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4.3 L’observation d’un contrôle restreignant

4.3.2 Souligner les données importantes

Rappelons que les élèves étaient invités à faire les résolutions à leur manière, comme ils le souhaitaient. Des surligneurs étaient, entre autres, à leur disposition. Nous remarquons que des élèves soulignent et d'autres pas. Les entretiens avec les élèves indiquent que cette conduite les aide à repérer plus rapidement ce que les élèves nomment les informations importantes « à place de tout relire le texte tout le temps, pis les chercher, ben là je l'avais, ah c'est là, c'est là, c'est là » (Julien, muffins). Comme pour la plupart des autres élèves, Judith mentionne que souligner évite avant tout de tout relire « au lieu de vraiment tout tout tout lire, ben j'ai comme mes petits mots-clés ». Ils sont conscients d’un possible apport en soulignant les informations. Selon les élèves, souligner semble être avantageux pour retourner aux informations plus rapidement.

Néanmoins, nous remarquons, grâce aux vidéos, une nuance importante qui concerne la manière de mettre en pratique cette conduite. La plupart des élèves soulignent les informations importantes pendant la première lecture sans connaitre la question et sans savoir ce qu’ils doivent chercher. Les élèves sont principalement centrés sur les nombres. En ce sens, Sarah mentionne que « Pour mes calculs, j'ai souligné les quantités parce que j'étais sûre qui y'allait avoir des questions sur les quantités, parce que sinon, sûrement qu'ils ne les auraient pas données. Fait que je les ai soulignées » (Punch). Ses propos suggèrent une certaine conception de la résolution de problèmes soit tous les nombres présentés dans l’énoncé devraient être utiles pour résoudre le problème. Donc elle les souligne tous. Souligner ne signifie donc pas à tout coup une interprétation des données qui sont soulignées, ni que ces données soulignées ont été choisies par un regard critique sur leur pertinence pour le problème.

L’enseignante de Sarah et Judith confirme que souligner est une attente scolaire. Les élèves doivent souligner, ce n’est pas un choix pour eux « Non non, il faut qu'ils le fassent [souligner]. Oui, il faut qu'ils le fassent puis, quand on fait, en fait, la façon de procéder c'est vraiment après ça on fait le ce que je sais, pis quand je donne les copies, je le dis moi, on va aller surligner, pour pas qu'ils passent à côté » (Enseignante A).

« Ben ça, c'est les informations importantes fait que quand j'ai besoin de les revoir, ben je relis pas tout, je relis ce qui est juste là […] quand c'est des problèmes un peu plus durs que d'habitude, mais t'sé genre juste pour m'aider juste pour que ça aille plus vite là. Comme je veux savoir qu'est- ce qui faut que je fasse, ben, je lis ce qui est en bleu [la question du problème]» (Béatrice, Fête).

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Chez Pascal, l’utilité de souligner demeure floue, même si cette conduite est privilégiée par l’enseignante. CH: « J'ai vu que tu soulignes...

Pascal: oui...

CH: Est-ce que ça t'aide de souligner? Pascal: ben...ouais, ben, des fois... CH: Qu'est-ce qui fait que ça t'aide?

Pascal: Je sais ils sont où...ben je le sais pas là, mais notre prof ben a nous dit tout le temps de souligner parce que...ça peut nous aider...

CH: Est-ce que tu sais comment ça peut t'aider ? Pascal: Non...je le sais pas là... »

Pascal illustre l’écart qu’il y a entre la contrainte de souligner parce que cette action est explicitement demandée par l’enseignant et le dégagement par l’élève d’une utilité possible à l’action de souligner des informations dans l’énoncé. Cela suppose que la demande de l’enseignant est explicite, mais que l’utilité possible d’une telle action n’est pas du tout explicite pour cet élève. Comment Pascal arrive-t-il alors à souligner les éléments pertinents s’il ne sait pas comment cette action peut lui être utile? Dans le même ordre d’idée, nous avons même observé des élèves qui soulignent une fois le problème résolu alors qu’ils ont déjà donné une solution. Julien explique à quel point cette attente scolaire est explicite en classe « Ça [souligner], on est obligé de le faire, à cause qu'ils donnent...ben, si on le fait pas, ils vont peut-être nous enlever .5 ou 1 point, mais... pis si on le fait, ben tant mieux ». Certains élèves décideront de souligner non pas parce qu’ils ressentent le besoin de le faire pour repérer plus facilement les informations importantes dans l’énoncé, comme cela fût soulevé dans la section précédente, mais bien parce qu’ils rencontrent une exigence, une attente scolaire.

En contre-exemple, d’autres élèves choisissent s’ils soulignent selon des consignes. Dans l’exemple suivant, Thomas s’est ajusté à la tâche demandée.

CH: Je t'ai demandé de faire le problème à ta façon. Toi, est-ce que tu soulignes des fois? Thomas: Ben, si on me dit à ma façon, ben, je le fais pas, mais s'ils me disent de le faire, ben je vais le faire.

CH: Donc, si on te demande de le faire, tu vas le faire parce qu'on te l'a demandé [Thomas fait signe que oui], mais ici, c'était vraiment à ta façon, donc, tu n'avais pas besoin de le faire? Thomas: ben, vu que le texte était court, je pouvais facilement repérer les choses.

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En ce qui concerne le choix de souligner, Thomas se distingue de Julien et Pascal. Il choisit de souligner selon la longueur de l’énoncé, alors que Julien et Pascal le font à tout coup, par obligation. Chez les élèves qui ne soulignent pas, ces derniers déterminent eux-mêmes ne pas avoir besoin de le faire, comme l’explicite Olivier « j'ai pas besoin de souligner. Ben, des fois dans des examens de lecture pour mieux se repérer, mais quand c'est des petits encadrés comme ça, c'est pas si grave, ça me dérange pas de le relire au complet » (Muffins). Olivier indique une prise de distance par rapport à cette conduite. Ai-je vraiment besoin de souligner ? Dans quels cas est-ce utile ? Les propos d’Olivier se distinguent des propos des autres élèves qui soulignent. Ces derniers s’appuient davantage sur une conduite à adopter à partir de ce qui leur a été probablement dit en classe. Dans le cas d’Olivier, il mobilisera cette conduite lorsque cette dernière sera jugée utile pour la résolution, alors que d’autres élèves soulignent pour rencontrer une attente. Olivier témoigne d’un recul, d’un regard critique envers le fait de souligner, contrairement à d’autres élèves. C’est ce regard critique qui distingue le contrôle structural et opérationnel d’un tout autre contrôle, celui influencé par des conduites et des attentes scolaires qui viennent restreindre l'activité de résolution.

Dans l’ensemble, ces résultats laissent entendre que souligner serait avant tout un avantage technique pour l’élève, celui d’avoir plus rapidement accès aux informations dans l’énoncé, tel qu’aux nombres ou à la question au moment de résoudre. Par ailleurs, bien qu’une recherche de sens puisse avoir lieu, l’analyse des vidéos suggère que peu d’élèves accordent du sens aux données au moment de les souligner. La conduite de souligner des informations n’implique pas à tout coup un regard critique sur leur choix et leur importance pour la résolution. Des élèves ne semblent pas dégager une utilité ou exercer un recul lorsqu’ils s’appliquent à souligner les informations du problème. Des élèves qui soulignent pourraient le faire parfois parce qu’ils sont contraints de le faire.