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B.2 Les modalités du remariage des veuves et leur statut

B.2.2 Le remariage à l’extérieur du clan marital

I.3 DEUXIEME PARTIE:

I.3.1 Au sujet de la notion de « développement »

1.2 De la notion de développement en général

Il reste évident que notre intention n’est nullement de nous réduire à une dissertation sur la notion de développement. Car il s’agit, dans la perspective où nous sommes, de montrer comment se réalise le développement . Un minimum de notion générale s’avère néanmoins indispensable. De ce fait, le développement présente une polysémie telle que l’on peut en envisager l’aspect physique et moral, individuel et collectif, personnel et social, économique et politique. Qu’il nous soit permis ici de n’envisager que certains de ces aspects qu’il nous semble nécessaire de souligner dans le contexte de cette étude.

1.2.1 Le développement individuel et social

On ne saurait aborder la notion de développement de façon abstraite, sans tenir compte des personnes et des besoins qu’il manifeste. Un développement qui ne prend pas en compte ces aspects, est un pseudo développement. En effet, le degré de développement se mesure non seulement par la croissance physique individuelle, mais aussi par le niveau de vie de chaque personne. Le développement authentique doit contenir en son sein et assumer cette dimension fondamentale qu’est la croissance biologique propre à tout être vivant. Ainsi l’homme, en tant qu’être vivant marqué par la contingence et la finitude, est obligé de communiquer, de se nourrir, de se vêtir, de se loger, d’entretenir sa santé afin de vivre et de croître. Nous pourrions, en réfléchissant sur le développement, le faire asseoir sur le socle biologique.Une telle démarche permet de relever l’importance de la croissance physique individuelle. En dehors de celle-ci, on ne saurait parler d’un développement matériel et collectif au plan d’une société donnée. Le développement individuel postule et légitime le droit au développement qui, à son tour, milite en sa faveur, en vue de sa réalisation et de sa promotion. C’est, en un sens réel, un droit inhérent à la nature et à la personne humaine. Il va sans dire que le développement physique n’est pas le seul aspect du développement; il en est de toute évidence une dimension déterminante. Car c’est dans la mesure où chacun des membres d’une société donnée jouit d’une parfaite santé au plan physique, qu’on peut dire de cette société qu’elle est en développement. Cela signifie que le développement individuel est l’aune du développement social. Qu’entendre par cette autre expression?

L’étymologie du mot "société" et son approche sémantique autorisent à comprendre que la société est une relation de personnes qui s’associent, s’allient et mettent quelque chose en commun63. Elle est, par ce fait même, un groupe d’individus humains qui

ont des relations durables, réciproques et réglementées par des institutions. Le qualificatif "social" indique le caractère de ce qui est relatif à un groupe d’individus, d’hommes, conçu comme une réalité distincte; dans un français plutôt vieilli, il traduit également non seulement ce qui est favorable à la vie en commun, mais aussi ce qui est relatif à une association de personnes ayant un but, des intérêts communs. Le développement social concerne ainsi tous et chacun. Dans cette perspective, la société se doit de mettre à la disposition de ses membres les ressources nécessaires à une existence décente. Réciproquement, le développement social est fonction de l’investissement de tous les citoyens valides dans la tâche ad hoc; autrement, il ne peut être question de développement social: il n’y aurait en fait que de développement d’une catégorie de populations au détriment d’une autre catégorie; c’est-à-dire, en fait, un développement partiel et parcellaire qui montrerait que la dimension sociale à part entière n’aura pas été atteinte. Au demeurant, le développement individuel et social doit tenir compte de l’amélioration concrète des individus et de la société, en s’accompagnant d’une économie et d’une politique de développement.

1.2.2 Le développement économique et politique

Efforçons-nous de distinguer, c’est-à-dire de ne pas confondre ces deux aspects du développement.

A Le développement économique

Le mot "économie" dérive du concept grec "oikonomia", dont le préfixe "oikos" traduit les notions de maison et de patrimoine; quant au suffixe « nomos », il traduit les concepts de loi et de règle. Le verbe "nemein" qui est relatif au substantif "nomos", connote le sens d’administrer. Ainsi, dans la notion d’ "économie", il est question de gestion, d’administration d’une maison, d’un patrimoine64. De fait, l’économie est une

"science qui a pour objet la connaissance des phénomènes liés à la production, la distribution et la consommation des biens". Cette connaissance des phénomènes doit être fondée non seulement sur une analyse rigoureuse des structures et des systèmes sociaux, mais aussi sur l’initiation aux techniques de développement appropriées. De fait, on ne saurait élaborer une théorie de l’économie du développement en faisant table rase de connaissances factuelles. Disons d’ailleurs que, pour être efficace, une telle

63 Il convient, en effet, de partir du concept latin «societas»: association , et de cet autre concept: «socius»

qui désigne le compagnon , l’allié, l’associé.

64 Cf. article "Economie" in THINES et LEMPEREUR (1975: 308). Les auteurs du Dictionnaire Général

des Sciences Humaines définissent en effet l’économie comme la «science du comportement humain en tant que relation entre des fins multiples et des moyens rares à usages alternatifs».

théorie devra, en tout premier lieu, s’appliquer à mettre en évidence les symptômes qui caractérisent et aggravent le sous-développement: pauvreté, état nutritionnel et sanitaire en-deçà de la normalité, analphabétisme et carences de tous ordres au plan éducationnel, etc... Elle s’appliquera ensuite à promouvoir le développement dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, avec le souci d’assurer la coordination et la communication à tous les différents niveaux concernés. Enfin, elle veillera à établir et à pérenniser l’équilibre, dans les échanges commerciaux, entre l’économie dite sous-développée et l’économie développée qui est, en fait, l’économie dominante. En réalité, il importe qu’en contexte de développement, la science économique envisage une stratégie globale qui prenne en compte la promotion du progrès social. On ne saurait le dire assez, c’est l’économie qui constitue le nerf et le fer de lance du développement.

B Le développement politique

C’est l’instance politique par excellence. De fait, elle constitue la sphère où se réalise "l’activité la plus haute qui englobe les autres, car elle est d’ordre général et vise l’organisation supérieure de la vie en société" (BIROU, 1966: 257). L’adjectif "politique" ici en question, dérive du mot grec "politikos" et qualifie ce qui a rapport à la cité et à son gouvernement, c’est-à-dire, en fait, à la société organisée. Synonyme de "civil" et de "social", il désigne tout ce qui a trait à la vie sociale. Qualifiant le développement, il désigne la société qui inclut dans son programme de gouvernement et d’organisation, la dimension du développement comme une des priorités majeures. L’expression "développement politique", parue vers les années cinquante, a été conçue et thématisée par ses promoteurs comme un processus conduisant des systèmes politiques à une plus grande efficacité obtenue par une sécularisation sans cesse marquée par des comportements et par une différenciation fonctionnelle accrue. Le développement politique a son objet propre à lui: il réside dans l’orientation des choix de quelque nature que ce soit (scientifique, économique, écologique, culturel, sportif, etc…) dans une situation concrète; celle, par exemple, d’une nation qui a sa propre structure, sa propre configuration géologique et géographique, sa propre histoire et bien d’autres entités qui lui sont propres. L’essentiel est, en effet, qu’en matière de développement, ces divers domaines s’allient et s’engagent dans une interaction dont le but est de rendre les hommes heureux65.

1.2.3 L’approche critique de la notion de développement

Le nombre des auteurs traitant de la notion de développement est inestimable. Qu'il nous soit cependant permis de focaliser notre attention sur THINES et LEMPEREUR (1975: 273-274) qui font tout d’abord remarquer que la notion de développement est actuellement imposée par des inégalités objectivement graves, ou perçues comme telles, entre peuples et nations. Ces auteurs trouvent par ailleurs la notion peu opératoire pour diverses raisons; ils citent pour cela la diversité et la complexité des situations concrètes, la critériologie non-cohérente et les analyses unilatérales et partielles, l’interférence des idéologies variées et même contradictoires. Ils s’appuient sur ce dernier aspect pour affirmer que le "développement connote la modernisation et succède à l’action civilisatrice de la colonisation, prolongeant elle-même la mystique du progrès du dix-neuvième siècle". A cette connotation, il convient d’ajouter une autre conception que ces auteurs ont mise en évidence: selon celle-ci, le développement serait un projet de transformation des sociétés pauvres d’après le modèle des sociétés riches, ladite transformation étant toutefois envisagée sur le plan techno-économique à l’origine et plus récemment sur les plans politique et idéologique. En fait, précisent les auteurs, il s’agit dans de nombreux cas d’un simple asservissement du système économique, politique, ou idéologique, d’une société dominante. Cet asservissement, expliquent- ils, s’opère souvent avec la complicité ambiguë des colonisés devenus sous- développés. Un autre inconvénient que ces auteurs déplorent, réside dans le fait que les plans et les politiques de développement méconnaissent souvent par ignorance ou par calcul les créativités et les dynamismes spécifiques, les fonctions de cultures et d’histoires particulières. Enfin, le tout dernier point de la critique de ces auteurs dénonce le clivage trop radical entre "développés" et "sous-développés" qui masque, aux niveaux pratique et scientifique, les risques ou les faits de sous-développement dans les pays réputés développés66.

De ce qui précède, nos pouvons retenir que la notion de développement est réellement peu opératoire, ainsi que cela a été souligné plus haut. Nous nous inscrivons par ailleurs contre un développement qui consisterait à replonger l’Afrique dans la prétendue action civilisatrice de la colonisation67. Sous ce rapport

précis, ladite mystique du progrès et la présumée "modernisation" n’apporteront rien à l’Afrique, si le nouveau rôle de celle-ci revenait tout simplement à singer l’Occident; ce dernier n’est d’ailleurs pas forcément le seul modèle qui s’impose. Enfin l’Afrique et ses sociétés sont théoriquement sorties du système de domination

66 Reconnaissons que THINES et LEMPEREUR ont sans doute examiné la notion de développement sous

les angles sociologique, économique, et même psychologique. Ici, nous nous en tiendrons de façon bien particulière à la dimension anthropologique qui nous semble fondamentale.

67 Les méfaits de cette action civilisatrice de la colonisation pourraient s’apprécier, par exemple, à l’aune

de l’extraversion culturelle et, en tout cas, de la dépendance dont les pays d’Afrique font aujourd’hui l’expérience vis-à-vis de l’Occident!

et de subordination relatif à la colonisation, il y a de cela une quarantaine d’années. Ce fut une ère d’extraversion. Il est maintenant temps que les Africains repensent leur propre avenir et se prennent en charge. Cela n’est réalisable que si le projet de développement tient sa source et son ressort des tréfonds mêmes de l’Afrique et des sociétés qui la composent. En raison de cela, une alternative s’impose pour ce qui relève de la notion de développement.