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3.1- Tukuyu, un chef lieu dans l’ombre de la métropole régionale

Tukuyu située à environ1500 m d’altitude, dans la ceinture bananière est le chef lieu du district Rungwe et la seconde ville de la zone d’étude. Des missions luthériennes et

moravians s’établirent dès les années 1880 à l’époque de la colonisation allemande, qui

procéda par une administration directe des peuples. Tukuyu était la ville principale à cette période, les colons y construisirent un fort (dont l’enceinte abrite désormais le bureau du chef du district, le tribunal et d’autres services du district). Von Soden, premier gouverneur du Tanganyika s’appuya sur les Luthériens et les Moravians pour établir l’influence de Berlin conjointement à celle de la chrétienté. Rungwe (Tukuyu) était le poste principal. En 1893 le premier prêche fut prononcé, une année plus tard, une église en bambou fut construite et équipée d’une cloche, elle pouvait accueillir jusqu’à 300 croyants. Au tournant du XXe siècle, Rungwe comptait une soixantaine d’habitants et 22 huttes, une décennie après, le nombre de chrétiens atteignait 180. Une petite dizaine de missions moravian s’établirent avec un inégal

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succès dans la région63. Tukuyu était pour les Allemands un lieu important du fait de la proximité des voisins hostiles, c'est-à-dire les Anglais et leurs alliés les Boers plus au sud. L’établissement colonial fut officiellement baptisé « Neu Langenburg » en 1900. Après la Première Guerre mondiale, les Anglais héritèrent de la Société des Nations du mandat du Tanganyika et mirent en place l’indirect rule. Sir Donald Cameron, fraîchement arrivé du Nigéria où il servit sous Lord Lugard, introduisit le système d’administration par les natifs. Ce mode de contrôle territorial instituait le chef traditionnel comme officier de l’État, il voyait ainsi son pouvoir préservé et conforté, une certaine paix était par là imposée et la guerre ne vint pas perturber l’urbanisation.

Tukuyu comptait 7500 habitants en 1967 alors que Mbeya en avait 12500. La capitale du Rungwe stationnée dans la ceinture bananière regroupait 15941 citadins en 2002. Il est très difficile de connaître la taille de sa population du fait d’un imbroglio statistique. Le chef lieu du district s’étale sur 12 wards représentant une population d’environ 80000 habitants d’après un planning officer64. Cependant, cet ensemble administratif ne correspond pas à l’aire de la ville. Une comparaison d’images satellites montre que la superficie densément bâtie de Tukuyu est un peu plus réduite que celle de Mbalizi. De nos jours, la population de Mbalizi atteindrait les 50000 résidents, on peut prudemment avancer que la population de l’agglomération du bâti à Tukuyu devrait s’échelonner entre 40000 et 50000 citadins. Comme bien souvent, il est difficile de borner la ville qui s’étend avec l’allure du fameux continuum ruralo-urbain. Le taux de croissance de la capitale du Rungwe n’a pas été rapide comparé à celui de Mbeya. Tukuyu ne profite pas directement de la Tanzam, elle reste un chef lieu de district en retrait de la métropole et de l’axe international. Son rayonnement ne semble guère dépasser l’aire de sa circonscription administrative (si l’on excepte la notoriété relative du thé du Rungwe à laquelle Tukuyu peut être associée). Pourtant, l’observateur pourrait se laisser tromper par des attributs paysagers urbains. Cette ville est localisée à mi-chemin entre Mbeya et le Malawi sur le seul axe goudronné qui traverse les Uporoto et le Rungwe. Son réseau

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Voir Rev. Angetile Yasaya Musomba (2005) « The Moravian Church in Tanzania Southern Province : a short history ». In Les Cahiers d’Afrique de l’Est. N°29. IFRA. Nairobi. 92 p. Les éléments historiques de la période coloniale s’appuient sur ce document.

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Je n’ai jamais, et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé, retrouvé quelques traces des ces fameux 12 wards. Ce qui est officiel, c’est que la ville s’étend sur la ward Bagamoyo et Bulyaga, qui comptent respectivement 8030 habitants et 7826 habitants en 2002, soit un total de 15856, chiffre différant de celui du pourtant officiel Rungwe district Profile. Les valeurs pour les deux wards sont issues du recensement de 2002. Le dernier point du chapitre 4 fait état des quelques problèmes rencontrés face aux confusions, si ce n’est aux désordres liés aux statistiques officielles.

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routier est « relativement étoffé » puisque mis à part la route B 345, le tarmac s’étale sur près de 600 mètres jusqu’au headquarter. Mais surtout, de nombreux bâtiments (banques, commerces) longeant ce bras asphalté disposent d’étages, dont le célébrissime Landmark Hotel, reconnu dans les meilleurs guides touristiques. Outre les bâtiments administratifs inhérents à un chef lieu de district, des services urbains tels que la poste et un hôpital sont présents. Un marché quotidien, dont une grande partie est équipée d’une halle se trouve en amont de la gare routière. La capitale du Rungwe est bel et bien une ville, mais une petite ville. En effet, si l’on s’aventure ne serait-ce que quelques dizaines de mètres dans l’arrière cours du centre local, il n’est plus possible d’apercevoir les buildings qui ont laissé la place à des maisons urbaines d’un seul niveau. Une plantation de thé d’environ 10 ha est cultivée à moins de 400 m de la gare routière et à 150 m de la route. La ville s’est construite au pied de l’ancien fort colonial situé au point culminant du dôme (1540 m). L’urbanisation accompagne la topographie accidentée de la ville, elle suit les arêtes, sur lesquelles sont tracées les pistes le long desquelles sont construites les maisons. La ville est orientée selon une forme radiale irrégulière, dont le centre est la rue goudronnée reliant la B 345 aux bâtiments administratifs. Les nombreux bas-fonds sont des interstices cultivés dans lesquels des bosquets linéaires occupent les points les plus bas.

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