1. Résolution de problèmes : de l’individuel au collectif
1.3. La tâche proposée au sujet : ses caractéristiques
1.3.1. Les différents types de tâche
Pour définir lʹensemble des tâches qui relève du champ dʹétude de la résolution de problème, Weil‐Barrais (1991) nous propose de regarder les trois composantes qui la définissent, à savoir un ensemble de données, un ensemble de questions et un ensemble de contraintes.
Lʹensemble de données configure ce que lʹon pourrait qualifier ʺdʹétat initialʺ et se traduit par une situation matérielle, un énoncé, un ensemble dʹinformation, etc . . .
Lʹensemble de question, plus souvent traduit sous le vocable de ʺbutʺ, précise lʹobjectif général à atteindre. Notons ici que ce but peut être plus ou moins identifié. En effet, ce but peut être entièrement explicite et spécifié dans un ʺétat finalʺ, cʹest le cas pour les problèmes dits de ʺtransformation dʹétatʺ, ou plus ouvert lorsquʹil y a plusieurs états finaux possibles.
Enfin, un ensemble de contraintes qui délimitent les actions possibles du sujet. Ces contraintes peuvent être liées aux données disponibles pour le sujet, aux traitements possibles ou encore au format dʹexpression de sa réponse.
Ainsi, par résolution de problème nous entendons la situation dans laquelle la tâche dʹun individu consiste à appliquer un certains nombre de règles de transformation sur un objet afin de lʹamener dʹun état initial à un état final, son but. Sur ce principe et en respectant les composantes de la tâche que nous venons de décrire, trois types de problème sont généralement distingués : les problèmes à transformation dʹétat, les problèmes dʹinduction de structures et les problèmes de conception.
1.3.1.1. Les problèmes à transformation d'état
Reed (2002) nous explique quʹil sʹagit de problèmes qui consistent à changer un état initial en suivant une séquence dʹopérations pour le faire correspondre à un état final. Le meilleur représentant de ce type de problème est la Tour de Hanoï.
Figure 3 : Représentation de lʹespace problème de la Tour de Hanoï à 3 disques
Il sʹagit ici dʹun problème à transformation dʹétats spécifiés pour lequel la tâche du sujet consiste à passer dʹun état initial clairement défini – les anneaux empilés à gauche du sujet – à un état final également défini – les anneaux empilés à droite du sujet. Le passage devant se réaliser en respectant des règles de transformation précises. Par exemple, il est interdit de déplacer plus dʹun disque à la fois, dʹempiler un disque de plus forte dimension sur un plus petit, etc . . . Ainsi, dans ce type de situation problème, le sujet se représente la tâche comme le cheminement à travers des états générés les uns à partir des autres en appliquant des règles de transformation (Hoc, 1987). Ici, lʹensemble des états possibles (figure 3) est de dimension finie et correspond à lʹespace problème. Notons également quʹil existe un cheminement optimal de résolution qui correspond à 2n‐1 déplacements, avec n le nombre de disques.
En regardant rapidement dans notre vie quotidienne, lʹon découvre que lʹon est régulièrement confronté à ce type de problème. Cʹest par exemple lʹutilisation dʹun traitement de texte avec ses menus déroulants dans lesquels il faut se déplacer pour atteindre le résultat souhaité. Plus usuelle encore est lʹutilisation dʹun magnétoscope. Dans ces deux cas, le chemin dans les sous‐
buts est assuré par des commandes.
1.3.1.2. Les problèmes d'induction de structures
Ici lʹétat final est défini, mais il nʹest pas donné au sujet. Dans les problèmes dʹinduction de structures, le sujet doit en effet trouver une forme parmi un ensemble de relations fixées, et ainsi découvrir lʹétat final (Reed, 2002). Ici, le sujet doit se représenter la tâche comme une recherche de relations dans un ensemble dʹéléments qui lui sont fournis (Hoc, 1987). Cʹest lʹexemple des problèmes dʹextrapolation de série où la tâche consiste à découvrir le prochain élément de la série 1 2 8 3 4 6 5 6 par exemple.
Pour une illustration de ce type de problème dans la vie quotidienne, on peut regarder du côté des techniciens de maintenance industrielle qui doivent, dans le cas dʹune action corrective, établir un diagnostic en relevant les éléments pertinents qui ont amené la panne.
1.3.1.3. Les problèmes d'arrangement
Nous avons vu que lʹétat final était précisément défini dans les problèmes à transformation dʹétat, quʹil était défini dans les problèmes dʹinduction de structure mais non disponible pour le sujet. Cette fois, dans les problèmes dʹarrangement, comme lʹexplique Wel‐Barais (1991) il y a plusieurs états finaux possibles et, de plus, il ne sont pas précisément définis. Ce troisième type de tâche va donc dans le sens dʹune ouverture des problèmes. Il
sʹagit ici de réarranger des objets en satisfaisant à certains critères pour que le problème soit résolu. Et Reed précise que ʺrésoudre un problème dʹarrangement implique souvent beaucoup dʹessais et dʹerreurs durant lesquels des solutions partielles sont élaborées et évaluéesʺ (Reed, 2002, p. 434)
Hoc (1987) nous explique que dans ce type de problème, le sujet doit se représenter la tâche comme lʹélaboration dʹune représentation détaillée du but à atteindre. Il faut donc construire cette représentation dans la mesure où elle nʹest pas fournie au départ.
Cette catégorie de tâche a été particulièrement étudiée par les psychologues de la Gestalt, comme nous avons pu le voir précédemment avec le problème de Dunker et la notion dʹinsight.
Pour poursuivre dans les exemples de la vie quotidienne, ce type de problème correspond aux activités de conception. En effet, comme le soulignent Chevalier et Bonnardel (2003), les problèmes de conception sont considérés comme ʺmal définisʺ dans la mesure où toutes les informations nécessaire à lʹélaboration de la solution ne sont pas présentes dans lʹénoncé du problème ce qui en fait un problème ouvert.
Des trois grandes catégories de tâches que nous venons de présenter brièvement, la troisième présente des caractéristiques propices à la mise en œuvre des processus que nous souhaitons étudier. En effet, les problèmes ouverts présentent lʹavantage, pour notre recherche, de ne pas restreindre lʹespace des solutions et donc de laisser au sujet une grande latitude dans son activité de représentation. Ainsi comme nous lʹindique Simon (1973) pour réussir son cheminement vers le but, le concepteur doit préciser sa représentation mentale. Et Darses (2001) nous précise que, depuis les années 80, la psychologie participe aux recherches de ce champ disciplinaire en contribuant à lʹétude des représentations mentales élaborées par les concepteurs.
Dʹautre part, comme nous le verrons un peu plus loin, la nature de nos travaux nécessite une situation collective de résolution de problème. Or cette nécessité rejoint une préoccupation actuelle des situations de conception industrielle comme nous lʹexplique Toniolo (2005).
1.3.2. De la conception à la situation d'ingénierie concourante