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1.4 Capacité des élèves du primaire à résoudre des problèmes mathématiques

1.4.5 Des constats qui nous questionnent

L’OCDE fait remarquer à la suite de l’enquête du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de 2012 que plusieurs jeunes de 15 ans n’ont toujours pas développé les compétences de base en résolution de problèmes mathématiques (OCDE, 2014b). Dans le même sens que le rapport de l’UNESCO, L’OCDE identifie des compétences qui vont au-delà de la maitrise des concepts et procédures mathématiques certes essentiels à la résolution de problèmes. Ces compétences renvoient entre autres à la capacité à s’engager dans un traitement cognitif pour comprendre et résoudre des problèmes, la volonté à s’engager à résoudre une situation et la capacité à réguler le processus de résolution. Ce constat concerne même les pays plus performants en résolution de problèmes, dont le Canada qui obtient des résultats supérieurs à la moyenne obtenue pour l’ensemble des pays membres de l’OCDE. Un rendement pour les élèves du Canada qui s’est d’ailleurs maintenu lors des tests PISA de 2015 ( O’Grady, Deussing, Scerbina, Fung et Muhe, 2016). Cela dit, un rapport précédent (OCDE, 2014a) illustre que de manière générale, les groupes d’élèves les plus performants en résolution de problèmes se distinguent puisqu’ils performent mieux pour deux des quatre principales tâches8

associées au processus de résolution, soit « explorer et comprendre » et « représenter et formuler ».

8 L’enquête PISA de 2012 a évalué chez les élèves âgés de 15 ans quatre principales tâches associées au processus de résolution : 1)

explorer et comprendre (exploring and understanding) dont l’objectif est de construire une représentation mentale de chaque information présentée dans le problème ; 2 ) représenter et formuler (representing and formulating) dont le but est de construire une représentation mentale cohérente de la situation à résoudre ; 3) planifier et exécuter (planning and executing) dont l’objectif est d’utiliser ses connaissances de la situation pour élaborer un plan et l’exécuter ; 4) surveiller et réfléchir (monitoring and reflecting) où l’élève doit

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Jusqu’à présent, nous avons fait état de résultats qui permettent d’en savoir un peu plus sur les capacités et habiletés des élèves à mettre en place différents éléments favorisant les prises de décision éclairées lors de la résolution de problèmes (raisonnements, procédures, régulation). Néanmoins, nous avons aussi répertorié des exemples qui suggèrent que ces prises de décision peuvent parfois s’appuyer sur des prémisses qui s’éloignent d’une capacité à s’engager dans un traitement cognitif pour comprendre et résoudre des problèmes.

L’étude de Pfaff (2003) permet d’observer à partir des verbalisations d’élèves des décisions qui ont cours durant le processus de résolution. Lors de l’expérimentation, des élèves doivent trouver la masse de 80 billes à partir d’indices variés, des masses correspondant à d’autres quantités de billes, qu’ils achètent selon un prix déterminé pour chaque indice (ex : la masse de 33 billes équivaut à 99 grammes coûte 2 francs. La masse de 40 billes qui équivaut à 120 grammes coûte 10 francs). Le défi consiste à résoudre le problème en dépensant le moins d’argent possible. Le choix des indices devrait donc s’appuyer sur l'articulation de l’objectif mathématique avec les contraintes et les caractéristiques des indices. Pfaff (2003) donne un exemple où un élève fait le choix de l’indice en mettant en priorité le cout d’achat des indices proposés.

« Maître : Et tu vas savoir avec 33 billes? Avec 33 billes? Tu ne veux pas 40 billes? Lui (élève 3), il voulait 40 billes.

Élève 1 : C’est trop cher.

Maître : Oui, c’est trop cher, mais il faut avoir la bonne réponse aussi. Alors quoi? 40 billes? Élève 1 : Non, c’est trop cher.

[…]

Maître : Voilà. Alors? Il faut trouver maintenant. Dépêchez-vous. Qu’est-ce que vous faites avec ça? Élève 3 : Ben, rien. Moi, je sais pas. » (Pfaff, 2003, p. 55)

L’élève 1 opte pour l’utilisation de la masse de 33 billes, choix fait à partir du faible cout d’achat de l’indice (2 euros) qui est moins dispendieux que l’achat de l’indice de 40 billes (10 euros). Dans cet exemple, ce choix ne semble pas impliquer à priori un contrôle quant à la qualité de l’indice en fonction des relations mathématiques (proportionnalité). Le cout des indices est priorisé au détriment de sa valeur mathématique. Ce type de décision tout comme le contrôle exercé par l’élève ont une incidence forte sur le déroulement de la résolution. Par contre, cet angle est encore aujourd’hui peu documenté par la recherche, malgré qu’il y ait plusieurs auteurs (Clément, 2009; Focant et Grégoire, 2008; Focant, 2003, 2004; Houdement, 2011; Saboya et al., 2015; Schoenfeld, 1985, 1992, 2014) qui soulignent clairement que les stratégies ont une incidence sur la capacité des élèves à résoudre des problèmes.

réguler les différents processus impliqués dans la résolution de problèmes et évaluer de manière critique la solution, les informations ou la stratégie adoptée.

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D’autres questionnements concernent les prises de décision et les stratégies mobilisées par les élèves dans un contexte d’enseignement d’une démarche en classe. L’étude de Goulet (2018) nous permet d’avoir certains indices quant au contexte d’enseignement d’une démarche. Les résultats obtenus indiquent que 90% des enseignants de 2e cycle et de 3e cycle qui participaient à son étude ont déclaré présenter la démarche ce que

je sais, ce que je cherche en classe. Le tiers d’entre eux exigent une utilisation systématique et séquentielle par

les élèves de cette démarche. Les résultats révèlent aussi que des enseignants affirment pénaliser les élèves qui ne complètent pas correctement cette démarche. Il nous semble que c’est un contexte qui s’éloigne du développement de la capacité à s’engager dans un traitement cognitif pour comprendre et résoudre des problèmes. Lors de nos diverses activités de recherche, nous avons nous aussi observé des cas qui témoignent d’une correction par l’enseignante axée sur le respect de la méthode enseignée en classe, une correction précisons-le qui visait à évaluer9 chez l’élève la compétence à résoudre, comme en témoigne la figure 11.

Figure 11: Résolution d’un élève de 4e année du primaire (février 2013) dans une classe où l’on enseigne la méthode « Vers

une démarche stratégique » (1999)

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L’élève a obtenu un score de 1 point sur un total de 10 points, malgré un processus de résolution correct, mis à part l’absence dans la réponse de la somme des pièces, un total de 10 pièces ou 6 pièces. Cet élève a été principalement pénalisé parce qu’il n’a pas respecté la démarche souhaitée par l’enseignante, démarche enseignée en classe. Entre autres, l'élève n’a pas souligné la question de la bonne couleur (en rose), n’a pas entouré les données importantes (nombres), n’a pas encadré la question (combien), n’a pas retranscrit la question dans la prise de note, n’a pas entouré le pictogramme correspondant à la stratégie utilisée, n’a pas souligné la réponse, n’a pas relié la réponse à la question à l’aide d’un trait fait avec un surligneur jaune, etc. À notre avis, la note attribuée n’est pas représentative de l’habileté de l’élève à résoudre des problèmes. L’exemple ci-haut traduit l'une des conclusions de Goulet (2018), à savoir que la méthode présentée par les enseignants en classe crée un écart entre ce que propose la recherche et la pratique effective en classe.

Bien que cette recherche n’entend pas examiner l’enseignement d’une démarche ni l’évaluation de la résolution de problèmes, ce contexte nous porte à croire que certaines prises de décision des élèves peuvent être influencées par les attentes de l’enseignant. Et bien qu’une méthode puisse favoriser chez l’élève l’organisation de son travail, comment vient-elle guider ses prises de décision lors de la résolution d’un problème?

Ces quelques constats ouvrent vers la possibilité que des élèves puissent prendre des décisions qui s’éloignent d’une capacité à s’engager dans un traitement cognitif pour comprendre et résoudre des problèmes. Cette possibilité nécessite d’être approfondie par la recherche, pour en savoir davantage.