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VI. DISSERTATION

I.1 INTRODUCTION GENERALE

I.1.3 Le cadre historique de la recherche

3.2 Le Kufo

Cette présentation du Kufo se veut inclusive de ce que nous venons de dire au sujet de l’originalité politique des Ajatado. Elle se veut également inclusive de ce qui vient d’être affirmé au sens de l’anticipation sur le développement communautaire. Car le Kufo se trouve à part entière contenu dans l’aire culturelle ajatado. Celle-ci constitue pour le Kufo le « background » qu’on ne saurait éviter ni sous-estimer. Cependant, si l’émergence du Kufo en tant qu’entité politico-administrative est une décision politique contemporaine, elle relève néanmoins, en dernier ressort, de la «situation coloniale», pour reprendre une expression désormais classique. Car c’est en raison de cette «situation» que sont intervenus en Afrique les nombreux changements au plan de l’organisation territoriale35. Et si, par ailleurs, ces

changements ont provoqué de grands bouleversements dans l’aire culturelle ajatado, ils n’ont pas banni de fond en comble ce qui continue de nos jours à rendre compte de son originalité politique et de sa capacité d’anticipation sur le développement communautaire. Avant d’en venir, ici, à la dimension démographique et économique du Kufo, examinons ce qui relève de sa configuration naturelle.

3.2.1 Sous le rapport physique

On ne saurait aujourd’hui décrire le Kufo sans faire la moindre allusion au département du Mono auquel il était rattaché. D’une superficie de 3.800 km2, le département du Mono se situait dans le Sud-Ouest du territoire national entre, d’une part, les sixième et septième degrés de latitude Nord et, d’autre part, les premier et deuxième degrés de longitude Est.

35 On pourrait à ce sujet, se référer à BALANDIER (1955) qui élucide dans les moindres détails la notion

de "situation coloniale". L’auteur décrit, en effet, les changements qu’a générés la colonisation par rapport aux structures politico-administratives de l’Afrique précoloniale.

Quant au Kufo, il est aujourd’hui l’un des douze départements du Bénin, et se trouve limité au Nord par le département du Zou, au Sud par la toute nouvelle entité départementale du Mono, à l’Est par la succession de plans d’eau formés par la vallée du fleuve Kufo, le lac Ahémé et la rivière Aho (qui en constituent la frontière avec le département de l’Atlantique) et, enfin, à l’Ouest par le Togo avec environ 45 kilomètres de frontière naturelle dont une partie du fleuve Mono.

A Climat

Le climat du Kufo est de type subéquatorial. Il est caractérisé par une alternance annuelle de quatre saisons: deux saisons pluvieuses et deux saisons sèches.

La grande saison pluvieuse est faite de grands vents et de grandes tornades; elle s’étend de mars à juillet; cette saison est dite "eli". La petite saison sèche, dite «ezo», se situe dans l’entre-deux des saisons de pluie; elle s’étend de juillet à août. La petite saison pluvieuse, faite de fines pluies parfois intermittentes, s’étend d’août à novembre. Enfin, la grande saison sèche est désignée du nom de «efio »; elle dure environ cinq mois, car elle s’étend de novembre à mars et se présente comme une période de canicule (zozu) et d’harmattan (balowi).

Quant à la pluviométrie, elle varie entre 900 et 1200 mm avec des fluctuations d’une année à l’autre.

L’isothermie spatio-temporelle, dans le Kufo, est bien marquée avec plus ou moins 26°C de moyenne annuelle. Le minimum moyen périodique est de 24,9°C en juillet; le maximum moyen périodique est de 27,9°C en mars. Les variations de températures mensuelles durant l’année ne sont donc pas supérieures à 32°C.

Le département du Kufo est par ailleurs marqué d’une humidité relativement élevée qui varie dans la journée. Il connaît une insolation annuelle de 2.024 h par an; celle-ci est de variations annuelles importantes selon les saisons en général et durant la grande saison de pluie en particulier.

B Topographie et réseau hydrographique

Au plan topographique, le département du Kufo est constitué par les quatre ensembles géomorphologiques que voici:

• le plateau de Lonkli qui s’étend sur une bonne partie au Nord du département;

• les plateaux de terres de barre: il s’agit bien plus particulièrement du plateau d’Aplahoué (ou plateau aja ) qui s’étend en fait sur tout le département;

• la grande dépression de la Lama ou de Tchi inscrite dans un triangle qui aurait pour sommets le lac Toho, la localité de Tchi-Ahomadégbé et l’embouchure du fleuve Kufo dans le lac Ahémé;

• les moyennes et basses vallées: ce sont les plateaux et dépressions entaillés et compartimentés par les moyennes et basses vallées, grâce à un puissant réseau hydrographique.

Notons que le réseau hydrographique est composé des fleuves Mono et Kufo qui, avec leurs affluents, fertilisent les zones agricoles. A ces fleuves s’ajoutent quelques sources rencontrées çà et là dans ledit département. Au nombre de celles-ci, nous citons notamment, dans la commune d’Aplahoué, Hondomè, Tchihountodumè et Dokomè dont l’alimentation provient essentiellement de Bidimè et de Kpakomè. Nous citons également, dans la commune de Klwikanmè d’une part, au large d’Adjahonmè, la source de Dègodu, bien connue en raison des crocodiles qui y demeurent et qui sont élevés en tant qu’objets de culte36, et d’autre part, plus au Nord de cette même

commune, les sources de Lomimè et Lan dont l’arrondissement de Lanta porte le nom. Enfin, dans la commune de Lalo, nous distinguons la rivière de Tchi-Ahomadégbé; celle-ci n’est en réalité qu’un forage mal maîtrisé qui, par la suite, a dégénéré en cours d’eau. Les acteurs sociaux de Lalo ont d’ailleurs saisi cette occasion pour pratiquer la pisciculture et le jardinage avec le renfort qui leur provenait de NZAMUJO, prêtre dominicain et, par ailleurs, directeur du projet Songhaï dont le siège est à Porto-Novo.

C Sols et végétation

On distingue dans le département du Kufo, selon leur localisation et leurs caractéristiques, quatre types de sols déterminants pour l’agriculture et la végétation:

• les sols ferrugineux tropicaux du socle cristallin; ils ont une aptitude culturale limitée, la végétation dominante étant la savane arborée et arbustive sèche;

• les terres de barre des plateaux: leurs caractéristiques physico-chimiques, assez favorables, leur confèrent les qualités de terre de prédilection de la culture vivrière. Ce sont des terres où la pression démographique est la plus forte; d’où un processus de dégradation assez accéléré dû à leur exploitation intense. La végétation naturelle qui a pratiquement disparu, a cédé la place à une jachère de palmiers vignobles; • les vertisols ou terres noires de la dépression de Tchi couvrent une superficie totale

de 54.000 hectares; ces vertisols représentent une catégorie de sol d’un bon niveau de fertilité ;

• les sols alluviaux et colluviaux des vallées des fleuves Mono et Kufo sont riches en matières organiques, plus ou moins hydromorphes et de bonne fertilité. Ces sols sont de temps en temps exposés aux crues des fleuves.

36 Nous n’avons pas réussi à préciser l’âge de ce culte voué aux crocodiles de Dègodu. De l’avis de nos

informateurs, il a largement précédé l’ère coloniale. Il consistait notamment à vouer un sacrifice aux crocodiles. A l’issue des invocations où les noms des aïeux étaient largement et soigneusement cités, le célébrant faisait des libations, puis s’emparait d’un cabri ou d’une chèvre (tout dépendait de l’oracle) et le projetait en direction des crocodiles qui, de leurs mâchoires fortes et redoutables, le happaient en plein vol.

En général, dans le Kufo, la végétation dominante est un fouré arbustif dense, avec des palmiers à huile. Le Kufo compte, par ailleurs, des forêts sacrées où les grands arbres- aujourd’hui devenus rares peuvent continuer à servir de temples37. En principe, chaque

village a sa forêt sacrée, la condition principale étant que ce village continue à rester bien rivé à la tradition. Et alors, dans ce type de forêt, se réalisent des rites d’initiation dont on sait qu’ils comportent trois phases principales: la phase de séparation d’avec le milieu social, la phase liminaire dans la forêt sacrée où s’opère le changement et, enfin, la phase de la réintégration pendant laquelle on quitte la forêt pour retourner à la vie sociale38… En revanche, le Kufo ne contient pas de forêt classée; on y constate plutôt

des galeries avec une variété d’arbres que les spécialistes désignent du nom de « ceiba SPP »; c’est cela qui donne la preuve d’une dégradation de la forêt naturelle.

3.2.2 Sous le rapport démographique

L’ensemble de la population du Kufo, sur la base du recensement de 1992, était estimée à 395.132 habitants, dont 184.971 hommes et 210.161 femmes. Cette population était relativement jeune. La tranche d’âge de 0 à 14ans représentait en effet 51,01 % de l’effectif total.

Plus de dix années après ce recensement, la population du Kufo peut être évaluée à 769.500 habitants. Parmi ces habitants, il faut distinguer les minorités que constituent, sur le plateau aja, les Kotafon, les Baatonou, les Dindi, les German, les Peulh, les Otamari, les Nago et les Yoruba. Le taux d’accroissement de la population est d’environ 3 %. Les femmes constituent près de 55 % de cette population. D’après FOURN GNANSOUNOU (2005 : 166), au Bénin, « elles constituent 51,5 % de la population et représentent 36 % de la population active agricole et 35,9 % des actifs agricoles dans les exploitations traditionnelles » Cependant, en bas âge, nous ont confié les démographes, le taux de mortalité des garçons est généralement plus élevé que celui des filles.

Enfin retenons que l’exode rural est de 1,2 % pour la population totale; néanmoins, au niveau de la tranche d’âge de 15 à 24 ans dans le rang des hommes, il reste toujours élevé.

3.2.3 Sous le rapport économique

Dans le Kufo contemporain, les acteurs sociaux ne sauraient se prévaloir d’un perfectionnement technique avancé. Un tel stade de perfectionnement se caractériserait en effet par l’utilisation efficace de l’énergie sous ses diverses formes, le machinisme, la production en grandes séries, un marché étendu, la rapidité des moyens de transport et l’automation. Le Kufo n’en est pas encore à ce stade des économies industrielles.

37 Au nombre de ces fôrets sacrées, celle de Véganmè, village situé entre Azovè et Adjahonmè, occupait

une place de choix.

38 Pour ce qui relève des trois phases classiques des rites d’initiation, cf. VAN GENNEP (1909),

Cependant, les activités économiques qu’exercent les acteurs sociaux du Kufo sont essentiellement de deux sortent : d’une part l’agriculture et l’élevage de style artisanal et, d’autre part, le commerce. A défaut d’industrie, le Kufo qui ressent pourtant le besoin de produits industriels se trouve, comme tous les autres départements du Bénin, principalement tourné vers l’extérieur, c’est-à-dire sur le continent, vers le Nigéria et le Ghana et, en dehors du continent, vers l’Europe. Toutefois, l’économie du Kufo est ouverte sur les autres départements du Bénin et du Togo, en raison de sa situation frontalière; elle produit par exemple des biens vivriers à usage local et dont l’exportation vers les départements voisins est bien connue; c’est par exemple le cas pour le maïs, l’arachide, les ignames, le manioc et le niébé. Le Kufo produit pourtant des biens d’exportation; c’est en particulier le cas pour le coton. Plus d’une fois, en effet, au plan national, le Kufo fut placé en tête du classement pour ce qui relevait de la production du coton39.

Nous achevons ainsi de présenter le cadre empirique de la recherche. Diverses difficultés se sont cependant dressées sur notre parcours.