• Aucun résultat trouvé

Dans la classification proposée par Van der Maren pour les recherches spéculatives, celles consistant en « un travail de l’esprit produisant des énoncés théoriques à partir et à propos d’autres énoncés théoriques », ce mémoire est issu d’une recherche spéculative à partir d’un corpus intertextuel analysé avec une visée inférentielle. Elle se différencie ainsi de l’analyse d’un corpus unique ou contrasté et de visées conceptuelle ou critique. (Van der Maren, 1996, p. 134). Dans la distinction entre qualitatif et quantitatif par Van der Maren (1996, p. 86),

21

Une telle vision ressemble à celle attribuée à Habermas par Carr et Kemmis (1986) pour qui « l’élaboration de l’idée d’une science sociale critique par Habermas peut être vue comme une tentative de réconcilier sa reconnaissance de l’importance à la fois de la compréhension

interprétative (‘interpretive’ understanding) et de la causalité (causal explanations) » (Carr et

Kemmis, 1986, p. 136, trad. lib. emphase en caractère gras ajoutée). Ces deux auteurs présentent ainsi le « résultat final » de l’analyse d’Habermas avec un modèle à trois niveaux des « intérêts », des « connaissances », des « médias » et des « sciences ».

Intérêt Connaissance Médium Science

Technique Instrumentale (causalité) Travail Empirique-analytique ou sciences naturelles Pratique Pratique (compréhension) Langage Herméneutique ou sciences interprétatives Émancipatoire Émancipatoire (réflexion) Pouvoir Sciences critiques

66

reprise et modifiée par Lessard-Hébert, Goyette et Boutin (1996, p. 63), cette recherche utilise des « données non métriques » « invoquées », dans une « démarche de conceptualisation-spéculation » afin de produire des énoncés de types « prescriptifs-praxéologiques » ou « stratégiques ».

Le corpus retenu est composé, chronologiquement, des thèses d’Harold Searles (1960/1986), Paul Shepard (1982), Louise Chawla (1992, 1998b, 1999), David Sobel (1993, 1995, 1998) et David Hutchison (1998). Cet ensemble de neuf textes, cinq monographies (Searles, Shepard, Hutchison ainsi que Sobel 1993, 1998) et quatre articles (Chawla 1992, 1998b, 1999 et Sobel 1995), représente plus de mille pages de textes.

Dans le but de contribuer à l’enrichissement des théories et des pratiques en matière d’éducation relative à l’environnement, l’objectif de cette recherche est de dégager certaines caractéristiques de l’éco-ontogenèse et, à partir de celles-ci, de proposer un modèle de situation éducative. Il s’agit, comme le titre de ce mémoire l’indique, de faire une certaine reconnaissance de l’état des lieux et des connaissances sur les relations à l’environnement dans le développement humain et, à partir de cet exercice, de construire un modèle théorique de la situation éducative prenant en compte l’éco-ontogenèse durant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence.

D’emblée, il était clair que cette recherche comporterait un volet théorique assez important afin d’analyser et de synthétiser un corpus largement ignoré en éducation relative à l’environnement et afin de considérer ses possibles applications dans le domaine. Une question importante durant la première année de recherche fut celle de la pertinence d’un volet empirique. Était-il préférable de travailler avec des acteurs en éducation relative à l’environnement ou encore avec des enfants? Pour les premiers, il était question de travailler en groupes centrés afin d’explorer les résonances d’une théorie de l’éco-ontogenèse sur les conceptions et les pratiques en éducation relative à l’environnement. Une autre approche envisagée était celle des entretiens visant à dégager un récit de vie centré sur l’enfance. Pour les seconds, les enfants, il était question d’entretiens, de visites sur le terrain et d’observations afin de connaître les activités et les lieux prisés. À titre exploratoire, quelques entretiens et visites ont été réalisés avec des enfants de même que cinq périodes d’observations de petits enfants, d’enfants et d’adolescents dans des aires de jeux. Quelques visites ont aussi été faites sur les lieux de ma propre enfance, à Québec, afin de voir la résonance des thèses analysées

67

et pour réfléchir « in situ » aux types de recherches empiriques qui pourraient permettre à des adultes de se centrer sur leur enfance, possiblement lors d’entretiens conduits dans les lieux de leur enfance.

Hormis ces considérations sur le volet empirique de la recherche, celle-ci procédait, en amont des questions techniques, depuis une visée de modélisation, notamment afin d’interpeller les acteurs du domaine et afin de questionner les propositions internationales en éducation relative à l’environnement ainsi que le « Programme de formation de l’école québécoise ». Assez rapidement, le processus de l’anasynthèse a été retenu en ce qui concerne la modélisation, impliquant de faire une analyse de contenu du corpus centré sur l’éco-ontogenèse. Afin que la recherche puisse avoir des résonances en éducation, il fut aussi décidé assez tôt d’utiliser le cadre de référence de la situation éducative comme trame structurante des énoncés sur l’éco-ontogenèse. Dans la terminologie proposée par Legendre (1993), cette recherche théorique, utilisant le processus de l’anasynthèse, adopte une approche globale, systémique et écologique22.

Le processus d’anasynthèse « désigne le processus général d’élaboration d’un modèle suggéré par Leonard C. Silvern23; processus cyclique analyse-synthèse-prototype-simulation-

22

Approche : point de vue dans lequel on étudie un objet de recherche; angle sous lequel on aborde, on examine un problème ou une question afin de parvenir à une solution satisfaisante (Legendre, 1993, p. 76).

Approche globale : Approche d’un phénomène, d’un problème, d’une question, laquelle approche

concentre l’attention du sujet sur la dynamique d’ensemble des composantes, sur le tout interactif d’éléments internes et externes et sur la situation de cet ensemble dans un ensemble plus large (Legendre, 1993, p. 84). L’anasynthèse est une application particulière de l’approche globale dans l’optique systémique d’un processus de connaissance ou de recherche. L’approche systémique est une forme particulière de l’approche globale (Legendre, 1993, p. 84).

Approche systémique : Méthode d’analyse et de synthèse prenant en considération l’appartenance à

un ensemble et l’interdépendance d’un système avec les autres systèmes de cet ensemble. (De Villers, M.É. O.L.F. (1981) dans Legendre 1993, p. 93). Méthodologie transdisciplinaire conjuguant l’ensemble des connaissances en vue d’effectuer l’étude globale d’une réalité en mettant l’accent sur l’interdépendance des éléments et les interactions entre eux (Legendre, 1993, p. 93 et Legendre, 1983, p. 198).

Approche écologique : Didactique et pédagogie : Façon générale d’étudier la situation pédagogique

en focalisant l’attention sur les interrelations établies entre le Sujet et la triade Objet-Milieu-Agent (Legendre, 1993, p. 82). Recherche : Façon générale d’aborder l’étude des organismes vivants en focalisant l’attention sur les interrelations établies entre l’organisme vivant et le milieu (Legendre, 1993, p. 83).

23

Silvern, L. C. 1972. Systems Engineering Applied to Training. Houston : Gulf Publishing Company Book Division. Voir aussi : Silvern, L. C. 1972. Systems Engineering of Education V: Quantitative Concepts for Educational Systems. Los Angeles : Education and Training Consultants Co.

68

analyse » (Legendre, 1993, p. 53). La figure 3.1 représente ce processus d’anasynthèse. Ce processus comprend notamment une phase d’analyse et une phase de synthèse. Cette recherche adopte donc aussi une approche analytique et une approche synthétique. La première fait référence, selon Legendre (1993, p. 77), à une « méthode d’étude d’un phénomène qui focalise l’attention sur ses composantes et ses interrelations internes plutôt que de le considérer dans son ensemble » alors que l’approche synthétique fait référence à « l’approche d’un phénomène, d’un problème, d’une question qui s’intéresse particulièrement à l’ensemble plutôt qu’aux composantes » (Legendre, 1993, p. 93).

Analyse Synthèse Prototype Simulation

Ensemble Modèle

Processus de l’anasynthèse de L. C. Silvern

Figure 3.1 Représentation du processus de l’anasynthèse selon Legendre (1993), adapté de L.C. Silvern. En gras, les étapes franchies dans cette recherche. La stratégie générale retenue dans cette recherche est d’analyser le contenu d’un certain nombre de thèses provenant d’un ensemble de textes traitant de l’éco-ontogenèse. L’analyse et la synthèse de ces écrits sont faites notamment à l’aune du modèle de la situation éducative tout en considérant les modèles de l’ontogenèse qui inspirent les auteurs (par exemple les modèles de Piaget, de Freud ou d’Erikson) et en considérant la critériologie de complétude des théories du développement proposée par Murray (1991). Cette critériologie est présentée au tableau 3.1. Dans le cadre de cette recherche, le processus d’anasynthèse n’est pas complété jusqu’à la production d’un modèle. Le terme de cette recherche consiste, à partir de la synthèse effectuée et à partir de la discussion critique d’enjeux qu’elle soulève, à proposer des fondements d’un prototype de la prise en compte de l’éco-ontogenèse en éducation relative à l’environnement. Considérant la richesse du matériel invoqué et l’ampleur de la tâche, le choix a ainsi été fait de ne pas avoir de volet empirique à cette recherche. Un tel volet empirique pourrait éventuellement consister en l’étape de simulation du prototype.

69

Tableau 3.1 Critériologie de complétude des théories du développement. Adapté de Murray (1991)

Critères de complétude

La forme ou la structure du phénomène

La théorie identifie, nomme ou définit le phénomène. Elle peut le mesurer. Elle nomme la structure sous-jacente et l’organisation du stimuli et de la réponse constituant le phénomène.

La cause efficiente du phénomène

La théorie identifie les causes du phénomène. Elle identifie les conditions nécessaires et suffisantes pour ce phénomène.

Les mécanismes en cause

La théorie identifie les mécanismes mentaux qui produisent le phénomène. Elle identifie comment les mécanismes fonctionnent. La théorie identifie comment les mécanismes agissent dans les changements qui se produisent au cours du développement. Elle identifie comment les mécanismes influencent les changements.

Le résultat final du développement

La théorie identifie le résultat final du développement. Elle identifie le niveau supérieur guidant le développement. La théorie identifie les séquences menant à ce résultat final. Elle identifie le point de départ. La théorie identifie, explique et clarifie les meilleurs résultats du développement, ceux qui maximisent le sens de l’être humain.

La signification du phénomène

La théorie identifie l’intention du sujet dans le phénomène. Elle explore le but ou la signification des diverses composantes du développement.

Les mécanismes réductionnistes

La théorie relie les phénomènes à des causes physiques et à des processus corporels. Elle illustre la cohérence avec les autres sciences, notamment les sciences biologiques.

Le formalisme déductif

Les éléments de la théorie ont une forme telle que les éléments à expliquer sont expliqués en vertu de leur implication comme principes généraux de la théorie.

Les spécifications des effets de cohortes

La théorie explique comment les effets de cohortes sont partie intégrante du processus et ne sont pas « juste » des erreurs.

Les déterminants culturels et sociaux

La théorie rend compte de la diversité des déterminants sociaux et culturels qui modifient et influencent le développement.

La place du théoricien

La théorie considère les interdépendances entre faits et théories ou entre le texte et l’interprétation qui en est faite par l’auteur de la théorie.

Outline

Documents relatifs