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B.2 Les obstacles spécifiques secondaires

3.2 Analyse des groupements agro-économiques et culturels du Kufo

3.2.2 Organisation et activités des groupements féminins du Kufo

A Organisation et activités agro-économiques

Les groupements féminins agro-économiques vaquaient à trois principaux types d’activités. Nous avons apprécié l’importance de ces activités par rapport à la participation des groupes féminins.

Le tout premier type d’activités était la transformation du manioc en gari. La participation des groupements féminins à ce type d’activité était de 65 %.

Le deuxième type d’activité était la transformation des noix de palme en huile. Ici, la participation des groupements féminins était de 25 %.

Il faut enfin mentionner l’élevage et la production végétale comme le troisième type d’activité des groupements féminins du Kufo: il ne polarisait que 10 % des groupements de femmes 111.

Outre cette typologie des activités des groupements agro-économiques, il faut nécessairement citer, à notre humble avis, cet autre type d’activité qui était entrain de prendre le pas sur tous les autres ; il s’agissait des activités de stockage des produits agricoles tels que le maïs, le haricot, le gari, l’huile de palme ou d’arachide. Ces activités de stockage intéressaient et mobilisaient effectivement la grande majorité des groupements féminins agro- économiques: plus des 98 % en effet. Disons plutôt, compte tenu de cette nouvelle configuration, que c’était non seulement en raison de leur capacité de produire112, mais aussi de stocker les

produits en vue de leur commercialisation, qu’apparaissait davantage la dimension économique de leurs activités.

Que dire de l’organisation du travail qui permettait aux groupements féminins agro- économiques du Kufo de parvenir à leur fin? Nous distinguions globalement deux types d’organisation.

Le premier type d’organisation était le plus répandu. Les femmes qui s’y retrouvaient, constituaient une collectivité, c’est-à-dire un ensemble d’individus groupés pour atteindre un but commun. Aussi réunissaient-elles les moyens de production entre les

111 Nous avons pu établir cette typologie des activités des groupements féminins agro-économiques du

Kufo non seulement en raison des résultats de nos propres enquêtes, mais aussi en raison des enquêtes dont témoignent les spécialistes en organisation paysanne (SOP). A aucun moment de notre séjour sur le terrain, nous n’avons perdu le contact avec eux. Bien au contraire, nous les avons régulièrement rencontrés.

112 A la limite, ce qui importe ici, ce n’est point, à proprement parler , la capacité de produire les articles

d’origine agricole; d’ailleurs, au sujet de l’ardeur et de la réussite aux travaux agricoles, les femmes du Kufo n’ont point de leçon à apprendre nulle part au Bénin. Mais ce qui importe, c’est qu’elles s’offrent la capacité d’acheter dans les marchés ces produits agricoles, de les stocker, puis de les revendre avec des marges bénéficiaires notoires. Il s’agit pour elles de pouvoir commercialiser avantageusement ces produits agricoles.

mains de leurs groupements. Dans ce sens, chacune d’elles apportait ce qu’elle avait et le mettait à la disposition des autres membres en vue d’une production commune: ateliers, espaces agricoles, équipements divers, récoltes, toutes offrandes, tous articles susceptibles d’abonder dans le sens de l’intérêt de la structure communautaire. Dans ce type d’organisation, les séances de transformations se tenaient selon un calendrier que les femmes étudiaient ensemble; c’était elles qui décidaient souverainement de la périodicité de leurs rencontres. Ce pouvait être deux à quatre séances de travaux de transformation par mois. Tout s’organisait pour que ne fussent pas éteintes les initiatives individuelles ou même privées. Des projets gouvernementaux et des organisations non gouvernementales ne ménageaient point leurs efforts pour venir en aide à ce premier type d’organisation.

Selon le second type d’organisation, chacune des femmes réalisait le travail et parvenait à la production selon ses capacités. Le travail et la production étaient donc individuels. Mais les membres du groupement féminin ne se regroupaient que pour ce qui touchait au financement. C’était à ce niveau que les femmes se concertaient pour s’organiser en vue du crédit. Des organisations non gouvernementales se mettaient en effet à leur disposition pour leur trouver le crédit demandé. L’octroi du crédit n’excluait jamais la participation du groupement. Cela voulait dire qu’un effort à la base était toujours demandé aux femmes. Cette procédure une fois assurée, elles s’en allaient, chacune de son côté, pour s’appliquer à garantir la production et la rentabilité. Sur le terrain de la réalisation, des structures et institutions se tenaient prêtes à appuyer ce type d’organisation.

Il n’était pas exclu que la promotion des groupements féminins se réalise par l’entremise des projets gouvernementaux (PG). Au nombre de ceux-ci, nous comptions principalement, dans le Kufo, le P.A.D.S.A. ( Programme d’Appui au Développement du Secteur Agricole) et l’A.G.E.F.I.B. (Agence de Financement des Initiatives de Base). Ces projets finançaient les groupements féminins, en passant par les organisations non gouvernementales qu’étaient l’APRETECTRA (Association des Personnes Rénovatrices des Technologies Traditionnelles), le G.R.A.I.B. (Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives de Base pour un Développement Durable), la J.A.E. (Jeunesse Action Environnement), le R.E.P.F.E.D. (Réseau des Paysans Féminins pour le Développement) et l'ESAM (Enfants Solidaires d’Afrique et du Monde). Toutes ces O.N.G. faisaient par ailleurs l’effort de financer les groupements féminins sur fonds propres, ne passant pas nécessairement par les projets gouvernementaux. Au nombre de ces O.N.G. indépendantes par rapport à l’Etat, figuraient principalement le P.I.B. (Plan International Bénin) et l’I.F.A.D. (Institut de Formation et d’Action pour le Développement des Initiatives Communautaires Durables).

Toutes ces O.N.G. s’appliquaient à allouer des crédits de fonds de roulement aux groupements féminins, en vue d’accroître leur capacité d’auto-financement et donc d’auto-prise en charge113.

B Organisations et activités culturelles

Examinons les activités d’ordre artistique et initiatique avant d’en venir aux autres activités culturelles en général.

B.1 "Kpanu": un art et une initiation

Sur le terrain de la recherche, la toute première des activités culturelles fut, semble-t-il au plan des organisations féminines, le "kpanu". D’un point de vue étymologique, "kpanu" signifie: assiette, c’est-à-dire la pièce de vaisselle individuelle servant à contenir des aliments.

De fait, dans l’organisation sociale du "kpanu", les assiettes jouent un rôle primordial. Elles sont percées d’un bout à l’autre sur le rebord; et dans chacun des trous ainsi pratiqués, les femmes disposaient de petits annaux en fer; à chacun de ces petits annaux, elles pendaient des pièces métalliques. Le frottement de tous ces éléments produisait un bruit que venaient rythmer les chants et les mouvements des femmes.

Le "kpanu" était un moyen de transport qui excluait l’usage du tam-tam traditionnellement considéré comme l’apanage des hommes. Le "kpanu" se jouait donc sans qu’intervinssent les hommes. C’était une organisation essentiellement féminine qui avait donné aux femmes la preuve qu’elles pouvaient réaliser bien d’autres activités culturelles sans le concours des hommes. C’est, affirmaient les acteurs sociaux, de cette prise de conscience qu’émergea le "tam-tam des femmes" du Kufo. Il est, par définition, exclusif de l’intervention des hommes. Il a pourtant fallu que les membres des groupements féminins du Kufo soient initiés avant la naissance d’un tel tam-tam.

Dans les milieux de groupements féminins où le projet de tam-tam fut initié, les femmes se mobilisaient en tout premier lieu en vue de la discipline du groupe. Au titre de cette discipline, l’absence aux réunions et le retard étaient interdits sous peine d’amendes; les cotisations nécessaires à la bonne marche de l’initiation étaient fixées; le respect mutuel des membres était de rigueur; des personnes-ressources se désignaient pour le règlement des conflits éventuels entre membres associés.

Les femmes se mobilisaient également pour réunir des fonds afin d’assurer le succès de l’initiation. Il leur fallait, entre autres besoins impérieux, pourvoir aux honoraires de l’initiateur et de ses collaborateurs, assurer l’achat des instruments musicaux adéquats et les dépenses relatives à la phase finale de l’initiation. Cette phase finale était marquée par le rite de "Ehundedeti" que l’on pouvait comparer à un rite

113 Par-delà les financements par les diverses institutions et la gestion de ces financements par les

groupements féminins, c’est tout le problème de l’aide, de la dette et de l’endettement qui se pose. Nous aurons l’occasion d’y revenir au plan de la réflexion et des propositions.

baptismal perçu comme l’origine et le sommet de l’initiation. Pour ce faire, on achetait des pagnes uniformes dont devaient se vêtir les partenaires. Les femmes faisaient en sorte que, par les canaux de la communication traditionnelle, le collectif des acteurs sociaux soit informé de la phase finale de l’initiation114. Enfin - et ceci

n’était pas d’une nécessité absolue -, elles prévoyaient des dépenses en vue du repas de convivialité qui marquait les festivités. Outre l’organisation du "kpanu", il y avait bien d’autres activités d’ordre culturel.