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Petites et moyennes activités de commerce : un fort déclin dans le centre ville

Première partie Migrations et mutations sociospatiales à Athènes : la question de l’insertion dans la ville et de

2.2. Déclin du petit et moyen commerce à Athènes

2.2.1. Petites et moyennes activités de commerce : un fort déclin dans le centre ville

Les données de la Confédération nationale du commerce grec (ESEE, 2012) sont révélatrices des taux de vacance des entreprises dans la municipalité d’Athènes : en 2012, parmi les 6 532 entreprises recensées, 1 850 sont fermées, soit 28 %. Or, ce fort déclin du commerce, qui concerne surtout les quartiers centraux, n’est pas seulement dû à la récente crise économique. Il a fait son apparition dans les années 2000 et est étroitement lié avec la création de centres commerciaux et d’hyper-marchés hors de la ville, dans sa périphérie.

Soulignons que ce déclin devient encore plus alarmant si on tient compte du fait que les activités commerciales, surtout composées d’entreprises de petite et moyenne taille, étaient une des branches économiques clés de la société grecque dans les années qui ont suivi l’après-guerre. Une branche qui reste prépondérante jusqu’à la fin des années 1990. En effet, à partir des années 1970, le secteur tertiaire devient dominant dans

72 l’économie du pays, tant par sa participation à la production du produit intérieur brut qu’en matière de nombre d’emplois. En moyenne, entre 1980 et 2000, le commerce de gros et de détail regroupait 14,5 % des effectifs de la population active du pays (Chatzioannou, Aranitou, 2011).

Une des principales caractéristiques qui ont assuré la viabilité de ce secteur durant cette période était la relation étroite qu’entretenaient commerçants et propriétaires des unités de production de petite et moyenne taille. L’existence des nombreux réseaux commerciaux, souvent de la même firme, a permis d’importants profits économiques pour certains, surtout dans les secteurs de l’habillement et de la chaussure. Ils ont permis la vente des produits directement sur le marché, sans avoir besoin d’intermédiaires, répondant ainsi avec flexibilité à la demande (Vaiou, Hadjimichalis, 2003 [1997]; Chatzioannou, Aranitou, 2011).

Concernant la localisation des activités commerciales à l’échelle de la ville, nous voyons que le centre-ville en regroupe l’essentiel. Néanmoins, cette répartition n’est pas uniforme : plusieurs centralités commerciales spécialisées dans la vente d’une catégorie de produit, par exemple la quincaillerie, le tissu d’ameublement ou les boutons, se juxtaposent. À côté de la dynamique du centre, des quartiers centraux sont également dotés d’un riche tissu commercial. Ainsi, par exemple, à Kipseli, quartier situé à l’est du centre-ville et près de l’axe commercial de la rue Patision, les rues Drosopoulou ou Agias Zonis regroupent de nombreux commerces de proximité.

Nous pouvons décrire la géographie du petit et moyen commerce à Athènes comme suit : le centre-ville regroupe nombreuses activités qui s’adressent à une clientèle vaste, une clientèle de niveau métropolitain, tandis que les quartiers centraux sont composés surtout par un commerce de proximité et destiné à une clientèle locale – commerces alimentaire, d’habillement ou de petits services. En même temps, au niveau de la municipalité, se forment d’autres centralités commerciales à un niveau intermédiaire – entre les commerces typiques et les grandes surfaces. Ce sont surtout les quartiers de Patissia, d’Ambeolokipi ou de Pagrati.

Analysons maintenant deux facteurs qui peuvent, en partie, expliquer le fort déclin que connaissent les activités de commerce dans le centre-ville ; des facteurs qui sont aussi

73 liés avec l’apparition de l’entreprenariat ethnique et donc, bien entendu, du commerce chinois, qui nous intéresse.

À la fin des années 1980, parmi l’ensemble des entreprises commerciales recensées, le secteur alimentaire est majoritaire (22 %), puis suivent les commerces d’habillement (15 %) et ceux de meubles et d’électroménager (10,5 %). La catégorie « centre commercial et supermarché » (stakod n°641 et 652) ne représente que 0,6 % (projet de recherche, « Évolution du commerce de détail – INEMY », 2012).

Cette image change radicalement à partir des années 2000 et surtout à partir de 2005, avec l’adoption de la loi 3377 qui, indirectement, soutient la création de nouveaux grands centres commerciaux sur toute la périphérie de la région d’Attique (Balla, 2010).11 Depuis lors, ces centres, comportant des enseignes internationales connues, influencent le marché et conduisent à l’abandon du centre au bénéfice de la périphérie. La répartition de ces nouveaux types de commerce conduit directement à l’étalement urbain.

Entre 2000 et 2011, 18 grands centres commerciaux voient le jour. Il s’agit surtout d’unités mixtes, comportant également des activités de loisirs. Ces établissements, d’une surface totale d’environ 550 000 m², attirent un large public et sont une des raisons principales qui expliquent la baisse du chiffre d’affaires et la fermeture de nombreux petits et moyens commerces du centre-ville athénien (Attart, G. Polyzos, 2011) ; un ensemble qui donnait vie, tout au long de la journée, aux quartiers centraux de la municipalité d’Athènes.

La deuxième raison, qui crée de fortes pressions aux activités commerciales du centre athénien, est l’expansion galopante des activités de loisir. Il s’agit surtout des cafétérias et des bars qui croissent en grand nombre. Cette évolution se fait au détriment d’autres fonctions commerciales traditionnelles. Par exemple, dans le Triangle Commercial ou autour des places Agias Irinis et Karitsi. Même phénomène sur les axes Stadiou, Akadimias et Solonos, où le commerce cède sa place à des

11 La loi 3377 permet la création de centres commerciaux dans l’agglomération, et ce, sans aucune

autorisation préalable ou autre condition urbanistique. Au-delà des limites de l’agglomération, plusieurs autorisations doivent être obtenues pour la création d’un centre commercial.

74 cafétérias et autres types de restauration rapide. D’après le journal real-estate news (17/3/2014), diverses entreprises de restauration en chaîne, comme les boulangeries Choriatiko ou Attiki Fourni, sont en forte expansion et cherchent de nouveaux espaces à louer. Selon les données de la Confédération nationale du commerce (ESEE, 2012), ces activités sont les seules, actuellement, à avoir un chiffre d’affaires positif dans un contexte de crise.

Nous voyons donc que ces évolutions se font au détriment des petites et moyennes entreprises commerciales du centre et conduisent à la vacance de plusieurs commerces de détail (Aranitou, 2006). La multifonctionnalité des quartiers centraux, bascule au bénéfice d’une « monoculture » autour des activités de loisir. Ne manquant pas de souligner qu’à la fin des années 2009 et 2010, la chute du pouvoir d’achat des ménages est le facteur principal du déclin commercial (ESEE, 2012). Même les grandes surfaces sont affectées, puisqu’elles voient leur clientèle fortement baissée, mais à un moindre degré (Rousanoglou, 26/5/2012 ; Lempesi, 19/8/2012).

C’est dans ce contexte spécifique que l’apparition du commerce chinois, surtout à partir les années 2000, peut être mieux contextualisée : il répond aux nouveaux besoins du marché et comble une demande pour des marchandises à bas prix.

Par la suite, nous étudierons, à une échelle spatiale plus réduite, le phénomène des « commerces vacants ». Le but étant de mieux comprendre le rôle de l’entreprenariat

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