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B.2 Des activités culturelles en général

B.2.3 Au sujet de l’approche écononique des activités culturelles

I.3.5 La corruption en tant que phénomène mondial

5.2 Typologie de la corruption

Si les recherches ont montré qu’il existe plusieurs types de corruption, elles ne se bornent pas cependant à établir la liste des nations corrompues, puisqu’elles sont toutes concernées. En revanche, les recherches ont permis de comprendre que si le concept de corruption peut s’appliquer transculturellement et donc invariablement, le contenu de la notion varie selon les pays en raison de leurs multiples différences. Aussi BLUNDO (2000: 13) écrit-il: «Derrière l’apparente homogénéité que cache l’utilisation courante de ce terme, il y a une grande diversité de pratiques et de représentations à son propos». A cette diversité correspond une typologie de la corruption.

Une première typologie pourrait s’observer chez les chercheurs et les protagonistes de la lutte contre ce fléau quand ils s’expriment par exemple en terme de «grande corruption»: celle-ci est pratiquée non seulement par les élites dirigeantes, mais aussi dans le contexte des transactions financières transnationales. Ils ne perdent pas de vue non plus la «petite corruption» à distinguer de la «corruption au sommet». La présente catégorisation ne se perçoit qu’à l’aune des diverses études des notions endogènes de corruption et de détournement, ainsi que le montrent les travaux de LAURENT (2000: 221-248). Cette catégorisation se perçoit également dans l’analyse de la logique des guanxi chinois élucidée par HERTZ (2000: 99-122). Toutes ces œuvres ajoutées à l’analyse de ARDITI (2000: 249-268) sur le vocabulaire de la corruption au Tchad, montrent combien une sémiologie populaire peut être révélatrice des termes exprimant l’idée de corruption ainsi que les codes langagiers ou gestuels utilisés au cours des transactions. Elles permettent par ailleurs de comprendre qu’une éthique populaire de la corruption est bien prégnante au plan social. La preuve en est que des registres de stigmatisation et de justification sont tenus. Une telle éthique populaire pourrait en effet se laisser apprécier à travers des modes d’euphémisation des pratiques corruptrices.

Une deuxième typologie de la corruption apparaît dans la distinction classique proposée par BLUNDO (2000:15) entre corruption marchande et corruption de proximité. Tandis que celle-ci servirait les logiques parentales ou ethniques et offrirait l’occasion de redistribuer les ressources détournées, la première forme traduirait, quant à elle, les pratiques d’accaparement au détriment du groupe. Au cœur de cette partition, c’est le débat sur la dialectique entre accumulation et redistribution qui semble réapparaître. Mais les auteurs de ces dernières années ne s’y enlisent pas. D’après DIANOR (2000: 157-176), en Afrique, la corruption en tant que prélèvement improductif aux fins de reproduction du groupe, n’est condamnée que lorsqu’elle donne lieu à l’accumulation individuelle. Les recherches de HERTZ (2000: 99-122) en Chine populaire et celles de LAURENT (2000 : 221- 248) au Burkina Faso ne démentent pas cette observation. Mais il importe ici de faire une autre distinction au plan de la redistribution. Car celle-ci peut devenir

ambiguë. Il faut en effet distinguer, d’une part, la redistribution en tant que discours; celle-ci ne serait alors qu’une stratégie de légitimation, de justification et de banalisation, car elle ne se réduirait en fait qu’au stade langagier et n’aurait aucune portée au plan du vécu existentiel des acteurs sociaux. Il faut distinguer, d’autre part, la redistribution comme pratique; en tant que telle, elle a une conséquence sur le vécu existentiel des acteurs sociaux, puisqu’elle s’étend à la communauté ou au groupe social qui bénéficie des fruits auxquels elle donne accès. La principale question ici tient aux limites de la communauté ou du collectif bénéficiaire de la redistribution des fruits de la corruption. Car une telle redistribution qui, en fait, revient à un échange illicite, est limitative. Elle équivaut donc à l’exclusion de ceux auxquels elle ne s’étend pas et produit la preuve à savoir que le collectif bénéficiaire est un réseau. Elle exacerbe par ailleurs les inégalités sociales puisque, loin de renverser les hiérarchies établies, elle consolide les rapports de domination et de subordination, contribuant ainsi à la pérennisation des rapports de forces.

Une troisième typologie permettrait d’examiner la corruption en fonction des divers secteurs où elle sévit. Il s’agit d’abord du secteur associatif. C’est celui où les acteurs sociaux s’organisent en associations libres avec des statuts, des règlements intérieurs, des orientations et des buts bien définis. Il s’agit, deuxièmement, du secteur gouvernemental outillé de l’appareil d’Etat et fondé sur une constitution et un programme d’action. Il s’agit enfin du secteur public qui se présente comme celui des droits civiques et des droits de l’homme; c’est en principe le secteur où les acteurs sociaux peuvent compter sur une administration sûre, qualifiée, responsable et non corrompue. C’est également le secteur où, au plan technique, il est question de garantie en matière de gestion publique et, au plan socio-économique, de développement économique durable et d’instauration d’un Etat de droit. Dans chacun de ces trois secteurs, les acteurs sociaux s’expriment en termes d’imputabilité, de transparence et d’efficacité. Ce sont pourtant des secteurs où les institutions, essoufflées par des gestions malsaines et ne parvenant plus à payer les fonctionnaires, génèrent des courtiers et développent, selon les termes de DIANOR (2000: 157-194), une forme de «corruption palliative» (voir également OCDE, 1999).

Nous pourrions enfin citer une quatrième typologie permettant de comprendre le fait corrupteur comme pouvant relever d’un individu, d’une institution et d’un système. Ainsi, la forme individuelle de la corruption tient à l’accaparement exclusif, c’est-à-dire sans redistribution à la base, des biens communs par un individu. Quant à la forme institutionnelle de la corruption, elle tient à l’accaparement des biens d’une entité morale non par un individu, mais par une personne morale, et ceci en dehors de la perspective de la redistribution à la base de ladite entité. Par-delà la personne morale qui accapare les biens, ce peut être une ou des personnes physiques. Mais l’acte de corruption est perpétré au nom de l’institution. C’est, par exemple, le cas d’une université (institution) dont le Recteur (personne morale) commet un acte corrupteur; nous pourrions tout aussi bien évoquer l’exemple de corruption au sein du corps de la

police ou de la douane. Quant à la forme systémique de la corruption, elle met en cause un système, c’est-à-dire un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d’un but (cf. GRESLE et al., 1990: 323), au point que si la corruption atteint un de ces éléments, c’est l’ensemble des éléments qui est impliqué. C’est le cas des groupes solidaires où la responsabilité de tous revient à chacun des membres de la solidarité. Dans ce cas, quand il y a corruption dans un groupe, chaque acteur se trouve concerné; chacun en porte le fardeau et en subit les conséquences.

On pourrait ainsi continuer à établir la typologie de la corruption en raison de nouveaux contextes et de nouveaux paramètres qui ne cessent d’émerger, le fait social étant en effet une réalité dynamique. Cet effort participe toutefois des besoins de compréhension d’une réalité qui «est aujourd’hui présentée comme le principal obstacle au développement économique et comme une menace réelle pour les régimes démocratiques» (BLUNDO, 2000: 11).

5.3 Les principales responsabilités et le combat contre la