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En ce qui a trait aux questions de validité, ce projet de recherche théorique est notamment guidé par la critériologie de la recherche théorique proposée par Christiane Gohier (1998). Le tableau 3.2 résume cette critériologie et c’est notamment au regard de celle-ci que ce projet de recherche vise à être valide.

La recherche, visant à produire les énoncés d’un prototype de modèle théorique de situation éducative prenant en compte les liens entre l’éco-ontogenèse et l’éducation relative à l’environnement, ainsi que les énoncés issus de cette recherche, visent à être « pertinents par rapport au domaine » de l’éducation et plus particulièrement, par rapport au domaine de l’éducation relative à l’environnement. La double pertinence, de la prise en compte des relations à l’environnement dans le développement humain et dans le domaine de l’éducation relative à l’environnement a été soulignée dans les chapitres portant sur la problématique et le cadre théorique.

Le matériel préparant à la formulation de ces énoncés et les discussions conduisant à ces énoncés visent à être « heuristiquement féconds », « cohérents » et « limités ». Dans ce cas, il s’agit d’une limitation déterminée par le modèle de la situation éducative en éducation relative à l’environnement. Clairement, ce mémoire, en ouvrant sur un territoire à peine exploré, vise à « donner à connaître » pour les acteurs associés aux domaines de l’éducation et à celui de l’éducation relative à l’environnement. Enfin, en ce qui concerne la cohérence, une attention particulière est apportée afin d’identifier les contradictions et les paradoxes dans les écrits du corpus qui est étudié. De même, une attention est portée afin d’assurer la cohérence des énoncés et afin d’indiquer la présence de paradoxes et de tensions entre des énoncés qui pourraient sembler contradictoires.

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Ces énoncés visent aussi une certaine « complétude ». Il y toutefois ici une certaine tension entre la nécessité de « complétude » et celle de « limitation ». Les relations à l’environnement dans l’ontogenèse et leur prise en compte en éducation relative à l’environnement constituent un sujet vaste et à peine exploré. Il a été limité ici à trois périodes de la vie et analysé à l’aune de la situation éducative afin d’être associé au domaine de l’éducation. Par contre, l’amplitude des objets à l’intérieur de chaque composante de la situation (sujet, objet, agent, milieu) et l’amplitude des liens à l’intérieur de la situation éducative rendent impossible d’envisager une « exhaustivité » des énoncés « par rapport au domaine d’objets ». Le chapitre XVII « Éco-ontogenèse et éducation relative à l’environnement : les fondements d’un prototype » vise à présenter ces énoncés théoriques de manière simple et concise tout en faisant part des limites des différents énoncés. Il s’agit là de l’aboutissement des analyses de contenu des thèses des cinq auteurs, présentées aux chapitres IV, V, VI, VII et VII et de la synthèse des modèles de l’éco-ontogenèse qu’ils proposent ainsi que de la synthèse et de la

Tableau 3.2 Critériologie de la recherche théorique en éducation, d’après Gohier (1998)

CRITÈRES

1. Pertinence : les énoncés sont pertinents par rapport au domaine 2. Valeur heuristique : les énoncés « donnent à connaître » 3. Cohérence : non-contradiction entre les énoncés

4. Limitation : délimitation du domaine d’objets

5. Complétude : exhaustivité par rapport au domaine d’objets 6. Irréductibilité : simplicité ou caractère fondamental 7. Crédibilité :

7.1 Utilisation des sources autorisées :

• Accès aux sources, actualité et historicité, authenticité, exhaustivité des sources : intégralité et intégrité (Van der Maren, 1995, p. 135-139) 7.2 Mise en place d’une méthode dialectique (argumentation et sens critique) :

• Argumentation

- Rhétoriquement efficace - Logiquement solide

- Dialectiquement transparente • Doute méthodologique

- Mise à l’épreuve des thèses avancées : explicitement, implicitement, suscitée chez le lecteur

7.3 Exposition des présupposés épistémologiques et théoriques • Point de vue sur la science

• Grille d’analyse

• Méthode utilisée pour mettre au jour les éléments discursifs retenus dans le corpus

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discussion des enjeux soulevés par ces thèses en fonction des composantes et relations de la situation éducative (chapitres IX , X, XI, XII, XIII, XIV, XV et XVI).

Enfin, la méthodologie choisie et exposée dans ce chapitre vise à assurer une crédibilité à la démarche et aux résultats. Les sources utilisées sont accessibles. Il s’agit, dans le lexique de Van der Maren (1996, p. 82), de « matériel invoqué » et quiconque voudrait retravailler à partir de ce matériel afin d’étendre l’analyse, la nuancer ou encore l’invalider, en tout ou en partie, peut accéder à ce corpus très facilement. Il s’agit de textes publiés et disponibles en bibliothèque. L’exposition de mes « présupposés épistémologiques et théoriques », au début de ce chapitre, vise aussi à répondre à ce critère de crédibilité et à répondre aux possibles questions sur l’identité de l’auteur, ses intentions et ses présupposés.

L’argumentation et le sens critique déployés dans ce mémoire visent aussi à contribuer à la validité des énoncés. Toutefois, il importe ici de réitérer qu’il s’agit d’une recherche spéculative avec une analyse inférentielle. Si l’argumentation fait place et invite à une certaine mise à l’épreuve des thèses avancées, il demeure qu’il s’agit ici d’une analyse inférentielle et non pas d’une analyse critique où ces thèses seraient des émissaires pour développer une contre-thèse (Van der Maren, 1996). Bref, je suis allé vers un sujet d’intérêt pour moi et j’ai analysé des thèses avec lesquelles je suis plutôt en accord. La capacité de prendre un recul par rapport à ces thèses est certes limitée par cet intérêt. Il faut souhaiter que les informations présentées, les arguments déployés et les contre-arguments, « suscitent chez le lecteur la mise à l’épreuve des thèses avancées » et contribuent aux savoirs portant sur un sujet au demeurant fondamentalement divergent : l’être-au-monde, le développement de l’être-au-monde et la considération de cette genèse en éducation.

DEUXIÈME PARTIE

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Cette deuxième partie du mémoire présente l’analyse verticale de chacune des thèses étudiées et vise à caractériser la vision de l’éco-ontogenèse de chaque auteur. Chaque thèse est notamment analysée à partir du modèle de la situation éducative qui sert de trame structurante. Cette deuxième partie du mémoire est composée de cinq chapitres, soit un chapitre par auteur étudié. Elle est suivie de la troisième partie où sont présentés la synthèse de l’ensemble des écrits analysés, la discussion d’enjeux soulevés par ces analyses et cette synthèse ainsi que le prototype d’un modèle de situation éducative prenant en compte l’éco-ontogenèse durant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence.

Les analyses de contenu des thèses argumentées par les cinq auteurs retenus sont présentées, dans cette deuxième partie, selon la chronologie des premières publications : Harold Searles (1960/1986), Paul Shepard (1982), Louise Chawla (1992), David Sobel (1993) et David Hutchison (1998). Pour deux de ces auteurs, Chawla et Sobel, d’autres publications, postérieures à ces années, sont aussi analysées, soit Chawla (1999, 1998b) et Sobel (1998, 1995).

L’analyse de chaque thèse est présentée de manière identique dans chacun des cinq chapitres. Chacun débute par un titre annonçant la thèse et le nom de l’auteur. L’auteur est présenté avec sa formation, les fondements théoriques et empiriques de sa thèse ainsi que les auteurs lui servant de références dans son argumentation. Une attention particulière a été accordée afin de relever les références aux autres auteurs du corpus analysé. La première section de chaque chapitre présente le modèle de développement soutenu par l’auteur et elle est accompagnée de citations l’expliquant. Lorsque l’auteur illustre son modèle de l’ontogenèse à l’aide d’une figure, cette illustration accompagne le texte. Les sept sections suivantes présentent le discours de l’auteur en fonction des quatre sous-systèmes du modèle de la situation pédagogique et des trois types de relations biunivoques entre ceux-ci (Legendre, 1983), selon la séquence suivante : 1) le sujet, 2) l’objet, 3) les liens sujet-objet, 4) l’agent, 5) les liens agent-sujet, 6) les liens agent-objet et 7) le milieu. L’analyse de la thèse de chaque auteur est complétée par une synthèse et une appréciation critique. La synthèse est illustrée par la figure du modèle de la situation pédagogique dans laquelle les traits marquants de la thèse sont inscrits. L’appréciation critique est notamment faite à l’aune du modèle de la situation pédagogique de Legendre (1983) et à l’aune de la critériologie de complétude des théories du développement de Murray (1991).

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À l’exception du livre d’Harold Searles qui a été traduit en français, toutes les autres publications analysées et citées sont en anglais. Les extraits cités ont été traduits. À certaines occasions, lorsque la traduction pouvait poser des difficultés particulières ou encore porter à des interprétations diverses, des mots ou des expressions en anglais ont été conservés, mis entre parenthèse et ils suivent immédiatement la traduction. Lorsque dans les extraits cités, l’auteur fait référence à des auteurs de publications qui ne sont pas dans les références de ce mémoire, cette référence est présentée dans une note.

CHAPITRE IV

LE DÉVELOPPEMENT DU SENTIMENT DE PARENTÉ AVEC

L’ENVIRONNEMENT : LA PERSPECTIVE PSYCHANALYTIQUE D’HAROLD SEARLES

Harold Searles est un psychanalyste américain s’étant intéressé à « l’environnement non humain ». Il s’agit d’ailleurs là du titre de la traduction française de son essai originalement paru en 1960 sous le titre « The Non Human Environment : In Normal Development and Schizophrenia » (Searles, 1960b). La vision qu’il propose du développement humain est ancrée dans la psychanalyse. Cent onze parmi les cent soixante-treize (111/173) références de son essai sont directement dans la filière de la psychanalyse et de la psychiatrie et les auteurs auxquels il se réfère le plus fréquemment sont Michael Balint, Paula Elkisch, Otto Fenichel, Sigmund Freud, Erich Fromm, Heinz Hartmann, Ernst Kris, Margaret Mahler, Charles Savage, René Sptiz et Victor Tausk. Il se réfère aussi à d’autres figures de proue de la psychanalyse qui traitent de la psychologie du développement, notamment Erik Erikson et Donald Winnicott. L’usage abondant que fait Searles des travaux de Jean Piaget et ceux d’Heinz Werner permet aussi d’inscrire ses recherches dans le domaine de la psychologie du développement cognitif. La recherche de Searles débute avec le constat que la psychanalyse n’a pas assez tenu compte de l’environnement non humain.

La plupart des écrits traitant du développement de la personnalité ou de la dynamique de la maladie mentale, qu’ils émanent de Freud et de ses disciples, ou de Jung, Rank, Adler, Sullivan ou d’autres, ne prennent pratiquement en considération que les processus intra- et interpersonnels. Ce que j’appelle le non humain – c’est-à-dire la totalité de l’environnement de l’homme à l’exception des autres êtres humains qu’il comporte – est donc implicitement traité comme étranger au développement de la personnalité comme des troubles psychiques, à croire que la vie humaine se déroule dans un vide, que l’espèce humaine, seule dans l’univers, poursuit le cours de ses destinées individuelles et collectives dans une matrice homogène de néant, un milieu dépourvu de forme, de couleur et de substance. (Searles, 1960/1986, p. 25)

L’intention de Searles est donc d’ouvrir la psychologie du développement et la psychanalyse à l’importance de cet environnement non humain dans le développement. À cette fin, Searles utilise du matériel clinique provenant de son travail avec les schizophrènes, ainsi que des écrits de nature théorique provenant de la psychologie et d’autres domaines du savoir où l’on se préoccupe du rapport à l’environnement : biologie, physique et autres sciences naturelles.

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Searles utilise notamment ce matériel pour éclairer sa vision du développement normal à l’aune des dérives de la psychose et de la névrose.

Mon travail en psychiatrie au cours des douze dernières années, en particulier avec des schizophrènes, à qui a été l’essentiel de mes efforts thérapeutiques, m’a révélé des aspects insoupçonnés de la question, des ramifications qui, à l’évidence, ne concernent pas seulement les gens qui relèvent de la psychiatrie. Ce que le travail de la psychothérapie m’a appris sur cette question m’a aidé à dissiper un petit peu le grand mystère qui entoure ce qu’éprouve le schizophrène profond et, à partir de là, à jeter quelque lumière sur le mystère plus épais encore des processus psychodynamiques qui se déroulent chez le nourrisson normal et qui le transforment peu à peu de petit animal humain en individu conscient de son humanité. (Searles, 1960/1986, p. 21-22)

Dans cette entreprise, Searles n’hésite pas à puiser dans les écrits provenant d’autres sciences et d’autres disciplines afin d’argumenter la thèse qu’il développe. Voici d’ailleurs comment il expose sa démarche.

Ce qui m’a également fasciné dans cette question c’est qu’elle constitue un champ de convergence naturel, exceptionnel sinon unique, pour des observations recueillies dans des domaines de recherche extraordinairement variés : non seulement la psychiatrie et la psychologie et les autres sciences du comportement, mais aussi la philosophie et la religion, la biologie et la physique et pratiquement toutes les investigations centrées soit sur l’homme lui-même soit sur le monde qu’il habite. Et j’ai constaté avec délice que mes misérables notions de philosophie, de physique, d’art, d’anthropologie, de mythologie ou de littérature classique concouraient avec une pertinence lumineuse – du moins à mes yeux – à cette étude du rôle joué par le milieu non humain dans l’expérience psychique. (Searles, 1960/1986, p. 22)

Clairement, Searles veut élargir le territoire couvert par la psychanalyse afin qu’elle tienne compte du rapport avec le non humain qui constitue selon lui un élément important de la psyché et qui, à ses yeux, n’a pas encore été suffisamment pris en considération.

La thèse de ce livre est que l’élément non humain de l’environnement de l’homme forme l’un des constituants les plus fondamentaux de la vie psychique. Je suis convaincu que l’individu sent, consciemment ou inconsciemment, une parenté avec le non humain qui l’entoure, que cette parenté revêt une importance transcendante pour l’existence et que, comme bien d’autres données essentielles, elle est une source de sentiments ambivalents chez l’individu, qui, s’il s’efforce de fermer les yeux sur la force de ce lien, risque de compromettre sa santé psychique. (Searles, 1960/1986, p. 27)

Pour Searles, cette œuvre d’élargissement du champ d’investigation de la psychiatrie pour tenir compte de l’environnement non humain se situe dans la suite même de l’évolution du domaine. À ses yeux, la psychanalyse devait aller dans cette direction d’une exploration du rapport à l’environnement biophysique en tant que facteur dans la vie psychique.

Au cours des dernières soixante années environ, le champ de la pensée psychiatrique s’est progressivement élargi; principalement axée au début sur les processus intrapsychiques, et

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en particulier sur les conflits du ça, du moi et du surmoi, elle en est venue à intégrer les facteurs relationnels et plus largement, sociologiques et anthropologiques. Il semblerait tout naturel que dans une étape suivante elle s’attache à explorer la relation de l’homme avec le non humain. (Searles, 1960/1986, p. 42)

4.1 Le développement de l’apparentement (relatedness) avec l’environnement non

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