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B.2 Des activités culturelles en général

B.2.3 Au sujet de l’approche écononique des activités culturelles

3.3 De la gestion des groupements féminins du Kufo

3.3.1 Le leadership des groupements féminins

Le terme anglais "leadership" est adopté dans le langage technique pour désigner la fonction du "leader", c’est-à-dire l’exercice de l’autorité, celle-ci étant définie comme un rapport d’échange inégal, intériorisé et accepté par les parties en présence119.

Dans les groupements féminins, l’autorité était exercée par des femmes élues par le collectif des membres. Celles-ci ne détenaient pas de moyens de coercition pour les faire réaliser les tâches incombant aux groupements ni pour maintenir leurs camarades dans une ligne de conduite collectivement définie; mais elles étaient

117A l’heure où nous mettons la dernière touche à ce travail de recherche, l’honoraire pour une prestation

du "tam-tam des femmes" du Kufo est de 24.000 (vingt-quatre mille) francs CFA, soit 60 (soixante) francs suisses. Les bénéficiaires de prestations peuvent toutefois ajouter à cette somme d’argent bien d’autres cadeaux pour encourager leurs clientes: boissons, repas de fête, etc… Aucun texte ne les y oblige cependant.

118Ces diverses situations de vie peuvent être par exemple la perte d’un parent, le cas de vols extrêmes où

les victimes sont dépouillées de vêtements, d’ustensiles de cuisine ou de tout article nécessaire à la vie pratique immédiate. Les groupements sont d’ailleurs organisés de manière à apprécier ces situations d’afflictions et à intervenir avec promptitude et efficacité pour soutenir leurs collègues.

119 Nous nous inspirons ici de la notion de"leadership", telle que l’élucident THINES et LEMPEREUR

dotées d’un pouvoir symbolique qui entraînaient spontanément à leur suite aussi bien les collègues de bonne volonté que les autres qui étaient à la traîne. En réalité, tout dépendait de la personnalité des leaders. Et c’est bien le lieu de parler de charisme120. GIORDANO (2001 : 121-132) nous met cependant en garde contre le

pouvoir excessif que l’on confère spontanément au charisme des leaders. Pour cet auteur le charisme est d’autant plus opératoire qu’il se trouve doublé du pouvoir des «classes dirigeantes », c’est-à-dire du pouvoir des «élites». L’auteur dit en effet: «Ne nous faisons pas d’illusion: (presque) tout savoir et savoir-faire est utilisé, élaboré, filtré, remanié, transformé voire déformé et inventé par les classes dirigeantes des villages, des villes, des états, etc... Comme l’évoquaient déjà Max WEBER et Wilhelm Emil MÜLMANN, poursuit l’auteur, même les ‘stratégies de résistance’ en tant qu’‘armes des faibles’ ne sont pas pensables sans la prise en compte de l’omniprésence des ‘leaders charismatiques’, lesquels représentent en dernier ressort les élites par leur statu nascendi».

Cependant, dans les groupements féminins, le leadership revient en réalité à un ou deux hommes que l’on retrouve presque toujours dans les organisations féminines. Si, dans l’organigramme des attributions, ces hommes ne se trouvent pas au sommet, c’est la plupart du temps parce qu’ils veulent être discrets. Autrement, l’administration leur revient dans sa quasi totalité. Les responsables des organisations paysannes et les personnes ressources qui s’occupent des groupements féminins n’ont pas hésité à nous dire que plus de 90 % des groupements féminins étaient gérés par des hommes. Afin de mieux élucider leurs identités et leurs rôles, nous avons décidé d’entrer en dialogue avec ces hommes. Et voici ce qui résultait de notre enquête.

Nous avons réalisé l’enquête sur un échantillon de 100 (cent) hommes faisant partie des groupements féminins. Dans un tout premier temps, ces hommes ne voulaient pas s’en ouvrir à nous. Il nous ont par la suite fait promettre que ni leurs noms , ni ceux des groupements auxquels ils étaient agrégés ne seraient pas cités. Voilà pour quelles raisons nous nous gardons ici de citer des noms de personnes et groupements féminins. 85 % de ces hommes affirmaient qu’ils savaient parfaitement lire et écrire, et qu’ils étaient, dans les groupements féminins, des secrétaires jouant le plus souvent le rôle de trésoriers à la place des trésorières nommées ne sachant cependant ni lire ni écrire. 10 % de ces hommes nous confiaient qu’ils étaient chargés de l’ordre et de la discipline dans les groupements féminins et que, suite à des soupçons qui avaient commencé à diviser ces groupements, ils en étaient venus à garder la caisse de la trésorerie sur demande insistante des femmes elles-mêmes.

120C’est, en effet, d’un tel pouvoir symbolique qu’il est question dans l’œuvre de BOURDIEU (1977: 405-

Enfin, 5 % de ces hommes qui ne voulaient réellement pas répondre à nos questions, avaient affirmé qu’ils étaient dans les groupements féminins afin de les aider. Interrogés sur la nature de cette aide, ils donnèrent des réponses inconsistantes et, somme toute, évasives; parfois, ils se montraient très agacés par nos questions auxquelles ils répondaient d’ailleurs avec arrogance et insolence.

De l’avis général des membres des groupements féminins et des responsables locaux des organisations paysannes, la présence des hommes au cœur de ces groupements était, dans plus de 80 % des cas, de nature ruineuse pour les organisations. Les responsables locaux de ces organisations paysannes ont avoué que nombreux étaient les scandales financiers qui ont largement éclaboussé les hommes engagés dans les groupements féminins. L’incapacité des femmes à relever ces lacunes et difficultés au plan de la gestion était un fait récurrent dans leurs rapports d'activités et dans leurs rapports moraux121.

Il était donc évident que la présence des hommes dans les groupements féminins ne permette pas de résoudre le problème de leadership posé plus haut. Ces groupements