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B.6 La scolarisation dans la commune de Toviklin

2.2 Les femmes ajatado et les activités économiques au Kufo

2.2.1 Le secteur primaire

C’est le secteur des activités productrices de matières premières brutes. L’agriculture, l’élevage, la pêche et l’exploitation forestière (pour ne citer que ces domaines) constituent les caractéristiques fondamentales de ce secteur.

A L’agriculture

Dans la commune d’Aplahoué, l’agriculture est la principale activité de la population ; et ceci, en raison de la forte proportion des terres cultivables. En effet, sur les 572 km2 de la superficie totale de ladite commune, 325 km2 sont investis dans l’agriculture. Celle-ci se pratique encore à l’aide de moyens techniques rudimentaires: brûlis et longues jachères. Au plan qualitatif, les outils n’ont guère connu d’amélioration. Ainsi, la houe, le coupe-coupe et la daba sont les principaux instruments utilisés dans ce domaine. Quant aux engrais chimiques, ils sont de nos jours utilisés notamment pour la production du coton, du maïs, du haricot et de la tomate. Afin de nous rendre compte de ce que représente la production agricole dans la commune d’Aplahoué, référons-nous au tableau suivant.

Tableau n° 20

Produits Rendement enT / ha Production en tonne Rang

Tomate 7,875 3.150 4è Patate douce 4,5 126 8è Igname 12,5 2.250 1er Manioc 24,687 37.525 4è Piment 0,682 75 6è Haricot 0,661 2.975 1er Maïs local 1,147 15.701 1er Maïs amélioré 1,326 647 2è Arachide 0,951 4.079 1er Coton 0,627 8.365 1er Total 54,956 74.893

Ce tableau montre qu’au plan des départements du Mono et du Kufo, la commune d’Aplahoué occupe la première place pour ce qui concerne les cultures de rente (coton et arachide). Il en va de même pour ce qui relève de certaines cultures vivrières tels que les ignames, le niébé (ou hariocot) et le maïs local. Mentionnons que même pour le maïs amélioré, la commune d’Aplahoué n’occupe pas une place négligeable, puisqu’ elle est deuxième au classement. Mentionnons enfin que, dans

90 Le choix a porté sur la commune d’Aplahoué, et pour cause. Aplahoué fut depuis les temps coloniaux

retenu sur le plateau aja comme chef-lieu administratif. Dans l’actualité de la décentralisation et de la démocratisation, c’est encore ladite commune qui se trouve probablement retenue comme le chef-lieu du département du Kufo. Nous pourrions donc la considérer, à titre provisoire, comme un terrain d’expérimentation et d’études valables pour le reste des communes du Kufo.

Aplahoué, on cultive également le riz et le gombo. Pour ce qui est des arbres fruitiers, le sol est généralement généreux. Nous ne disposons pas de résultats quantifiés à ce propos. Néanmoins, notons que des fruitiers, tels que le palmier, le manguier, l’oranger, le citronnier, le bananier, l’avocatier, le pommier, et le sapotier trouvent à Aplahoué et, en général, au Kufo une terre d’accueil où les femmes les cultivent et les commercialisent.

B L’élevage et la pêche

B.1 L’élevage

Nous distinguons le petit élevage et l’élevage du gros bétail. Dans la commune d’Aplahoué, c’est le premier type d’élevage qui se trouve beaucoup plus à la portée des femmes. Elles élèvent notamment des ovins, des caprins, des porcins et de la volaille sous toutes ses formes. C’est en particulier dans les villages et surtout dans les habitations que ce petit élevage se développe.

Pour ce qui est de l’élevage du gros bétail au plan de la commune d’Aplahoué, il s’observe dans les arrondissements d’Aplahoué, Azovè, Kissamè et Lonkli. Au recensement des bêtes effectué en 1997, la commune d’Aplahoué occupait au classement la deuxième place pour le Mono et le Kufo. Les résultats de ce même recensement des bêtes avaient permis de retenir, pour le compte du cheptel d’Aplahoué, les informations suivantes.

-bovins 1200 unités; -ovins: 11000 unités; -caprins: 25000 unités; -porcins: 18300 unités.

Par-delà ces chiffres essentiellement variables91, c’est la place et le rôle des femmes

qui nous préoccupent ici. De fait, elles participaient à l’élevage selon trois modalités. Premièrement elles pouvaient élever des animaux dans des enclos dont elles étaient les propriétaires. Deuxièmement, elles pouvaient engager un tiers pour gérer des enclos qu’elles-mêmes supervisaient, pour la simple raison qu’elles en étaient les propriétaires; c’était bien évidemment le cas de la participation par le tiers. Enfin, la troisième modalité de participation consistait dans le placement des animaux à élever dans des enclos d’autrui où les femmes louaient des places; on pourrait rapprocher cette dernière modalité de la précédente: celle de la participation par le tiers 92.

91 Ces chiffres provenaient du CeRPA Mono-Kufo.

92 Les présentes modalités de participation des femmes dans l’élevage au plan de la commune d’Aplahoué

B.2 La pêche

Celle-ci ne constitue pas, dans le Kufo, une activité importante pour les paysans. S’ils en viennent à la pratiquer dans le Kufo, c’est essentiellement en vue d’une subsistance très précaire. Mais, d’une façon générale, la pêche est très peu pratiquée à cause de l’étroitesse et de l’insuffisance du réseau hydrographique.

Cependant, dans le Kufo, et en particulier dans la commune d’Aplahoué, les acteurs sociaux consomment bien régulièrement le poisson. Les chambres froides et les magasins qui le débitent se retrouvent pour la plupart à Azové, ville centrale de la commune et même du département du Kufo. C’est précisément dans ce commerce qu’intervient le rôle des femmes. Soit pour vendre le poisson fraîchement capturé ou congelé par des sociétés nationales ou multinationale de pêche, soit pour le fumer avant de le commercialiser, soit pour le servir frais, fumé ou frit dans des repas savoureux.

C L’exploitation forestière

C’est le domaine de l’exploitation des forêts en vue de l’utilisation des bois d’œuvre, des bois de chauffe et de charbon. Les femmes de la commune d’Aplahoué interviennent dans cette exploitation de type commercial. Car, si elles ont un contact direct avec le bois de chauffe et le charbon, en raison des besoins domestiques, on ne saurait exclure leur inclination pour le commerce du bois d’œuvre. Dès lors que ce commerce est exercé par leurs époux, elles s’y trouvent d’une manière ou d’une autre impliquées, ne serait-ce qu’au plan de l’aide minimale à fournir afin que ce commerce prospère . Somme toute, dans la commune d’Aplahoué, les acteurs sociaux ne considèrent plus le commerce du bois comme une activité réservée au genre masculin. Car des femmes sont reconnues comme spécialistes dans la gestion de ce commerce.

2.2.2 Le secteur secondaire

C’est celui de la transformation des matières premières; il concerne principalement l’industrie et l’artisanat. Essayons de nous en rendre compte et surtout d’y mettre en évidence la participation des femmes de la commune d’Aplahoué.

A L’industrie

Au sens moderne du terme, l’industrie peut être considérée comme l’ensemble des activités économiques ayant pour objet l’exploitation des richesses minérales et des diverses sources d’énergie ainsi que la transformation des matières premières en produits fabriqués. La commune d’Aplahoué n’est pas encore parvenue à ce stade industriel. Disons, sans hésiter , que l’industrie n’y est pas encore développée. Au plan général du Kufo, on pourrait certes citer l’usine d’égrainage de Hagoumè créée en 1970. Mais l’industrie en tant que telle se limite en général, dans la commune d’Aplahoué,

aux activités de petites et moyennes entreprises. Celles-ci portent sur des initiatives telles que les boulangeries, les fabriques de glace et de divers tourteaux, les ateliers de couture, de menuiserie, de forge, de soudure, les unités de distillerie d’alcool local, d’extraction d’huile de palme, de coco et de soja, et de transformation de maïs, de niébé, d’igname et de manioc. Si, à ce niveau, on peut oser parler d’industrie de transformation alimentaire, on doit reconnaître qu’il ne s’agit là que d’industrie à petite échelle dominée par l’artisanat.

Toutefois, dans chacun de ces secteurs, non seulement les femmes interviennent massivement, mais elles sont propriétaires d’unités de production et de transformation. De fait, dans le Kufo contemporain, il n’y a plus de métier où les femmes ne se font pas remarquer. On les retrouve même dans les ateliers de photographie, de menuiserie, de mécanique automobile, de dépannage de radio et de télévision93.

B L’artisanat

Cet autre domaine est celui des "produits des multiples techniques traditionnelles unissant toujours, de quelque manière, la préoccupation pratique et un souci esthétique"94. L’importance de l’artisanat s’apprécie à l’aune des articles qu’il

produit et livre sur le marché. Il est généralement géré par des hommes et des femmes. Néanmoins, l’artisanat alimentaire est, au Kufo en général et, en particulier dans la commune d’Aplahoué, la spécialité des femmes. Celles-ci transforment les produits agricoles (maïs, niébé, manioc, ignames, noix de palme, arachides, etc.) en aliments dérivés (pâtes, galettes, purées, gari, tapioca, huiles, etc.). Elles transforment également les matières premières d’ordre minéral (argile) en produits dérivés (marmites, jarres, canaris, gargoulettes, etc.). Enfin, les femmes interviennent dans le domaine de la vannerie où elles se servent des éléments de la flore (nervures de branches de palme, branches d’arbres résistants, feuilles, écorces et racines d’arbres) pour fabriquer des produits finis ( nattes, paniers, corbeilles, cordes, éponges, etc.).

2.2.3 Le secteur tertiaire

Ce dernier secteur est, d’une part, celui des transports et du commerce et, d’autre part, celui des services. Nous n’insisterons ni sur les services, ni sur le commerce où les femmes sont présentes d’une présence accrue. Notre attention se portera principalement sur les transports.

93 Près d’une vingtaine d’années auparavant, l’impact des femmes au plan social n’était pas aussi

spectaculaire que ce que nous constatons de nos jours. Leur rôle semblait se limiter à la cuisine, à la taillerie et à la coiffure. Aujourd’hui, elles sont présentes dans la quasi totalité des structures sociales. C’est dire qu’il y a un changement des mentalités, une nouvelle vision de la partition sociale qui semble prendre le contre-pied d’une certaine domination masculine.

Dans le Kufo, les transports se font au moyen des voies de communication qui sont principalement de trois sortes: les voies non bitumées et les sentiers. Il faut y ajouter les voies secondaires et les pistes rurales. Toutes ces voies constituent le réseau routier qu’utilisent les taxi-moto, les véhicules automobiles et les gros porteurs. Afin de nous rendre compte de la participation des femmes au plan des transports, nous avons procédé à des enquêtes orientées selon des cibles. Ainsi, nous avons noté que sur 100 (cent) conducteurs de taxi automobiles de la station d’embarquement d’Azovè, 04 (quatre) conducteurs ont avoué que les véhicules qu’ils utilisaient appartenaient à des femmes commerçantes de la même ville. Sur 30 (trente) conducteurs de gros porteurs, 03 (trois) ont reconnu que leurs camions étaient des propriétés des femmes d’Azovè. Sur cette même ville, convergeaient des conducteurs de taxi-moto en provenance de Djakotomè, Dogbo, Klwikanmè, Lalo, Toviklin. Nous avons donc prélevé un échantillon de 100 (cent) de ces conducteurs, afin de nous rendre compte du genre des propriétaires des taxi-moto. L’enquête a révélé que 65 (soixante-cinq) conducteurs pilotaient des engins appartenant à 43 (quarante-trois) femmes; ce qui voulait dire qu’au nombre de ces femmes, certaines pouvaient détenir plus d’un engin…!

Quoique brève et d’envergure réduite, cette enquête révèle que les femmes de la commune d’Aplahoué sont partie prenante dans l’exploitation du réseau routier. Elles participent donc de façon active à la promotion de l’économie communale.

Il y a, par ailleurs, d’autres moyens d’exploiter le réseau routier; ceux-ci sont les plus anodins, les plus discrets, mais aussi les plus prégnants: c’est non seulement le transport au moyen de tricycles et de bicycles, mais aussi le transport au moyen des parties du corps humain; il s’agit plus précisément du transport à la main et sur la tête qui sont les moyens les plus traditionnels et les plus archaïques. Dans le Kufo, en général et, dans la commune d’Aplahoué en particulier, de nombreuses femmes sont encore réduites à ces moyens de déplacement et au type de déplacement le plus élémentaire: la marche. Nous avons, par exemple, voulu nous rendre compte de la couche sociale et du genre réduits à ce dernier moyen de déplacement; pour cela, notre démarche a consisté à enquêter sur des personnes se rendant à Azové pendant que s’y animait le marché : environ 97 % de ces personnes étaient majoritairement des femmes et des jeunes filles. Reconnaissons que le défaut d’infrastructure de transport peut être identifié comme un des obstacles aux activités économiques des femmes de la commune d’Aplahoué et, partant, du Kufo. Essayons de mieux identifier ces obstacles.

2.2.4 Les obstacles aux activités économiques