Chapitre V : Un outil d'évaluation de la capacité de représentation visuo-spatiale
5. EXPERIENCE 1 : évaluer l'aptitude spatiale
5.2. Vers l'amélioration d'un outil existant 1. Choix de l'outil d'évaluation
Les outils dʹévaluation existent mais ceux‐ci ne sont pas satisfaisants dans la mesure où les stimuli qui les composent utilisent une perspective filaire qui nʹest pas, comme nous venons de le voir, sans poser de problèmes de compréhension et dʹinterprétation. Nous pouvons constater lʹutilisation de cette perspective filaire sur les items dʹexemple des cinq tests que nous avons présentés ci‐dessus : le Minnesota Paper Form Board (MPFB) de Likert et Quasha (1941), Mental Rotations Test (MRT) de Vandenberg et Kuse (1978), le subtest spatial de la batterie des Tests Différentiels d’Aptitudes (DAT) de Bennet, Seashore, et Wesman, (1974), Le Test de Comparaison de Cubes de French, Ekstrom, et Price (1963) et le Spatial Apperception Test (SPA) de lʹU.S. Navy, rapporté par Egan (1981).
Lʹoutil pour lequel nous avons opté a, pour sa part, été utilisé dans la recherche de Medina, Gerson et Sorby (1998) que nous avons présentés plus avant dans nos travaux. Il sʹagissait pour les auteurs dʹévaluer la capacité de représentation visuo‐spatiale des élèves ingénieurs. Il correspond au subtest spatial de la Batterie Générale de Tests dʹAptitude (GATB, General Aptitude Test Battery) (U.S.E.S., 1985). Notons ici que ce subtest a déjà fait lʹobjet de travaux dʹadaptation pour son utilisation dans la Batterie Générale dʹAptitude (BGA) (Boss, Cardinet, Maire, Muller, 1963) puis, plus récemment, pour la Batterie Multifactorielle dʹAptitudes (NV7) (Bernaud, Priou, Simmonet, 1992). Ces travaux ont essentiellement consisté en une vérification des propriétés psychométriques des items et de leurs liens statistiques avec les autres items de la batterie concernée.
La tâche consiste à imaginer le volume qui sera construit si on applique des opérations de pliage et/ou dʹenroulement à une forme en deux dimensions présentée comme stimulus (figure 25). Cette forme correspond au développé, présenté à plat, dʹun objet tridimensionnel. Le prototype de ce volume est le cube dont le développé est illustré par la figure 25.
Figure 25 : Forme développée du cube présentée à plat
Le sujet doit alors appliquer les opérations cognitives de pliage suivant les arêtes communes à deux faces tel quʹillustré par la figure 26 ci‐dessous.
Figure 26 : Opération de pliage suivant les arêtes communes à deux faces
Le résultat de cette opération cognitive doit permettre au sujet de prédire le volume qui sera obtenu si lʹon applique réellement lʹopération de pliage à une plaque de métal à plat. Dans lʹexemple prototypique du cube que nous avons choisi ici, le résultat sera le volume représenté sur la figure 27 ci‐
dessous.
Figure 27 : Volume obtenu si lʹon applique lʹopération de pliage à la forme développée
Pour fabriquer un item du test, le volume obtenu est présenté, accompagné de trois autres volumes distracteurs tel que la figure 28 ci‐
dessous.
Figure 28 : un item du test
Le sujet indique alors la réponse qui lui semble correcte, de son point de vue, en choisissant parmi les quatre volumes celui qui correspondrait à la plaque de métal à plat si on lui appliquait les transformations.
5.2.2. Amélioration de la qualité écologique
Comme nous lʹavons déjà indiqué pour les autres tests, ce subtest spatial utilise également une représentation filaire pour simuler les trois dimensions.
Représentés de la sorte, les volumes présentés au sujet utilisent des conventions de dessins qui nécessitent un premier niveau dʹanalyse. Ce niveau dʹanalyse revient à interpréter des traits noirs comme la représentation des arêtes vives du volume ; les limites de son contour extérieur. Puis de la face grisée indiquant lʹorientation du volume. Cette face grisée représente, en effet, la face opposée à la source lumineuse.
Un cube réel, une boîte dʹemballage par exemple ou, plus familier des psychologues, un cube de kohs, nʹa pas besoin de marquer ses arêtes pour indiquer les limites de son contour extérieur.
Comme on peut le constater sur la figure 29, les arêtes nʹont dʹexistence que parce quʹelles sont les limites extérieures des faces. Les arêtes nʹexistent pas en tant que telles, elles nʹapparaissent quʹà la lumière du contraste entre les surfaces de chaque face. Dʹautre part, pour cette photographie du cube de Kohs, plusieurs sources lumineuses ont été utilisées. Ainsi les deux faces verticales visibles ne restituent pas complètement leurs couleurs vives; jaune pour la première et rouge/blanc pour la seconde.
Figure 29 : Photographie dʹun cube de Kohs
On le voit, la représentation en perspective ʺfilaireʺ utilisée pour les items du subtest spatial de la GATB utilise des conventions de dessin qui sʹappuient sur une sorte de traduction de lʹobjet réel. Tout dʹabord par le marquage des arêtes et ensuite par lʹassombrissement dʹune seule et unique face.
Lorsque les sujets seront en situation de conception, leurs représentations visuo‐spatiales feront référence à des objets réels. Ou, pour le moins, à des objets qui ont pour vocation à le devenir. Cʹest principalement pour cette raison que nous avons souhaité mesurer leur aptitude visuo‐
spatiale à lʹaide dʹitems dont la représentation est proche dʹobjet réel.
Toutefois, recourir à des photographies dʹobjets existants ne nous semble pas judicieux car il serait beaucoup trop fastidieux de réunir tous les objets et de procéder à une séance photographique. En effet, tous les objets doivent être homogènes quand à leur échelle, leur couleur, leur matière, leur texture etc . . . ce qui ne laisse guère dʹautre solution que les usiner réellement.
Nous avons donc procédé différemment et nous avons ʺconstruitʺ les volumes avec un logiciel de DAO (Dessin Assisté par Ordinateur). Ces volumes ont ensuite été dotés de propriétés définissant leur matière. Et enfin, ils seront placés dans une ʺscèneʺ, cʹest à dire un environnement doté lui aussi de propriétés liées à la luminosité ambiante et lʹéclairage artificiel additionnel.
Le logiciel dʹimages de synthèse, par une méthode de raytracing, produit alors un rendu de la scène, cʹest à dire une image de synthèse de lʹobjet modélisé.
Cette méthode de production de lʹimage nous permet de maîtriser toutes les étapes de construction de lʹitem pour assurer la plus grande homogénéité des stimuli. En effet, tous les objets sont dotés de la même matière, ils sont placés dans une scène identique, éclairés de manière similaire et ʺregardésʺ avec le même angle de vue.
5.2.3. Les nouveaux items
Les stimuli ainsi construits sont alors très proches dʹune photographie des volumes dont les arêtes respectent lʹexistence de celles des objets réels et dont les faces respectent lʹombrage des objets réels. De plus, afin de ne pas générer dʹombres qui pourraient parasiter la représentation du volume lui‐
même, nous avons choisi de reprendre le principe des objets flottants, et non posés sur une autre structure, utilisée par les items dʹorigine. Le cube prototypique utilisé jusquʹici devient, par cette méthode, le cube présenté par la figure 30 ci‐dessous.
Figure 30 : Un cube en image de synthèse
En procédant de même pour les autres volumes, nous nous assurons de construire des items homogènes dans leur représentation des volumes, à la fois intra‐items mais également inter‐items (figure 31).
Figure 31 : Un item du test
Ainsi conçu, le test se compose de 42 items dont deux serviront dʹexemple pour accompagner le sujet dans son apprentissage de la tâche à réaliser.
Notons ici que le test dʹorigine propose une passation limitée à un temps de 10 minutes. Cette contrainte de temps nous semble importante car elle va empêcher le recours à dʹautres stratégies de raisonnement que la représentation visuo‐spatiale. En effet, nous pensons que pour résoudre ce type de tâche, la stratégie la plus efficiente passe par lʹutilisation de lʹimagerie mentale. Dʹautres méthodes de résolution peuvent sʹavérer efficaces mais leur mise en œuvre, plus laborieuse, nécessite de facto un temps plus important.
Ainsi en obligeant le sujet à répondre dans un laps de temps contraint, lʹoutil dʹévaluation tente dʹinhiber le recours à des stratégies plus consommatrices de temps. En effet, pour le sujet peu imageant qui ferait ce choix, le temps imparti ne lui permettant pas de résoudre tous les items, celui‐ci obtiendrait un faible score, reflet de sa faible aptitude à lʹimagerie.
Au nombre de ces stratégies plus consommatrices de temps nous pouvons indiquer celle qui consiste à compter le nombre de faces du modèle afin dʹéliminer, dans les volumes proposés, ceux qui ne respectent pas ce nombre. On le voit, cette stratégie permet ʺdʹapprocherʺ la bonne réponse, par défaut, sans être complètement efficiente. En effet, si elle peut permettre, en fonction des items, dʹéliminer 1, 2 ou 3 volumes sur les 4 proposés, dans
lʹexemple ci‐dessus, elle oblige le sujet à consacrer du temps pour un résultat inutile puisque aucun volume ne peut être écarté.
Ce nouvel instrument de mesure doit maintenant répondre aux critères de qualité dʹun test avant de pouvoir nous y référer dans le cadre de notre dispositif.
Pour cela il nous faut estimer la validité, la fidélité et la sensibilité dans une phase de validation de lʹoutil dʹévaluation.