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Chawla propose ce qu’elle nomme une « définition provisoire de l’attachement aux lieux chez les enfants ».

Les enfants sont attachés à un lieu lorsqu’ils manifestent du bonheur à y être et du regret ou de la détresse à le quitter et lorsqu’ils valorisent ce lieu non seulement pour satisfaire des besoins physiques mais pour ses propres qualités intrinsèques. (Chawla, 1992, p. 64, trad. lib.)

Ce concept n’est pas étranger à celui de sensibilité environnementale auquel Chawla reconnaît toutefois des difficultés. Cette « sensibilité environnementale » est « la variable de base majeure du modèle de citoyenneté responsable à l’égard de l’environnement d’Hungerford et Volk » 33 (Chawla, 1998b, p. 11 ; 1999, p. 24, trad. lib.). Chawla note que cette notion de sensibilité environnementale est aussi associée à l’une des cinq catégories d’objectifs de l’éducation relative à l’environnement proposées par l’UNESCO à la suite de la conférence de Tbilissi, soit les objectifs relatifs aux « prises de conscience : aider les groupes sociaux et les individus à prendre conscience de l’environnement global et des problèmes annexes, les aider à se sensibiliser à ces questions ». Cependant, Chawla observe des divergences dans les écrits alors qu’on associe parfois cette sensibilité à de l’empathie. Or, Chawla constate que cette notion d’empathie soulève de la controverse puisqu’elle

33

Hungerford, H. et T. Volk. 1990. « Changing Learner Behavior Through Environmental Education ». The Journal of Environmental Education, 21(3), 8-21.

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« implique d’une personne, soit qu’elle projette la conscience dans l’environnement, soit qu’elle partage la conscience intrinsèque du monde naturel et ses sentiments » (Chawla, 1998b, p. 18, trad. lib.). Notant que cette perspective animiste soit souvent évoquée comme une expérience de la petite enfance et de l’enfance, Chawla (1998b) constate que l’idée que l’environnement puisse ressentir, soulève des controverses (p. 18). Dans ce contexte, elle préfère alors une « définition plus générale même si non encore opérationnelle » (1998b, p. 19, trad. lib.). Ainsi, pour Louise Chawla, la sensibilité environnementale est :

une prédisposition à avoir un intérêt à apprendre au sujet de l’environnement, à se sentir préoccupé pour celui-ci et à agir pour le conserver, sur la base d’expériences formatrices. (Chawla, 1998b, p. 19, trad. lib.)

Chawla caractérise d’ailleurs ces expériences formatrices en termes « d’échanges entre un environnement extérieur et un environnement intérieur », celui de l’environnement physique, « composé des qualités du monde physique et des médiateurs sociaux de sa signification », alors que l’environnement intérieur est celui « des besoins, des habiletés, des émotions et des intérêts de l’enfant » (Chawla, 1998b, p. 19, trad. lib.).

La recherche de Chawla porte ainsi sur les relations à l’environnement, « attachement aux lieux » et « sensibilité environnementale » qu’elle analyse dans une perspective de développement. La figure 6.1 présente le modèle des « sources du développement de l’attachement aux lieux dans la petite enfance, l’enfance et l’adolescence » où les éléments relatifs à l’enfance ont été surlignés (Chawla, 1992, p. 67). L’auteure explique ainsi son modèle.

un attachement sain aux lieux maintient l’équilibre entre l’attirance vers l’intérieur exercée par un centre intime familier et l’attirance vers l’extérieur exercée par un monde en expansion. La figure suggère aussi que le succès des enfants et des adolescents à coordonner ces attirances vers l’intérieur et vers l’extérieur dépend de la qualité de leurs relations sociales, du sens de leur identité et des lieux. (Chawla, 1992, p. 66, trad. lib.) Chawla observe ainsi une séquence dans les relations avec les lieux, où changent à la fois les liens sociaux et les lieux, selon les âges.

une séquence depuis le jeu proche de la maison avec des pairs de sexe mixte (close-to-home mixed-sex play) durant les années de l’âge préscolaire, vers un engagement exubérant avec le paysage local (expansive engagement with the local landscape) en compagnie d’amis de même sexe durant l’enfance, vers la formation de nouveaux groupes mixtes et une réduction de l’usage apparent du voisinage alors que les adolescents se tournent vers l’intérieur, dans l’intimité de leur maison et vers l’extérieur, vers des attraits éloignés. (Chawla, 1992, p. 66, trad. lib.)

Figure 6.1 Sources du développement de l’attachement aux lieux dans la petite enfance, l’enfance et l’adolescence, selon Louise Chawla (1992, p. 67, trad. lib.).

Retrait dans le domaine privé de sa maison Attachement aux lieux de l’enfance par la mémoire. Voyages vers des emplois distants, des attraits

ou de sa chambre et utilisation réduite récréatifs et commerciaux.

du voisinage, de l’environnement local.

Appréciation de la solitude, souvent dans un environnement naturel. Allégeance à une nature idéalisée, régionalisme, nationalisme. Lieux de rencontre avec les amis, dans les centres commerciaux et les environnements naturels.

ADOLESCENCE Quête d’identité caractérisée par un déracinement émotif

Formation de 12 À 17 ANS et physique durant le mouvement entre les lieux et les rôles

groupes mixtes. (secondaire) de l’enfance et de l’âge adulte.

Aire de jeu habituelle dans Appréciation d’une pièce Création de forts et de Grandes explorations locales la cour et les rues proches ou d’un espace à soi dans cabanes, individuels comprenant l’appréciation la maison. la maison. et collectifs. active des attributs du paysage

naturel.

Une identité personnelle déterminée en bonne Coopération avec les autres dans partie par la force physique et la dextérité et

l’exploration, les jeux et la production ENFANCE l’habileté à produire des choses socialement de choses généralement 6 À 11 ANS valorisées et par les comportements envers avec des enfants du même sexe. (primaire) les animaux, les choses et les gens.

Territoire physique limité à la Avec des soins appropriés, libre

proximité des parents pour s’attarder à l’exploration de

et gardiens. l’environnement.

NAISSANCE JUSQU’À 5 ANS (préscolaire)

Impression initiale de fusion

avec le monde qui, si elle est Début de l’auto-contrôle et du

nourrissante de manière sens du moi, menant à

sécurisante, crée un sens de l’appropriation et à la

la bonté du monde. possession de choses.

Attirance vers l’intérieur

Attirance vers l’extérieur

Affiliations sociales

Identité du moi

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Cette séquence est corroborée, selon Chawla, par les études faites à partir de la littérature en psychanalyse (1992, p. 68), la cartographie comportementale (1992, p. 78) et celle des lieux favoris (1992, p 81). Les relations aux lieux « supporteraient », au regard de l’auteure, « le développement de l’identité de deux manières » : la première est en offrant des « lieux conventionnels » où les jeunes peuvent « essayer des rôles sociaux prédéfinis » et la seconde, en « offrant de l’espace non programmé » (p. 68, trad. lib.). Chawla note que l’attachement aux lieux se développe dans une sorte d’inversion avec l’attachement social associé aux théories de la psychanalyse.

l’attachement social possède une expression maximale entre la naissance et l’âge de trois ans alors que l’enfant est attaché à sa mère, cet attachement social diminuant durant la période de latence de l’enfance, pour retrouver une nouvelle expression dans l’amour d’un conjoint et éventuellement celui de ses propres enfants durant l’adolescence et l’âge adulte. (Chawla, 1992, p. 68, trad. lib.)

Chawla conclut son article portant sur l’attachement aux lieux des enfants avec l’analyse des résultats des recherches basées sur les histoires de vie d’environnementalistes. De manière synthétique, dans ces études,

la plupart des répondants attribuent leur engagement à une combinaison de deux sources : plusieurs heures passées à l’extérieur dans un endroit sauvage ou semi-sauvage vivement remémoré et un adulte qui a enseigné le respect de la nature. (Chawla, 1992, p. 84, trad. lib.)

Dans une autre synthèse, passant en revue une vingtaine d’études faisant appel à la mémoire des personnes, soit par des entretiens ou par des questionnaires écrits, Louise Chawla estime que « le contact avec des régions naturelles émerge comme l’une des influences les plus significatives dans toutes les études passées en revue » (Chawla, 1998b, p. 19, trad. lib.). Chawla, bien qu’elle propose un modèle du développement de cette sensibilité environnementale, demeure vigilante et conserve un esprit critique sur ces études, en ce qui a trait à la méthodologie (choix des populations, des échantillons et des questions, codage) et en ce qui a trait à l’interprétation. Elle soulève ainsi la question suivante : « Le temps passé en nature durant l’enfance et l’adolescence est-il la cause ou l’effet de l’appréciation de la nature? » (Chawla, 1998b, p. 20, trad. lib.). Elle note aussi que « rien dans ces résultats n’élimine la possibilité que des gens qui sont indifférents, ou même antagonistes aux enjeux environnementaux n’aient eu des expériences similaires » (1998b, p. 16, trad. lib.).

Chawla reconnaît que nous ne connaissons pas exactement les expériences qui distinguent un environnementaliste d’une personne qui est indifférente ou même destructrice. Néanmoins,

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malgré cette réserve, elle propose un modèle, qu’elle dessine dans une figure publiée dans l’article de 1999 (Chawla, 1999) et qu’elle annoncait de manière succincte dans l’article de 1998 (Chawla, 1998b). Dans les histoires de vie étudiées, la séquence des « raisons qui justifient l’engagement en matière d’environnement » était la suivante :

les régions naturelles, les membres de la famille, les organisations et l’éducation étaient saillants durant l’enfance alors que l’éducation et les amis étaient saillants durant les années universitaires et enfin les organisations et l’emploi étaient saillants dans l’âge adulte. (Chawla, 1998b, p. 16, trad. lib.)

La figure 6.2 reproduit celle présentée par Louise Chawla (1999, p. 21). Cette figure traduit l’énoncé ci-dessus de Chawla et elle est constituée à partir des entretiens avec les répondants du Kentucky et de la Norvège. Chawla présente cette figure comme « un composite de l’ideal type de la reconstruction des sources de l’activisme des répondants » (Chawla, 1999, p. 21, trad. lib.). On peut lire dans cette figure que les influences les plus fréquemment mentionnées sont celles durant l’enfance (années préscolaire, du primaire et du secondaire) et que parmi celles-ci, les plus fréquentes sont celles du milieu naturel et de la famille. Au niveau universitaire, l’univers social plus vaste est davantage en évidence, ce que Chawla associe aux « amis comme modèles et sources d’encouragements » et à l’influence des livres. Ce pattern se poursuit ensuite dans la vie adulte, à des « niveaux plus abstraits avec les principes religieux ou l’éthique » qui émergent (Chawla, 1999, p. 22).

Enfance

@

Années

universitaires

@

Âge adulte

Pertes d’habitats Pertes d’habitats

EXPÉRIENCE DE

RÉGIONS

NATURELLES

Pollution

Organisations

Organisations

Organisations

Éducation

Éducation

Vocation

FAMILLE

Amis

Amis

Justice sociale Justice sociale

Livres Livres

Principes / religion Figure 6.2 Sources d’engagement en environnement selon les âges, d’après Chawla (1999, p. 21). Légende de la fréquence des mentions : petit caractère = 7 à 14 % des répondants pour cet âge, caractère gras = au moins 25% et caractère gras et majuscule = au moins 70 %. (trad. lib.).

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6.2 Le sujet : un être psychologique équilibrant un environnement intérieur avec un

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