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VI. DISSERTATION

I.2 PREMIERE PARTIE:

I.2.1 Les diverses formes de mariage en milieu ajatado

1.6 La forme de mariage dite « nyonlu dede » ou l’union par consentement

"Dede" est la forme verbale de l’infinitif "de": prendre, élire, choisir, épouser. Dans le cadre du mariage, "nyo nlu dede", c’est choisir, épouser la femme. Comme nous le voyons, l’expression qui sert à désigner cette réalité rend explicite la démarche de l’homme vers la femme; c’est en effet, comme l’affirme cette expression, l’homme qui choisit la femme. Il faudrait également comprendre que, dans le cadre de ce type de mariage, la femme elle aussi choisit l’homme. C’est en fait d’un mouvement réciproque qu’il s’agit. Sans cette démarche réciproque de la femme vers l’homme, il n’y a pas de "nyo nlu dede"; il n’y a pas non plus de consentement.

48 Les présents offerts sont en fait indiqués par les parents de la jeune femme et, de préférence, par ses

petits oncles ("todi"): ce sont fondamentalement deux cabris pour le père et la mère de la jeune femme. Ces deux cabris sont destinés à jouer un rôle de premier plan dans l’accomplissement d’un rite bien déterminé: il s’agit du rite de "egbexexe" qui est essentiellement un rite cathartique; celui-ci a pour rôle, d’une part, d’éliminer les éléments négatifs ou morbides pouvant continuer à prévaloir entre les parents offensés et, d’autre part, de promouvoir l’accession corrélative à un état renouvelé de disponibilité. C'est vraiment d'un rite d' « apaisement » qu'il s'agit. Pour ce qui relève de la notion de "Catharsis", cf. THINES et LEMPEREUR (1975: 154 -155).

Une fois le choix effectué, les futurs époux évoluent ensemble, franchissent les diverses étapes pour aboutir au mariage qui se conclut entre deux groupes appelés à être des familles alliées. Ces diverses étapes résident, d’une part, dans l’offrande de la dot et d’autres articles dont les liqueurs et particulièrement le vin 49; elles résident,

d’autre part, dans le transfert de l’épouse à la demeure sponsale 50. Ce sont en réalité

des étapes inhérentes à tout processus matrimonial. Le mariage célébré sous cette forme procure de la joie et de la réjouissance; car il y a satisfaction de part et d’autre, en raison des relations de fraternité, de solidarité et d’entente qui se nouent entre les familles et, par-delà celles-ci, les clans directement impliqués dans l’alliance matrimoniale.

Les tableaux ci-après nous permettront d’apprécier les proportions de mariages à travers les diverses formes d’alliance, à l’exception de la forme léviratique que nous aborderons plus bas. Cette recherche a été réalisée dans le courant des mois de janvier et de février 2001. Les échantillons étaient différemment prélevés dans chacune des communes de l’entité départementale du Kufo. L’effectif des échantillons était de 100 (cent) femmes par commune.

Tableau n°1: Commune d’Aplahoué

Type de mariage Effectifs Pourcentage

Rapt 4 4

Forme dite ahunmè 7 7

Mariage prescrit 12 12

Echange de femmes dit

"do do " 2 2

Forme dite "ago " 2 2

Forme dite "nyonludede" 73 73

Total 100 100

49 Soulignons la place de choix qu’occupe le vin et, d’une manière singulière, le vin de palme dans la

rubrique des offrandes qui précèdent l’union matrimoniale. En effet, comme l’affirme GIORDANO (1987: 56-66), le vin est perçu non seulement comme une ressource symbolique ( "wine as symbolic resource" ), mais aussi comme un facteur d’identité ("wine as factor of identity").

50Au plan des divers types de mariage étudiés plus haut, nous n’avons pu insister sur ces étapes,

préoccupée que nous étions par les principales "irrégularités" ou vices formels qui les caractérisaient. Mais nous traiterons de ces étapes plus bas, quand nous nous appliquerons à souligner la dimension dynamique du mariage ajatado.

Tableau n°2 : Commune de Djakotomè

Type de mariage Effectifs Pourcentage

Rapt 8 8

Forme dite "ahunmè" 11 11

Mariage prescrit 16 16

Echange de femmes dit

"dodo" 9 9

Forme dite "ago" 7 7

Forme dite "nyonludede" 49 49

Total 100 100

Tableau n°3 : Commune de Toviklin

Type de mariage Effectifs Pourcentage

Rapt 21 21

Forme dite "ahunmè" 16 16

Mariage prescrit 17 17

Echange de femmes dit

"do do " 3 3

Forme dite "ago " 6 6

Forme dite "nyo nlu dede" 37 37

Total 100 100

Tableau n°4 : Commune de Lalo

Type de mariage Effectifs Pourcentage

Rapt 12 12

Forme dite "ahunmè" 9 9

Mariage prescrit 18 18

Echange de femmes dit

"do do " 5 5

Forme dite "ago " 9 9

Forme dite "nyo nlu dede" 47 47

Tableau n°5: Commune de Klwikanmè

Type de mariage Effectifs Pourcentage

Rapt 19 19

Forme dite "ahunmè" 8 8

Mariage prescrit 12 12

Echange de femmes dit

"dodo" 4 4

Forme dite "ago" 2 2

Forme dite "nyonlu dede" 55 55

Total 100 100

Essayons d’apprécier cette enquête.

Ce qui nous surprend en tout premier lieu, c’est que toutes les femmes interrogées dans cette enquête se sont prononcées; car aucune d’elles n’a voulu garder la neutralité ni observer l’anonymat. Une telle disponibilité était de nature à nous faire avancer dans notre recherche.

La deuxième remarque est relative à la forme de mariage qui a connu la plus large participation dans notre enquête: il s’agissait du mariage par consentement ("nyo nlu dede"), qui est la forme la plus normale, la plus souhaitée et, somme toute, la plus traditionnelle. En fait, sur 500 (cinq cents) femmes mariées, 261, soit 52,2 % de l’échantillon global, ont été introduites dans la vie matrimoniale en raison du consentement des parties.

La troisième remarque, porte sur la forme de mariage la plus violente, la plus humiliante et la plus aliénante vis-à-vis de la femme: c’est le mariage par rapt. Entendons par là, le rapt pur et simple. Sur 500 femmes mariées, 64, soit 12,8 % de l’échantillon global, ont été introduites dans la réalité matrimoniale par la force et, somme toute, contre leur volonté.

Enfin, la quatrième remarque tient au constat suivant: le taux de mariage par rapt est nettement en hausse dans les communes de Toviklin, Lalo, et Klwikanmè, par rapport à ce que l’on peut constater à Djakotomè et surtout à Aplahoué. Cela pourrait être attribué au taux de scolarisation qui, dans ces deux dernières communes, est plus élevé qu’à Toviklin, Lalo et Klwikanmè où l’alphabétisation n’en est qu’à ses débuts. Nous n’en sommes pas à une affirmation, mais tout simplement à une hypothèse.