permettent d’identifier la capacité chez certains élèves à mettre en jeu les relations par des procédures arithmétiques pour résoudre des problèmes ayant une structure algébrique, ainsi que la difficulté chez d’autres élèves à établir les relations. L'exemple ci- haut illustre d’ailleurs que chacun des essais numériques est contrôlé et régulé jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse qui lui convient.

Une autre étude, Levain (1992) met en lumière le type de problèmes de proportionnalité que les élèves du primaire peuvent résoudre avant enseignement formel. Les résultats de cette étude proviennent des calculs que 46 élèves en CM2 (10-11 ans) ont faits pour résoudre 35 problèmes à structure multiplicative impliquant un raisonnement proportionnel. Ces résultats mettent en évidence les écarts significatifs entre différents problèmes de proportion et leur taux de réussite. Le taux de bonnes stratégies de résolution est de 79% pour l’ensemble des 35 questions. En considérant les erreurs de calcul, le taux de réussite descend à 66%. Les problèmes sont réussis à 54% dans le cas des problèmes de quatrième proportionnelle. Levain observe aussi une diminution de la réussite lorsque le contexte de référence (achat, vente) est moins familier (agrandissement, vitesse). De plus, les résultats indiquent que la variable numérique influence le choix de l’opération (entiers ou décimaux). Ainsi, des élèves du 3e cycle ont la capacité de résoudre des problèmes mettant en jeu des notions

mathématiques moins familières, qu’ils explorent avant de recevoir un enseignement formel de ladite notion. En outre, les variables didactiques influencent le taux de réussite chez ces élèves ainsi que les procédures mobilisées. Néanmoins, les procédures utilisées par ces élèves ne rendent pas compte explicitement des choix et prises de décision dont elles découlent. Les traces écrites nous informent peu sur les éléments qui guident les élèves dans leur prise de décision (compréhension des éléments du problème, recherche de sens, pensée critique) et sur la manière de gérer de telles situations (stratégies telles que la planification, régulation), les aptitudes mises en évidence dans les rapports UNESCO et de l’OCDE.

À titre d’exemple (Oliveira, 2009, p.235), rapporte un raisonnement qualitatif répertorié chez un élève de premier secondaire (avant enseignement) lors de la résolution d’un problème ayant une structure inversement proportionnelle.

Exemple: 4 machines prennent 300 jours pour fabriquer toutes les briques qui vont être utilisées

dans la construction d'une maison. En combien de jours 8 machines identiques fabriqueront la même quantité de briques?

« Comme on double le nombre de machines, on doit diminuer le nombre de jours par deux, car comme il ya plus qui travaille dessus ça prend moins de temps, 2 fois moins avec 4 machines » (élève 12/pré-test).

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En qualifiant la relation (plus qui travaille… moins de temps), l’élève guide le processus de résolution, pour proposer de diminuer (diviser) le nombre de jours, 300 par 2.Malgré son incidence et son importance envers le processus de résolution, ce type de raisonnement demeure la plupart du temps privé à l’élève. Ce qui laisse entendre que nous en savons que trop peu sur la rationalité sous-jacente, comment les élèves arrivent (ou pas) à explorer, prendre des décisions et cheminer au cours du processus de résolution pour une notion mathématique complexe pour eux. Derrière cette capacité et cette habileté à choisir des procédures se cache le contrôle sémantique, au sens de Houdement (2011).