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B.2 Les modalités du remariage des veuves et leur statut

B.2.2 Le remariage à l’extérieur du clan marital

I.3 DEUXIEME PARTIE:

I.3.1 Au sujet de la notion de « développement »

1.3 La notion endogène de «progrès»

A notre humble avis, il ne sert à rien de brandir la notion de développement, si celle-ci ne trouve aucun répondant dans l’aire culturelle qui nous préoccupe. Voilà pourquoi il importe de s’intéresser à la notion endogène de développement. Dans le milieu ajatado, divers termes servent à le traduire.

Nous distinguons en tout premier lieu l’expression "n’ko yiyi", composé de deux monèmes:

"n’ko ": devant, en avant, préposition et adverbe de lieu, indiquant la position antérieure;

"yiyi": forme infinitive du verbe "aller", le fait d’aller.

"N’ko yiyi"; le fait d’aller en avant, autrement dit: le fait de progresser. Il y a, en effet, dans la notion de "n’ko yiyi", celle de progrès. Il ne s’agit pas cependant d’un progrès quelconque; ce doit être un véritable progrès à tout point de vue. Le fondement d’un tel progrès, c’est le "travail".

En effet, nous distinguons en deuxième lieu l’expression "Edo wawa no n’ko yiyi", composée de trois mots que nous allons examiner:

"edo wawa": mot composé des monèmes "edo ": travail, et "wawa": l’action; "wawa"est en fait un suffixe qui indique et renforce les verbes d’action . Ainsi, "edo wawa" est une forme infinitive qui traduit le verbe "travailler". L’expression "edo wawa no n’ko yiyi" peut alors se traduire comme suit: "le fait de travailler pour le progrès". Ainsi, la notion de travail se trouve insérée par ce fait même dans la notion de progrès. Autrement dit, le travail est la condition du progrès.

La troisième expression annoncée est celle de "N’ko yiyi agbeto -to" 68. En réalité,

l’expression "agbeto -to " traduit, dans la culture ajatado, la nature de ce qui détermine le progrès. D’entrée de jeu, notons que le second monème "to " est un

68 En nous limitant à cette troisième expression, nous ne signifions pas avoir tout dit des termes

susceptibles de traduire la notion de développement. Car on pourrait tout aussi bien noter les expressions suivantes: "fafa": la paix, "vovo": l’épanouissement, "dokun-dodo": l’enrichissement, le nantissement, etc... Ce sont cependant autant d’expressions dont la prégnance ne nous semble pas aussi déterminante que pour les trois expressions que nous avons retenues pour traduire la notion de développement.

suffixe indiquant la forme génitive, c’est-à-dire, la dépendance ou l’appartenance. Venons-en à présent à l’expression "agbeto" . Ce vocable est composé de deux termes significatifs:

"agbe": vie, monde, univers; "to ": auteur, possesseur, père.

Il faudrait éviter de se fonder sur la présente étymologie pour saisir "agbeto " comme le "père de la vie" ou le "père du monde"; car on ne saurait le confondre avec "Egbèdoto " (egbè: monde, do: créer, to : auteur, possesseur, père), le Créateur et Père de l’univers et de tout ce qu’il renferme. Il faut plutôt comprendre "agbeto " comme celui qui répond de la vie et du monde, en ce sens qu’il en a le contrôle et la maîtrise, puisqu’il en est, selon l’expression de AGUESSY (1972b : 45), "le possesseur". En réalité, le terme "agbeto " est celui que nous retenons pour traduire la notion de personne en milieu ajatado. C’est une telle personne, dans toutes ses dimensions, qui est au centre du développement. Elle est forcément marquée d’une dimension communautaire et communionnelle.

Etre une personne, en milieu ajatado, c’est être réellement engagé dans un processus de personnalisation. La personne humaine n’est donc pas une réalité statique; elle est un projet dynamique dont l’accomplissement dépend des diverses étapes des initiations que le groupe social lui fait parcourir. Elles sont en effet nombreuses, les initiations qui jalonnent la vie de l’individu69. En fait, dans le milieu traditionnel

ajatado, l’initiation n’est pas facultative. Elle n’est pas non plus perçue comme un fait de convenance. Car elle s’impose à tout individu qui veut accéder au statut de personne appartenant à un groupe social donné. MVENG (1982: 256) en souligne l’absolue nécessité quant il écrit:

"Dans nos sociétés traditionnelles, celui qui n’est pas passé par l’initiation et n’a pas accédé progressivement à toutes ses dimensions n’est pas à part entière un membre de la communauté humaine".

L’initiation est en réalité, l’instance où se constitue "progressivement" la personnalité du sujet. L’éducation que l’on y reçoit informe non seulement des divers aspects de la vie en société, mais aussi de la tradition dans laquelle le sujet s’inscrit. Plus

69 Nous pourrions, à titre d’exemple, citer quelques-unes de ces initiations: «Zunmèyiyi», l’initiation dans

la forêt; «Egbexexe», rites d’apaisement; «Enyisese», rite d’attribution de noms. Ces initiations sont de nature religieuse. On pourrait tout aussi bien citer d’autres types d’initiations qui conduisent l’individu- sujet dans le monde de l’art traditionnel et, partant, dans celui de l’esthétique. Une telle initiation se révèle, par exemple, dans le rite de «Alokloklo » que le maître fait subir au disciple initié à l’art; ce vocable est composé de trois monèmes: «alo», main; «klo», laver; «kloklo» signifie «le fait de laver». «Alokloklo», c’est le fait de laver les mains. Dans ce rite, la main est la partie du corps la plus privilégiée. Car, dit-on en milieu ajatado, c’est elle qui réalise: «alo yi wa non nu» (littéralement: «c’est la main qui fait les choses»). C’est dans ce même ordre d’idées qu’on donne aux enfants le nom de «Lowanu».

fondamentalement, on lui fait découvrir qu’il n’est pas une monade, mais qu’il est essentiellement un "être-avec". Ici, ce n’est donc pas la dimension individualiste qui importe, mais la communauté et le sens du partage.