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Chapitre II : Résoudre un problème en groupe : la nécessité de communiquer

2. Raisonner collectivement : du groupe aux interactions

2.4. Les compétences des concepteurs pour l'activité collective Nous  avons  vu  au  cours  du  premier  chapitre  que  la  conception  dʹun

2.4.4. La prise de décision

Nous avons vu au cours du premier chapitre que la décision pouvait être  envisagée comme une production du système cognitif. Et que cette production  présente un niveau dʹélaboration différent suivant que la décision est prise  dans le cadre dʹune tâche de résolution de problème, dʹune tâche dʹexécution  non automatisée ou automatisée.  

Avec  la  situation  collective,  la  décision  prend  une  dimension  supplémentaire. En effet, nous venons de voir quʹil sʹagit pour les acteurs, de  partager des connaissances et de sʹassurer quʹils parlent bien de la même  chose tout au long de leur cheminement vers la résolution du problème de  conception. Ainsi, régulièrement, ils doivent sʹajuster, cʹest‐à‐dire poser le plus  explicitement possible leur point de convergence. Envisagée de la sorte, la  décision nʹest plus seulement une situation à choix multiples où existe une  ʺbonneʺ solution telle que Morel (2002) par exemple, lʹexplique. Mais, dans  cette situation de conception, la décision devient une bonne option parmi  plusieurs vers laquelle les concepteurs convergent. Et les objets intermédiaires  que nous avons rencontrés un peu plus haut contribuent au processus de  décision en  permettant la validation de cette  convergence.  Ici,  les  objets  intermédiaires ont une fonction de pérennisation de la décision. 

Nous retrouvons alors ce que Fixmer et Brassac (2004) qualifient de  micro‐décisions  et macro‐décisions, cʹest‐à‐dire les processus  de décisions  collectives qui jalonnent lʹactivité pour ordonner et générer son cheminent. La  décision  peut  alors  être  regardée  sous  lʹangle  de  sa  participation  à  la  construction  du  sens.  Cʹest‐à‐dire  quʹelle  sʹélabore  dans  un  espace  dʹintercompréhension dans lequel le groupe inscrit sa démarche de recherche  de cette décision (Grosjean, Grégori, Brassac., 1996). Et la décision contribue à  la validation de certaines options qui donnent lieux à des  ʺirréversibilités  localesʺ (Fixmer et Brassac, 2004, p.113) afin de favoriser la convergence des  points de vue vers une solution. 

Sur ce point, la psychologie sociale nous apprend que le groupe est en  mesure  dʹélaborer  des  décisions  quʹindividuellement  ses  participants  nʹauraient pas envisagées. Cʹest le cas de lʹeffet ʺJanisʺ dont nous avons parlé  plus avant mais cʹest également le cas sur le niveau de prise de risque. 

En effet, Kogan et Wallach (1967) rapportent une expérience où des  individus commencent par répondre individuellement à un questionnaire  envisageant différents niveaux de prise de risque : il sʹagit de conseiller un  étudiant en matière dʹorientation professionnelle. Le questionnaire présente  un lycéen qui pratique le piano depuis son enfance et son talent musical a été  récompensé par quelques prix. Le lycéen sʹinterroge sur lʹopportunité dʹentrer  au conservatoire, la carrière de pianiste étant présentée comme incertaine, ou  de suivre des études de médecine, métier prestigieux et beaucoup plus sûr. 

On demande alors au sujet dʹindiquer si, de son point de vue, le lycéen ne doit  pas poursuivre ses études de musique ou suivant les probabilités proposées,  9, 7, 5, 3 ou 1 chances sur 10 de réussite, quel seuil minimal serait acceptable  pour suivre des études de musicologie. 

Les sujets  répondent individuellement  puis  la  même  tâche leur  est  proposée mais cette fois par groupe de 5 sujets. Les auteurs constatent alors  que le consensus auquel aboutit le groupe est plus audacieux que la moyenne  des décisions individuelles (Kogan et Wallach, 1967). 

Ces  résultats  sont  confirmés  même  lorsquʹil  ne  sʹagit  plus  de  comportement hypothétique comme ce conseil en orientation pour un lycée  fictif mais lorsque la décision engage concrètement le sujet ou le groupe. En  effet, dans une seconde expérience, il sʹagit de choisir le niveau de difficulté  dʹun  exercice  à  résoudre  qui  déterminera  le  niveau  de  rémunération  réellement obtenu. Là encore, le groupe se révèle plus téméraire que les sujets  qui le composent (Kogan et Wallach, 1967). 

Tout au long de ce chapitre, nous avons décrit lʹactivité collective du  groupe  et,  par  la  même,  précisé  la  situation  particulière  de  lʹingénierie  concourante. Le processus de résolution de problème, que nous avons posé au  cours du premier chapitre, est donc maintenant contextualisé ce qui nous  engage dans une perspective située de la cognition. Et par ailleurs, à travers  les concepts de langage opératif et de synchronisation cognitive, cʹest bien  dʹune cognition distribuée dont il sʹagira maintenant. En ce sens, Fixmer et  Brassac (2004) envisagent la décision comme activité conjointe de production  de sens déclinée en actions à la fois langagières, artefactuelles mais également  corporelles. Avec cette activité, envisagée de la sorte, apparaît le concept plus  large  de  communication,  cʹest‐à‐dire  dʹenchaînement dʹinterprétations  qui  forme le travail conjoint de génération de sens (Brassac, 2001).  

 

Nous avons vu, au cours du premier chapitre, le contexte global de notre  problématique à savoir la résolution de problème. Nous avons alors regardé en quoi  cette  situation  pouvait  être  la  source  et  le  lieu  dʹexpression  de  différences  individuelles. Puis nous avons précisé la situation que nous souhaitons étudier en  introduisant lʹingénierie concourante comme situation collective de résolution de  problème. Ce second chapitre a donc été lʹoccasion dʹéclairer le processus collectif de  résolution.  

Cette collaboration nous a amené à parler de la co‐conception qui sʹélabore en  prenant appui sur les interactions. Des interactions qui sont à la source de la  compétence que nous avons montré collective à travers la régulation  des compétences  individuelles par la synchronisation cognitive. Le groupe est alors producteur dʹun  espace référentiel commun qui peut cheminer vers son objectif : la résolution du  problème de conception en produisant des résultats visibles issus de ses prises de  décisions. 

Ces prises de décisions, comme lʹensemble du travail du groupe, sʹappuie sur la  communication. Cʹest ce que nous avons vu avec lʹaspect opératif du langage par  exemple.  Se  pose  alors  la  question  de  savoir  ce  que  lʹon  peut  entendre  par  communication et ce quʹil conviendra de retenir pour notre problématique. 

Chapitre III : Une modalité d'interaction