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La gamme des cultures réalisées dans les Uporoto repose sur des conditions environnementales favorables, sur la diversité de zones agro-écologiques, sur des systèmes de production éprouvés et sur une agriculture en lien avec le marché depuis plusieurs décennies. L’agriculture des Uporoto n’est pas homogène, les systèmes de production se sont adaptés aux conditions environnementales, sociales, historiques, politiques et économiques. La paysannerie montagnarde est articulée depuis des décennies à un schéma global, dont personne ne maîtrise vraiment tous les tenants et les aboutissants mais les changements et les adaptations plus ou moins contraintes s’opèrent. Il en résulte une diversité de paysages agricoles que l’étendue des différentes cultures peut dévoiler. L’association des plantes est très répandue, le fameux trio « haricot-maïs-café » occupe les superficies les plus importantes et il est complété par la banane dans le Rungwe. L’évolution des cultures commerciales modifie le paysage agricole.

À L’échelle des trois districts, en termes de superficie, les premières cultures sont le maïs, le haricot, la banane, la pomme de terre et le café ; en termes de volumes, le classement est la banane, le maïs, la pomme de terre, la patate douce, l’ananas, l’avocat, le maraîchage et le haricot (c). Les cultures représentant des superficies et des volumes faibles ne sont pas étudiées, tels les pois, le millet, le sésame et le sorgho que l’on trouve dans MR, le manioc, les ignames et le riz37 dans le Rungwe. Il est intéressant de raisonner d’après les indicateurs de superficie et de volume pour tenter de dresser le plus fidèle panorama possible, pour ne pas occulter une culture spécifique et pour mesurer le caractère intensif d’une production. Les tableaux suivants présentent les données issues des services régionaux de l’agriculture qui reçoivent les informations de chaque district38, j’ai travaillé et compilé les chiffres des trois districts pour dresser le tableau de l’agriculture des Uporoto. Au niveau des surfaces cultivées, on peut distinguer le maïs qui occupe une étendue supérieure à 100000 ha, puis les cultures dont la surface est comprise entre 20000 ha et 30000ha, soit le haricot, la banane, la pomme

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Le riz est cultivé dans l’interface du Rungwe et du district Kyela, soit à des altitudes inférieures à 600 m, dans le bassin de la rivière Rumakali, sur une surface de 1600 ha pour un tonnage de 3057 tonnes en 2008-09.

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J’ai indiqué nd (non disponible) chaque fois qu’il manquait des données permettant de faire la somme des trois districts. J’ai délibérément éliminé des données, et indiqué nd quand le chiffre était aberrant, trop différent des autres années, signe d’une erreur. Les chiffres en italiques sont peu fiables, peu conformes à la tendance ou peu pertinents, ils diffèrent trop de la série. Je les ai néanmoins laissés faute de mieux, car elles peuvent au moins donner des indices à défaut de statistiques fiables, de plus ils illustrent les difficultés à travailler avec les données statistiques dont la fiabilité n’est pas à toute épreuve.

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de terre et le café, puis les autres productions dont l’aire est inférieure à 9000 ha. En ce qui concerne les volumes, la banane se différencie par son tonnage supérieur à 400000 tonnes les deux dernières années, le maïs et la pomme de terre ont des tonnages supérieurs à 350000 tonnes sur la même période, puis un second groupe qui comprend la patate douce, l’ananas, l’avocat, le maraichage, le haricot et le thé avec des volumes qui s’échelonnent entre 17000 et 54000 tonnes, et enfin les cultures qui produisent moins de 4000 tonnes.

Ha MR MU R 2002-03 2007-08 2008-09 2009-10 2010-11 Taux évol. 2002-2011 % maïs 94274 104553 107599 108126 107643 14 haricot 27522 27486 26868 27823 26450 -4 banane 20000 24710 25433 25658 25050 25 Pdt 17536 22852 22963 23316 23760 35 Café 22455 22358 23358 17306 20858 -7 patate douce nd 8715 9080 8865 9295 7 pyrèthre 6473 3550 3824 3511 3511 -46 Thé 3600 5147 5147 2992 2992 -17 fruits 3150 nd nd nd nd Nd maraichage nd nd 1426 5079 2925 Nd ananas nd nd 2000 1002 nd Nd Blé 878 1390 1495 nd 1100 25 avocat nd nd 615 nd 642 Nd canne nd nd nd 31655 nd Nd

65 T 2002-03 2007-08 2008-09 2009-10 2010-11 Taux évol 2002-2011 % MR MU R banane nd 331217 374480 473611 501000 51 maïs 223935 255501 267904 366916 376751 68 Pdt 150200 268171 289845 413101 356400 137 ananas nd nd 48000 60196 nd Nd avocat nd nd 38253 nd 40146 Nd patate douce 29206 37979 39410 nd nd Nd maraichage nd nd 19764 54984 28700 Nd haricot 12238 17113 22367 31489 52900 332 Thé 8500 19344 22646 24534 13464 58 Café 2895 2876 3640 3917 5529 91 Blé 1725 2084 1910 1466 2200 28 pyrèthre 1945 1500 1282 nd nd -34 canne nd nd nd 42789 nd Nd fruits 28200 nd nd nd nd Nd

Tableau 2 Volumes produits en tonnes, districts Mbeya Rural, Mbeya Urban, Rungwe

Le maïs (mahindi) occupe les superficies les plus importantes et figure parmi les trois principaux tonnages. Elle est considérée comme une culture vivrière (food crops) par les autorités. La production dans la zone d’étude est tournée vers l’autoconsommation, le maïs exporté vers les grands centres urbains depuis la région Mbeya provient principalement du district Mbozi. Cependant, il peut être considéré comme du vivrier marchand dans la zone Umalila (MR). Cette céréale est la culture traditionnelle par excellence, utilisée pour préparer le mets atavique mangé quasi quotidiennement, le ugali39, c'est-à-dire le couscous qui est accompagné de légumes feuilles et de haricot (maharage). Cette légumineuse est également une denrée coutumière, qui revêt un caractère marchand croissant.

La banane (ndizi) est la culture omniprésente dans les paysages du Rungwe. Les superficies cultivées sont stables contrairement aux volumes produits qui augmentent fortement et constamment. Il est à noter que d’après mes observations, ces superficies sont sous-estimées, cela se confirme si on les compare avec les données du NBS pour l’année 2002 qui indiquent une surface égale à 46366 ha, soit le double du chiffre avancé par les services

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Le ugali est le couscous traditionnel fait à partir de maïs. C’est un aliment de base dans de nombreux pays d’Afrique intertropicale appelée foufou au Cameroun, attiéké en Côte d’Ivoire, etc. C’est une pâte réalisée à partir de farines bouillies (maïs ou manioc et parfois les deux mélangés, banane, féculent, tubercules et autres céréales).

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régionaux de l’agriculture. L’explosion des volumes au regard de la stagnation des superficies pose problème, soit la superficie est mal calculée, soit les volumes étaient sous-estimés les années précédentes. Pour la banane comme pour toutes les autres productions, la croissance des volumes peut aussi s’expliquer par une meilleure récolte des informations. Quoi qu’il en soit, la banane est la principale production en volume, elle est un élément ancien du système de production du Rungwe, sa croissance peut également traduire son orientation vers le marché.

La pomme de terre (viazi mvirungu) est une culture commerciale plantée au dessus de 1700 m. Autrefois, le solanum tuberosum était une production vivrière, c’est à partir des années 1980 que le tubercule est devenu une denrée commerciale, après l’introduction de variétés sélectionnées et les bouleversements des systèmes de production. Celle qui est nommée en anglais selon de mythiques origines irlandaises (irish potatoes) est cultivée de manière intensive, aussi bien au niveau des intrants que de la main d’œuvre. Ce mode de culture intensive explique des rendements importants et les volumes conséquents.

Le café (kahawa) occupe un peu plus de 20000 ha selon les services régionaux de l’agriculture. D’après le recensement de 2002, la caféiculture s’étend sur 35 % des terres cultivées du Rungwe et sur 9% de celles de MR, les rendements sont très inégaux : 300 kg/ha dans MR et 60 kg/ha dans le Rungwe. La santé de la caféiculture suit aussi les cours mondiaux de l’arabica négociés à la bourse de New York. Les caféiers du Rungwe ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, subsistant sous celle des bananiers florissants. Les plantations ne sont plus entretenues sur le piémont du volcan. Dans MR, des plantations industrielles viennent gonfler les chiffres, mis à part ces exploitations de grandes ampleurs, les arbustes

coffea ont perdu l’éclat et la fraîcheur des années fastes.

La situation est plus contrastée pour le thé (cai), les chiffres indiquent une baisse des surfaces cultivées et une hausse des volumes. Les cultures traditionnelles commerciales ne sont pas au cœur de ce travail, ces seules données contradictoires ne peuvent rendre compte de l’évolution de cette production. Le pyrèthre a beaucoup décru par rapport à la période glorieuse des années précédentes. Si les chiffres peuvent laisser subsister des doutes, des travaux ont montré que les paysans peuvent reconvertir leur système de production, c'est-à-dire passer de cash crops traditionnelles à des cultures plus rémunératrices et moins consommatrices d’intrants (Mwakalobo, 1997, 2000 ; Ponte, 1998, Sokoni, 2001).

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Les cultures vivrières comme la patate douce, le manioc connaissent une croissance constante, signe de l’essor du vivrier marchand destiné à la consommation montagnarde. Les données sur les fruits et le maraîchage sont délicates à travailler du fait de l’hétérogénéité manifeste des modes de calculs entre les districts, on peut cependant poser que ce secteur est aussi en croissance. L’absence de données peut être interprétée comme un indicateur des changements en œuvre, le plus frappant est l’exemple de l’ananas, de l’avocat et de la canne, qui n’étaient pas comptabilisés au début de la série et qui s’imposent comme des cultures commerciales.

L’évolution des surfaces cultivées par type de culture coorobore la présomption du développement des cultures alimentaires commerciales et du déclin des cultures commerciales traditionnelles. La parmentière et la banane voient leur superficient fortement augmenter. Les données concernant l’évolution des tonnages présentent des taux très importants, pour lesquels il semble prudent de garder des réserves. D’une manière générale, les volumes croissent et les cultures alimentaires commerciales ont vu leur tonnage exploser, en dépit des écarts de valeurs, les taux sont supérieurs à 50 % d’augmentation en moins de 10 ans, ils dépassent les 100 % pour la pomme de terre et les haricots. En dépit de la fragilité, on peut admettre qu’ils indiquent indubitablement un développement certain des cultures alimentaires commerciales, considéré comme l’affirmation d’un nouveau modèle agro-économique.

Les superficies cultivées en vivrier marchand et en cultures commerciales alimentaires augmentent sensiblement, celles des cultures commerciales traditionnelles (café, thé, pyrèthre) décroissent. Les rendements les plus importants concernent la banane, la pomme de terre et des productions s’affirment parfois aux dépens d’autres mais cela n’est pas systématique. L’agriculture des Uporoto est loin du cliché d’une agriculture figée, reproduisant à l’identique, selon le rythme des saisons des cycles immuables, au contraire, elle vit une véritable explosion.