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Troisième partie Du local au global : les mutations du quartier et les coexistences en question

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Introduction

Après avoir décrit les processus de formation de cette entité ethnique particulière, ainsi que les modes complexes d’insertion suivis par les migrants chinois arrivés en Grèce dans les années 2000, nous essaierons ici de répondre à la deuxième question centrale de notre travail. Rappelons que notre problématique se compose de deux parties : non seulement que l’insertion des migrants découle des caractéristiques sociospatiales propres à chaque quartier d’installation, mais aussi que cette insertion génère de fortes mutations dans le tissu social et spatial du quartier d’installation.

En même temps, cette partie montrera que leur installation découle de l’articulation entre l’échelle locale et l’échelle globale. En effet, le dynamisme entraîné par le commerce chinois de gros dépasse l’échelle du quartier et rayonne au niveau de la ville. Le rôle des commerçants chinois en tant que « nouveaux acteurs » influe sur l’échelle locale, mais reflète aussi une dimension globale : leur présence est perçue comme étant partie prenante de réseaux plus larges, associant la Chine et ses investissements économiques.

Dans le Chapitre 6, nous repositionnerons ce regroupement ethnique dans son contexte. Ses rapports avec les habitants et commerçants grecs seront examinés. Quelles sont les représentations qui émergent et comment peut-on définir les rapports interethniques ? L’objectif sera de mettre en lumière la ou les « coexistences » éventuelles en lumière. À travers l’analyse des appropriations spatiales, nous constaterons que la présence chinoise gagne en visibilité, et surtout sur les onze îlots étudiés. Nous analyserons comment cette forte visibilité est perçue, quels effets elle génère aux yeux des habitants et commerçants « autochtones ». Dans cette logique, nous étudierons d’une part les rapports qui se tissent entre habitants, et d’autre part, ceux qui se forment entre commerçants de gros. Concernant les représentations exogènes, c’est-à-dire celles prononcées par des membres de la société d’accueil à propos de la population chinoise, les arguments mobilisés seront mis en comparaison avec ceux rencontrés dans d’autres « quartiers chinois » à Paris.

Suivant cette logique, qui étudie les commerçants chinois comme étant partie prenante d’un ensemble urbain concret, le Chapitre 7 mettra l’accent sur les processus de

197 réhabilitation qui s’inscrivent dans Metaxourgio. Nous montrerons qu’à côté de la formation d’une centralité chinoise, le quartier connaît plusieurs autres dynamiques. Les références bibliographiques sur les notions et processus révélant une « gentrification ethnique » ou commerciale dans des quartiers centraux constitueront la base théorique de notre réflexion. En suivant l’évolution des prix de location des commerces chinois, ainsi que les relations privilégiées entre les membres de la population chinoise et les acteurs publics, nous mettrons l’accent sur le rôle de ces « nouveaux acteurs » à l’échelle du quartier.

Au final, cette troisième partie complétera la réflexion initiale de ce travail sur la forte articulation des échelles comme élément indispensable pour l’étude de ce courant migratoire. En effet, les perspectives futures pour une partie des commerçants chinois interviewés, quoique étant liées avec le contexte local, s’inscrivent dans une échelle globale. C’est à travers les effets positifs qui découlent des « bonnes relations » bilatérales entre la Grèce et la Chine, que nous analyserons les nouvelles perspectives qui s’ouvrent pour ce courant migratoire.

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Chapitre 6. Des lectures différentes de la présence chin ise.

Les coexistences en question

Suite aux processus sociospatiaux d’installation décrits, nous abordons une autre dimension de la territorialité induite par la présence chinoise dans le quartier de Metaxourgio. Cette notion, comme déjà mentionné dans le Chapitre 1, est définie comme la prise de possession d’un espace par un groupe (Raffestin, 1977). Elle véhicule une forte dimension symbolique qui décrit bien les appropriations spatiales intervenues.

Dans cette optique, nous mettons l’accent sur la territorialité qui émerge à travers les appropriations volontaires ou involontaires par la présence chinoise. Ici, le principal outil méthodologique provient d’une série d’observations effectuées sur le terrain d’étude. Elles décrivent tant les « mises en scène » des établissements commerciaux, que d’autres éléments visibles qu’entraîne cette présence dans l’espace public. Des documents photographiques accompagneront cette analyse.

Puis, ce sont les représentations, endogènes et exogènes, de cette présence qui compléteront notre lecture de cette territorialité. Le but sera de comprendre si ce « quartier dans le quartier », hors de ses activités économiques, est également un lieu où se rencontrent les représentations principales que se font les migrants. Il en va de même pour la société environnante. En d’autres termes, quels sont les processus de sa formation en « espace familier » pour les uns, et en espace « exotique » pour les autres.

Ensuite, nous mettrons l’accent sur la question des « coexistences » à travers l’étude des relations interethniques et, principalement, à travers les rapports entre commerçants ou habitants, grecs et chinois. Cette approche complétera la lecture sociospatiale et mettra l’accent sur les quotidiennetés rencontrées dans le quartier, terrain privilégié pour l’étude des relations interethniques.

La méthodologie suivie se base sur deux sources de données : les entretiens semi- directifs déjà mentionnés, ainsi que sur l’analyse ciblée d’articles de presse.

199 réalisés avec des membres de ce courant migratoire et principalement du quatrième axe thématique du guide des entretiens « Quotidiennetés et habitation à Metaxourgio ». (Annexe 1, Tableau d’entretiens I). Par ailleurs, 14 autres entretiens ont été menés avec des commerçants, autres professionnels et habitants grecs du quartier. Ces derniers ont été choisis par rapport aux différents rapports qu’ils entretiennent avec Metaxourgio. Il s’agit de trois commerçants de gros récemment installés et de trois autres installés de longue date : l’un est pharmacien, un autre est propriétaire d’un kiosque et le dernier, d’un magasin de meubles. Les trois autres enquêtés grecs sont de profession libérale : l’un travaille comme employé dans l’association des commerçants de Fujian, le second est propriétaire d’une compagnie de promotion immobilière et le troisième est concierge d’un immeuble. Cinq autres interviews ont été menées avec des habitants, dont deux sont arrivés après 2007 (Annexe 1, Tableau d’entretiens II).

La deuxième source est l’analyse critique d’articles de presse relatifs à la population chinoise et à sa présence dans la ville et le quartier. Entre 2007 et 2013, nous avons systématiquement recherché sur Internet par mots-clés tout article ou référence sur cette présence. Nous avons ainsi répertorié 17 publications qui ont comme sujet central le quartier chinois d’Athènes. Elles sont apparues dans des journaux à grand tirage, des revues d’intérêt général, hebdomadaires ou mensuelles, ainsi que des sites et blogs internet (Annexe 5, Tableau I).

6.1. Appropriations spatiales. Éléments de définition

La notion d’appropriation spatiale, que nous utilisons comme outil de lecture de la formation urbaine de Metaxourgio, s’inscrit dans la définition du « droit à la ville » avancée par Henri Lefebvre (2000 [1968]). Il s’agit d’une notion qui apparaît fin des années 1960 et qui saisie la dimension conflictuelle entre, d’une part, la ville vue comme un espace dominé par les institutions privées et les pouvoirs publics et, d’autre part, les citadins qui essaient de se l’approprier, de solliciter leurs « droits ». Le bâti, le sol et les lieux publics forment des enjeux majeurs du processus d’appropriation ou de « désappropriation » de ce même espace, selon Paul-Henri Chombart de Lawre (cité par Serfaty-Garzon, 2002). Dans cette même optique, s’inscrivent les travaux de Fabrice Rippol et Vincent Veschambre (2005 : 2) qui soulignent que l’étude de

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